03 - Mai 1926

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Mai 1926

UN INCENDIE ÉCLATE AUX USINES RENAULT

ET EST FORT HEUREUSEMENT CIRCONSCRIT

Le feu a anéanti un bâtiment qui contenait d'énormes quantités de marchandises

T.a g"'hx rI~s Ilsinr.l' Ikll.111lt, à Bil­lancourt, ]lolu'ail t;tl'I] funsidérée, hier 'malin. romwl.' tt'rminée, )jl'esqu'! tous Ifs 01l'I'1'iel'8 a!lnul rt.3inté(Jl'6 lcurs atdi"Ni.

Mois. t'crs 13 h. 1:;. l" "l'i do « au (('II s'pil,t'ail. I.e lJ1itilflrnl lU. 'rcm­Tlli df? maf,>,.i(I/J.I' d,' (·(If)ulrhour. d'] r"runIJI'(,s ù air. df' pU/'u..; ,If ri,' (Juna. nlMi flamblll" ri,' {nlltl t;n "oml)/(', 1~f.'5 .,('l'ours s'm'r;flnis"'rf'nf li';.: rnpid,'­JHf'nt " 1111.1' jdHIII"'S d,> rus ~.e, t'iur'!"t

s·aj(J!((,·" rellcs ries liS in",' voisines, rcllcs dl' B01110(lnr, celles tic l'aris. L" colonel BouderotlJJ NJmmaJldnit en Ùf'l'sfJnne la m.an(PlIVI'C On com ~

mr:u('a Jlal' isoler un dép'H d'esse.,,,.·? Inul j)roclte. Une l,'ingtaill''; de lanre, 1l/1'(IJlI ml.\'ps cn ball('rir:. outant lwr Ir,\' oUI'ricl'.\" enx-rni!mes (,i/l.' ,Jar /f'\ {mHl)llf'rs. [J' )Jf'N'(lnn,~l (it 1i)'C"l,'~ d'ull dh.'mu'ml'lIl u/{J(tni{lfd/t? auqu('1 JI. Iklloult lui-même n'Il à rcnd1'p

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Enfin, le (cn (ni r;,,"unserit pI ,,'ill,.,. mUIl;";I",1 ,'1 [l1l!!I"II;g"r. ral'­était ICl'miné li 17 h. 30. L,A bàtinu?J!l Ilortt'w' du s/'I'I'it'(: d('s J)(·mp/I'l's. (Irait été c1ltièrcmC1U, S'!, n'fié. I~,'s Il rf'suJf,} de (CJ/ffllf.:/.-f'{{r'dUép. {Jf!rtes sont énormes. nU. ne les f;/'a-1un' III T,nti"I' .iudieioil'·.'. (1.11' rI71Cf'n·

oi" tif/il (:1/'1' atlri/lfui fi "/II'" (·tl/l"'i~ n('­I1I1~rfI qu" peu ri 7H 'U,. Par ,'(,Tltre, au-f'Ït/f'11 1dlr', d 'I/((> (II/III' ,.dt:t' dc 11Iol­nUI ac('u1enl dc l)I'I'SOHl/(' u',:sl à rh:-l'I'illallf'" diJil (:(1'" l'nu"I,; T,lro',('l'. (:'JlIIlIlt' 'III. lu/rll/if dll l'//ljmfl(Tl' S/O' lf'S lir.u:r: élait?nl (111in:,I;. r/,">j II/li ]JfJUl'1'flil 1":,\'/I/I,'/' dl' /ti tli,\'JuJ)"­fI' r/,;bu! du sinl.\'II'I'. irs Jin'tl'fs rit; Id Id)}1 r1'ull'li,'I'S II/18si iO/l,I'ffn,,!x, JI. SI'Înr ct tif' /lolif'I'. J/JI. BouJn ei ['kI/nuit l'I:JIIIWlit: (, .YOIIS l''/,ims Illut !S/Orain, ain.:.;j qlll.! JI. RI/.-;r';lIr!?1, COH-Jill Il l' /;,'i/,'J' (Ill'il !I "11 "it, II

La presse relate l'incendie.

Le vendredi 28 mai 1926, un grave incendie éclate vers 13 h 5 aux usines Renault de Billancourt. Le feu prend rapidement dans le bâtiment nO 10 contenant pneus, chambres à air, dynastarts, magnétos, plus quelques pièces mécaniques, et où des ouvriers travaillent à la revulcanisation des pneus.

Ce bâtiment est situé près d'un dépôt contenant plusieurs cen· taines de tonnelets d'essence et d'hydrocarbure. 800 mètres carrés de superficie sont en flammes. Le feu menace également les bâtiments voisins nO 8 et nO 13 où se trouve notamment la comptabilité. Il faudrait dire que la grève qui s'est produite dans cette usine n'est pas encore totalement terminée; un cer· tain nombre d'ouvriers ont pris leur repas de midi dans cet ate­lier. Le repas n'était pas encore terminé lorsque l'incendie éclata. Les ouvriers donnèrent immédiatement l'alarme, et commencèrent eux-mêmes à combattre le feu.

Puis l'intervention des pompiers est très rapide et massive, ceux de l'usine puis des casernes de Boulogne-Billancourt, Issy-les­Moulineaux, puis cinq casernes de Paris: Chaligny, Grenelle, Palais-Royal, Carpeaux et Passy. Quinze pompes sont mises en action, ainsi que le fameux fourgon-pompe Somua qui débite 300 000 litres par heure, directement pompés dans la Seine. Un important service d'ordre barre les rues autour de l'usine. Le toit du magasin incendié vient de s'écrouler; des trous sont percés dans les murs par lesquels les ouvriers, formant la chaîne, évacuent du matériel : roues, pneus, pièces de moteurs, ressorts, etc. ; on déverse sur les décombres des tonnes d'eau, et on arrose copieusement un dépôt de carbure après l'avoir recouvert de bâches vertes.

Ainsi, grâce aux pompiers, au dévouement et au courage des ouvriers et de tout le personnel -la presse est unanime sur ce point ainsi que Louis Renault lui-même -, le feu est rapide­ment maîtrisé. A 15 h 30, le colonel Bouderoux se déclarait maître de la situation.

Les dégâts sont très importants (on parle de 8 à 10 millions). Le bâtiment nO 10 est complètement détruit, ainsi que la plus grande partie de son contenu. Poutres, masses métalliques, paperasses, moteurs, lourdes pièces d'acier jonchent le sol; dehors s'accumule ce qui a pu être sauvé: outillage, matériel coùteux, pneus de toutes dimensions, registres. Les bâtiments 8 et 13 sont moins atteints et le dévouement du personnel a permis de sauver des documents, d~s pièces comptables qui s'y trouvaient, ainsi que les tonnelets de carbure évacués. Ajou­tons que, fort heureusement, on ne déplore aucune victime et qu'il n'y a aucun risque de chômage.

Comme après tout sinistre, une enquête est ouverte pour en déterminer les causes. Il en résulte que l'incendie doit être attribué à une cause accidentelle, et que toute idée de malveillance doit être écartée.

Un réchaud mal éteint a-t-il provoqué l'incendie, ou peut-être une machine servant à la revulcanisation des pneus ?

L'unanimité de la presse, des enquêtes et des différentes parties, quant aux causes de l'incendie, peut paraître curieuse. Effectivement, ces causes peuvent avoir été accidentelles comme le concluent les enquêtes. Mais on peut supposer que, si malveillance il y a eu, personne n'avait intérêt à jeter de l'huile sur le feu et surtout pas la direction ; le climat social est lourd en ces moments, la situation est tendue chez Renault. En effet, l'usine sort d'une grève de trois semaines d'où les travailleurs ne sont pas sortis au mieux de leurs intérêts.

La grève de mai

Le lundi 10 mai 1926 à 14 h 30, les ouvriers tôliers de l'usine 0 apprennent qu'il ne leur sera plus alloué que 58 francs au lieu de 63 francs pour le tôlage d'une voiture. Les ouvriers de l'usine 0 ont la réputation d'avoir du "caractère", d'être tenaces; ils sont d'une combativité qui les mène parfois à la violence, aux bagarres. Pour preuves, les grèves de 1921 et de 1923.

Un nuage noir que l'on aperçoit de loin.

Le mardi 11 mai, une délégation se présente à 10 heures chez Duvernoy, le chef du personnel; elle reçoit cette réponse cyni­que: "C'est à prendre ou à laisser; si vous n'êtes pas satisfaits, vous savez où est la porte de sortie". Lorsque les ouvriers apprennent cette réponse, ils cessent tous le travail. 6 000 ouvriers de l'usine 0 sont donc en grève, ils réclament 20 % d'augmentation. La direction décide le lock-out.

Le mercredi 12 mai a lieu, salle des Coopérateurs, un grand meeting où, dans l'enthousiasme, on nomme un comité de grève. A 13 heures, divers meetings ont lieu autour de l'usine mère. Les délégués du Comité d'Unité Prolétarienne et de l'Union Syndicale de la Métallurgie demandent aux travail­leurs de l'usine centrale d'être aux côtés de leurs camarades de l'usine 0 car, en défendant ceux de l'usine 0, ils se défendent eux-mêmes contre une éventuelle dépréciation des salaires.

En effet, deux causes profondes sont à la base de ce mou­vement:

1° Dépréciatz"on des salaz·res Le coût des denrées de base augmente sans arrêt : l'indice de la région parisienne est monté de 533 au mois de janvier à 601 en mai, soit 20 %. Les impôts sur la consommation, votés dernièrement, commencent à lourdement se faire sentir.

Américanisatz'on de la productz'on

C'est la transformation des méthodes de travail dans la métal­lurgie, et en particulier dans l'industrie automobile. On veut instaurer les mêmes normes qu'aux États-Unis, c'est-à-dire obtenir un rendement supérieur et meilleur marché par l'intensification de la production, et la réduction en fait du tarif des pièces.

Le 14 mai à 13 h 15, une grande réunion se tient place Jules Guesde lorsque trois autobus pleins d'agents font irruption, la réunion est remise au Théâtre des Variétés.

Le 15 mai, une réunion a lieu à 13 heures devant l'entrée. Trois orateurs viennent de parler sur un banc de la place Jules Guesde, un quatrième s'apprête à le faire lorsque surgit la police. Une bagarre très violente s'engage au centre de la place, la foule prenant parti à son tour. La Garde répu­blicaine, amenée des environs depuis le matin, se met à charger. Des rues qui partent du centre de la place sont barrées par les agents ; les officiers de paix obligent les magasins à fermer leurs rideaux pour que nul ne puisse s'échapper et la Garde, par une série de charges concentriques, enferme puis pousse les ouvriers vers l'entrée de l'usine. Les agents cyclistes frappent à coups de bicyclettes ceux qui essaient de s'échapper, et les rejettent vers l'usine. Des femmes sont frappées; encore quelques charges qui pénètrent jusqu'à l'intérieur de l'usine, puis les portes se referment. Trois ouvriers sont arrêtés, un seul emmené au dépôt. Les ouvriers, conduits ainsi de force au travail, ont répondu en faisant "la grève sur le tas" dans 11 ateliers de l'usine mère: plus de 10 000 grévistes.

Le 18 mai, ce sont 21 ateliers qui sont en grève; un meeting se tient au parc de Saint-Cloud pendant lequel on apprend que 6 autres ateliers se mettent en grève, soit 4 000 ouvriers.

Le 19 mai, il y a 15 000 grévistes chez Renault, et le mouve­ment s'élargit encore. Le Comité de grève (1) se réunit et lance un communiqué: "Pour un triomphe rapide, la grève doit être générale. Demain, une délégation se rendra à la Direction, elle réclamera l'augmentation de salaires (de 0,50 franc d'augmen­tation du tarif horaire) et un minimum de 10 % d'augmen­tation du prix des pièces, la réintégration des lock-outés de l'usine 0 et le respect des 8 heures. "

Alors, le jeudi 20 mai, sentant que la grève gagnait du terrain d'heure en heure, Renault lockoute 30 000 ouvriers. La date du 20 mai est propice; le 21 est le vendredi de la Pentecôte, l'entreprise restera fermée jusqu'au mardi matin 25 mai. La direction compte sur la division dans les rangs grévistes ; il est difficile de réunir des assemblées durant les congés ; les gens ont envie de rester chez eux prendre quelque repos. Donc, à partir du 20 mai, une délégation de grévistes dirigée par Albes­sard, secrétaire du syndicat des métaux, cherche à être reçue.

(1) Liste du Comité d'après la police : -Trésorier: Charbonnier Henri, · Adjoint: Bounard Lucien, · Secrétaire adjoint: Desbordes François, -Secrétaire au pointage des cartes: Doret Georges, · Adjoint: Canova. Les noms des autres membres sont inconnus.

A chaque fois, c'est le refus, malgré une lettre recommandée adressée à M. Duvernoy.

Le 23 mai, Louis Renault adresse une lettre à chacun des employés. Il propose une augmentation de salaires de 0,30 à 0,50 franc selon l'ancienneté et la valeur professionnelle, qui devra être compensée par une augmentation correspondante du rendement. L'ouvrier devra renvoyer la lettre signée s'il accepte, sinon le contrat est rompu. De nombreux ouvriers ont signé la demande de réintégration.

Devant l'obstination de Duvernoy à ne pas recevoir la délé­gation de grévistes, le 25 mai, Morizet, maire socialiste de Boulogne, X ... , maire communiste de Bobigny, les syndica­listes Lénard, Albessard et Nilès, accompagnés des membres du Comité de grève, demandent au ministre du Travail Dura­four d'intervenir auprès de Louis Renault pour qu'il n'y ait aucune victime du lock-out. Celui-ci s'engage dans ce sens. Mais Louis Renault se dérobe. Fidèle à son" archéolibéralisme", il ne veut pas que l'État intervienne dans les conflits du travail ; il refuse de reconnaître l'existence de l'organisation ouvrière et de recevoir des syndicalistes qui prétendent représenter l'ensemble des grévistes. Ainsi, le 20 mai, Albessard sera éconduit parce qu'il n'appartient pas au personnel des usines. Renault a effec­tivement reçu des délégués, mais qui ne représentaient qu'un atelier ou qu'un groupe d'ateliers à la fois.

Le 26 mai, le Comité de grève lance un communiqué dans lequel il demande aux ouvriers de continuer la grève et de rester unis jusqu'à la victoire. Après le coup de la lettre,

Vue extérieure du bâtiment après l'explosion.

le Comité sent bien que l'ardeur ouvrière s'est atténuée, divi­sée, et que la partie lui échappe.

La reprise du travail se fait le 27 sans l'ordre du Comité de grève avec les licenciements qui s'ensuivent. Cependant, le Comité de grève suit le mouvement, il lance le communiqué

Vue intérieure du bâtiment après l'explosion.

suivant : "Le Comité de grève demande à tous les travailleurs de faire tout le nécessaire pour reprendre le travail ce matin... Rentrant ensemble, les travailleurs continueront à l'intérieur des usines l'effort d'organisation et d'éducation commencé pendant le lock-out". Selon le député communiste Laporte, 2 000 ouvriers ne sont pas réintégrés.

Le rôle des organisations ouvrières

Le patronat prétend que le Parti communiste et la C.G.T.U..

(2) ont comme but la grève générale de la métallurgie. Une grande partie de la presse partage ce sentiment.

Cependant, l'usine a échappe aux communistes, il n'existe aucune cellule d'adultes. La cellule de l'usine mère n'a que peu d'influence, manque de liaison, de cohésion et de coordination dans l'action. En effet, les 14, 15 et 17 mai, la grève sur le tas révèle ces manques, des ateliers élisent spontanément des délé­gués dans l'anarchie totale. Par contre, ce sont la C.G.T.U. et le syndicat unitaire des métaux qui décident de provoquer la grève à l'usine principale. Le 19 au matin, est lancé par 1'" Union syndicale des travailleurs de la métallurgie" le mot d'ordre de " grève générale des usines Renault". Le 19 au soir, une réunion se tient; elle examine les ateliers qui " flanchent" ; ordre est alors donné pour empêcher la rentrée, ou de rentrer faire de la propagande si la grève est minoritaire.

C'est bien la C.G.T.U. qui dirige le mouvement; elle tient des réunions de grève tous les jours. Outre les dirigeants syndicaux comme Lénard, Cadot, Villatte, Nilès, Ragnaud, Gaillard, Foury, assistent à ces réunions deux députés communistes,

P. Vaillant-Couturier et M. Laporte, 35 ans, ancien métal­lurgiste qui interpellera le ministre du Travail sur le conflit de

(2) C.G.T.U. : formée par les minoritaires révolutionnaires exclus de la

C.G.T. en 1920 lors de la fameuse scission.

chez Renault. On le retrouve le 20 mai aux portes de l'usine. Au cours de ces descentes, les élus du P.C.F. jouent surtout un rôle de conciliateur entre la police et les grévistes; un rapport de police affirme qu'ils se tiennent sur un terrain purement corporatif et non politique. Il est plus que probable que les instances dirigeantes de la C.G.T.U. n'envisageaient pas une grève générale de la métallurgie, échaudées qu'elles étaient par l'échec du mouvement revendicatif de la métallurgie du }<, avril où les grévistes furent battus par le lock-out; ce qu'elles veulent, c'est la grève à l'usine principale chez Renault. Mais la C.G.T.U. est prudente, elle connaît la force de l'adver­saire, d'où la volonté de négocier.

"L'Humanité" soutient que le conflit n'est pas entre le patron et chaque ouvrier, mais entre la direction et les 30 OOOlockou­tés. Mais on peut dire que les grévistes ne sont pas pour autant sous l'influence des unitaires. La section syndicale est faible.

Les non-syndiqués et les réformistes veulent tirer profit pour leurs revendications du conflit déclenché par les unitaires. L'estimation de la police est que quatre cinquièmes des ouvriers en grève se sont tenus pendant la durée du conflit en dehors de l'influence de l'Union syndicale unitaire ; on peut croire cette estimation car "l'Humanité" ne donne jamais aucune précision à propos du nombre d'assistants dans les mee­tings, n'aurait-il pas fallu avouer des chiffres trop bas?

La faiblesse du Comité de grève et de la section syndicale expli­que peut-être le fait que les décisions réelles étaient prises par les instances dirigeantes du Syndicat des métaux, d'où un cer­tain désintérêt des grévistes pour la conduite de leur propre lutte. N'oublions pas que le 19 mai au matin est lancé l'ordre de grève par l'U.S.M. avant que soit élu, dans la journée du 19, le Comité de grève de l'usine principale. Cela peut expliquer la raison de la réussite du lock-out et du coup de "la lettre indi­viduelle". Les travailleurs ont obtenu une augmentation ines­pérée, ils ne se soucient guère d'essayer d'obtenir plus.

On peut dire que le conflit a été mené par des minorités. L'organisation unitaire de l'entreprise, du fait de la répression, est peu liée aux masses, d'où appel à des dirigeants extérieurs. Les grévistes actifs se recrutent dans deux catégories ouvrières qui se confondent souvent : les jeunes et les étrangers.

S'agit-il d'un échec ou d'un succès? Les travailleurs ont obtenu des primes alors qu'il était question d'une diminution de salai­res. C'est donc "matériellement un premier succès", c'est concret, insuffisant, mais indéniable. Les grévistes n'ont pas voulu pousser plus loin. Ils ont été sensibles aux arguments de la lettre de L. Renault : "Si la France ne résiste pas à la concurrence américaine, ce sera le chômage, la disparition de l'industrie automobile".

Mais la reprise du travail, le 27, sans l'ordre du Comité de grève, avec les licenciements est "un échec incontestable pour les unitaires et les communistes". Pour la masse des ouvriers, le conflit demeure purement corporatif. En utilisant le lock-out et le réembauchage individuel, L. Renault, appuyé par l'U.LM.M., a, en définitive, gagné cette épreuve.

Michel SUBOR