Oxfam Trailwalker (21-22/05/2016)

Date de publication : May 24, 2016 5:14:23 PM

Assez rapidement on prend la clé des champs et on se retrouve hors d'Avallon dans cette magnifique prairie vallonnée de Bourgogne, le parc régional du Morvan. L'ambiance est joyeuse même si les gens pour le moment discutent entre co-équipier, on ne se connaît pas encore. Contrairement à un trail où la plupart des gens sont assez bien entraînés, ici la foule est très diversifiée, certains semblent assez sportifs tandis que d'autres semblent s'être mis en forme pour l’événement. Je ne sais pas exactement ou se situent mes deux comparses avec qui je marche et mentalement j'adopte la carte du partir doucement pour bien arriver. L'objectif est de tous être sur la ligne d'arrivée et en état acceptable.Le parcours est d'une distance de 100 km et 2538 m de dénivelé positif et négatif. C'est assez roulant avec quelques montés un peu plus raides mais c'est la Bourgogne et non les Alpes. Routes et chemins composeront l'essentiel du trajet avec peut être 30% de sentier.

Le peloton est assez compact encore pour le moment. Le soleil chauffe bien malgré l'heure. Rapidement, on aura droit à un des petits plus de notre aventure : la boue! Sous toutes ses formes et dans toutes ses splendeurs on la trouvera. En marre, en lac, en long et en large. Dans tout un camaïeux de brun allant de l'argile clair au marc de café, du brun dans toute les teintes. C'est assez marrant au début de voir les gens essayer de contourner chaque flaque mais arrive un point ou c'est peine perdue; pente escarpée de chaque coté et 100 m de long de boue mieux vaut y aller franco les deux pieds dedans.

Ce premier tronçon se déroule très bien. On discute ensemble. Je fais connaissance avec Sarah que je ne connaissait pas avant le trail. Premier point de contrôle PC1 à Saint-Père, 18 km de fait et il est plus de midi. On a tous très faim et on a hâte de manger quelque chose de salé mais déception au ravito c'est que du sucré, heureusement il y a du pain. Annelise et Marie nous accueillent ensemble. On ne tarde pas trop vu le menu et petit stop à la voiture pour ajuster le sac, la tenue et se remettre un coup de crème solaire. Le soleil brille de tout ses feux.

On passera le panneau 20 km vers 13:30. Sensation étrange pour un coureur d'être en action depuis 5 heure et de n'avoir fait que cette distance. C'est dans les vignes peu après qu'on fait la rencontre avec le photographe d'Oxfam qui semblait bien s'amuser à imaginer un scénario pour chaque équipe, nous on a eu droit à la petite sieste dans l'herbe. Je vous assure qu'on ne dormait pas pour vrai. Les enfants ne croyez pas ce que vous disent les images, on vous ment! On est au plus chaud de la journée et pas vraiment restauré, c'est un point un peu dur. Sarah nous fait part qu'elle commence à ressentir une douleur au genou. On fait même la photo genou au panneau 30. Le parcours est montant jusqu'à l'arrêt suivant.

PC 2 Bazoches, 32 kilomètres au compteur. Heureusement, cette fois on a droit à un sandwich et taboulé. Ça nous fait grand bien. Maïté, en bonne chef s'occupe de regarder le temps et nous dit qu'il ne faut pas tarder et partir rapidement. Comme à mon habitude, je ne suis pas trop au fait de ce genre de détail et pour le première fois que je fais un événement sportif non-compétitif la barrière horaire me court après, mais c'est quoi ce bordel! Je demande même a voir le timing prévu par l'organisation. C'est qu'elle a raison, faut qu'on s'active les fesses. Marie fait un massage à la jambe de Sarah pour apaiser la douleur, on refait les provisions de barres et d'eau et on doit repartir sous les encouragements de nos supporteuses.

Sur le tronçon suivant la tension monte un peu. Maïté veut pousser de l'avant pour rattraper le retard accumulé et la douleur de Sarah ne va pas en s'améliorant. Je suis un peu au milieu et je navigue d'une à l'autre. Je veux aussi pousser mais sans mettre de pression. On est tous conscient que si elle abandonne le retard cumulé nous suivra jusqu'à la fin mais il faut y aller pour l'équipe et souhaiter que ça passe. On alterne de paysages forestiers à des champs agricole de colza d'un jaune vif, de jeunes pousses de blé encore bien vert, de pâturages où règne la vache charolaise qui broute nonchalamment dans ce paysage superbe. C'est calme et presque intemporel. Les villages sont très bien conservés avec les jolies maison de pierres. La distance entre les équipe est plus grande et il arrive parfois d'être relativement seuls. Les gens que l'on croise sont ceux qui naviguent à notre vitesse, on se reconnaît mutuellement et on discute de plus en plus entre nous. L'ambiance est joyeuse malgré le retard et la fatigue qui commence à se faire sentir. Le soleil doucement glisse vers l'horizon.

PC3 St-Martin-du-Puy, 44 bornes dans les chaussettes. Arrêt très rapide. Nos deux acolytes nous attendent avec les ponpons et tout! Mais pas le temps de se poser beaucoup. Remplissage de l'estomac, du sac de la gourde. On se prépare pour la nuit. On enfile des vêtements plus chaud, la frontale est dans le sac, la veste pour la pluie aussi, la météo annonce possibilité de pluie dans la nuit et le vent souffle très fort. Il est un peu plus de 20h30, déjà 12 heures qu'on est en route. Massage pour Sarah et c'est parti. Le moral est bon. La douleur se calme pour elle et c'est que de la descente au début de cette nouvelle portion. Le paysage magnifique, avec la lumière du couchant et le sfumato pourrait très bien servir de toile de fond à un De Vinci me fait remarquer Sarah. On marche a plein pied dans une toile de la Renaissance, elle a bien raison. 22:00 panneau 50km!! Enfin la mi-parcours. La nuit est tombée mais il fait encore chaud, on se croirait en nuit d'été. Les heures à venir seront les plus difficile pour moi. La fatigue commence à se faire sentir fortement. La douleur de Sarah revient de plus en plus et Maïté aussi commence à sentir la fatigue au corps.

PC4 Quarré-les-Tombes, il est autour d'une heure du matin quand on s’assoit enfin après 58 km. La ville porte bien son nom, à ce point de contrôle il y aura beaucoup d'abandons, d'autres auront des malaises. Les pompiers transportent une personne sur un brancard. Beaucoup sont dans le dur, dont moi. Mais Sarah encore plus. Elle hésite à abandonner. Marie nous accueille comme toujours avec le sourire et est au petits soins avec nous. On en a besoin. Niveau bouffe le timing est parfait, c'est le repas chaud. Des pâtes! Que c'est bon des pâtes! Ce sera la longue pause du trajet. Maïté en profite pour aller se faire masser et moi pour me boire un grand verre de thé et me reposer bien assis les fesses sur une chaise de plastique. Il est deux heure quand on se remet en marche.

Le repas aura eu un effet bénéfique pour tout le monde. On repartira plusieurs équipes regroupés ensemble. Le moral de tous est à bloc. L'équipe 233 sort à moment un petit haut parleur et c'est sur I will survive que tout le monde se met à danser sur la route complètement déserte du parc du Morvan. On se serait cru dans un épisode apocalyptique. Un zombie aurait très bien pu sortir d'une grange à ce moment. Une fois dans la forêt ce sont les histoires porn qui ont été à l'honneur. Chacun devait raconter une histoire inspiré de trois thèmes clés dicté par la foule. Tout y est passé, travestie, doigt de pied et Jacques Chirac ont entre autre été à l'honneur. Beau moment euphorique en pleine nuit au milieu de la forêt de la Bourgogne. Le tout s'est arrêté aussi brusquement que c'était parti après, semble t-il, une blague un peu trop salasse... La pleine lune nous éclairait dans les champs et les nuages se sont dispersé petit à petit. La pluie n'est pas venue. Le chemin est long pour se rendre au prochain arrêt. La jambe de Sarah est de plus en plus raide. Elle n'arrive plus à faire les descentes en marchant tout droit, elle doit y aller en diagonale pour apaiser la douleur. A un moment je lui prête même l'épaule pour qu'elle puisse y mettre la main et soulager un peu sa jambe. Pour Maïté ce sera le même principe mais pour soulager la fatigue. Sur la route elle se place derrière moi une main sur mon épaule et se ferme les yeux, elle en arrive même à dormir tout en marchant. Je suis flatté dans mon ego de mâle de la confiance qu'elle me porte.

On voit poindre tout doucement le jour de ses teintes pastelles douces en arrivant sur le PC5. Le compteur est à 71 à St-Léger-Vauban. Ce coup çi c'est Annelise qui prendra soin de nous. Drapeau blanc pour Sarah. Elle se sera battue comme une guerrière mais la douleur devient insupportable et c'est pas la peine de se blesser gravement pour un événement ludique. Maïté file se coucher quelques minutes sur un des lits de camp à notre disposition. On ne peut continuer seulement à deux, il faut être trois ou plus. C'est Annelise qui s'occupe de la logistique de nous trouver une équipe avec qui on partira. La fatigue me gagne aussi et j'y suis très reconnaissant de s'être chargée de ça. J'ai l'énergie nécessaire pour me faire un thé et m’asseoir pour manger un bout. Bonne nouvelle on partira avec l'équipe 136 Peace and walk avec qui j'avais discuté un peu juste avant d'arrivé là. Mauvaise nouvelle, on doit partir dans 5 minutes. La barrière horaire nous colle toujours aux fesses. Je réveille Maïté qui sursaute prête à bondir dans ses chaussures. Présentation des deux équipes, c'est avec Sylvie, Estelle, Cyrielle et Jean qu'on prendra la route.

Le jours se lève et la lumière du jour nous fait grand bien. Les distances seront moins longues entre les prochains point,12, 9 et 8 km avant la fin. Il est un peu plus de 6 heures quand on reprend le bitume. Malgré tout l'arrêt a fait son effet et aussi d'être à plusieurs, on discute le temps passe et la distance aussi. Chacun y va de sa petite histoire de pourquoi il est là, d'où il vient, etc. L'ambiance est légère et agréable. Par contre, le ciel se couvre de plus en plus. On croise le panneau du kilomètre 80 à 8h34 et la pluie ne tardera pas à se joindre à nous jusqu'à la ligne d'arrivée. Je reprends du mieux, les sensations sont pas trop mal. Une douleur sous la paume du pied gauche ou la peau commence à être irrité, une petite douleur aux hanches à l'articulation des cuisses mais c'est tout. Maïté n'arrive plus à manger depuis un certains temps, elle commence à avoir du mal même avec le mot sucre. Ses forces diminuent rapidement. Son pas devient de plus en plus lourd et les montés de plus en plus difficiles. Elle avance avec peine. J'essaie de la soulager en l'aidant de ma main sur le bas de son dos sous son sac pour la soulager du poids de ce dernier et lui donner une petite poussée sur quelques kilomètres.

C6 – Cussy-les-Forges, kilomètre 82. La barrière horaire nous suit encore de près pas de repos possible. Je demande à Maïté ou elle en est, si elle se croit capable de continuer. Les yeux rougis de fatigue elle me dit oui. Elle puise dans ses ressources et elle veut aller au bout. C'est reparti pour 9 km. On mettra un temps fou à croiser le fameux panneau 90 mais quel bonheur de lui voir la tête à celui là! Les serres file ou voiture balai sont avec nous en ne vont pas nous quitter jusqu'à la fin.

PC7 – Magny au 92. Arrêt bref une fois de plus mais on respire déjà mieux. La fin est proche. Juste avant de partir Maïté demande à la bénévole au check out si la route à venir est belle. « Pas de boue et de la route, une dernière pente à monter avant d'arriver à Avallon ». Super. On repart et pas deux cent mètres après c'est un grand chemin de boue qui nous attend sur au moins un kilomètre... Il faut ce qu'il faut. On essaie tous les six de contourner du mieux qu'on peut les lacs et marres qui obstruent le passage. La distance défile doucement mais sûrement. Les bénévoles qui ferment la marche avec nous remontent le moral de Maïté et lui font oublier la douleur de chaque membre de son corps. Enfin le panneau Avallon! Mais la dame avait bien raison il reste une bosse d'au moins 100 mètres à monter.

La ville. Nos supporteuses. La rue. Le plat. La fin. Les bénévoles se joignent petit à petit à nous dans la rue et on se met tous à chanter à plein volume sous l'instigation de Maïté :

Dans la troupe, y a pas d' jambes de bois

Y a des nouilles mais ça n 'se voit pas

La meilleure façon d' marcher, c'est encore la nôtre

C'est de mettre un pied d'vant l'autre

Et d' recommencer!

Enfin l'arche d'arrivée en vue! On monte la rampe sous l'acclamation de la petite foule des gens d'Oxfam. C'est l'euphorie, pour nous d'avoir accomplie tout le parcours et pour eux car nous sommes les derniers participants à passer. Gros moment d'émotion à l'arrivée, Maïté qui lâche tout avec les larmes qui coulent sur les joues. Moi aussi j'ai eu la larme à l'oeil et même sur la joue. Podium pour la photo, l'équipe 136 et les bénévoles d'Oxfam se joignent à nous pour le moment final de ce Trailwalker 2016. On aura mis 30 heures et 17 minutes.

Cet événement avait pour but de recueillir des fonds et donner de la visibilité à Oxfam. Ce n'était pas un événement compétitif mais tout de même bien sportif. Bien content de ma gestion de l'alimentation, de l'équipement, de la douleur sur cette distance, c'est très sécurisant pour l'UTB à venir en Juillet. J'ai passé un moment fabuleux avec tous les gens que j'ai cotoyé tout au long. Un immense merci aux bénévoles d'Oxfam qui ont été extra. Particulièrement ceux qui nous ont suivi sur la fin. Je dois lever mon chapeau à mes drôles de dames, Marie et Annelise pour avoir pris soin de nous malgré nos geules de déterrés, Sarah pour avoir combattu si longtemps et Maïté pour être aller au bout d'elle même et de ce parcours. Une expérience humaine à faire.

Les photos sont d'Oxfam, Jean-Gabriel, Marie et moi.

Maurice

Toc, toc, toc. 6h50. Merde! Ce sont les filles qui cognent à la porte, elles sont prêtes à partir. Jean-Gabriel, un des membres de l'équipe, et moi on dort comme des bébés. En brillants esprits mathématique, la veille, on s'est dit et si on mettait le réveil à 7h10 pour un départ à 6h45. Pour lui passe encore, le pauvre souffrait d'une otite qui l’empêchera même de prendre le départ, mais pour moi... En vitesse on emballe tout et on file à Avallon rejoindre le reste de la troupe.

L'équipe 057, « La meilleure façon de marcher est de mettre un pied devant l'autre et de recommencer » se compose de Maïté, la chef, l'instigatrice, la tête de l'organisation; Sarah, la jeune ambitieuse, les deux larrons cité plus haut et nos deux supporteuses Annelise, la vétérante qui a déjà fait le trailwalker et Marie la souriante. Ce sont elles qui vont être notre support sur les points de contrôle, ce qui nous permet de partir en mode léger avec ce qu'on a besoin entre deux points. C'est pas le luxe ça!

Environs 1000 coureurs sont inscrit et se répartissent sur deux départs, 7h30 et 8h30. Nous sommes sur le second avec quelques centaine de personnes. Il fait un temps magnifique, le ciel est bleu d'un bout à l'autre. On se croit en été. Le short est de mise. Après quelques discours place aux échauffements durant environs une dizaine de minutes. Ensuite musique dramatique à fond la caisse et le départ est donné. Sensation très étrange, pour un traileur, de ne pas courir, mon corps est en tension mais non, on continue à marcher simplement, un pied devant l'autre. Faut s'y faire ce sera le rythme des trente prochaines heures.