02 - Histoire de la Dauphine (3)

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Histoire de la Dauphine (suite -3)

4 -Préparation de la production

La décision de construire la voiture 109 ayant été prise le 6 jan­vier 1954, les différentes branches de la direction des fabri­cations passaient aussitôt à l'exécution de leur mission de préparation des moyens de production pour les cadences envi­sagées par le tableau annexé au compte rendu de la réunion, qui devaient atteindre par jour en 1958 : 100 voitures 4 CV, 560 voitures 109, 100 fourgons 600 kg, soit:

760 jeux de pièces communes aux trois modèles,

660 jeux de pièces communes aux voitures 4 CV et 109,

560 carrosseries et pièces mécaniques spéciales aux 109,

le démarrage devant commencer en décembre 1955 pour la

voiture 109.

Les moyens qui existaient à l'époque permettaient d'après les chiffres donnés à la conférence du 16 juin 1953 de produire au maximum 480 voitures 4 CV par jour. En fait, avec les perfec­tionnements apportés aux outillages pour passer les goulots, et avec des heures supplémentaires, on devait produire, en 1954, 138 632 voitures 4 CV, soit 620 par jour.

La préparation était à l'époque partagée entre trois directions: la direction des fabrications mécaniques (Pierre Debos), la direction de la tôlerie et de la carrosserie (Marcel Tauveron), la direction des constructeurs et installations (Rival).

Nous examinerons successivement le travail de ces trois directions.

a) La préparation des fabrications mécaniques

La note nO 8798 du 16 mars 1954 précisait sous la signature de Pierre Debos les "Directives générales pour les fabrications mécaniques" dont on trouvera le texte en annexe l, et qui expose une véritable doçtrine de ce que doit être une produc­tion de grande série.

La note nO 6414 du 5 novembre 1952 donnait des directives générales "s'appliquant à une période pendant laquelle aucune mise en route importante n'était prévue. Cette période s'est terminée fin 1953, et nous voici maintenant en présence du problème consistant à augmenter considérablement la capacité de production des ateliers en moteurs et organes de 4 CV (cadences horaires 45 et 40 au lieu de 30 et 27,5)...

"Nous allons franchir maintenant une étape très importante vers une production à forte cadence comparable, dans une certaine mesure, aux cadences américaines ... ".

Pierre Bézier, directeur du bureau d'études des outillages mécaniques, qui fut le principal artisan de cette préparation, exposera dans notre prochain bulletin les phases de la prépa­ration des fabrications mécaniques.

b) La. préparation de la fabrication des carros­serIes

Avant de traiter de ce problème, remarquons qu'à l'époque la méthode d'élaboration était celle que Pierre Bézier a décrite avec précision dans son étude "Petite histoire d'une idée bizarre" publiée dans notre bulletin nO 24 de juin 1982.

Au cours de la conférence du 24 juillet 1951, Marcel Tauveron avait cité, pour marquer l'ampleur de ces travaux, les chiffres auxquels une étude approfondie de Jean Roy, directeur du bureau d'études de la tôlerie, avait abouti:

Outillage de tôlerie : 1 million d'heures de professionnels.

Moyens de l'atelier Arciet : 50 000 heures par mois (y compris les travaux d'entretien et de réparation des outillages en opéra­tion pour la série, ce qui laissait à peine 40 000 heures disponi­bles pour la production des outillages neufs).

Comme il ne pouvait être question en si peu de temps d'aug­menter les moyens de production et les effectifs de l'atelier d'outillage de tôlerie pour réaliser les outils nécessaires dans le délai de dix-huit mois, il devenait nécessaire de commander des outillages à l'extérieur.

Des différentes solutions envisagées, en particulier de comman­der des outillages à la compagnie Budd aux États-Unis, on retint, après de délicates négociations, celle qui consistait à commander les ailes et capots avant et arrière aux usines Chausson qui se chargeraient ainsi de la fabrication des outil­lages nécessaires à leur production.

On atteignait ainsi un double objectif: tenir le délai de démar­rage prévu, et réduire les investissements immédiats en moyens d'emboutissage en utilisant les presses des usines Chausson.

On commanda aussi quelques outils à Ambi-Budd, filiale de la compagnie Budd en République Fédérale, en choisissant judi­cieusement les pièces, pour que la concurrence Opel et Ford ne puisse reconstituer les grandes lignes de notre future voiture.

Une des principales difficultés résidait toutefois dans le finan­cement de ces investissements.

c) Financement des investissements

Dans sa note du 24 décembre 1954, Pierre Lefaucheux avait rappelé que les différents chiffrages, effectués au cours des nombreuses conférences de directives générales qui s'étaient tenues depuis 1950, avaient abouti aux valeurs suivantes pour les investissements à engager :

Mécanique (pour 800 par jour) ......... . 4 500 millions Extension de la tôlerie de Flins (12 000 m2) 900 millions Achat du matériel pour cette extension ... 400 millions Extension des installations de peinture et montage pour 600 voitures au lieu de 400 par jour ............................ . 2 700 millions

soit au total ........... . 8 500 millions

L'extension de la tôlerie, soit 900 millions, avait été prévue dans le plan de 1954, et soumise au conseil fin 1953, sans préci­ser qu'il s'agissait d'une nouvelle voiture, cette installation devait être terminée en août 1955.

Il était nécessaire pour financer le reste de ces investissements de lancer un emprunt obligataire, dès que le marché financier le permettrait.

Il fallait, maintenant, obtenir l'accord du conseil pour prévoir l'engagement du plus gros des investissements, sur les plans de 1955 et 1956, ainsi que pour l'emprunt obligataire.

Il devenait donc nécessaire de présenter la voiture 109 au conseil, de préciser son programme de lancement et les prévi­sions de production. Afin de préparer cette réunion, Pierre Lefaucheux invitait à un essai les administrateurs extérieurs aux usines, c'est-à-dire les représentants des ministères et ceux des usagers.

Cet essai eut lieu en octobre 1954, à la veille de l'ouverture du Salon de Londres, où nous devions nous rendre le lendemain, pour faire le point de la concurrence que trouverait la voiture 109, à sa sortie, dans la construction britannique. Rendez-vous fut donné aux administrateurs en question au Centre techni­que de Rueil, à la tombée de la nuit.

Pierre Dreyfus, vice-président de la Régie, représentant le ministère de la Production industrielle, André Rumpler, direc­teur des Routes, représentant du ministère des Travaux publics, Maurice Wiriath, président du Crédit Lyonnais, représentant du ministère des Finances, Jean Richard­Deshaies, représentant des usagers, où les attendaient: Pierre Lefaucheux, Alphonse Grillot, Bernard Vernier-Palliez, Albert Grandjean et moi-même, et trois voitures 109, revenues de Lardy à cette occasion, que devaient piloter Pierre Lefau­cheux, Vernier-Palliez et moi.

Après un bref exposé sur les caractéristiques de la voiture, nous prîmes la route pour Port-Royal, par Versailles, la vallée de Chevreuse, la célèbre route des 17 tournants, vers le Restau­rant de Port-Royal, où le dîner était commandé.

Pierre Lefaucheux avait comme passagers Maurice Wiriath, le financier, et Alphonse Grillot qui, en l'absence de Lions, était le représentant de l'opposition à cette voiture.

Bernard Vernier-Palliez emmenait André Rumpler et Albert Grandjean (confraternité Ponts et Chaussées oblige). Quant à moi, je transportais Pierre Dreyfus et Jean Richard-Deshaies qui étaient dans le secret depuis longtemps.

L'essai fut bon. Malgré la nuit et une petite pluie, nos pas­sagers purent constater les performances des voitures sur ce circuit renommé comme un des plus difficiles de la région parisienne, avec la côte de Picardie et les 17 tournants.

Pendant que nos invités prenaient l'apéritif, je reconduisis Pierre Dreyfus, qui avait d'autres obligations pour la soirée, à Versailles où l'attendait la voiture du ministère qui devait le ramener à Paris. Pendant ce court trajet je lui donnai quelques informations complémentaires sur la voiture et les essais en cours.

A mon retour, je trouvai nos invités installés à table. La conversation portait sur le voyage que Pierre Lefaucheux devait entreprendre quelques jours plus tard vers le Japon, en visite au constructeur japonais de la voiture 4 CV, et sur son projet d'arrêt au retour à Saïgon et Hanoï, où nous avions des filiales, pour y discuter de leur avenir après les événements qui avaient, en juillet, coupé en deux l'Indochine française.

Puis on parla de la 109, des impressions toutes favorables de la voiture et des espérances de vente que chacun de nos invités estimait plus grandes que ne le prévoyait le programme annoncé.

Quand se posa la question du nom que devrait porter cette nouvelle voiture, ce fut Jean Richard-Deshaies, qui avait déjà été le parrain de la Frégate, qui prit la parole.

"Cette voiture va prendre la succession de la 4 CV, la reine du marché. Alors pourquoi pas la Dauphine 1" et ce nom fut accepté d'enthousiasme.

Le conseil d'administration qui suivit accepta le programme et le plan de financement proposé, et en janvier 1955 fut lancé un emprunt obligataire de trois milliards de francs au taux de 5,5 % (heureuse époque 1), le reste du financement devant être assuré par les budgets investissement des années 1955 et 1956.

Le 1 0 février, Pierre Lefaucheux, au cours d'une conférence de directives générales, dressait le plan pour porter la production de 850 à 2000 véhicules par jour avant 1960 (1), comptant sur

(l) Alors que le plan adopté le 28 mai fixait la production de juillet 1960 à 1 330, dont 870 Dauphines.

le succès de la Dauphine et du petit véhicule à traction avant qui devait devenir l'Estafette, ce qui impliquait de doubler les surfaces de l'usine de Flins et la mise en exploitation d'une usine de mécanique à Cléon pour la fabrication des moteurs.

Le lendemain, le vendredi 11 février à 9 h 30, il trouvait la mort, après un dérapage sur le verglas de la Frégate qu'il pilo­tait, à la bifurcation de la route qui évitait la traversée de Saint-Dizier.

Le 27 mars, André Morice, mInistre du Commerce et de l'Industrie dans le cabinet Edgar Faure qui avait succédé au gouvernement Mendès France mis en minorité le 6 février, désignait Pierre Dreyfus pour sa succession à la présidence de la Régie.

Le nouveau président, qui était vice-président de la Régie depuis 1945, était parfaitement au courant du fonctionnement de l'entreprise. Il en avait suivi l'évolution au jour le jour et, comme Pierre Lefaucheux, croyait à l'expansion du marché automobile en France et dans le monde. Il croyait aussi aux vertus du plan. Il adopta immédiatement celui qui avait été présenté le 10 février. Mais avec la volonté de développer l'exportation pour bénéficier de la création prochaine du Marché commun et non la subir, et, dans ce but, d'apporter plus de rigueur dans la gestion de l'entreprise afin de réduire au minimum les prix de revient.

Et on reparla du prix de revient de la Dauphine.

d) Le prix de revient

Cette question n'avait plus empoi­sonné nos conférences depuis la réu­nion du 6 janvier 1954, Pierre Lefaucheux, après la conversation qui avait suivi, me faisant confiance pour ne pas me laisser déborder par des modifications d'où qu'elles viennent.

Ce problème du prix de revient de la Dauphine -comme d'ailleurs celui de tous nos modèles -n'en restait pas moins un des problèmes majeurs pour moi depuis toujours, à commencer par son mode de calcul. Déjà quand j'étais aux Automobiles Delage je m'en préoccupais, et j'avais suivi sur son évaluation un cours d'une vingtaine de séances le soir, par des spécialistes de l'écono­mie industrielle. J'avais eu, avec Louis Renault, une altercation deve­nue légendaire à propos de la 4 CV sur ce sujet (2).

Pour les modèles fabriqués en série, Félix Lapiquonne, qui, sous l'autorité de Samuel Guillelmon puis de Lions, était chargé de la détermination des prix de revient et de la marge que laissait chaque unité (bénéfice ou perte), faisait un travail très sérieux.

Chaque mois, les principaux responsables .de la Régie atten­daient avec une certaine angoisse la sortie du tableau donnant les évaluations du mois précédent, tableau qui, étant donné le nombre des modèles, des tracteurs agricoles aux véhicules poids lourds, avait une surface telle que Pierre Lefaucheux l'avait baptisé"le drap de lit".

Son mode de calcul était très classique.

D'une part les dépenses d'achat: matières premières, produits ouvrés, usinages extérieurs et redevance; les dépenses de main-d'œuvre directe de production, de frais généraux d'ate­lier, permettaient d'obtenir le prix de revient d'atelier qui, ajouté aux frais généraux d'usine, et frais généraux commerciaux, et aux amortissements des outillages, machines­outils et installations de production, aboutissait au prix de revient total.

D'autre part, le prix de catalogue, diminué de la commission aux concessionnaires, des frais de garantie et de la T.V.A. (taxe à la valeur ajoutée), donnait l'encaissement net par véhi­cule. La d.ifférence entre l'encaissement net et le prix de revient donnait la marge de bénéfice ou de perte par véhicule.

(2) "L'Épopée de Renault", p. 119.

Éclaté de la carrosserie de la Dauphine.

Vue aérienne de l'usine de Flins en 1954...

La seule critique qu'on pouvait faire à ce mode de calcul était que, étant donné la complexité du programme et la multipli­cité des véhicules, il était impossible de répartir équitablement les frais généraux, tous les frais généraux, aussi bien ceux d'atelier que ceux d'usine, et les frais commerciaux entre les différents modèles. Et cette critique était d'autant plus sérieuse qu'inévitablement la méthode des pourcentages appliqués à la main-d'œuvre de production pour les frais généraux d'atelier, et au prix de revient d'atelier pour les frais généraux d'usine et les frais généraux commerciaux, pénalisait les productions de grande série (voitures) au profit des productions d.e petite et très petite série (tracteurs agricoles, véhicules industriels lourds et autorails).

On raconte qu'André Citroën, qui avait un programme beau­coup plus simple, disait que pour lui le calcul du prix de revient consistait à diviser l'encaissement du mois par le nombre de véhicules livrés et que les calculs de ses services financiers n'étaient que subtilités de comptables.

Pour les prix de revient prévisionnels, le problème était beau­coup plus difficile à résoudre, étant donné les hypothèses qui obligatoirement pesaient sur les évaluations des différents postes.

Avant la guerre c'était Chenevoy, ingénieur des Arts et Métiers, sous l'autorité de Charles Edmond Serre, qui était chargé de cette tâche. Sa grande expérience lui permettait d'aboutir à des chiffres que Louis Renault acceptait sans hési­tation, et que confirmait le prix de revient comptable de Lapi­quonne. Il est vrai que les véhicules étaient le plus souvent le résultat de l'assemblage d'organes connus et fabriqués de longue date, et que la part de nouveautés était faible par rapport à l'ensemble.

Tué dans la rue par un véhicule de l'armée allemande en juillet 1944, il fut remplacé par Marcel Davesne, un ingénieur de Centrale, qui était son adjoint depuis plusieurs années et qui appliquait les méthodes qu'il lui avait apprises. Davesnes mourut en pleine force de l'âge, presque subitement, en 1951.

Le calcul des prix de revient prévisionnels fut alors retiré à la direction des études pour être confié à la direction des fabrica­tions' Alphonse Grillot ayant prétendu que ses services étaient plus qualifiés pour exécuter cette tâche.

A la tête du service fut placé Édmée Lepage, un de mes cama­rades de l'école des arts et métiers de Paris. Il avait commencé sa carrière aux usines Michelin à Clermont-Ferrand où il avait acquis la formation méthodique de cette firme. Chez Renault, il avait fait partie avant la guerre de l'équipe créée par Fran­çois Lehideux, des ingénieurs administratifs adjoints aux chefs de département pour contrôler les dépenses de leur secteur. C'était un garçon sérieux, méthodique, accrocheur qui, sous l'aspect d'un plaisantin, faisait toutes ses tâches avec une grande rigueur. C'est lui, donc, qui fut chargé d'établir le prix prévisionnel de la 109, comme il avait établi celui de la Frégate.

Sa méthode de calcul était calquée sur celle de Félix Lapi­quonne. Partant des hypothèses de production fixées par la direction générale, il présenta, le 27 juillet 1955, le premier prix de revient prévisionnel calculé d'après les nomenclatures du bureau d'études, et les prévisions de main-d'œuvre établies par les directions des méthodes mécanique et tôlerie.

Le chiffre de production pris comme base était de 900 voitures 109 par jour (chiffre prévu pour les mois d'hiver de 1958 et 1959 lors de la réunion du 28 mai 1954). L'annexe II donne les chiffres auxquels il aboutissait : 290 400 F pour le prix de revient industriel de la 1090, contre 262 744 pour le même prix établi par la comptabilité industrielle pour le mois de juin 1955, soit 28 256 F de plus.

La controverse et les difficultés commençaient avec le calcul des O.M.1. (outillages, matériels et installations). Dans sa note nO 20 168 du Je' août 1955, Edmée Lepage , avant de donner son chiffrage, donnait ses bases d'estimation:

Amortissement des outillages sur un nombre de véhicules notoirement insuffisant vis-à-vis du programme de fabri­cation:

la mécanique sur 500 000 voitures 1090

+ 100 000 voitures 4 CV,

la carrosserie sur 500 000 voitures 1090 ;

Amortissement des investissements, des matériels et instal­lations, sur 3 ans et demi (alors que la voiture devait être vendue pendant 10 ans) et pour des sommes très supé­rieures à celles prévues ;

Intérêt des sommes investies à 8 % par an, alors que l'emprunt était fait à 5,5 % et remboursement à 5 ans (et que les intérêts des emprunts étaient déjà compris dans les frais généraux) ;

Frais de dépannage (nombre d'heures dépensées en plus du temps prévu jusqu'à la réalisation de ce temps) 3 millions d'heures, estimées 1,5 milliard de francs.

Tous suppléments qui entraînaient une majoration de 45 900 francs par voiture 1090, alors que la comptabilité industrielle imputait, pour les a.M.I., 17800 francs pour la 4 CV, et aboutissaient à des prix de revient (sans frais commer­ciaux ni garantie) aux valeurs suivantes

4 CV Sport ..... 280544 F

Dauphine 1090 . 336300 F soit en plus pour la Dauphine 55 756 F, ce qu'il fallait démon­trer.

Pierre Lefaucheux n'aurait jamais accepté une telle manipu­lation des éléments du prix de revient. Alphonse Grillot, qui avait donné à Lepage l'ordre d'ajouter t~us ces suppléments au prix de revient industriel, tenait ainsi à justifier son opposition à la décision prise de réaliser la voiture.

Les prix donnés par la comptabilité industrielle, après la: sortie des voitures en série, remettaient les choses au point. Prix de revient total y compris les frais commerciaux et la garantie

4CV Sport ..... 3459 NF

Dauphine 1090 . 3 551 NF

soit une différence de prix de 92 F.

Le programme était tenu avec une régularité exemplaire malgré les perturbations qu'apportaient les inévitables modifi­cations entraînées par la poursuite des essais d'endurance pendant la fabrication des outillages de production.

Au début de décembre 1955, les premières voitures sortaient de la chaîne de production de Flins pour être soumises aux contrô­les de la direction de la qualité que dirigeait Georges Rémiot.

A la fin de décembre, 119 voitures étaient sorties et Henry Brownback embarquait avec lui le 10 janvier une de ces voitu­res à Cherbourg pour l'essayer sur les routes du Maine aux États-Unis, dans les conditions sévères de l'hiver américain.

Fernand PICARD

(à suivre)

ANNEXE 1

Directives générales

pour les fabrications mécaniques.

La note 6 414 du 5 février 1952 donnait des directives générales s'appliquant à une période pendant laquelle aucune mise en route importante n'était prévue. Cette période s'est terminée fin 1953 et nous voici maintenant en présence du problème consistant à augmenter considérablement la capacité de production des ateliers de moteurs et organes 4 CV (cadences horaires 45 et 40 au lieu de 30 et 27,5).

Les indications de la note 6414 sont cependant encore valables et la résolution de la plupart des problèmes qui y étaient posés est toujours à poursuivre. J!' souligne, en particulier, l'importance de tout ce qui concerne les consom­mations de matière, outillage et outils de coupe, les économies en cours d'examen ou d'essai pour les mécanismes 4 CV ou Frégate, les questions rela­tives aux manutentions, au décolletage, à certaines techniques spéciales, etc.

Nous allons franchir maintenant une étape très importante vers une produc­tion à forte cadence comparable, dans une certaine mesure, aux cadences

américaines.

Il est nécessaire que nous nous adaptions au caractère de grande série de plus en plus marqué que prennent nos fabrications de voitures 4 CV et, pour cela, il faut nous éloigner encore davantage du "climat" de préparation d'avant­guerre, "climat" fortement influencé alors par la variété de nos fabrications et la faiblesse de la plupart des cadences. La tendance générale de notre techni­que de fabrication a déjà fortement évolué, mais le bond que nous nous prépa­rons à faire est considérable et il serait inadmissibie que la mise en place de moyens aussi importants ne soit pas accompagnée d'un très gros bénéfice dans la voie de l'amélioration de la qualité et du prix de revient.

Compte tenu d'une évolution certaine, on peut cependant dire que, jusqu'à ces dernières années, la méthode générale de préparation consistait à établir des gammes d'opérations pour chaque pièce, sans toutefois en pousser.J'étude à fond, et à résoudre séparément le problème des machines et des outillages posé par chaque opération de la gamme. L'implantation des machines et la répar­tition des hommes sur les machines étaient traitées a posteriori et souvent d'une manière peu approfondie. Certaines opérations étaient finalement très bien réalisées sur le plan du prix de revient, mais d'autres étaient négligées et la quantité de main-d'œuvre nécessaire pour l'ensemble de la chaîne insuf­fisamment prédéterminée et répartie. Certaines opérations secondaires coû­taient finalement presque aussi cher que les opérations principales; des ouvriers étaient exagérément actifs, alors que d'autres avaient un coefficient d'utilisation faible et auraient pu normalement assurer le fonctionnement ou l'alimentation d'un nombre de machines plus grand.

Désormais, la préparation doit être encore beaucoup plus poussée qu'elle ne l'a jamais été et l'effort principal doit porter sur l'étude de la chaîne, celle-ci étant considérée comme un ensemble d'éléments inséparables qui sont ses machines, ses outillages, ses installations particulières de manutention, son personnel (O.S., régleurs, etc.), ses moyens de contrôle des pièces, de contrôle du réglage des outils, etc.

Le document de base, c'est-à-dire la gamme de fabrication, doit être établi après étude approfondie de la décomposition des opérations, de l'ordre dans lequel ces opérations doivent être exécutées, de la répartition des quantités de matière à enlever, des points de départ ou de localisation, des serrages, des moyens mécaniques à notre disposition ou à notre portée pour réaliser les dif­férentes opérations d'usinage, etc.

Cette étude doit être complétée par la prévision de la disposition générale des machines sur le terrain et la répartition du personnel de manière à ce qu'on puisse avoir, dès le début, une idée du prix de revient total de l'exécution de la pièce, compte tenu du personnel productif et improductif qui sera nécessaire. En somme, alors qu'autrefois on se contentait surtout d'une analyse et d'une résolution des problèmes posés par chaque élément de l'analyse, il faut mainte­nant compléter l'étude par une synthèse mettant en évidence l'interdépen­dance de tous les éléments de la chaîne: machines, outillage, installations, main-d'œuvre productive et improductive, etc.

L'étude de l'implantation doit être faite, non seulement en fonction de la succession normale des opérations, mais aussi de la prévision des moyens de manutention des pièces, des copeaux, des liquides de coupe, etc., de manière à augmenter dans la plus grande mesure possible l'efficacité de la main-d'œuvre et réduire au minimum le personnel nécessaire. .

Il est évident que le fait de tenir compte de toutes les consi­dérations précédentes (personnel, manutention, contrôle, etc.) peut conduire à réviser la gamme et à décomposer les opérations d'une manière différente ou dans un ordre différent de celui qui avait été prévu à l'origine.

D'un premier examen, il apparaît que la préparation d'une chaîne de fabrication,

tout au moins pour les pièces importantes, doit comporter les phases suivantes :

1

0 Étude approfondie de la gamme et avant-projet de l'implantation de la chaîne et de la répartition du personnel. Participent à cette étude les services méthodes et chronométrage, le bureau d'étude d'outillage, le bureau des implantations, le service des manutentions et les directeurs, chefs de dépar­tement et chefs d'atelier qui utiliseront les installations.

Cette étude permet d'établir:

a) Une gamme d'opérations préliminaires comportant pour chaque opération un temps évalué et les éléments nécessaires à l'étude des machines et de l'outillage.

b) Un plan d'implantation provisoire comportant le schéma des moyens de manutention.

c) Une évaluation et une répartition approximatives du personnel productifet improductif.

d) Un prix de revient provisoire qu'on aura pu comparer à d'autres prix décou­lant d'autres projets comportant une décomposition différente des opé­rations ou des implantations différentes.

2° Étude détaillée des machines, outillage et moyens de manutention néces­saires à l'exécution de chaque opération dans le cadre du schéma général établi au chapitre précédent. C'est le rôle principal du bureau d'études d'outillage, mais la liaison avec le service des installations et implantations doit ~tre extrê­mement étroite afin que la disposition de chaque machine cadre avec l'ensem­ble de la disposition de la chaine, les moyens de manutention de piêces, de copeaux, etc. Le bureau d'étude d'outillage devra également tenir compte de l'emplacement de travail des ouvriers déterminé au chapitre 1 dans le but d'éviter au maximum leurs gestes, leurs efforts et leurs déplacements.

Ici intervient la notion d'automaticité qui doit également présider à toutes les études de moyens de production, afin de réduire la quantité de main-d'œuvre, diminuer la pénibilité du travail et transférer au maximum la responsabilité de l'exécution de l'homme à la machine et aux moyens de manutention.

3° Étude finale de l'implantation des machines et de la mise en place des moyens de manutention avec les plans définitifs des machines. Établissement des fiches d'instruction définitives (vitesse de coupe, vitesse d'avance, lubri­fiants employés, etc.), des cartes de contrôle des machines (dispersion et réglage des cotes obtenues), étude des postes de travail aussi bien au point de vue de la répartition des tàches que du choix des hommes. La gamme défi­nitive de fabrication doit être complétée par l'indication, pour chaque opé­ration, de la qualification professionnelle de l'ouvrier et pour l'ensemble de la gamme et une cadence déterminée de la quantité totale des productifs et des improductifs nécessaires.

L'étude définitive de l'implantation doit évidemment tenir compte de la posi­tion générale de la chaîne par rapport à l'ensemble de l'atelier, des moyens d'accès des pièces brutes et d'évacuation des pièces finies, des liaisons du système d'évacuation de copeaux propres à la chaîne avec le réseau général de l'atelier, des possibilités de dégagement ou d'accès des machines en vue des révisions générales ou des réparations sur place, de la position des armoires de réglage des outils, des postes de contrôle, etc.

Il résulte de toutes les considérations précédentes que, désormais, la prépa­ration doit être beaucoup plus poussée qu'auparavant et que pendant toute cette période la liaison entre les méthodes, le chronométrage, le bureau d'étu­des d'outillage, le bureau des implantations et des installations, les ateliers d'exécution et les services d'étude du travail, doit être beaucoup plus étroite et constante qu'elle ne l'a jamais été.

Le plan d'implantation n'est plus une simple transposition de la suite des opé­rations sur le terrain, il doit constituer la véritable image de la chaine, image comportant l'indication de la plupart des éléments déterminants du prix de revient.

Dans le cas actuel, il s'agit de développer les moyens de production d'un véhicule dont les éléments sont relativement stabilisés, mais il ne faut pas négliger l'importance primordiale de la liaison des services techniques de fabri­cation et du bureau d'études des véhicules pendant toute la période de préparation.

Nous terminerons en soulignant le rôle capital de cette liaison dans le cas du lancement d'un véhicule nouveau. De cette liaison dépendent grandement la qualité et le prix de revient des pièces et finalement les conditions d' exp loi ­tation du nouveau modèle.

P. DEBOS

ANNEXE Il

Comparaison

des prix prévisionnels

de la voiture 1090

et du prix de revient

de la 4 CV Sport.

Prix à la date du .................... .

Matières brutes ..................... .

Produits ouvrés et accessoires .......... .

Usinage extérieur ................... .

Pneumatiques ...................... .

Total ....................... .

Licence Budd ...................... .

Total ....................... .

Main-d'œuvre directe ................ .

Frais généraux d'atelier sans a.M.I. .....

Prix de revient d'atelier sans a.M.I. .....

Frais généraux s/matière 3 % ......... . Frais généraux s/transformation 18,7 % .

Prix de revient industriel sans a.M.I. ni frais commerciaux ................ .

soit en plus ................... .

4 CV Sport

Juin 1955

66180

60570

3652

Il 215

141 617 700

142 317

28153

69161

239 631

23 1I3

262744

1090

27 juillet 1955

69500 67500 5000 Il 100

153 100 700

153 800

29 100

82 100

265 000

4600 20800

290400

28256