Grand Raid – Trail du Bourbon (21-10-2016)

Date de publication : Nov 01, 2016 8:47:16 AM

Avril, Montréal, décalage horaire. Ça sonne. Jé au bout du fil :

    • - Je m'en vais à la Réunion en octobre faire la Diagonale tu viens?

    • - Eeeh... Tu me laisses un peu de temps pour y penser?

    • - Prends ton temps mais il faut que je sache dans une semaine.

Le projet est arrivé comme ça. Je contacte l'organisation pour m'inscrire sur le Bourbon et le tour est joué. Ce sera un gros morceau : 111 km et 6430 mètres de dénivelé positif sans bâtons! Mon objectif de l'année vient d'apparaître sur le calendrier.

Six mois plus tard... Après quelques jours de reconnaissance du parcours (et de plage aussi) avec Jérôme et François c'est enfin le jour J. Le départ est à 21 heure au stade de Cilaos. Après trois heures de bus dans la route aux 400 virages, débarquement pour inspection des sacs et continuation de l'attente dans le stade. Le temps est froid et humide et à quelques secondes avant le départ, les premières gouttes de pluie se mettent à tomber.

J'avais tellement hâte de commencer à courir que je ne me rappelle presque plus du décompte. Une petite foule est massée de chaque côté de la route pour nous encourager. C'est parti pour ce premier tronçon qui nous amène au Bloc. Si j'ai tiré une leçon du Beaufortain c'est, vas-y lentement mais sûrement. Ce sera mon programme de course. Jamais a fond, toujours courir quand c'est possible. C'est ce que je fais, je courre le plus que possible mais toujours dans ma zone de confort. Comme cette première partie est sur route ça permet de doubler beaucoup de coureurs pour ne pas être trop en mauvaise posture pour la montée sèche qui s'en vient.

Ce sera la file dans cette montée, du pied au refuge Dufour qui sera le point culminant à près de 2500 mètres. Plus on monte et plus la météo se dégrade, le vent se lève et la pluie s'intensifie. Heureusement, durant la majeure partie une couverture forestière nous protège partiellement. Mais arrivé sur le plateau là haut c'est la tempête, j'ai sur moi tous mes vêtements. Premier point de contrôle, c'est l'entonnoir! Gros bordel. Plusieurs centaines de coureurs arrivent et une seule personne de l'organisation doit scanner chaque dossard un à un. Il doit faire tout près de zéro. Premier ravitaillement je ne traîne pas et continue.

Ce sera la file sur encore plusieurs kilomètres où enfin à un tournant, je peux voir devant moi, huit ou dix coureurs devant, l'origine du bouchon. Je double n'importe comment et enfin je suis libre! Personne devant, personne derrière. La nuit, la pluie, la jungle. C'est magnifique cette forêt de Belouve. Le parcours est très accidenté, cailloux, racines, échelles, boue, etc. Mais par moment c'est possible de courir malgré tout. Les sensations sont excellentes, je me sens des ailes dans le dos, même pas l'impression que les pieds touchent par terre. A Hellbourg, je pointe 393ième. Les ravitos sont bien remplis, il y a de tout. Je m'enfile plusieurs morceaux de sandwich pain de mie qui me semblent être la meilleure chose au monde, café et hop c'est reparti.

La Réunion c'est la pays du trail. Pas de doute. Ils étaient plus de 20 000 à assisté au départ de la Diagonale à St-Pierre. Je suis en plein milieu du cirque de Salazie, il est plus de trois heure du matin, et devant leur maison les gens sont là pour nous applaudir, seul ou en famille. Incroyable. Quelques kilomètres de descente pour mieux entamer la remontée vers le col de Fourche. Près du sommet le jour commence à pointer son nez et au col même les nuages cèdent le pas au bleu du ciel. Mafate. Sortie du brouillard, de la nuit et entrée dans Mafate, c'est impressionnant. A gauche le Piton de Neiges, sommet de la Réunion et partout autour cette immense paroi qui constitue le cirque. La descente vers Marla sera agréable et permet de relancer dans cette superbe forêt très peu dense. Arrivée au village, ravitaillement et premiers rayons de soleil. Premiers signes de fatigue aussi, je commence à sentir la nuit et le premier marathon dans les jambes. Je me gave de pâtes, de sandwich et de ce somptueux poulet fumé! Je prends quelques minutes pour me poser sur mes fesses et ça fait du bien.

Vu de haut la distance pour Roche Platte, le prochain point de contrôle semblait tout près. Mais dans Mafate, ça monte et ça descend et ce n'est que deux heures plus tard que j'y suis. C'est le point de jonction entre le parcours de la Diagonale et le nôtre. Pour nous 50 km de parcouru et 12 heures, pour eux 100 et 36 heures. La différence est notable dans l'état physique. Plusieurs dorment dans leur couverture de survie, une petite sieste avant de repartir. Je suis en grande forme, je ne traîne pas et j'attaque la montée du Maïdo, qui est notre dernière grosse montée sèche du parcours.

Je ne me souviens plus exactement pour quel challenge mais cette montée du Maïdo était chronométrée sur notre parcours. Sur les 1103 coureurs qui l'ont fait je me classe 89ième avec un temps de 1h16 pour ce kilomètre vertical. Malgré la chaleur tout va pour le mieux. Je double un paquet de coureurs surtout de la Diagonale. Je crois que par la suite je vais un peu payer le prix de cette jolie montée...

C'est la sortie de Mafate et le début de la longue descente de 14 km vers Sans Souci. Retour dans les nuages qui s'accrochent en bordure du cirque. C'est pas plus mal, ça rafraîchit. Les sensations commencent à être un peu moins bonnes, je sens la fatigue qui s'installe et la douleur sous les pieds, surtout au droit. Une ampoules commence doucement à se mettre en place sous la voûte plantaire entre le coussin du gros orteil et le reste du pied. Sans Souci, il est un peu plus de 14h, je pointe 196ième. Il fait chaud, très chaud. On est redescendu à 350m d'altitude. Un peu plus de 17 heures de course dans les pattes. C'est une base de vie, j'ai un sac qui m'attend avec des chaussettes propres et de la crème pour les pieds. Je croise Laurent qui attend pour Mélissa. Je ne tarde pas, reste encore un marathon devant.

La suite sera le moment le plus pénible pour moi. Gros coup de chaud dans la montée des champs de canne à sucre en plein soleil. Il doit faire 35 degrés. Le mental en prends un sacré coup. J'avance à deux à l'heure et même peut être moins. En plus il y a des descentes très techniques où il faut se tenir après les arbres, les lianes, les cordes, ça bouchonne. En vue de la Possession j'arrive à relancer un peu et le soleil se couche tout doucement à mon grand soulagement. Surprise sur le parcours, François est là pour m’accueillir un peu avant le ravito. Il me dit que Jé a terminé mais qu'il est couché. Mais qui est-ce que je vois un peu plus loin, le Jé lui même. Les coquins; ) Ça fait du bien de voir des têtes connues, de sortir du tourbillon. Il y a une bonne foule pour nous encourager, je sens mes jambes revenir. La nuit ne va pas tarder à se mettre en place.

Chemin des Anglais. Sur Wikipedia, ils disent : « grossièrement pavé de basalte depuis 1775... » J'aurais pas dit mieux. J'aurais même appuyé sur le « grossièrement ». C'est environs 7 ou 8 km de chemin de gros blocs de pierre parfois bien posés, parfois de biais, parfois absents. Il faut continuellement regarder le faisceau de sa lampe frontale pour savoir où mettre le pied. En même temps ce n'est plus la montagne, la vigilance se relâche d'un cran mais c'est l'endroit rêvé pour se faire une cheville. Après plusieurs bosses et quelques centaines de mètres de dénivelé c'est enfin la descente vers Grande Chaloupe et la dernière montée vers le Colorado.

Cette dernière sera beaucoup plus longue que je croyais. Je vais parcourir la distance finale avec un coureur de la Diagonale. Ça permet de garder le cap, de ne pas ralentir et de discuter un peu pour garder le moral. Interminable est le mot qui me vient en tête. Faut rien lâcher si près de la fin mais impossible de relancer. C'est seulement en vue du stade de Saint-Denis que l'appel de l'écurie prendra le dessus. Sprint final pour le club et je franchis la ligne d'arrivée après 26h34 pour une 127ième position, 38ième de ma catégorie, master 1 homme.

Je suis très content de ma gestion de course, plus que satisfait de ma progression tout au long et de mon classement. L'organisation était au top. On voit qu'ils ont l'habitude. Tout est rodé. Plus de 1500 bénévoles, c'est énorme! Merci à eux! Merci à Jérôme pour l'invitation, à François pour le support et les photos et à tout ceux qui m’encourageaient derrière leur écran.

Encore quelques échelons à gravir mais pourquoi pas une prochaine fois sur la Diagonale...

Les résultats

Maurice