08-06-2019 : Mont-Blanc : But à la Brenva

Date de publication : Jun 10, 2019 1:48:12 PM

Après 2 « cartouches planning » grillées à cause de la météo du mois de mai, Juin nous a laissé une fenêtre de tir pour tenter le Mont Blanc à ski.

Après quelques détours et déviations dans les gorges de l’Arly entre autres, Ju et moi rejoignons Jeanne et Mric qui ont dormi en altitude pour faire du globule, à Cham’-Les-Bourges, au départ du téléphérique de l’Aiguille du Midi. Une fois les sacs fignolés et les cars de touristes Chinois doublés (ils devaient être deçus car le 2e tronçon était fermé pour cause de vent ce jour, les pauvres ! J), nous prenons l’ascenseur pour gagner 1000m+. C’est toujours ça de pris !

La montée au refuge des Grands Mulets (3050m) n’est pas très compliquée mais assez longue et surtout pas motivante. Et pour cause, il faut slalomer entre les moraines, les pierriers sans neige et puis un peu les crevasses. Le clou du spectacle est bien la traversée du glacier des Bossons (Replat et Jonction). A cette saison, toutes les crevasses sont encore bien bouchées. Les séracs restants sont un spectacle exceptionnel. On joue à imaginer des figures ou des noms à ces sculptures (monolithes, tête de bonne femme, …). Il y a juste un passage scabreux de 20m de long pour rejoindre la pente sous le refuge, où un amalgame sale de trou, glace et caillasse doit être franchi en portage.

Après un demi-pique-nique dans la dernière pente, nous rejoignons l’accès au refuge, qui se fait sur le rocher avec les câbles qui vont bien.

Ju et moi prenons un peu de repos (et un aspirine pour le léger mal de tête) pendant que les jeunes amoureux vont soigner le début de la trace du lendemain (Merci !).

La météo pour le D-day est encourageante mais pas trop tôt : « 2 flocons » avec léger orage jusqu’à 4h du matin puis grosse éclaircie. Le vent 80km/h se calme en toute fin de matinée. Après moultes discussions et récoltes d’infos auprès du gardien du refuge, nous optons pour l’option : Lève-tard en passant par l’arête du Goûter avec la quasi-certitude que, si nous faisons le sommet, nous n’aurons pas le temps de prendre la dernière benne au plan de l’Aiguille et ce sera donc redescente à pied … Ce sera donc réveil à 4h au lieu de 2h du mat’.

Des parties de dominos, une bonne soupe (et plus) et au lit à 20h. Et alors là il faut essayer de dormir … avec l’altitude et le stress du lendemain et tout et tout … Bon, j’ai bien dû dormir 2-3h entrecoupées, c’est déjà ça !

Driiiing ! Réveil vite fait. Je jette un petit coup d’œil par la fenêtre : On voit pas mal la vallée et les étoiles et une cordée est déjà sur l’arête du Goûter. C’est bon ! Branle-bas de combat … enfin bref on décolle effectivement skis aux pieds à 5h25. Le jour est déjà levé donc pas besoin de frontale.

Nous partons en direction de l’arête du Goûter comme prévu mais, avec la lumière du jour, nous voyons de plus en plus de tourbillons de neige. Prise de décision en live : Ce sera la « voie Royale » classique des Petites Montées au Grand Plateau, avec les monstres séracs qui nous pendent au-dessus.

Bonne décision car le vent est « standard » dans ce vallon. La neige est dure avec un bon grip mais il faut rester très concentrer pour ne pas glisser et replonger sur les Bossons.

Le « Crux », c’est la traversée du Petit Plateau. Le gardien a dit « Zone de danger objectif. Faut pas traîner. Laisser des distances entre vous mais c’est que 15 minutes. » Roger ! Gogogo ! C’est quand-même sacrément beau de traverser les vieux blocs de glace bleu !

Juste avant d’arriver aux crevasses au bord du Grand Plateau, le vent nous accueille bien comme il faut. Tourbillons de neige et tout et tout. Evidemment, c’est ce moment-là qu’une de mes peaux choisit pour ne plus coller au ski. Il faut donc sortir les doigts dans le froid et faire une manip’ rapide dans ses conditions … rigolotes ! Ca passe !

Nous avons assez peu de répit sur le Grand Plateau, juste le temps de faire le point sur le groupe. On a tous froid. Le vent turbine sur toutes les crêtes. Le sommet est compromis et même plus. Après un moment de discussion, nous prenons l’option d’aller en direction du col sous Vallot qui semble moins ventu. M’ric nous tanne avec la montée par la face Nord. Oui, c’est beau et exceptionnel mais vraiment trop engagé avec un grand passage avec des seracs sur la tête. Après 15 minutes de ski, il s’avère que les conditions sont de pire en pire. Nous gelons et Ju est cuit … Encore une pause au ras des 4000m. La décision est prise : Ju et Jeanne font demi-tour et M’ric et moi continuons, via l’itinéraire du Corridor qui est déjà tracé et semble sans vent jusqu’au col de la Brenva. Go !

Dans ce cirque au pied de la face Nord du Mont Blanc, l’ambiance est exceptionnelle : à droite des dômes de glace arrondis, en face, the Summit et, à gauche, les aiguilles acérées et les glaciers suspendus avec d’énormes crevasses. Breath-taking !

Avec M’ric, nous redescendons avec les peaux jusqu’au pied du Corridor. Petit en-cas, petit portage et nous rejoignons la cordée de devant. L’altitude se fait de plus en plus sentir. Mes pas sont de plus en plus courts et lents. Un fond de mal de tête se balade sous mon casque. Plus nous avançons vers le col de la Brenva, plus le vent forcit. Nous devons nous tenir au sol pour ne pas être poussés à terre. Les voyants de mon corps commencent à s’allumer les uns après les autres : froid, fatigue, souffle court, faim, … Heureusement, M’ric « accepte » que nous nous encordions. Disons que ca va me donner le rythme ! Arrivés au col, c’est intenable, même si le vent est dans notre dos à ce moment. Voilà ! c’est fait ! Abandon groupé avec la cordée qui nous suit. Il y a maintenant un passage en glace, exposé au-dessus d’une barre, appelé le Mur de la Côte. Avec ces rafales, c’est trop risque. Snif ! On reviendra.

Après une manip laborieuse dans ces conditions et un enfilage de la grosse doudoune et des grosses grosses moufles, nous descendons face au blizzard. Le rêve ! La neige est sous forme de dunes de 50cm de billes de polystyrène de 3mm sur fond dur … Une chose est sûre : on ne retiendra pas la descente de cette course, vue la neige béton, trafolée et regelée. On repeaute au Grand Plateau et on descend comme on peut jusqu’au refuge, où nous retrouvons Jeanne et Ju et notre pique-nique. Pas le temps de traîner, il y a encore plus de 2h pour rejoindre le téléphérique. Jeanne et Mric prendont l’option du maître « Profi » sur les Bossons mais mauvais choix : le slalom entre les crevasses … c’est très long, même en suivant un guide !

Bref, après une bonne course contre la montre, 3-4 déchaussages et une remontée en peaux et un portage entre le granit et les bruyères, nous débouchons à la gare ! Pfiou ! Très brusque retour à la Civilisation (No comment !).

Au final, super sortie. On est vivants. Dommage pour le sommet mais on reviendra.

Il faudra penser à revoir l’acclimatation, la prépa technique, le mental, la bouffe, la météo, … Bref vivement dans l’année prochaine !

Merci les potos ! et merci pour les photos !

Syl