05 - Une anecdote

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Une anecdote

Aux termes d'une loi de novembre 1941, sous le titre " cultures collectives ", les entreprises ayant la possibilité de remettre en culture des terrains en friche étaient auto­risées à disposer librement des récoltes au profit exclusif de leur personnel.

Un " service agricole" fut ainsi créé chez Renault: il béné­ficierait de moyens importants mis largement à sa disposi­tion par la Direction générale, sous forme de nombreux tracteurs à gazogène-bois, construction rapide d'appareils de culture, véhicules de transport, financement, etc.

Ayant cependant perdu de vue que la pomme de terre doit être plantée en terrain soigneusement préparé, dès que fleurit l'aubépine, le spécialiste des questions agricoles (ou tenu comme tel) auquel il fut fait appel en février se trouva quelque peu perplexe devant les grandes étendues aussi vierges que dispersées qui lui étaient proposées. Les volon­taires ne manquant cependant pas pour le service agricole, à l'époque du S.T.O., on se mit avec ardeur à la tâche et dès la première année il fut possible de distribuer à chaque foyer quelques denrées bien accueillies.

L'expérience aidant, les années suivantes furent meilleures et l'on put assister durant l'été à la navette des camions qui, journellement, ramenaient au bâtiment de stockage, sur les quais, les petits pois et les pommes de terre produits par le personnel de Billancourt, toujours empressé à se faire affecter " aux cultures ". Les apprentis procédaient au ramassage, cependant que certains solides et jeunes gaillards se déclaraient subitement spécialistes de la machine agricole et du gazogène à bois.

Par miracle, les autorités d'occupation oublièrent d'enquêter sur ces déclarations.

Les cultivateurs voisins de nos centres accueillirent d'un air narquois ces gens de la ville prétendant réaliser à une échelle inhabituelle la production de pommes de terre. Per­suadés de notre incapacité, ils nous attendirent à différents virages, celui de la préparation du sol en premier lieu. Mais lorsqu'ils assistèrent à l'utilisation conjuguée de nombreux tracteurs ils durent s'incliner. Puis vint la plantation; les constructeurs, à l'époque, fabriquaient des planteuses méca­niques à un rang, de rendement faible. Billancourt s'attela au problème et en un temps record sortit des planteuses à quatre rangs jumelées deux par deux. Coup de chapeau

de nos voisins.

Alors surgit le problème du doryphore (au sens propre du terme) : nous pensions avoir tout prévu et avions rassemblé en temps voulu des pulvérisateurs susceptibles de faire face aux besoins, soit trois épandages à raison de 800 litres chacun à l'hectare, échelonnés sur une période de 6 semaines. Nous avions oublié les faibles ressources en eau de nos fermes, si bien que les puits furent rapidement taris. Mais 48 heures plus tard, les camions-arroseurs de Billancourt, mis généreusement à notre disposition, puisè­rent l'eau au canal voisin et vinrent heureusement remédier aux difficultés.

Fort heureusement, la Direction générale très favorable au succès des cultures collectives, s'abstint de s'intéresser aux prix de revient, le volume des récoltes primant toute autre considération.

Le service agricole acheva sa carrière en 1946 lorsque le ravitaillement revint progressivement à la normale.

Parmi les centres agricoles Renault, un des principaux se trouvait à côté de Nemours : indépendamment de la pro­duction des pommes de terre, il avait la charge d'alimenter en produits aussi variés que possible la maison de repos voisine. A cet effet, il fut décidé d'installer une porcherie, mais, à défaut de pouvoir se procurer des farines ou ali­ments classiques, il fallait disposer de deux gros cuiseurs de 1 000 litres susceptibles de permettre, après cuisson, une meilleure assimilation par les porcelets, de navets, carottes, choux ou autres denrées de choix. Le service des Achats, consulté, eut vite fait de trouver une fonderie spé­cialisée capable de livrer rapidement.

A ce même fournisseur, le préposé aux questions touchant Herqueville, propriété personnelle du Patron, avait fait commander, sur l'ordre pressant de ce dernier, des petits fourneaux de cuisine destinés à diverses habitations du domaine.

Comme de bien entendu, chaque matin Louis Renault, impa­tient d'équiper sa maison, faisait comparaître « Herque­ville" (c'est le nom qu'il avait définitivement attribué à son collaborateur afin de ne pas s'encombrer la mémoire inuti­lement) et, sur un ton de plus en plus impératif, lui deman­dait où en était la livraison de sa commande. Sachant ce qui l'attendait, « Herqueville " prenait au préalable la pré­caution de s'informer auprès de la réception, dans l'espoir de pouvoir annoncer que les fourneaux étaient enfin arrivés.

Mais, le visage pitoyable, il devait avouer au Patron l'insuc­cès de ses démarches pourtant aussi appuyées que renou­velées. Et... il sortait du bureau gratifié d'épithètes que beaucoup connaissaient.

Un jour enfin, la réception lui ayant annoncé que sa commande venait d'être livrée, il se précipite tout guilleret chez le Patron, obtient par initiative personnelle de l'huissier Tarisien d'être reçu immédiatement et annonce d'un air assez satisfait la livraison tant attendue.

Louis Renault le prend par le bras, descend à la réception et, au lieu des fourneaux de cuisine, se trouve devant deux énormes cuiseurs... à cochons.

Le tonnerre tomba sur le malheureux « Herqueville ».

La suite serait longue à raconter. Ajoutons seulement que, bien entendu, «Herqueville» parvint heureusement à conserver ses fonctions et que le responsable de l'achat des cuiseurs fut invité sans délai à comparaître devant le Patron. Contre toute attente, il réussit à justifier son acqui­sition en ces périodes de pénurie et même à en obtenir l'approbation.

Il est vrai que, dans ces instants cornéliens, il eut la chance d'être assisté de Jean Hubert ainsi que de Jean Louis, pré­sents l'un et l'autre lors de sa comparution.

Marcel MOULINIER

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M. Pierre Acolas nous cOl"(lmunique la carte ci-dessus que lui a adressé un journaliste austràlien de passage en Nouvelle-Zélande. Au dos, figure un texte dont voici la traduction : Voiturette Renault 8 HP 1909. Ces petites voitures furent très populaires comme taxis en Angleterre et en Nouvelle-Zélande. Le véhicule représenté sur la carte a été reconstruit à partir de ce qui était presque une épave. Depuis sa restauration, cette voiture a gagné la classe .. vétéran" de rallyes dans l'île sud de Nouvelle-Zélande. (Photo par F.M. Mitchell, Queenstown).

La sensation de la vitesse.

Récit de Jeantaud, pilote de la voiture avec laquelle le président Loubet a fait une promenade autour du lac Daumesnil le 9 novembre 1900 :

Au commencement l'allure était de 18 km à l'heure; je vou­

lais accentuer un peu le mouvement, mais M. Loubet s'y

opposa et me dit: «Oh! non, je vous en prie, j'ai horreur

de la vitesse! ».

« Pourtant, fis-je, Monsieur le Président, il est indispensable

que vous sachiez que nous pouvons aller plus vite ».

Et, jOignant le geste à la parole, je passai de la deuxième vitesse à la troisième, puis presque aussitôt à la quatrième. L'allure de la voiture passa donc successivement de 18 à l'heure à 24 puis à 30 km. A ce moment, M. Loubet me dit: « Maintenant, j'ai vraiment la sensation de la vitesse. C'est exquis! ".

(La Presse du 16 novembre 1900)