06 - Le Yacht automobile Chryséis

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Le yacht automobile "CHRYSEIS"

On a beaucoup admiré, pendant le dernier Salon, le yacht automobile Chryséis, appartenant à M. Louis Renault. Il était amarré en Seine, contre la rive droite, en amont du pont Alexandre III.

Ce beau bateau, de 84 tonneaux, a 31 mètres de long sur 8 mètres de large et 1,70 m de tirant d'eau. Ses moteurs à essence -des Renault, natu­rellement, -ont une puissance de 100 chevaux et actionnent deux hélices. La vitesse est de 18 kilomètres à l'heure.

A cette vitesse, avec un approvision­nement de 1 400 litres d'essence, le rayon d'action est de 1 200 kilomètres, représentant soixante-douze heures de marche.

(Photo Bibl. na!. Paris) Le yacht automobile Chryséis

Le bateau est gréé en goélette.

Nous ne dirons que quelques mots des aménagements intérieurs, très confortables, comportant à l'arrière plusieurs chambres de maître et un grand cabinet de toilette, salle de bains, un petit salon-boudoir, des w.-c., etc. Dans toutes les parties du bateau, l'eau chaude est distribuée à profusion.

La chambre des machines est particu­lièrement intéressante. Elle comporte deux moteurs Renault à quatre cylin­dres de 130 millimètres d'alésage sur 300 millimètres de course, donnant chacun 50 chevaux à quatre cent vingt tours par minute. Des dispositifs parti­culiers de carburation, de mise en route, de changement de marche, de refroidissement des cylindres et de graissage la rendent très intéressante.

L'essence du pont est contenue dans deux réservoirs d'une contenance totale de 1 400 litres environ, encas­trés dans le barrotage du pont et for­mant, par leur surface inférieure, le plafond de la chambre des machines, alors que leur partie supérieure, recou­verte d'un caillebotis, forme le plan­cher de la plate-forme de navigation.

Pour éviter tout danger d'incendie, ces réservoirs sont à double paroi, l'espace intermédiaire étant rempli de sable, et, de plus, un tuyautage conduit hors du bateau l'essence qui pourrait couler et n'aurait pas été absorbée par le sable.

Des pointeaux de fermeture, manœu­vrables du pont, envoient l'essence, d'abord dans les crépines enfermées dans des boites étanches, puis dans une armoire métallique située contre la cloison avant, où se trouve un flot­teur alimentant les ajutages des deux moteurs de 50 chevaux et du groupe électrogène.

Cette petite armoire est hermétique­ment close et l'essence qui pourrait tomber à sa partie inférieure serait amenée hors du bateau par une cana­lisation spéciale.

Un robinet à quatre voies permet de fermer la communication avec les deux ou avec l'un ou l'autre des deux réser­voirs d'essence.

Toutes les tuyauteries sont doubles, de manière qu'en cas de fuite au tuyau intérieur qui conduit l'essence, celle-ci tombe dans le tuyau extérieur qui la rejette à la mer. De plus, des toiles métalliques disposées de place en place arrêteraient toute inflammation de l'essence dans les canalisations.

La mise en route se fait par l'air comprimé. Le compresseur destiné à fournir l'air comprimé nécessaire est placé contre la cloison arrière, sous le tableau de distribution électrique.

Il est actionné directement par un moteur électrique Gramme à deux cylindres et maintient une pression de 20 kilogrammes dans un réservoir d'air d'une capacité d'environ 100 litres.

Cet air comprimé actionne également le sifflet avertisseur qui se trouve placé sur le pont.

Les moteurs sont munis, comme secours, d'une manivelle de mise en marche avec commande par chaîne.

La circulation d'eau est assurée par une pompe à palettes. Le graissage s'effectue par une pompe oscillante commandée par le moteur.

L'allumage se fait par magnétos et bougies.

Des tachymètres électriques permet­tent de voir à tout instant à quelle allure tournent les moteurs. L'éclairage du bateau est assuré par un groupe électrogène à essence de 9 chevaux, deux cylindres, tournant à neuf cent cinquante tours, qui fournit également l'énergie électrique nécessaire au cabestan et aux pompes.

La transmission des ordres à la machine se fait par un télégraphe élec­trique à signaux lumineux.

Une batterie d'accumulateurs Tudor sert de réserve d'énergie électrique.

(Photo Bibl. nat. Paris)

La chambre des moteurs du yacht automobile Chryséis

Contre la cloison arrière, à droite, entre le moteur tribord et la paroi, est placé le tableau de distribution électrique, qui comprend un voltmètre et deux ampèremètres pour charge et dé­charge, neuf interrupteurs bipolaires des lignes d'éclairage et de force motrice. Il comporte en outre un démar­reur automatique pour le moteur du compresseur d'air. Cet appar.eil, mis en action par un manomètre métallique à contacts, système Bourdon, com­prend quatre bobines et un relai pla­cés sur le tableau de distribution. Il permet la mise en marche automatique du moteur, qui est placé immédiate­ment au-dessous, quand la pression dans le réservoir d'air devient infé­

rieure à 20 kilogrammes, et l'arrêt du moteur quand la pression dépasse 25 kilogrammes.

Sous l'échelle de descente, entre les deux leviers de changement de mar­che des moteurs, un petit groupe de deux pompes, extrêmement réduit com­me volume, est actionné par un moteur électrique Fabius Henrion de 3 che­vaux, qui assure les divers services d'eau du bord, à savoir : prendre de l'eau à la mer pour l'envoyer soit dans les ballasts avant et arrière, soit direc­tement sur le pont ou dans les lavabos­tOilettes; ou prendre de l'eau dans les ballasts et la distribuer sur le pont ou dans les toilettes, ou encore étancher la cale ou vider la caisse à eau sale. Toutes les eaux de rebut sont en effet collectées dans une grande caisse à eau située dans les fonds, sauf celles provenant des w.-c., qui vont directe­ment à la mer. Ces derniers services peuvent être faits également par une pompe à main placée sur le pont. Au-dessus de ce groupe de pompes est placé son rhéostat d'excitation, surmonté lui-même par une caisse à eau servant au refroidissement du moteur du compresseur d'air. A droite et à gauche de cette caisse à eau sont fixés les deux tachymètres électriques des moteurs.

Dans l'angle de la cloison arrière et de la paroi babord du bateau se trouve une petite chaudière à basse pression assurant une circulation d'eau chaude dans les radiateurs répartis dans tous les appartements du yacht. A côté de cette chaudière se trouve une caisse à charbon d'une capacité de 500 kilo­grammes environ pour alimenter ce foyer. Entre la caisse à charbon et la cloison avant, en abord à babord, règne un grand établi avec deux étaux et de nombreuses étagères à outils de répa­ration. Sur cet établi se rabat un cadre-couchette pour le mécanicien. Enfin une caisse à eau pour le refroi­dissement du moteur, du groupe élec­trogène et un lavabo à l'usage du chauffeur complètent cette installation vraiment remarquable. L'échappement des moteurs se fait dans la cheminée, dans laquelle viennent aboutir d'autre part le tuyau revenant de la cuisine et celui de la chaudière de chauffage des appartements.

Comme le tuyau du fourneau de la cuisine comporte une longue portée horizontale, un petit ventilateur élec­trique, placé au plafond de la salle des machines, entre les deux réservoirs d'essence, active le tirage.

En dépit de la multiplicité des machines qu'elle renferme, la chambre des ma­chines, qui ne mesure que 2,50 m de long sur 4,80 m de large, est très déga­gée et la circulation y est extrêmement facile.

En sortant de la chambre des machines et redescendant par la descente située dans la partie babord arrière du deck­house nous pénétrons dans un compar­timent renfermant quatre petites cabi­nes avec un lit formant commode­toilette et une petite table à rabatte­ment. Ces quatre cabines, réservées au capitaine, au pilote, au cuisinier et au valet de chambre, sont petites mais très nettes, entièrement passées à la peinture blanche. Elles donnent toutes quatre sur un couloir central chauffé par les radiateurs et dans lequel se trouve un water-closet. Au fond de ce couloir est située la cambuse, compre­nant une glacière, des armoires aux vivres et une lingerie.

Au-dessus de ces logements, sur le pont, se trouve le deck-house, très gai et vaste pour les dimensions du bateau, mesurant 4 mètres de longueur sur 2,50 m de largeur et comportant une grande table en chêne clair et huit fauteuils, un bureau formant meu­ble à cartes, un buffet et un petit piano Pleyel, avec clavier à rabatte­ment, d'un modèle bien compris et peu encombrant.

Tout l'aménagement est en chêne clair.

Derrière cette pièce se trouve la cui­sine-office, très bien aménagée, avec fourneau, rateliers à ustensiles et à vaisselle, évier, etc.

Enfin, à l'avant du bateau se trouve le poste d'équipage, très bien disposé, d'une hauteur rare pour un poste, car elle est encore de 1,90 m.

Six cadres-couchettes sont répartis le long des parois; à l'avant, le fourneau de cuisine, puis un évier et une petite pompe spéciale pour adduction d'eau; dans un coin un w.-c.

(Photo Bibl. na!. Paris)

Le salon du yacht automobile Chryséis

La soute aux chaînes est formée par le coqueron avant, et aucun appareil de mouillage ne vient encombrer le poste.

Tel est ce joli bateau. Il fait le plus grand honneur à Louis Renault, qui en a étudié amoureusement tous les détails. On ne peut, quand on l'examine en détail, s'empêcher de regretter un peu de n'en être pas l'heureux pro­priétaire.

(L'Automobile du 14-12-1907)