1980-12 : Témoignages (G. Hatry)

Certes, les témoignages peuvent être sujet à caution. De son poste d'observation - si bien placé soit-il - le témoin n'a de l'environnement qu'une vision réduite. S'il n'a pas pleinement conscience de cette situation, ses appréciations sur un ensemble qu'il ne peut percevoir, si pertinentes ou originales puissent-elles paraître, risquent de frapper de nullité celles que la première approche rendaient crédibles.

Mais parfois le témoin, souvent à son insu, à tendance à devenir son propre biographe; son récit ne sera alors qu'un long plaidoyer dont les développements ne viseront qu'à justifier ses propres actions et à démontrer que son itinéraire ne fut que rigueur et rectitude.

En l'absence de notes prises au jour le jour, le témoin est alors contraint de faire appel à sa mémoire et l'on sait que la mémoire est souvent défaillante. Cependant si un témoignage est fragile, dix le sont moins et cent constituent une approche de la réalité vécue qui apparaît alors bien différente de la fiction imaginée ultérieurement.

Si donc l'on sait - et c'est là toute l'ambition de la Section d'histoire – faire la synthèse des documents et des témoignages, il devient possible d'étudier plus rationnellement, plus objectivement, les phénomènes économiques, politiques et sociaux, qui ont conduit l'atelier de 1898 à la mondialisation de Renault.

Voici donc des témoins et leurs témoignages. Des témoins un peu particuliers puisque tous ou presque ont eu rang de directeur. Quand nous les avons sollicités nous n'étions pas totalement désintéréssés. Nous voulions les faire parler de Louis Renault; comment ils l'avaient connu, comment ils l'avaient vécu.

Quelques-uns d'entre-eux ont été très proches de lui à des époques souvent différentes, mais les traits rapportés ont bien des points communs.

Nos lecteurs auront sous leurs yeux l'esquisse d'un certain portrait de Louis Renault.

Si, dans ce recueil, nous nous sommes préoccupés de Louis Renault, c'est qu'il y aurait de notre part quelque impudence à vouloir ignorer l'homme qui a créé Billancourt. Et nous estimons que le chemin parcouru par cet homme, chemin exemplaire à bien des égards, mérite d'être connu. Rappelons, pour qui l'ignore qu'en moins de cinquante années il a, par son courage, sa volonté, son opiniâtreté, malgré ou à cause de ses défauts comme de ses qualités, réussi à construire la puissante entreprise que la Régie a hissé au tout premier rang.

Sa vie ne fut pas exempte d'erreurs - qui n'en commet pas? Mais elle demeure et mérite notre intérêt. Bien sûr, Louis Renault ne fut pas seul.

Plus d'un million de femmes et d'hommes l'ont accompagné tout au long de sa route et ce ne fut pas toujours sans drames.

Mais que nos lecteurs se rassurent, ceux-là aussi auront la parole. Ainsi pourrons-nous, jour après jour, parfaire nos connaissances et nous approprier - au nom de tous - l'histoire de Renault, notre entreprise.