Ponoć

Ponoć

…Ponoć je.

U crnom plaštu nema boginja;

slobodne duše to je svetinja.

To gluho doba, taj crni čas.

Al’ kakav glas?…

Po tamnom krilu neme ponoći

ko grdan talas jedan jedini

da se po morskoj valja pučini, -

lagano huji k’o da umire,

il’ da iz crne zemlje izvire.

Možda to dusi zemlji govore?

Il’ zemlja kune svoje pokore?

Il’ nebo,možda, dalje putuje

da moju kletvu više ne čuje’

Pa zvezde plaču, nebo tuguje,

poslednji put se s zemljom rukuje!

Pa zar da neba svetu nestane?

Pa zar da zemlji više ne svane

Zar da ostane -

tama?...

I hod se čuje...

Da l’ ponoć tako mirno putuje?

Ni vazduh tako tiho ne gazi.

Ko da sa onog sveta dolazi?

Il’ kradom oblak die naviše?

Il’ bonik kakav teško uzdiše?

Il’ anđo melem s neba donosi?

Il’ oštru kosu da ga pokosi?

Da ljubav ne ide?... Da zloba nije?...

Možda se krade da nama popije

i ovu jednu čašu radosti?

Il’,možda, suza ide žalosti

da nas orosi tužna kapljica?

Ili nam mrtve vraća zemljica?

Vrata škrinuše...

O duše! O mila seni!

O majko moja! O blago meni!

Mnogo je dana, mnogo godina,

mnogo je gorkih bilo istina;

mnogo mi puta drhtaše grudi,

mnogo mi srca cepaše ljudi,

mnogo sam kajo, mnogo grešio

i hladnom smrću sebe tešio;

mnogu sam gorku čašu popio,

mnogi sam komad suzom topio.

O majko, majko! O mila seni!

otkad te, majko, nisam video,

nikakva dobra nisam video...

Il’,možda, misliš:“Ta dobro mu je

kad ono tiho tkanje ne čuje

što pauk veze žicom tananom

nad onim našim crnim tavanom!

Među ljudima si, među bližnjima.”

Al’ zlo je, majko, biti međ’ njima:

pod ruku s zlobom pakost putuje,

s njima se zavist bratski rukuje,

a laž se uvek onde nahodi

gde ih po svetu podlost provodi;

laska ih dvori, izdajstvo služi,

a nevera se sa njima druži!...

O majko, majko, svet je pakostan,

život je, majko, vrlo žalostan!...

Minuit

Minuit...

Divinité muette en sa cape noire ;

De l'âme libre, c'est le sanctuaire.

Cette heure noire aux tréfonds de la nuit...

Mais cette voix, ce bruit ?…

En ce minuit à l'aile ténébreuse,

Comme une lame de fond monstrueuse,

Aux flots déserts roulant impétueuse,

Qui, tout en agonisant, gémirait,

Ou bien de la terre noire sourdrait.

Serait-ce son âme qui parlerait,

La terre qui ses crimes maudirait ?

Le ciel, peut-être, en train de s'éloigner

Pour ne plus m'entendre ainsi blasphémer ?

Pleurant les astres, le ciel affligé

Pour toujours de la terre prend congé...

Quoi ? Le monde n'aurait plus de lumière,

Et plus jamais d'aurore pour la terre ?

Tout serait-il couvert

De ténèbres ?…

Mais des pas dans la nuit…

Est-ce minuit qui chemine sans bruit,

Plus silencieusement qu'un souffle d'air ?

Ou bien quelqu'un qui revient des enfers ?

Un nuage encor s'échappant dans les cieux ?

Le lourd soupir d'un malade fiévreux ?

L’ange venant du ciel pour le soigner

Ou de sa faux aiguë pour le faucher ?

Et si c'était l'amour ?... Un mal sournois

Se faufilant pour boire en tapinois

Cette dernière coupe d'allégresse ?

Ou peut-être une larme de tristesse,

Nous arrosant d'un triste réconfort ?

Ou la terre, qui nous rendrait nos morts ?

Les portes grincent…

O bien-aimée ! O ombre chère?

Oh pour moi quel bonheur! O tendre mère !

Oh, combien de jours, et combien d'années,

Combien aussi d'amères vérités ;

Et combien de fois ma poitrine a frémi,

Et mon cœur par les hommes fut meurtri ;

Combien de péchés, combien de remords

Avec pour seul recours la froide mort ;

Tant de coupes amères j'ai vidées

Et tant de pains de larmes inondés ! ...

O mère, ombre si douce de ma mère,

O mère, mère, ombre qui m'est si chère!

Depuis ce jour où tu as disparu,

Rien de bon en ce monde je n'ai vu.

Peut-être penses-tu : « Ce qui est bien,

C'est qu'il n'entende pas le va et vient,

Tissant de fils ténus, de l'araignée,

Là-haut, dans l'ombre noire du grenier »

« - Tu es parmi les hommes, tes semblables. »

Mais c'est cela qui est insupportable :

La malveillance y côtoie l'infamie,

Leur emboîte le pas leur sœur, l'envie,

Et le mensonge à leur suite s'empresse,

Partout où les mène la bassesse ;

La flatterie les sert, et la traîtrise,

Autant que le parjure, est leur complice.

Mère, ô Mère, le monde est exécrable,

Et la vie, ô Mère, si pitoyable.

( Traductions en vers : Jean-Marc Bordier)

Minuit

… Il est minuit.

Déesse muette vêtue d’une cape sombre ;

le sanctuaire des âmes libres…

A l’heure fatale, à l’heure de l’effroi –

est-ce une voix ?

sous l’aile obscure de la minuit sourde

telle une vague unique et lourde

qui roule par le large de l’océan –

un grondement sourd – serait-il mourant ?

surgirait-il des terrestres profondeurs ?

Les âmes y parsèment-elles leur clameur ?

La terre maudit-elle ses propres tourments ?

Ou bien le ciel fuit-il hâtivement,

pour ne plus entendre mon blasphème ?

Et pleurent les étoiles, le ciel lui-même,

une dernière fois la terre saluant…

Le monde resterait-il sans firmament ?

Plus aucune aube de poindre à la terre ?

Pour qu’obscurité –

demeure ?

On entend marcher…

Est-ce minuit en train de voyager ?

Même la brise n’a de pas si doux –

de l’au-delà parviendrait cette houle ?

Ou les nuages s’évaporent furtifs ?

Ou un malade pousse de lourds soupirs ?

Ou l’ange un baume céleste d’apporter ?

Ou une faux afin de le faucher ?

Serait-ce l’amour ?... Serait-ce la haine ?

Viendrait-il boire de manière soudaine

cette ultime coupe de joie ?

Serait-ce une dernière larme d’émoie

qui vient de sa rosée nous recouvrir?

ou la terre nos morts faire rejaillir ?

……………

La porte grince…

Quel est ce spectre, cet esprit ?

Ô, mère ! De te revoir était-ce écrit ?

En tant de jours et tellement d’années,

Il y eut maintes amères vérités ;

car bien des fois ma poitrine a tremblé,

car bien des fois mon cœur fut déchiré ;

j’ai eu bien des regrets, car je péchais,

et par la froide mort me consolais ;

j’ai bu mainte coupe d’amertume,

et rompu mon pain avec mes larmes…

Ô mère, mère ! O ombre douce !

O mère, depuis que je ne t’ai revu,

aucun bonheur sur terre je n’ai vu !...

Mais peut-être penses-tu : « Il va bien,

puisqu’il n’entend tisser ce fin lien

qu’en doux silence brode l’araignée

au-dessus de notre sombre grenier,

tu es parmi les hommes – parmi les tiens –

mais mal m’en prit, ô mère, de mes prochains !

Envie, perfidie vont main dans la main,

s’y joint la malice avec entrain :

le mensonge, on le retrouve toujours

là où l’infamie lâche voie le jour ;

les servent trahison et flatterie,

l’infidélité est leur compagnie…

Mère, ô mère, le monde est perfide –

et la vie, ô mère, triste et sordide.

(Traduit par Boris Lazić)