Les 7 Majeurs (13/07/19)

Date de publication : Jul 15, 2019 7:32:9 PM

Sam et moi sommes déjà un peu fêlés (du Grand Colombier) du casque et ça fait bien longtemps que nous nous sommes pas atteler à un chantier, quoi de mieux que les 7 Majeurs pour se retrouver. Les chiffres nous effrayent un peu, beaucoup, passionnément… 360 kms et +- 11000+

Rien que le fait de trouver une date commune est déjà un challenge à part entière et seule celle du 13 juillet est possible :espérons que la météo soit avec nous.

Alors après les VVG, j’ai roulé avec plaisir (ou contraint par la SNCF que je remercie après coup) pour me préparer et Sam a continué de courir pour préparer son été studieux en trail et vers sa future victoire à l’Echappée Belle fin août. Quelques pics de ma part ou remords lui ont tout de même fait sortir le vélo du garage ;-)

Lundi 08/07 : petit dîner / brief chez Sam & Guylaine où l’on échafaude le plan de bataille pour la fin de semaine…

Mardi 09/07 : je refuse les bières chez Jeff avec regret et rentre dans cette espèce de ‘’bulle’’ post chantier…

Vendredi 12/07 : libéré de mes contraintes pro à midi, je file sur Jausiers retrouvé Sam et sa famille au camping. Ils ont déjà repéré le restau et après avoir fait et refait les checks des affaires et tutti quanti, nous filons manger un vrai dernier repas et au lit…

Samedi 13/07 : réveil à 3h00 - le p’tit déj passe bien pour nous 2, c’est bon signe pour la journée et le programme qui s’annonce.

Nous nous positionnons au carrefour du col de la Bonette X Vars-Larche et nous déclenchons les chronos. Nous abordons paisiblement et plus ou moins serein le faux plat montant vers les Gleizolles où la montée du col de Vars commence. Nous sommes seuls avec nos frontales au milieu de la nuit sur la route deserte – sentiment étrange. Au plus fort de la pente, une lumière arrive à contre sens, un cycliste seul et également bien lève-tôt puis quelques kilomètres plus loin, un grupetto qui descend le col. Les cyclistes sont donc bien matinaux dans cette contrée. Les premières voitures nous doubleront à une encablure du col de Vars. Et de 1. Nous nous prêtons aux règles du jeu, à savoir faire la/les photos de nous sur les 7 cols à gravir à la seule force de nos guibolles.

Nous nous habillons et nous filons doucement mais sûrement vers la vallée de la Durance. La remontée de cette vallée se fait bien d’autant plus que la circulation est encore faible à cette heure. A défaut d’avoir roulé, Sam a tout préparé de mains de maître (un signe) en amont et a tous les profils de cols, les boulangeries en tête + les horaires, manque que les prix… bref, il nous amène droit sur la 1ère boulangerie où nous prenons notre 1ère pause_ pains aux raisins. Un sms à nos douces et c’est reparti pour le second col.

Je m’en faisait une montagne de l’Izoard et bien il passe crème et surtout la tranquillité des routes est fort agréable, limite reposant… avec cette montée nous allons enfin ressentir les bienfaits des rayons du soleil. Un premier cycliste est aperçu mais force est de constater que nous avons pris de la sagesse sur ces premiers 80 kms, nous revenons sur lui au train et non comme des morts de faim pour ceux qui ont la chance ou la malchance de rouler avec nous… nous prenons même le temps de discuter avec lui. Il finira peu de temps derrière nous au col. Et de 2. Gentiment, il nous prendra en photo pour immortaliser ce moment où lui comme nous avons le plaisir simple de partager un ‘’truc’’.

La descente est frisquette mais la traversée de la Casse Desserte (vrai pour le compte) est unique – seul regret, ne pas s’arrêter pour prendre des photos des points de vue multiples qui s’offrent à nous.

Vallée du Guil, Sam en profite pour me raconter un bout de sa traversée du GR5 et plus particulièrement Château Queyras, je regarde de partout… c’est beau. Ca y est, les touristes sont réveillés, les motards sont ébroués, il est 10h et nous montons le col Agnel…. J’ai les jambes, Sam est juste là de visu et le col plus très loin alors je m’amuse en allant chercher les quelques cyclotouristes devant moi dont 2 en VTC-e. L’homme, que je double sur son VAE se vexe légèrement et fier qu’il est, veut prouver à sa conquise que lui aussi peut rouler plus vite… c’est là que je me rends compte que les femmes n’ont pas l’instinct guerrier de nous les hommes, gentiment sa femme me salue puis voyant son mari non loin de ma roue essayant de me suivre, lui dit « te met pas dans le rouge » pour ne pas dire autre chose et certainement le vexer...il craquera. Le col Agnel marque la frontière avec nos cousins transalpins. Et de 3. Et je m’en rends vite compte que je suis un peu en Italie, ça parle fort, c’est le bordel, les motos ne sont pas légion contrairement aux Piaggio et Vespa. Je profite d’un trou dans le moment photo de la borne frontière pour y jeter mon vélo et attendre Sam. Il arrive avec la banane, ça fait plaisir à voir et c’est surtout tout bon pour la suite… bref, nous sommes rodés : photo devant la borne, enfiler gants et Goretex et schuss vers la ville de Sampeyre.

Noté que j’ai bien écris schuss et non tout schuss car la descente est sinueuse, raide et il y a du monde de partout même des marcheurs à coté de leur vélo (nouveau concept peut-être ??? à creuser). Puis la route de fond de vallée est mauvaise, bref encore un mauvais point pour nos cousins.

Sampeyre. Sam nous guide vers la Pannetoni afin de faire un rapide mais bénéfique repas. Et là, les mauvais points distribués sont vites oubliés tant l’accueil et la bienveillance de nos hôtes est marquante : sourires chaleureux – harraps italien/français en poche – service xxl bref la dolce vita. Donc quelques spécialités locales + un soda, dont je tairais le nom, nous requinquent Sam et moi.

Direction le colle di Sampeyre et c’est 8% sur 15.5 kms pour 1310+, le tout sur un revêtement disons des moins lisses… voire même absent par endroit. C’est à coup sur le crux de ce périple si vous partez comme nous de Jausiers et que vous tentez les 7 majeurs dans le sens horaire. Disons que la montée est faite… que dire de la descente !!! et bien c’est un peu comme les courses de ski ou skyrunning en Italie (de ce que j’en ai entendu dire), ils sont ‘’couillus’’ les ritals (rien de péjoratif dans ce propos bien au contraire) – en France, une route comme celle que nous avons descendue serait soit entretenue soit tout simplement fermée à la circulation. Des pierres plus grosses les unes que les autres sur la chaussée et les impacts au sol proportionnels à la taille de la pavasse ou du moellon bien sûr. Même la balustrade semble ne tenir que par l’opération du Saint Esprit, même pas osé m’y appuyer pour voir le fond de cette gorge profonde oups profonde gorge. Cette descente ne nous aura pas permis de nous relâcher bien au contraire et bien sûr pas permis de faire remonter la moyenne ou si peu. Si vous avez prévu de suivre nos coups de pédales, soyez rassurés, et oubliés ce passage. Bien que nous en ayons parlé le lundi soir, j’ai pas pris la bonne route…

Moralement tout va bien. Nous entamons le 5ème col celui de Fauniera en passant par celui di Esischie. Alors soit nous commençons à être cuits soit la route se redresse sévèrement. En conclusion, nous sommes persuadés que c’est la combinaison des 2. Les forts pourcentages laissent place à des coups de culs où il nous faut nous arracher pour les passer, c’est certes court mais violent… grosse d’ébauche d’énergie. Petit à petit, je distance Sam. Un ru sera salvateur pour refaire les niveaux en eaux et me rafraîchir. J’attends Sam pour repartir avec lui, ne le voyant point, je commence à descendre à sa rencontre les mains sur les freins pour ne pas trop perdre ce que je viens si chèrement de gagner. Heureusement le voilà très rapidement, je me suis inquiété à tort. Au passage, nous franchissons le Colle di Esischie et sa stelle Fausto Coppi, petite descente puis nous finissons ensemble le Colle di Fauniera. Et de 5. Ce col nous rappelle à quel point nos esprits sont +/- habitués à ces efforts type ‘’ultra’’ – savoir patienter quand c’est dur – s’alimenter encore et toujours et pour le coup se réconforter mutuellement par une parole ou un simple regard. Nos précédentes expériences servent et notre amitié en est forcément renforcée.

Demonte est en fond de vallée alors pour y aller autant descendre. Les 2 marmottes suicidaires sont évitées de justesse. Sam est en confiance et nous pouvons foncer à tombeau ouvert vers la prochaine pannetoni. Contraste saisissant entre le monde d’en haut et celui de cette ville. En haut régnait le calme et la tranquillité. Ici, ça grouille de toute part et le DJ qui anime le centre du village est déchainé, les décibels sont haut perchés. Si vous passez par-là, arrêtez-vous dans la boulangerie sous les arcades, un délice pour les yeux et les papilles. Pizzas, crackers, sablés + un soda, dont je tairais de nouveau le nom et nous voilà refait pour les 2 derniers cols ou 100 kms c’est selon !!! bien sûr, nous essayons tant bien que mal de penser à nos douces restées avec les enfants (les pauvres me direz-vous… mais si elles veulent tenter l’aventure des 7 Majeurs ou l'Echappée Belle, Sam et moi nous ferons une joie de rester avec nos chères têtes blondes ou chatain hiii), donc SMS pour rassurés son monde et prendre les ondes +++ du monde extérieur (la famille – les copains - collègues de bureau qui nous encouragent via ce petit objet connecté) – nous l’avons belle la vie – alors avant d’oublier, nous les remercions bien forts pour le temps qu’elles veulent bien nous laisser pour que l’on puisse assouvir notre envie de skier jour et nuit l’hiver et parcourir la pampa le reste de l’année à vélo ou runnings aux pieds.

C’est pas tout mais le chrono s’égrène et nous en sommes déjà à 15h d’effort (18h40 heure locale) quand nous repassons devant le DJ toujours aussi speed… la vitesse moyenne de 16.2 km/h n’est certes pas élevée mais Chi va piano va sano e va lontano. C’est simple pour être Grand Maître le cut est de 15km/h donc nous sommes larges… ou pas.

Colle di Lombarda sera l’objet de la 6ème ascension et Sam échafaude les plans pour les 35 kms avant de retourner en France. Son souhait est de descendre la Lombarde de jour pour plus de confort et s’assurer un peu de marge pour le dernier col. Alors on s’encourage et on appuie sur les pédales. Le mini Huez du début passe bien et nous nous surprenons à encore prendre du plaisir après tant de kilomètres et d’heures sur la selle. Pour notre plus grand joie, la montage et ses routes ont retrouvé leur calme – quel bonheur de rouler de front au milieu de la route sans se soucier des autres usagers en tout genre.

C’est donc de jour que nous arrivons à 2350m d’alt. Et de 6.Une fois encore, je suis à sec et un sympathique gentlemen GB me refait le plein d’eau minérale – Thanks. L’air est frisquet alors nous mettons tous les vêtements trimballés jusque-là et nous entamons la descente sur Isola. La stratégie est simple, j’ouvre la route et Sam suis ma loupiotte AR. De temps à autre, je lève le pied et dès qu’il recolle, nous fonçons vers la vallée et sa nuit noire.

Comme elle a dû en voir bien d’autre, la vieille pissotière bien glauque du village d’Isola sera notre coulisse où nous ferons un énième besoins, nous nous dépoilerons pour la montée et où nous ferons une nouvelle fois le plein d’eau. Les odeurs, la lumière blafarde des lieux ainsi que le froid et la nuit ne viendront pas entamer notre motivation sans faille. C’est facile à écrire maintenant car il faut reconnaître que des doutes étaient présents mais la force du binôme les a tué dans l’œuf.

Et bien il n’y a plus qu’à…. Remonter la longue vallée de la Tinée jusqu’à la Cime de la Bonette, suivre ce ruban d’asphalte qui en fait le tour soit 40 pitons pour atteindre et passer la barre de 2800m d’alt… et bien la montée jusqu’à St Etienne se passe sans encombre et nous en profitons pour discuter de tout et de rien enfin beaucoup des 7 majeurs tout de même, il faut reconnaitre qu’à ce moment-là, nous sommes centrés sur nous et nous veillons chacun l’un sur l’autre. Le feu d'artifice, que nous apercevons au gré des virolos de la route, est un nouveau signe positif annonciateur de notre réussite. Notre seule erreur sera de na pas avoir pris le temps dans ce dernier lieu de vie de boire cette boisson gazeuse bourrée de sucre et de caféine. La peur de ne pas repartir peut-être…

Les kilomètres défilent toujours mais la fatigue et la nuit font leur œuvre – nos organismes sont las et le sommeil commence à poindre tout comme cette belle lune qui joue à cache-cache avec les hauts nuages. Nos frontales sont là telles les lumières des phares côtiers, elles nous guident et nous raccrochent non pas à la vie (faut pas exagérer) mais à l’envie d’en finir. Il est maintenant difficile de poser son fessier sur la selle et il est tout aussi difficile de rester en danseuse, nous cherchons la position la plus confortable mais à chaque fois pour une courte durée.

Mise à part une voiture de la Gendarmerie et un escadron de GS, rien ne viendra nous distraire. Il reste moins de 10 kms et seules quelques psalmodies sortent de nos bouches, nous ne sommes pas en train de prier, non, mais bien en train de râler, de s’encourager, de s’exhorter pour en finir au plus vite. J’aide Sam de mon mieux et lui se donne à 100% comme toujours.

Le brouillard s’est invité pour les derniers hectomètres et la dernière rampe est conquise piano piano, quitte à faire des virages sur cette ligne droite !!! Et de 7.

Le moment est magique et unique et restera à jamais graver dans ma caboche et j’espère dans celle de Sam également – pas de mot mais une accolade à 2802m d’alt. pleine de fatigue, de passion, d’amitié, de respect…

La photo, le mue en cycliste hivernal (4°) et une descente pour s’adjuger le titre très honorifique de GM. Les frontales sont en mode pleine puissance et les bandes blanches du bas-côté sont suivies méticuleusement dans cet épais brouillard. La libération intervient quand ce dernier disparait. Nous nous laissons filer vers Jausiers… le chrono est jouable sous les 23h mais il serait ballot de tout gâcher si près du but… nous arrivons à notre point de départ 23 heures et 1 minutes après y être parti. Heureux, fatigués et surtout Grand Maître.

Comme Sam l’a écrit : « Merci Loïc, il y a que toi qui peut m'embarquer dans un truc pareil... » La réciproque est bien vraie.

A l’attention de Patrick (référant et garant des 7 Majeurs) : Merci d’avoir lancé ce défi.

PS : les photos sont dispos sur nos FB ou Strava (trop mauvaise qualité quand je les dépose ici - dsl)