09 - Une bataille publicitaire

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TOUJOURS PREMIERS

VOITURETTE

Renaut frères

(Brevet Louis Renault)

, ,

1er PARIS-TROUVILLE

1er PARIS-OSTENDE

1er PARIS-RAMBOUILLET

Une bataille publicitaire

Quand on fabrique des automobiles, il faut les vendre. Pour les vendre, il faut les faire connaître. Et, en cette fin de siècle pour les faire connaître il n'y a encore que les courses. Ce n'est qu'après -si elles sont victorieuses pour la marque -que la publicité intervient. Par affiches, certainement, mais surtout sous la forme d'annonces dans les journaux.

C'est exactement la voie que suit la jeune maison Renault frères. Un an après sa création elle a déjà un palmarès flatteur.

10r

Qu'on en juge : et 2' dans la Coupe des chauffeurs-amateurs disputée le 27 août 1899 sur la distance Paris­Trouville, 1'r et 3' dans Paris-Ostende les 21 août et 1er septembre, 1er et 2e dans Paris-Rambouillet et retour le 19 octobre.

Après cette dernière épreuve elle va «frapper un grand coup". Dès le lendemain de sa victoire les quotidiens publient un grand placard dans lequel, après avoir affirmé que les voiturettes Renault frères sont «toujours premières ", elle rappelle que «la voiturette Renault frères après deux succès, vient de remporter encore le 1er prix sur toutes les voitu­rettes engagées, accomplissant le parcours accidenté Paris-Rambouillet et retour (100 kilomètres en 2 h 49') ".

Au même moment et dans les mêmes journaux, c'est Peugeot qui annonce sa propre victoire: " Doriot a triomphé en battant de 11 minutes la seconde voiturette et toutes les autres de fort loin ».

COURSE DE VOITURETTES AUTOMOBILES

PARIS-RAMBOUILLET et retour

Premier: DORIOT sur voiturette

PEUGEOT

couvrant les 104 kilomètres en 2 heures 38 minutes

~RECORD-

Battànt de 11 min. la seconde voiturette et toutes les autres de fort loin

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SOCIÉTÉ ANoNYME: des AUTOMOBILES PEUGEOT à Audincourt (Doubs)

DEPOT A PARIS: 83, BOULEVARD GOUVION-SAINT-CYR

Voilà les malheureux lecteurs en pré­sence de deux vainqueurs. Et les fabricants de pneus s'en mêlent. C'est VITAL qui, équipant les Renault, pro­clame qu'« on ne veut plus que des voiturettes et qu'il n'y a qu'un pneu­matique de voiturettes LE VITAL ".

NOUVELLE ÉPREUVE -NOUVEAU SUCCÈS

On ne oeut plus que des VOITURETTES et 1/ nI u qg'un pneumatique"< ooilùrettlls, Le VITAL ;, VITESSE 1 Puls-RamilouWet-ParlBCl041il.'nZI1'.49",. RÉSISTANCE

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Cette fois s'en est trop et la bataille va être engagée, super­bement, par Vital : " Pas de confusion il n'y a qu'un vainqueur, c'est M. Renault qui est arrivé 19 minutes avant le second,

M. Doriot '".

De son côté MICHELIN, qui équipe les Peugeot, attribue la victoire de Doriot à ses pneuma­tiques... «naturellement ».

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VITAL·UOUHOURB et DUDT, aa et 14, rue des' 4rti

LE'V.A.LLOl:S-PER:a.H'lT

Il faut croire que l'affirmation était sans réplique possible puisque Michelin garda le silence.

Mais où était donc la vérité? Comme souvent en pareil cas, elle se trouvait dans les deux camps, ce qui peut expliquer le renoncement de Michelin. Voyons donc les faits :

Le jeudi 19 octobre 1899, pour clô­turer les fêtes de Longchamp, le pério­dique «Le Sport Universel Illustré" organise une course sur le parcours Paris-Rambouillet et retour, soit une distance de 104 kilomètres.

« Les départs n'étaient pas donnés en ligne. On avait fait un handicap en trois catégories d'après la force des moteurs des véhicules engagés. La première catégorie comprenait les voiturettes dont le moteur faisait un maximum de deux chevaux. Dans la seconde étaient classés les moteurs de deux à trois chevaux, et dans la troi­sième les moteurs de plus de trois chevaux» (la France automobile).

Dans la première catégorie, qui comptait 10 partants, concourraient Louis et Marcel Renault. Dans la deuxième, 14 partants, se trouvait Doriot sur Peugeot. La troisième caté­gorie comportait 11 partants.

La deuxième catégorie partait une demi-heure après la première, la troisième une demi-heure après la deuxième, donc une heure après la première. Ainsi Doriot prit le départ 30 minutes après les Renault.

Quant à l'arrivée, lisons le compte rendu publié par « Le Sport Universel Illustré» :

«Le contrôle d'arrivée était installé au lieu classique, l'extrémité du boule­vard Maillot, juste en face du restau­rant Gillet. Dès 10 heures 1/2 la foule commence à arriver. On fait bien d'ail­leurs de se presser, car vers 11 heùres, un petit nuage s'élève sur le boulevard C'est le premier 1

«On se pousse, on se bouscule un peu. On distingue vite la voiturette. C'est Renault, le nO 48 qui, sur son petit véhicule, passe le contrôle en tempête à plus de 40 à l'heure. Il est exactement 11 heures 2 minutes. Renault a donc gagné la course, mais il reste à savoir s'il fera le meilleur temps ou si son temps sera battu par le vainqueur de la deuxième ou de la troisième catégorie, qui sont partis trente minutes et une heure après 1ui.

«A 11 heures 1/4, nouvelle poussière. C'est le nO 44 (Doriot sur Peugeot) qui passe également en trombe à 11 h 21. Do~iot étant parti à 8 h 43 a donc mis 2 h 38 ce qui est un temps meilleur que le temps précédent et restera d'ailleurs le meilleur de la journée".

Si Louis Renault est bien arrivé pre­mier de tous les concurrents, accom­plissant le parcours en 2 heures 49 minutes, soit à la vitesse horaire de 37,918 km, Doriot a parcouru lui, la même distance en 2 heures 38 minutes, réalisant une moyenne horaire de 39,492 km, ce qui le met premier au classement toutes catégories, Louis Renault n'étant que deuxième.

Aussi quand, dans sa publicité, Renault

1er

se vante d'avoir remporté le prix sur toutes les voiturettes engagées, il exagère. Il en est d'ailleurs de même quand Peugeot «oublie» de dire que la voiture de Doriot faisait un cheval de plus que celle de Renault. Mais n'est-ce pas celà la publicité?

Et les fabricants de pneus, me direz ­vous? Ma foi, il était de bonne guerre qU'ils vantent leurs produits. Mais au fait, qui connaît aujourd'hui le pneu VITAL?

Georges FLORIS