10 - Chronologie 1947

Chronologie 1947

Janvier

Création du département 76 pour l'usinage du mécanisme 4 CV. 950 machines seront installées pour une cadence de fabrication de 20 organes à l'heure.

Au Palais des Sports, fête de Noël du Comité d'entreprise organisée par la commission "Sports et Loisirs". 16 000 per­sonnes applaudissent au spectacle présenté par Georges Briquet.

Février

De L'Accélérateur: "Il n'est pas de problème plus urgent, ni plus nécessaire que celui de la productivité. Tous nos cama­rades savent que la production est la clé de notre relèvement économique. Ils n'ignorent pas que le sort du pays tout entier, et par conséquent leur liberté, leur vie propre, dépend de la hâte avec laquelle la situation économique sera rétablie".

A la suite d'un exposé fait par P. Lefaucheux devant .la commission de la Production industrielle de l'Assemblée natio­nale, une mise au point est publiée par la Direction :

"Le Président-directeur général de la Régie Nationale des

usines Renault a précisé qu'il n'était pas prévu de répartition

au personnel au titre de l'exercice 1946 si cet exercice, ainsi

que les premières estimations permettent de le supposer, se

solde par un léger bénéfice.

Les représentants du personnel ont indiqué qu'à leur avis il

n'était pas opportun de procéq.er à une distribution de béné­

fices et ce, pour trois raisons essentielles :

1) la Régie nationale des usines Renault est propriété de la

.Nation et non propriété de son personnel ;

2) la nécessité de rénover les installations et l'outillage de la

Régie commandait que soit réinvestie une partie des bénéfices

dégagés au cours de l'exercice ;

3) les salaires doivent être fixés compte tenu des résultats de

l'exploitation qui sont eux-même fonction de l'augmentation

de la production.

Le Président de la Régie s'est volontiers rangé à cet avis."

Mars

• De l'éditorial de Pierre Lefaucheux dans le Bulletz'n d'InJor­matz"on:

"La bataille que les Pouvoirs publics ont, à juste titre, engagée pour arrêter la hausse des prix, mettre un terme à l'inflation et éviter l'effondrement du franc, se poursuit. Elle a donné des résultats nets dans certains secteurs, échoué jusqu'à présent dans d'autres, et non des moindres. Mais il n'est pas un Fran­çais qui n'ait compris que l'effort entrepris doit être poursuivi courageusement et même amplifié sur les points où la résis­tance des intermédiaires et de certains producteurs est la plus cynique et la plus opiniâtre. [...] C'est pour cette raison que les nombreuses délégations que j'ai reçues, au cours de ces dernières semaines, m'ont trouvé particulièrement réticent devant leurs demandes d'augmenta­tions de salaires ou d'appointements, que ne permettent ni notre situation financière difficile, ni l'obligation où je me trouve de suivre les instructions formelles du gouvernement.

Certes, je comprends parfaitement la valeur de l'argument des délégations soutenant que le plus lourd fardeau est supporté par les travailleurs qui, à l'exception de ceux qui bénéficient du minimum vital, doivent attendre l'amélioration de leur sort d'une baisse des produits agricoles qui ne s'est pas encore nette­ment manifestée. Mais il faut que tous les hommes et toutes les femmes de la Régie comprennent aussi qu'au-delà de leurs dif­ficultés actuelles, il existe une possibilité de salut pour eux­mêmes et pour tous les travailleurs et que nous n'avons pas le droit de compromettre le redressement de notre économie en rentrant dans le cycle de la hausse, alors qu'il existe encore de fortes chances d'y échapper. Je leur demande donc quelques semaines de patience, qui nous permettront à tous d'attendre, sans les compromettre à l'avance, les résultats de la suprême tentative que fait actuellement le gouvernement".

• Un décret paru au Journal offi'del dote le Comité d'entre­prise de la personnalité civile. Désormais le Comité "pourra aborder les questions de salaires sur le plan économique"

(L'Accélérateur).

• Salon de Genève. "L'industrie française s'est efforcée de son mieux mais elle a perdu sa place d'avant-guerre" constate L'Équzpe qui ajoute: "Renault a fait un gros effort, présente sa 4 CV sur une plate-forme tournante."

Avril

,

• Création de la "Récompense pour longs services (R.L.S.)". Elle est attribuée à tout membre du personnel partant à la retraite, âgé de soixante-cinq ans et ayant une ancienneté de vingt ans ou de quinze à dix-neuf ans dans certains cas particu­liers. Le financement est assuré par le budget du Comité d'entreprise.

Fête des trentenaires à la salle Iéna.

• Grève à la Régie Renault: "Alors qu'on espérait qu'une solu­tion serait apportée au conflit qui divise les ouvriers des usines Renault et leur direction, la situation a soudainement empiré et la C.G.l1., qui jusqu'alors n'avait pris aucune part à la dis­cussion, a invité la totalité des ouvrJrs à cesser le travail. La cause de la grève est un conflit de salaire. Le régime sous lequel nous vivons ne permet pas à un industriel d'agir à sa guise. Le seul arbitre est le gouvernement.

Or le gouvernement ne permet pas une augmentation des salaires. C'est son attitude qui conduira les événements et on peut se demander ce qui va résulter d'une grève dans la plus grande usine de la région parisienne. Tout ceci apparaît bien inquié­tant et il semble qu'il serait préférable qu'une décision rapide intervienne. L'arrêt de travail chez Renault peut priver de leurs activités d'autres usines qui vivent de leurs contacts étroits avec celle de Billancourt. Si c'est au gouvernement qu'appar­tient la décision, qu'il fasse vite." (L'Équipe).

Lors de la réunion du Comité d'entreprise, le président fait remarquer que la Régie, depuis le PT janvier, perd de l'argent sur la plupart des véhicules vendus. Après discussion, le Comité adopte une résolution indiquant notamment que "sans prendre une position qui n'appartient qu'au seul gouvernement, sur le fait de déterminer si les entreprises doivent travailler avec bénéfice ou à perte, (il) demande instamment que tous les constructeurs soient placés sur un pied d'égalité en ce qui concerne les prix de vente, compte tenu de la valeur d'utilisa­tion des matériels".

Au stade des Fonceaux, challenge Renault. 210 garçons de 15 à 18 ans s'affrontent dans différentes épreuves d'athlétisme.

Les vainqueurs du cross des apprentis.

• Foire de Lyon. "A la place d'honneur du Grand Palais, au centre de la longue allée qui constitue l'axe de l'énorme bâti­ment, une plate-forme tournante, en bois clair, d'un fini remarquable. Une pancarte : "la réalisation de cette plate­forme est due à l'École d'Apprentissage de la Régie Nationale Renault". Car les apprentis ont voulu contribuer à mettre en valeur l' œuvre de leurs aînés et de leurs maîtres: la 4 CV, Vous vous doutez du succès populaire !" (L'Équzpe).

Mai

• A la suite d'un vote le personnel décide la poursuite de la grève. Cependant "à la suite des différents pourparlers entre les représentants du gouvernement, MM. Robert Lacoste et Daniel Meyer, et la délégation des usines Renault, un accord est intervenu sur la base d'une augmentation de 3 francs de la prime horaire à la production. Après un vote à bulletins secrets le personnel se prononce pour la reprise immédiate du travail.

• "Nous venons d'avoir un « coup dur », écrit Pierre Lefau­cheux dans le Bulletz'n d'Informatz'on :

'Je ne suis pas de ceux qui passent sous silence les événements désagréables, et qui pensent, en pratiquant la politique de l'autruche, faire disparaître purement et simplement tout ce qui est de nature à ternir le bel enthousiasme, Je le dis donc, très simplement mais très nettement: nous venons d'avoir un «coup dur », "[ .. ,] Plus de 2 000 véhicules de moins dans le total de notre production, d'une valeur totale de cinq cents millions, dont 40 % auraient été exportés, fournissant la contrevaleur de 200 000 quintaux de ce blé qu'il nous faut acheter à l'étranger

pour assurer la soudure; la charge de nos frais généraux lour­dement augmentée pendant le mois de mai; la marche de l'usine du Mans gênée; l'équilibre financier de nos succursales compromis, ; une déplorable publicité faite, à notre entreprise nationalisée, redonnent du courage à nos adversaires qui ont cru voir, dans cette grève, un signe précurseur de l'échec de l'expérience Renault, et renouvelant la virulence de ceux qui veulent, en la soumettant à un formalisme étroit, transformer en une administration routinière notre entreprise si vivante et si dynamique; mais surtout, combien d'heures de salaires per­dues, qui accentuent encore le déséquilibre du budget des tra­vailleurs, déjà évident avant la grève. Telles sont les plaies qu'il s'agit rnaintenant de panser au plus vite. [ ...]La Régie Renault vient de traverser sa première grande épreuve. Elle en sort meurtrie et vous-mêmes gardez peut-être au fond du cœur quelque amertume. Mais, ne nous laissons pas abattre! Imi­tons en cela le cycliste qui, au plus fort de la course, vient de crever: jurons un peu, regonflons en vitesse et reprenons la tête du peloton."

• Il est décidé d'admettre cette année 400 nouveaux apprentis qui, obligatoirement, seront admis par concours. Les condi­tions de participation seront les suivantes : être français, avoir le certificat d'études primaires, être âgé de quatorze ans et. de moins de seize ans.

Juin

• Parution de L'Automob'ile de France, mensuel édité par la

Régie destiné aux professionnels de l'automobile.

"L'avenir reste ouvert, est-il écrit. Et cet avenir, plein de pro­

messes, n'est pas si loin. D'autant que la 4 CV, cette petite mer­

veille mécanique présentée au dernier Salon, se prépare à sortir

en rangs serrés pour la plus grande joie des automobilistes

français".

Juillet

• Ainsi que prévu, les premiers organes dé 4 CV sortent du département 76 à la cadence de 5 jeux par jour.

La 300· 4 CV est fêtée par les ouvriers de Billancourt.

Août

• La première 4 CV de série sort des lignes de montage de l'île Seguin. A la fin du mois 71 voitures seront fabriquées.

Septembre

• Essai officiel de la 4 CV par le Centre d'études techniques de l'automobile et du cycle. L'essai se déroule sur la distance Paris-Grenoble et retour (1 109 kilomètres). A bord de la voiture, quatre personnes ont pris place avec 60 kg de bagages.

Consommation constatée :

-à l'aller: 5,57 litres pour 100 km pour une vitesse moyenne de 64,4 km/h,

-au retour : 5,47 litrès pour une moyenne horaire de 63,8 km.

• Critérium des carburants nationaux. "En un moment où il est de plus en plus question de réduire la consommation d'essence, cette démonstration en faveur des carburants natio­naux revêt un caractère d'actualité. [...] Étaient admis à prendre part au Critérium les véhicules à gazogène alimentés à l'aide de combustibles solides d'origine forestière et les véhi­cules électriques"(L'Équzpe).

Au palmarès, dans la catégorie gazogène, une Primaquatre (charbon de bois) et un camion Renault de 3,5 tonnes (bois).

Octobre

• P. Lefaucheux, entouré de son état­major, reçoit, en un déjeuner amical, l~s représentants de la presse automobile.

"Il n'était pas question de la 4 CV, voiture classée, dont la presse connaît toutes les caractéristiques et les qualités, mais de la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui l'industrie automobile fran­çaise en général et la Régie Renault en particulier.

"M. Lefaucheux parla longuement et de la façon la plus franche. Son exposé fut remarquable en documentation et en logi­que" (L'Équzpe).

• Sortie de la 300e 4 CV qui termine le lot des voitures d'exposition et de démonstra_­tion destiné aux 300 concessionnaires et succursales. En conclusion d'une allocu­tion qu'il prononce en cette occasion, Pierre Lefaucheux déclare : "Les ingé­nieurs et les ouvriers de la Régie Renault ont conscience d'avoir fait, à leur place, sur la ligne de bataille de la production, un effort exceptionnel dont ils sont fiers, et ils souhaitent de tout leur cœur de travail­leurs et de Français, que le pays puisse recueillir le plus vite et le plus complète­ment possible les fruits de leurs efforts."

La 4 CV au Salon de 1947.

Avant l'ouverture du Salon, la Régie met, pour quelques jou,rs, une 4 CV à la disposition de Géo Lefèvre, journaliste à L'Equipe, pour lu~ permettre d'effectuer un essai. Après avoir parcouru 502 kilomètres, le journaliste constate: "Essai excep­tionnellement brillant pour ce type de petite voiture à consom­mation extrêmement réduite. Je dirai même, essai étourdissant [...]. J'ai conduit ou possédé tous les types de Renault depuis trente ans. Je crois que jamais les usines de Billancourt n'ont mieux réussi qu'avec cette 4 CV, 4 places, 4 portes".

De L'Équzpe : "L'an dernier la Régie nationale Renault présentait le prototype de sa 4 CV. C'était une surprise et une révélation. Mais, se demandait-on, quand la verra-t-on en circulation ? Les prévisions sont toujours difficiles à établir et celles qui auraient pu être fixées, l'an dernier, auraient été fausses. Néanmoins nous avons toutes chances d'être plus heureux cette année en annonçant que la 4 CV, pendant le Salon, sera en vente" .

Salon de l'Automobile. Au stand Renault, Pierre Lefau­cheux reçoit Vincent Auriol, président de la République. Pré­sentation originale de la 4 CV : deux plates-formes mobiles, surélevées, facilitent l'accès des visiteurs auprès des modèles exposés. Plus de 800 000 personnes examineront les fabrica­tions de la Régie.

Au palais des Congrès de la Porte de Versailles, banquet des concessionnaires Renault avec 683 participants. "M. Lefau­cheux, suivant son habitude, ne se borna pas à faire le point, il

proposa des remèdes, posa des jalons, lança des graines qui doivent germer dans les milieux officiels et l'opinion publique"

(L'Automobzle de France).

Novembre

• La C.G.T. décide la grève avec occupation. Le travail ne reprendra que le 11 décembre.

Décembre

Dans un article publié dans le Bulletin d'Informatz'on intitulé "Il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis", Pierre Lefaucheux écrit notamment : "[...JDans une entreprise nationalisée la grève ne paie pas, elle coûte en moyenne au personnel de Billancourt 3 400 000 heures de travail, soit au total 232 milliards de francs de salaires qui ne pourront être récupérés que dans la mesure où les restrictions d'électricité, le manque de matières et la fatigue des travailleurs le permettront [...J. Coûteuse pour la Régie, la grève est donc, sur le plan financier, catastrophique pour les travailleurs [ ...J . Une troisième grève sonnerait certainement le glas de la natio­nalisation des usines Renault, conduirait peut-être même à la fermeture de notre entreprise [...J . "

Les Fonderies de Vernon (Eure), acquises précédemment, sont vendues à la Société des Fonderies et Aciéries de Paris.

Gilbert HATRY

=========================================================