03 - d'Oran au Cap en six roues

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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d'Oran au Cap en SIX roues

Le raid du capitaine Delingette fut salué avec enthousiasme par la presse de l'époque. On exalta le courage du capitaine et de ses compagnons : Mme Delingette, le mécanicien Bonnaure « un as parmi les as » et Mahmadou « un bon nègre de Zinder qui, ayant servi les Delingette, n'a plus voulu les quitter» (L'Écho de Paris). On magnifia la voi­ture qui « a parcouru 23 000 km de brousse, de forêts et de régions inexplorées, sans la moindre défaillance de son moteur» (La Journée industrielle). Cette fameuse six roues « un peu fanée par le soleil, un peu rouillée mais qui a tenu et qui tient encore» (L'Écho de Paris).

Il ne restait plus à Renault qu'à exploiter le succès, ce qui fut fait -et de main de maître! -Expositions, photographies, dépliants : tous les supports publicitaires furent utilisés. Pour couronner le tout, une brochure écrite par le capitaine et sa femme, magnifiquement illustrée par des bois de Jacques Boullaire, éditée par le célèbre Draeger et dont voici le texte :

Dans l'un de ses récits, Rudyard Kipling affirme qu'aux colonies il ne faut prendre au seneux ni le soleil, ni les maladies, ni les mauvaises nouvelles : en plein bled rien n'a d'importance.

Je crois bien que c'est dans cet esprit que la mission de traverser l'Afrique nous fut confiée, par le ministère qui ne devait guère croire au succès. Mais que fallait-il pour réus­sir? Choisir simplement la voiture robuste qui nous permet­trait de passer partout.

Nous avons pris la 10 CV Renault à six roues et le 15 novembre 1925, à 2 heures du matin, nous rou lions sur la piste de Colomb-Béchar.

Ce furent d'abord dix étapes dans le froid intense des nuits, dans la brasillante ardeur des jours. Notre six roues zig­zaguait, cherchant sa route par les oueds rocailleux et les

gorges sauvages, entre les dunes massives et à travers les escarpements de « hamada », nous cahotant sur les buissons pétrifiés des « choux-fleurs du désert».

Un enlisement soudain dans une poche d'eau, une dange­reuse glissade sur le sol mouvant, le sable soulevé en vagues par un vent furieux et le torrent jaunâtre d'un orage crépusculaire nous valurent quelques premières émotions jusqu'à Taourirt.

Puis, nous nous sommes engagés dans la solitude absolue du grand désert, le pays de la peur et de la soif.

Pendant un millier de kilomètres, notre Renault s'est traînée, s'est vautrée dans le sable impalpable qui se refermait der­rière elle comme de l'eau. De loin s'apercevaient les sque­lettes de pèlerins ou de méharis que calcinait le soleil effroyable. Ce soleil nous tenait, dans l'appréhension de son affolant midi, à l'écart de la réalité des choses. Le désert était lisse, scintillant comme une gemme qui s'étendait de toutes parts jusqu'à l'horizon clignotant et, sur cette immensité lustrée, la Renault glissait, élargissant de son ronronnement régulier le grand silence étale.

Un seul îlot de vie : Ouallen, avec ses targui voilés, aris­tocratiques et cruels, et leurs armes de Croisés.

Le désert est franchi à Tessalit et déjà réapparaissent la brousse, les arbustes desséchés, les gommiers dégingan­dés, les vautours et les gazelles. Des tentes de nomades plantées, çà et là, des méharistes en promenade, un pullu­lement d'ânes gris signaleront bientôt l'approche du Niger.

Trois jours de grand et de beau tourisme dans la steppe soudanaise hérissée de buissons, de mimosas épineux, de palmiers nains. Par échappées, nous apercevons, lumineux comme un immense et mouvant miroir, le fleuve coulant entre ses falaises bleutées.

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Les paillottes et les cases en terre ont défilé sur nos côtés, bientôt remplacées par les magnifiques champs de coton de la Nigeria anglaise entre lesquels sinue une piste exé­crable et intermittente, obstruée de souches, coupée de fondrières, de fossés bourbeux, d'oueds encaissés.

Le pays bornouan est le paradis des oiseaux. Les aigrettes, les tourterelles, les pélicans, les hérons, les gobe-mouches, vivent ensemble sous le regard humain de ces autres oiseaux étranges, les calos aux paupières garnies de cils.

Puis des nVleres coulent, se multiplient; des ponts construits d'un mélange de paille et d'argile crèvent sous notre six roues. Des dunes s'effondrent brutalement sous son pOids. Toutes ces difficultés surmontées, avec l'aide précieuse de notre mécanicien, Bonnaure, nous amènent dans des zones inondées, étendues à perte de vue, qui nous forcent à rebrousser chemin.

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IraverSé UHd -rivièré SUT uu radeau.

A Zinder, nous retrouvons un quatrième compagnon, sous les espèces de Mahmadou, un brave Bornouan qui nous avait servi de boy plusieurs années auparavant

Steeple-chase à travers les épineux, les hautes herbes, les trous, les vieilles souches de palmiers et le sable mou dans lequel nous enfonçons jusqu'aux essieux. Nous arrivons ainsi au Tchad, pour le dernier jour de l'année. Il nous fallut, pour reprendre la direction du Cap, décrire un vaste demi­cercle autour du lac, dont nous avons en vain cherché les bords bourbeux et pestilentiels derrière une impénétrable muraille de roseaux séchés et jaunes. Les mêmes herbes rampantes, les mêmes bouquets de palmiers nains, les mêmes arbres dénudés dont les branches entrechoquées par la bise hantaient notre sommeil, composaient, sur 3000 kilomètres d'étendue, un paysage monotone.

Puis les grandes rivières réapparurent Il nous fallut les traverser vingt fois avec des moyens de fortune. Nous pas­sions alors un temps considérable à rafistoler des pirogues ou à battre des pieux en rivière. Nous voyagions maintenant dans l'Oubangui. La froide torpeur, qui tombait à l'aube, trempait nos couvertures et nos moustiquaires.

La végétation devenait plus dense et préludait à la forêt tropicale.

Elle forma d'abord au-dessus de nos têtes une voûte étin­celante pour ne laisser filtrer, peu à peu, qu'une pénombre verdâtre et nous engloutir insensiblement dans une ombre opaque et lourde.

Le grand silence noir se ferma sur nous. Le bruissement des légions d'insectes, qui dévoraient les arbres abattus, fumant dans la décomposition intense, s'y distinguait fai­blement. A peine dans la muette immensité des nuits, per­cevait-on la palpitation des tam-tams lointains qui s'effaçait et s'enflait, pour s'éteindre tout à coup, transportée ailleurs par le vent. La vase des marigots, où se convulsaient les palétuviers, distillait une terreuse atmosphère de cave surchauffée.

Des arbres, des millions d'arbres, colossaux, lancés d'un jet, un chaos de branches, de feuillages, de guirlandes immobiles se figeaient dans une avalanche végétale, mena­çant de nous submerger. Sur cette verticalité croissaiÈmt les choux géants, les éléphantus, les orchidées et les déli­cates fougères.

Nous avions l'impression de n'être, dans notre six roues, qu'un insecte minuscule et bourdonnant, rampant aux pieds d'immenses colonnades. Mais l'insecte avançait, décrivait des méandres compliqués et habiles autour des troncs sur le sol mouvant. Rien ne l'arrêtait.

Parfois, une échappée s'ouvrait brusquement sur une muraille de roseaux, sur des paillottes pointues qui dégor­geaient, en un instant, un pullulement de noirs aux dents aiguisées. C'était alors une explosion de hurlements, de gesticulations, un paroxysme de ténébreuse et surprenante frénésie qui nous apportaient la révélation brutale de la sauvagerie.

La traversée de quelques postes perdus dans la forêt, qui exploitaient le caoutchouc ou le coton, nous soustrayait quelque temps à l'oppression des ténèbres, à la pesante domination de la forêt. Poignées de mains hâtives de colons, de Pères blancs, d'officiers, et la piste nous recon­duisait au cœur du sauvage éden.

L" 'l'IUVERSÉE n'UNE RIVIÈRE

Dominant la vallée de la Semliki où, sous un dôme de vapeurs, règne une torpeur suffocante, s'érige un nuage de forme particulière. La base est d'un bleu intense, le faîte transparaît comme un pic de sel : c'est le Ruwenzori à la cime neigeuse. Par bonds de quelques mètres, sous l'effort violent du moteur tournant à pleins gaz, nous sommes par­venus à franchir les crêtes, en dépit des inextricables broussailles de genévriers. Une série de descentes inouïes nous a menés en vue du Nyanza endormi dont les lointains se parent des couleurs de l'océan.

Si le nord de l'équateur, en Afrique, est un four chauffé à blanc, le sud est une éponge sur laquelle, du lac Nyanza au lac Nyassa, nous avons pataugé sans répit. Le jour nous construisons des ponts, la nuit nous séchons la magnéto au feu de brousse, après des traversées de rivières à gué; le paysage étend à nos pieds un tapis de liserons, de tulipes, de lis, de myosotis sauvages. Nous nous endor­mons sous la lointaine surveillance des girafes· et des élé­phants dont les oreilles battent sous les pins parasols.

DANS LA l'ORb *QUA't(llH.\l.R, rd. DE LA Fl<owrtERR lltr COlfM lIE"(llt. t.\ IIIlSSI0" llt'1' A CUT ~ND1tOl1:" SE FRAVla('PASSA(Ut A l,A Bette ET A LA, UAC1Œ.

Mais toute cette eau courait à son triomphe. Une apothéose se préparait. Loin alentour, un blanc rideau de vapeurs l'an­nonce dans le ciel. Une vibration continue palpite dans l'air et se propage dans les profondeurs du sol. Puis, à mesure qu'on approche, le vacarme s'enfle, impressionne, terrifie et on aperçoit le Zambèze élargi rouler à l'abîme.

Sur une seule ligne, ses eaux puissantes se brisent dans un fracas tonnant. Elles élèvent du fond du gouffre une nuée majestueuse, micacée, étincelante, dans laquelle s'ins­crit l'orbe d'un triple arc-en-ciel.

Un chapelet de marécages mène à Bulawayo. On suit la voie ferrée sur un millier de kilomètres avant de s'enfoncer dans le désert de Kalahari clairsemé d'épineux et de plantes rampantes qui semblent des lanières de cuir. Peu après Johannesburg, ville de l'or, les difficultés s'aplanirent. C'est en triomphe que nous atteignîmes Capetown, le 3 juillet, après huit mois de route.

Le retour... Félicitations officielles, famille, amis retrouvés.

Il ne nous resterait bientôt plus de l'Afrique que des épines dans le corps et la fièvre; les fatigues, les peines et même les meilleurs souvenirs s'estomperaient. C'est l'impression qu'éprouve aussi Bonnaure qui répondait au journaliste lui demandant combien de fois la Renault était tombée à l'eau par un « Ah ! " d'évaluation impossible, sou­ligné d'un geste évasif embrassant une somme incalcula­ble de misères. Il les aurait sans doute contées si, à ce moment, ses yeux n'étaient tombés sur la six roues déco­lorée qui, dans les Champs-Élysées, n'était plus qu'une voiture comme les autres, n'exprimant rien de plus que les autres. C'est pourquoi, renonçant à son récit, simplement:

• Ça /'a lavée ", dit-il.

Capitaine et Mme DELINGETTE

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REPRISE

Les établissements Renault, dont le siège et les usines sont à Billancourt, ont enregistré, fin avril, un mouvement de reprise des affaires, qui s'est accentué très sensiblement au cours de ces trois derniers mois.

La reprise, actuellement très forte, et qui s'est progressive­ment étendue à toute la fabrication, a commencé à se mani­fester dans la voiture de tourisme. Les stocks considérables que ce département possédait il y a trois mois, sont entière­ment liquidés maintenant, le carnet de commandes s'est rempli et, actuellement, les usines sont même en retard pour la livraison de certains types, notamment la 10 et la 12 HP. Le châssis de luxe, 40 HP 6 cylindres, mis sur le marché à un moment critique, est également devenu l'objet de nom­breux ordres.

Quant aux stocks de camions, l'écoulement en est plus lent par suite de la liquidation de véhicules de l'armée; par contre, la fabrication des types spéCiaux se poursuit régu­lièrement et atteint un chiffre de vente satisfaisant.

Enfin, le département tracteurs agricoles et forestiers, dont les affaires étaient restées calme jusqu'à présent, commence à s'animer à son tour par suite de la baisse du prix da l'essence et de l'approche de la saison des labours.

(La Journée industrielle du 29 juillet 1921)

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André Cadilhac