07 - Renault et le matériel ferroviaire

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Renault et le matériel ferroviaire

Il existe dans les archives du Bureau d'études des usines Renault un avant-projet datant d'avant 1913 et relatif à la transformation d'une voiture de voyageurs en autorail par adjonction d'un moteur. A notre connaissance, ce projet n'eut pas de suite.

Vers 1916, pendant la guerre, nous avons reçu un appel d'offres pour un véhicule à voie de 60 pour transport de troupe; ce projet n'eut pas de suite non plus.

A la fin de la guerre, il était question de faire des locomotives à air comprimé pour les carrières et pour les mines. Il y en a eu quelques-unes de faites (fig. 1) mais, par la suite, on n'en a pas fait d'autres. Ce qui était intéressant, c'est que ces machines pouvaient être utilisées dans des mines grisouteuses du fait que le réchauffement de l'air était prévu sans foyer, grâce à la température de l'air de la galerie qui était assez chaud.

Des locomotives

En 1920, M. Renault nous a demandé de faire une locomotive pour l'usine pour remplacer, si possible, certaines machines de manœuvres que nous louions, ce qui était assez cher. Dans ce but, il a mis à notre disposition un moteur d'aviation de 110 CV, une dynamo Grochat et quatre moteurs TH2 de Thomson, car la machine devait être une pétroléo-électrique. Le poids de la machine devait être aux environs de 50 tonnes mais, dans l'exécution, nous n'en avons pas dépassé 45.

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4

Il est évident que les génératrices et moteurs dont nous dispo­sions n'avaient pas été étudiés pour fonctionner ensemble, si bien que le tout avait un très mauvais rendement ; malgré tout, cette machine a rendu d'assez bons services. Elle faisait la liaison entre l'usine et la gare de Sèvres.

En 1921, nous avons étudié une locomotive avec un moteur 40 CV, locomotive à deux essieux accouplés par bielle, cette brelle était mue par un faux essieu au centre de la machine, elle comportait quatre vitesses en avant et en arrière. Ces machines (fig. 2) qui ont été exécutées à plusieurs exemplaires ont rendu de grands services à l'usine et il n'y a pas longtemps qu'elles ont été retirées du circuit. Une de ces machines a été étudiée en particulier pour la ligne de Monsecret à Tinchebray et devait pouvoir atteindre la vitesse de 60 km/h, elle n'a pas donné de mauvais résultats non plus. A la suite, selon les possi­bilités du moment, d'autres machines de ce type ont été équi­pées d'un gazogène. Enfin, les dernières étaient munies d'un moteur Diesel de 110 CV.

En 1923, nous avons étudié, pour le jardin d'Acclimatation, des petites machines à voie de 50 (fig. 3) qui ont donné de bons résultats, les dernières en date étaient construites dans le style Western et sont encore en service.

En 1924, nous avons été amenés à réaliser des locomotives de 5 tonnes à voie de 60 pour travaux publics avec, pour les 3 ton­nes, les moteurs 18 CV et pour les 5 tonnes 25 CV. La transmis­sion se faisait par chaîne sur l'essieu arrière, entraînant lui­même l'essieu avant par une chaîne (fig. 4). Ces machines com­portaient deux vitesses commandées par un levier unique actionnant les vitesses et l'embrayage.

On nous avait demandé d'étudier une machine de 5 tonnes à moteur à essence pour servir dans les mines grisouteuses, ceci a été un problème assez intéressant qui a été bien résolu. Le car­burateur et l'échappement étaient entourés chacun d'un carter étanche en communication avec l'atmosphère par un orifice garni de cinq épaisseurs de toile métallique de cent quarante mailles au centimètre carré, l'échappement se faisait dans un pot arrosé d'eau, si bien qu'il n'y avait absolument aucun dan­ger. Les bougies étaient protégées par des chapeaux en ébonite et les magnétos étaient entourées d'un carter complet entière­ment étanche. Ces machines ont été exécutées par la suite dans diverses applications, avec marche au gazogène, en particulier on en a aussi fait une pour la traction de péniches, elle pesait 7 tonnes et comportait un grand ressort interposé dans le système d'attelage pour faciliter les démarrages des grosses masses des péniches.

Des autorails

,

Au cours des années 1920 et 1921, on commençait à s'intéresser à la question des autorails, certaines lignes de chemins de fer ne faisaient plus leurs frais parce qu'il y avait trop peu de voya­geurs et l'entretien de trains complets revenait trop cher, on a donc essayé de remplacer les trains par des voitures automotri­ces et nous avons alors entrepris la construction d'un petit auto­rail type KA (fig. 5) par modification d'un châssis de camion avec un moteur 18 CV sous siège.

Fig. 5

La boîte donnait quatre vitesses avant et une marche arrière de manœuvre, le retournement se faisait à l'aide d'une plaque tournante incorporée. Il y avait un petit boggie à l'avant à la place de l'essieu avant. Cette voiture a été mise en service sur la ligne de Blanc Argent où elle a donné de bons résultats.

Une deuxième voiture du même type a été fournie aux tram­ways de la Vendée où les irrégularités de la voie ont nécessité une étude spéciale de la liaison boggie-châssis.

Petit à petit, le besoin d'une capacité plus grande se faisait sen­tir et nous avons étudié des voitures à boggies à double poste de commande, à moteur 40 CV du type de celui qui équipait la voiture 40 CV ; cet autorail a pris la désignation KE (fig. 6) en voie normale où il a été fourni aux mines de Carvin et aux che­mins de fer autrichiens et KF pour la voie métrique (fig. 7) où il a été employé sur Bône-Guelma, les chemins de fer algériens de l'État Bône-la-Galle, etc.

La transmission se composait d'une boîte à quatre vitesses qui actionnait un changement de marche placé au milieu de la voi­ture et qui actionnait un essieu-moteur de chaque boggie. La figure 7 représente un exemplaire à voie de 1,03 m comportant P', 2" et 3" classe et compartiment à bagages. Il est représenté avec des boggies à voie normale pour le transport (fig. 8).

A ce moment commence l'étude d'une série de voitures dont la suspension était dérivée de la suspension des voitures L de la

T.C.R.P. Les essieux comportaient un carter spécial en T s'articulant sur la voiture et leur permettant de converger légè­rement. Les jumelles des ressorts étaient élastiques. Ces voitu­res ont porté les désignations LU -LV pour les moteurs 25 CV et LX -LY pour les moteurs 18 CV. Il y avait deux postes de conduite, les commandes étaient mécaniques, le changement de marche se faisait dans chaque essieu. Or, il se produisait souvent que, par suite de la différence de diamètre entre les essieux, l'arbre de transmission qui était continu entre les deux essieux se tordait et se mettait en tension si bien qu'on ne pou­vait plus manœuvrer le levier de changement de marche. On a

Fig. 6

Fig. 7

Fig. 8 Fig. 8 bis

remédié à ce défaut en plaçant tout simplement un coupleur entre les deux essieux. La commande de changement de mar­che se faisait de l'extérieur de la voiture avec une manivelle. Une came libérait le coupleur avant tout déplacement des cra­bots de changement de marche. Les freins étaient à tambours extérieurs aux roues. A la suite de cette série, on en a fait une autre qui s'appelait NV -NX -NY et NZ à peu près identique aux précédentes. D'autres voitures du même type (fig. 8 bis) ont été fournies à certaines compagnies d'intérêt local.

Sur ces entrefaites, on nous a commandé un autorail pour les chemins de fer des Côtes-du·Nord, mû par un moteur de 40 CV. C'était une voiture à boggies avec deux postes de commande (fig. 9) ; la suspension était dérivée de la LU. La voiture était extrêmement légère si bien que, lorsque les stores étaient baissés, rien qu'en observant la déformation de la voi­ture, on savait oû étaient les voyageurs 1 Malgré cette grande légèreté, la voiture était très solide. Livrée en 1923, elle a fonc· tionné très longtemps. Après avoir été retirée de son service régulier, elle a été employée comme machine de dépannage et les Bretons l'avaient baptisée «Mam'Goz », ce qui veut dire « Grand-mère ».

Le besoin de machines plus puissantes se faisant sentir, l'année 1933 fut une année d'étude de prototypes. Nous avons pensé que l'expérimentation d'un ou deux exemplaires seulenient n'était pas suffisante pour obtenir la certitude d'avoir un matériel rustique, endurant et d'un entretien facile.

Un moteur Diesel

Ayant étudié et réalisé un moteur Diesel à douze cylindres, nous avons fait notre expérience d'abord sur une machine, puis sur quinze unités.

Ces machines type VH (fig. 10) comportaient le nouveau moteur douze cylindres Diesel à 250 CV. Elles étaient à boggies l'un moteur, l'autre porteur. La caisse était une poutre en treil­lis avec deux postes de conduite. Un bloc comprenant le moteur, la boîte à quatre vitesses et le changement de marche comportait une descente verticale commandant par cardans les essieux du boggie adjacent, les deux essieux-moteur étaient couplés par un arbre à cardans.

Nous avons demandé aux chemins de fer de mettre ces voitures en exploitation dans les conditions les plus sévères. Nous avons obtenu la collaboration la plus complète des compagnies et, de leur part, l'esprit le plus compréhensible des difficultés à vain­cre. Pour citer quelques chiffres, des machines sur la ligne Lisieux -Trouville ont parcouru chacune 900 kilomètres par jour. Sur le réseau de l'Est, des machines couvraient plus de 18 000 kilomètres chacune par mois. Ces parcours très élevés réduisaient le temps d'arrêt à quelques heures la nuit, mises à profit pour l'entretien. Prévues pour soixante-dix places, ces automotrices transportaient fréquemment cent-trente person­nes. Elles fonctionnaient dans les conditions les plus sévères. Les essais sur une grande échelle, très durs, qui ont coûté fort cher, nous ont montré tous les points faibles et nous ont appris aussi quelles étaient les nécessités de la voie ferrée. Notre colla­boration étroite avec les ingénieurs des compagnies qui vivent chaque jour au milieu des difficultés de la voie ferrée nous a

'permis de bien comprendre le problème de l'automotrice. Nous avons constaté aussi que notre mécanique avait intéressé les ingénieurs des compagnies qui avaient pu, sur certains points, modifier leurs idées.

Fig. 9

Fig. 10 Fig. 11

En moins de six mois, la mise au point de notre automotrice à boggies était complètement terminée et nous pouvions passer à la construction en grande série. Les automotrices VH et leurs successeurs A.B.J. ont constitué une série tellement importante qu'il est intéressant d'en donner une description assez détaillée (fig. Il).

En ce qui concerne le moteur, notre expenence nous avait montré qu'il était indispensable que l'automotrice soit dotée d'une puissance d'environ huit à dix chevaux par tonne. Le poids d'une automotrice à deux boggies en charge étant d'envi­ron huit à dix chevaux par tonne, le poids d'une automotrice à deux boggies en charge étant d'environ 30 tonnes, la puissance du moteur devait donc être de l'ordre de 250 à 300 cv. Il n'existait alors en 1932 que des moteurs utilisés pour les camions d'une puissance variant entre 100 et 150 CV. On avait donc le choix entre deux solutions: prendre deux moteurs déjà existants ou bien réaliser un moteur d'une puissance de 250 à 300 CV.

L'expérience a montré qu'avec un seul moteur bien étudié, la régularité de service était la même qu'avec deux moteurs. Nous avons donc opté pour la solution d'un moteur unique d'autant plus que deux moteurs exigent deux transmissions, solution coûteuse et qui augmente tr~s sensiblement le poids et le prix de l'automotrice.

En ce qui concerne le type de moteur, nous avons choisi le moteur à huile lourde, l'économie que permet de réaliser ce genre de moteur par rapport au moteur à essence justifia plei­nement son adoption. Parallèlement à l'étude des VH et A.B.J., nous avons étudié un autorail léger TE qui comportait deux essieux, un essieu-porteur à l'avant et un moteur à l'arrière. Les freins étaient à sabots avec un servofrein dérivé de celui des voitures quarante chevaux (fig. 12).

Le moteur était très accessible et était monté avec embrayage et boîte de vitesses' sur un petit chariot qu'on pouvait sortir très facile~ent par l'avant de la voiture (fig. 13).

On a d'abord essayé cette voiture avec un moteur à ess.ence qui consommait 36 litres au 100 kilomètres puis, avec un moteur Diesel de cent dix chevaux qui ne consommait plus que 21 litres aux 100 kilomètres. Si l'on tient compte de la diffé­rence des prix du fuel et de l'essence, on voit que cette dernière solution Diesel est, de beaucoup, la plus avantageuse.

Le type TE a été transformé en VG (fig. 14) dont un exem­plaire a été modifié suivant la figure 15 pour faire des essais aérodynamiques, ensuite on a fait sur le même principe les autorails ZO et A.C.B. avec freins à tambours extérieurs aux roues (fig. 16).

Fig. 12

En ce qui concerne les autorails VH et A.B.J., nous pouvions placer le moteur soit sur le châssis même du boggie, soit sur la caisse. Nous avons choisi la deuxième solution. Le moteur dans la caisse est beaucoup plus accessible, il est d'autre part mieux suspendu. De plus, le moteur sur la caisse permet d'installer beaucoup plus facilement les tuyauteries et les différentes commandes et l'accès des différentes parties du moteur est très facile.

Parmi les transmissions hydraulique, électrique et mécanique, nous avons choisi cette dernière pour une puissance de 300 CV, une transmission mécanique est beaucoup plus légère qu'une transmission électrique. Notre transmission complète ne pesait en effet que 1 300 kg alors que le poids d'.une transmission élec­trique et d'égale puissance serait de l'ordre de 4 tonnes et elle

Fig. 13

est infiniment meilleur marché. Enfin, de toutes les transmi's­sions, c'est elle qui a le meilleur rendement. Pour la transmis­sion mécanique, il était préférable d'adopter les solutions qui avaient fait leurs preuves, aussi bien pour les petites automobi­les que pour les gros camions.

Les solutions choisies ont été consacrées par l'expérience. Les transmissions d'une puissance de 250 et 300 CV, après des par­cours de plus de 100 000 kilomètres, ont été minutieusement visitées et se sont révélées sans usure appréciable.

Pour commander la boîte de vitesses et l'embrayage, nous avons choisi une commande mécanique extrêmement simple. Ces commandes, complétées par l'adoption d'un servo­débrayage, n'ont jamais donné lieu à ennui.

Enfin, nous avons étudié, en liaison avec la Société Jourdain­Monneret, une commande électropneumatique qui élimine tout effort physique de conduite. Cette nouvelle commande a été adoptée en série car elle permet le couplage de deux auto­motrices, avantage considérable au point de vue exploitation.

Pour les autorails de l'importance de l'A.B.]. et des autres qui ont suivi, nous avons toujours conservé ces commandes Jourdain-Monneret électropneumatiques qui ont donné de

bons résultats.

En ce qui concerne la construction générale de la voiture, nous avons adopté le principe d'un châssis-poutre, conçu exacte­ment comme une poutre de pont, avec des fers très minces, de quelques millimètres seulement, qui nous ont permis d'obtenir des poutres extrêmement légères (fig. 17).

Nous avons été amenés petit à petit à modifier le système A.B.]. en le doublant, ce qui a donné l'automotrice double A.B.V., articulée à trois boggies, mue par deux moteurs trois cents chevaux avec des commandes Jourdain-Monneret qui permettaient de commander cette machine assez longue (fig. 18) par chaque poste de conduite, sans aucun inconvénient.

Ensuite, nous avons construit des machines avec deux moteurs de 300 CV, type ADX (fig. 19).

Nous avons étudié aussi et construit en plusieurs exemplaires un autorail avec un moteur de 500 CV à seize cylindres, c'est le type A.D.P. dont le prototype a, en décembre 1935, battu le record de vitesse sur rails en effectuant le voyage Paris­Strasbourg et retour à 138 km/h de moyenne.

Au fur et à mesure que la puissance augmentait, on s'est trouvé en présence de certaines difficultés au point de vue embrayage et nous avons été amenés à adopter un' coupleur hydraulique qui permettait de faire des démarrages extrêmement doux et très puissants. Ce coupleur était doublé aussi par un frein et un

Fig. 14 Fig. 15 Fig. 16

Fig. 17

Fig. 18

Fig. 19

embrayage mécanique permettant de bloquer la transmission primaire au moment des changements de vitesses et de change­ment de marche (fig. 20), jouant ainsi le rôle de conjoncteur­disjoncteur. Nous avons construit quelques locomotives de ce type sous le numéro de série 5 020 qui comportait deux moteurs 300 CV (fig. 21 -22 et 23). La figure 23 montre en particulier une locomotive 5 020, à voie métrique, essayée sur les chemins de fer bretons avant d'être· livrée aux chemins de fer africains. Ces machines à deux moteurs comportaient deux boîtes de vitesses avec un système de synchronisation spécial, sur le principe de l'intégrateur sphérique Amsler, ce qui lui a valu le surnom humoristique de « Bouboule ». La figure 24 montre un autorail un peu spécial, mû par un moteur de 500 CV dont la transmission était placée entièrement en porte­à-faux à l'avant de la voiture, ce qui donnait un porte-à-faux de 7 mètres entre le tampon et l'axe de rotation du boggie. Cette forme un peu anarchique à tout de même donné de bons résultats car nous n'avons jamais eu d'ennuis de déraillement, ni même de déséquilibre.

Fig. 20

Fig. 21

Fig. 22

Fig. 23

Nous avons ensuite exécuté à un seul exemplaire un autorail mille chevaux en trois éléments dont l'élément milieu était l'élément moteur comportant deux moteurs de cinq cents che­vaux. Cet autorail était un peu lourd, il n'a pas eu de suite.

La figure 25 montre son poste de conduite et la figure 26 montre l'autorail complet.

Toujours sur le type des voitures avec poutres en treillis, nous avons été amenés à exécuter plusieurs types d'autorails à voie métrique sous l'appellation A.B.H., la figure 27 montre en particulier un de ces autorails préparé pour la Compagnie Dakar-Niger. Nous avons exécuté deux autorails de ce type, l'un avec transmission mêcanique et l'autre avec transmission électrique, système Thomson-Houston.

Fig. 24 Fig. 26

Nous avons construit aussi, sur le même principe, une voiture un peu spéciale avec conduite surélevée au milieu de la voiture. Cette voiture comportait deux moteurs de 150 CV, c'était le type A.E.K. (fig. 28).

Ce type présentait une particularité assez intéressante,

M. Renault nous avait demandé de constituer la suspension secondaire par une chambre à air de pneumatique. Cette solu­tion s'est avérée très fiable, la figure 29 représente un boggie et

Fig. 28

la figure 30 montre la charpente de cette voiture, charpente extrêmement légère, ne pesant pas plus de trois tonnes.

Les deux moteurs avec leur transmission, ainsi que le poste de conduite, étaient fixés dans un bâti spécial, en charpente, que l'on montait d'une seule pièce dans la charpente de l'autorail.

Entre-temps, les chemins de fer nous avaient demandé d'éta­blir une voiture assez légère à poste de conduite surélevée

Fig. 27

Fig. 29

Fig. 31

(fig. 31) à quatre essieux parallèles, l'inscription dans les cour­bes devant se faire par le déplacement latéral des essieux extrê­mes. Cette disposition, peut-être un peu simpliste à première vue, a donné tout de même de bons résultats. Il a suffi de don­ner au déplacement latéral des essieux une grandeur suffisante pour permettre la bonne inscription en courbes. La charpente de cette voiture avait été étudiée aussi sur le principe de poutre en treillis, les éléments de cette charpente étant constitués uniquement par des tubes carrés (fig. 32).

Fig. 30 Fig. 32

Des engins à turbine

Entre-temps, nous avons été amenés à considérer la possibilité de faire des engins à turbine, la Société Rateau nous a fourni une turbine de mille chevaux_ Étant donné les caractéristiques de fonctionnement de cette turbine, il suffisait d'une boîte à deux vitesses pour obtenir une marche à assez bon rendement à tous les régimes_ Nous avons donc exécuté une locomotive de mille chevaux (fig_ 33), exemplaire unique qui a été employé longtemps sur la ligne Paris-Cambrai et qui a donné d'assez bons résultats. Il y avait certes quelques petits inconvénients dans la suspension, qui donnaient lieu à des mouvements de roulis et de lacets mais qui auraient été facilement corrigés si on avait continué l'étude.

Fig. 33

Fig. 34

Ce qui est intéressant à noter dans cette voiture, c'est que mal­gré la grande puissance, qui jusqu'à présent avait rarement été utilisée par d'autres constructeurs, nous nous sommes conten­tés, suivant les principes chers à Louis Renault, d'une transmis­sion ordinaire constituée par un embrayage, une boîte à deux vitesses et d'un changement de marche très simple par engre­nages. Cette disposition n'a jamais donné lieu à inconvénient et avait un rendement excellent (plus de 90 %) avec un poids minimum. Une machine à deux turbines et deux transmissions de mille chevaux a été construite en deux exemplaires et mise en service en Vendée.

Dans ces deux machines de mille et deux milles chevaux, la turbine était alimentée par un générateur à pistons libres qui donnait certains ennuis par suite de la mauvaise tenue d'un anneau central formant culasse et soumis à de fortes variations de température.

Ensuite, nous avons été contactés par la R.A.T.P. pour l'étude d'un métro sur pneus en collaboration avec Michelin. Cette collaboration a eu de très bons résultats et on sait aujourd'hui qu'il existe pas mal de lignes équipées en roulement sur pneus. Les figures 34 et 35 donnent une image de cette conception.

La figure 36 est relative à des rames triples à voie métrique pour les chemins de fer africains. Elles étaient constituées par deux motrices encadrant une remorque. Abandonnant le poste de commandes Jourdain-Monneret, nous avons exécuté un poste comportant une manivelle genre combinateur de tramway (fig. 37) qui a donné de bons résultats.

Une de nos dernières études a été relative à un autorail panora­mique à transmission électrique comportant un « uistadome» dont la carcasse était en matière plastique (fig. 38).

En tout dernier lieu, nous avons étudié, en collaboration avec la Société Safège, un autorail suspendu. Le principe en était analogue au principe des tringles à rideaux, du type chemin de fer, c'est-à-dire que la voiture était pendue sur deux boggies qui roulaient à l'intérieur d'une poutre creuse et le roulement était pneumatique. La traction était entièrement électrique.

Vers les années 1960, la S.N.C.F., étudiant de plus en plus elle­même ses matériels, nous avons été amenés à cesser notre activité ferroviaire en 1961.

Un drapeau pour l'usine

Il est à remarquer que la partie ferroviaire n'a certainement pas toujours été d'un bon rendement financier mais

M. Renault, mécanicien dans l'âme et aimant faire toujours des études nouvelles disait : «je sais bien que cela ne me rap­porte presque n-en mais c'est tout de même un drapeau pour l'usine ».

Fig. 36

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Fig. 38

Pendant l'étude de certains mécanismes, il venait quelquefois Il se lève alors et en me disant: « vous êtes content hein! ", il trois fois dans la journée voir l'avancement d'une étude. A ce m'administre un sérieux coup de poing dans l'épaule en s'en propos, je me permets de raconter qu'un jour il était venu dis­allant. cuter avec moi d'un nouveau mécanisme de changement de

Certains engins (les A.B.]. par exemple) sont encore en service.

marche incorporé dans l'essieu. Nous discutions déjà depuis

plus d'une heure (car j'étais arrivé à pouvoir discuter et même On peut dire, en définitive, que les usines Renault d'abord et la contredire ses propositions), je trouvais toujours une objection Régie Renault ensuite ont tenu une place très importante dans à ce qu'il me proposait, je voyais que sa tension nerveuse aug­le domaine chemins de fer. mentait, quand il me proposa une solution très viable, je lui

dis: « Ah oui, ça, ça va ». Rodolphe ERNST-METZMAIER