Mon Grand Raid des Pyrénées 2012

Date de publication : Aug 29, 2012 10:31:26 AM

Au Merlans, je me fait badger, puis je m'assois pour récupérer un peu et essayer de me réchauffer. Au bout de 5 min, je veux me lever pour manger un peu et là, je manque de tomber... Je me rassois de peur de me faire arrêter si prêt du but et prends deux gels. Je retente le coup et ça semble aller mieux. Je bois un café, une soupe, mets mon collant et repars. L'organisation exige que nous repartions en groupe par raison de sécurité.

A ce niveau de la course, nous avons déjà parcouru 131 km et fait 8200 m de dénivelé et pourtant, mes sensations vont être exceptionnelles... Tous les copains Ultra traileurs m'avaient parlé de ces moments d'euphorie, mais là, c'est un truc de fou, je me retrouve dans un autre monde. Bien sur, je ne suis pas monté à 1000 m/h, mais les émotions, les bouffée de chaleurs m'ont réellement montées jusqu'au Col de Barège pourtant tant redouté des coureurs. Là haut, les conditions sont difficiles, il doit faire 4°C, il pleut, il y a du vent, c'est pour cela que je ne pers pas mon temps et file vers le lac de L'Oule. J'avais un mauvais souvenir de cette descente en tant que randonneur et effectivement, les pierres, les racines en font un sentier encore une fois très technique (on retrouve le Néouvielle en même temps !!).

Au lac, la nuit tombe, je mets ma frontale, j'ai froid. On remonte par un sentier très raide au début puis un long chemin à flan. Ma forme n'est pas au top, un coureur du 80 km me propose de passer devant moi afin de m'amener au Merlans. C'est ça aussi l'Ultra trail, la solidarité entre coureurs, je le remercie vivement.

12h15 (le samedi !!) après 29h15 de course, je suis à la base vie d'Esquièze Serre. La fatigue est bien là mais l'envie d'aller au bout aussi. Alors je me change, me prépare pour affronter la pluie, mange, bois et soigne la seule "petite" ampoule de la course. Fred me propose d'aller jusqu'à Tournaboud avec moi ce qui n'empêche pas un petit coup de moins bien... Merci à lui quand même. A la fin de cette section en fond de vallée, il se met à pleuvoir, mais je suis bien équipé alors aucun soucis... A Tournaboud, nous retrouvons les coureurs du 80 km partis ce matin à 5h, ce qui fait tout de suite plus de monde.

Après cette nuit bien particulière, j'arrive à Cauteret à 6h20. Je retrouve mon équipe de supporters qui sont toujours là, moins en forme mais toujours présents... Je me ravitaille, prend un bon café et pars me coucher 30 min jusqu'à 7h avant de repartir pour le Col de Riou. Cette petite pause me ferra le plus grand bien et c'est avec un bon rythme que j'arrive au Col de Riou, 1000m au dessus de Cauteret. La descente se fait bien jusqu'à Aulian, je badge, mange un ou deux Tucs et repars aussitôt en direction d'Esquièze. La descente est difficile, les jambes sont durs, mais se débrident au fur et à mesure. Le gros coup de moins bien viendra sur les derniers kilomètres menant à Esquièze. Plusieurs kilomètres de route en yoyo que je n'avais pas bien estimé sur le road book. Ça a été long, très long...

C'est mon premier coup de moins bien, je prends mon mal en patience et continue, doucement. A la Hourquette d'Ouscouaou, la douleur s'estompe progressivement, je peux relancer pour descendre à Hautacam, peut-être un peu trop, on verra plus tard. J'arrive à Hautacam dans un brouillard épais, pas en grande forme. Je prends un peu de temps pour me ravitailler et repars pour Villelongue, 10 km plus bas. En bas, mes supporters ne sont vraiment pas fatigués, ils sont toujours à fond... Je profite de la base vie pour faire une pause d'une heure. Pendant ce temps, je me ravitaille, je récupère mon sac pour me changer et me mettre en mode nuit. Il est 22h25 et je repars pour la nuit, ça fait déjà plus de 15h que je suis parti, déjà 4500m de déniv dans les jambes et je pars pour le Cabaliros 2000m au dessus, ça va piquer les jambes... Je rejoins un coureur que je retrouverai régulièrement sur la montée. Il n'arrive plus à s'alimenter depuis Hautacam et espère que ça va passer.

J'arrive au ravitaillement de Pouy Droumide perdu au milieu de la montagne, les bénévoles sont supers et nous redonnent du courage pour la suite. La suite, justement, va être une véritable guerre entre le sommeil et moi. Parfois, les bâtons ne me servent plus de propulseurs mais m'empêchent de me vautrer dans l'herbe humide du Cabaliros. J'essaie le "coup de fouet", et 5 min après, ça repart. C'était mon deuxième coup de moins bien... Juste avant le sommet, nous passons au dessus du brouillard et découvrons un superbe ciel étoilé. Je m'évade un peu dans le ciel en parcourant toutes les constellations et même en m’interrogeant sur la trajectoire de Saturne dans notre ciel... Revenons à nos montons même si un ultra, c'est aussi ça... J'arrive donc au sommet, il y a plein de coureurs étalés dans l'herbe, je me pose pour remettre ma chevillère et pars pour la descente. Celle-ci est super technique au début puis, à partir du col de Contente, ça devient plus roulant. Très rapidement, le sommeil me rattrape, la lumière de ma lampe frontale me saoule et je commence à m'endormir en courant... Drôle de sensations et surtout dangereuse situation... Je m'arrête, me cale dans un renfoncement en herbe et m'assoupis quelques minutes. De toutes façons, il est impossible de dormir, puisque tous les coureurs qui me dépassent me questionnent sur mon état avec en prime leurs frontales en pleine tête... Je ne peux pas leur reprocher, c'est tout à fait normal et je l'ai aussi fait avec d'autres concurrents.

Descente du col du Portet sur Merlans (CP1) et c'est parti pour le col du Bastanet par un sentier technique parfois dans les blocs de granit biens connus du Néouvielle. La montée se fait tranquillou, parfois en bouchonnant avant les passages techniques, il fait beau, on a le temps... Quand on commence la descente du Col, on est parfois arrêté, tellement le sentier est technique, on traverse plusieurs zones lacustres magnifiques puis le sentier devient plus roulant. Beaucoup de coureurs continuent à marcher mais j'ai quand même envie de courir alors je me lâche un peu (peut-être une erreur ??).

J'arrive à Artigues 232ème, parfait. Je retrouve donc mes supporters qui sont à fond... Je remplis les gourdes, mange un bout et c'est reparti pour les 1800 m qui montent au Pic du Midi. J'arrive au sommet à 15h20, le vent souffle fort mais c'est supportable, par contre, le paysage est magnifique. Il faut redescendre et c'est parti pour la longue traversée vers Hautacam avec les quatre cols à franchir. En descendant sur le Lac Bleu, dans le brouillard, une forte douleur qui pourrait entamer mon capital reproductif apparaît. Je vous vois sourire, mais je n'ai pas de descendance... ça m'inquiète... Sans rire, ça a été horrible pour moi pendant plusieurs heures, m'obligeant à descendre presqu'à l'arrêt et forcément en me faisant doubler...

J'avoue que je ne sais pas par quoi commencer, dans ce genre de truc, on vit tellement de choses que je vais en oublier plein. Allez, je me lance en commençant par les conseils des copains Ultra traileurs la veille du départ. C'est marrant, parce qu'ils te répètent des trucs évidents, mais tellement utiles qu'ils en deviennent indispensables... Par contre, chacun a sa particularité ; Arnaud insiste sur le fait de partir doucement ; Loïc sur l'alimentation et l'hydratation ; Lolo a plus insisté sur les sensations, le fait de se faire plaisir, de s'éclater, d'en profiter et Manu m'a dit de faire comme si c'était une grosse rando pour faire descendre la pression. En tous cas, j'ai bien écouté chaque conseils et ils m'ont sacrément servi tout au long de la course... Merci les gars. Bon, quand même une mention spéciale pour l'équipe de supporters qui m'a suivi tout au long de la course (9 points de passages en tout...). Mes parents, ma soeur, Fred et Guylaine m'ont encouragé même au milieu de la nuit, c'est super bon même si on est dans notre bulle pendant ce genre de course.

7h00, je suis dans la masse de coureurs à Vielle Aure, top départ et hop !!! Dans l'euphorie, un coureur me met un coup de bâton dans l'oeil Gauche et ma lentille se fait la malle... Ça commence bien. Heureusement, je sais que Guylaine n'est qu'à un kilomètre et pourra me remettre ça rapidement. Chose faite, presque en courant... On traverse Vignec, puis Soulan, je suis calé dans le milieu du peloton, le rythme n'est pas élevé, les jambes me démangent, mais je résiste de peur de me faire engueuler pour être passé trop vite au premier pointage. Nous passons au dessus des nuages pour découvrir l'Arbizon juste devant nous, et surtout la file de coureurs qui s'étend sur des kilomètres, et tout ça avec le lever du soleil, magnifique et ça ne fait qu'une heure qu'on est parti, ça promet...

En effet, le brouillard est à couper au couteau et nous ne sommes plus super lucides. Nous faisons donc la montée au Col du Portet en groupe et retrouve mes supers supporters là haut, à braver les éléments pour me voir passer une demie seconde, chapeau à eux, encore merci... Pour la dernière descente de 1400 m, Fred restera avec moi, d'autant plus que je ne peux pas suivre le groupe avec lequel j'étais monté composé de coureurs du 80 km. Je me retrouve avec Fred, dans le brouillard, le froid, à chercher les balises à peine visibles. J'ai envie de m'arrêter dormir, Fred m'encourage à continuer et c'est mieux comme ça... Cette descente a été extrêmement difficile, je suis arrivé au bout exténué mais j'ai quand même passé la ligne en courant après 43h15 de course.

Finalement je me classe 201ème sur 762 partants et 353 arrivants. Les quelques heures après la course ont été difficiles, j'étais en hypothermie, extrêmement fatigué et quand même très heureux d'avoir réussi mon défi. Je suis prêt pour le prochain !!!

Merci à tous pour vos encouragement qui m'ont aidé tout au long de la course. Cette course a été une superbe expérience et l'amour de la montagne m'a donné des forces insoupçonnées et insoupçonnables...

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