03 - Paul Huet (1803-1869) à l'Ile Seguin ou l'aube du romantisme

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Paul Huet (1803-1869) à l'Ile Seguin ou l'aube du romantisme

Paul Huet, par David d'Angers (1839).

L'île Seguin, cet " énorme saurien cimenté", suivant la défi­nition spirituelle et peut-être péjorative de Héron de Villefosse (<< Couronnes de Paris ", 1952, page 199), a été, au XIXe siè­cle, le paradis des artistes. C'est ce que nous allons montrer dans les pages qui suivent, en évoquant l'un d'entre eux -Paul Huet -qui y vécut des heures glorieuses.

A dire vrai, l'inspirateur de cette étude est M. le docteur Bezançon, conservateur du musée municipal de Boulogne : c'est lui, au cours de longues conversations -il Y a déjà un tiers de siècle! -qui nous a fait connaître Paul Huet qui figure parmi les pionniers de l'aube romantique. Qu'il veuille bien trouver ici nos remerciements pour l'étude qu'il nous a permis de faire.

Notre reconnaissance va aussi à Mme Henriane Henrotin­Huet, descendante de Paul Huet, qui a déjà, en novembre 1978, exposé à Viroflay un certain nombre de toiles qu'elle pos­sède de son illustre aïeul. Mme Henrotin-Huet n'a pas hésité à nous ouvrir son importante collection. Avec une grande cour­toisie, elle nous a aussi conté maints détails sur la vie et l'œuvre gravé de Paul Huet. Si certains renseignements sont ici publiés pour la première fois, notamment sur des tableaux inconnus du grand public, nous le devons à cette érudite, autant amateur d'art que lettrée: dans son appartement -sa galerie de tableaux, devrait-on dire -Paul Huet est littéralement « pré­sent". Des tableaux, certes! mais aussi une documentation qu'on ne trouve que là: catalogues de ventes et d'expositions, articles divers, correspondance du grand peintre.

Quelques mots en manière d'introduction

Herbages et pâturages au Moyen Age, animation sous l'Ancien Régime, une blanchisserie à la veille de 1789, une tannerie sous la période révolutionnaire: nous avons évoqué" l'aventure" de l'île Seguin (1).

Après dix ans d'une activité féconde -et nauséabonde ! -Armand Seguin a dû mettre la clé sous la porte de sa tannerie. En effet, les sans-culottes de l'an II, qui avaient eu tant besoin de souliers pour poursuivre les armées contre-révolutionnaires, formaient maintenant l'armée impériale et, loin de nos frontiè­res, pouvaient se chausser sur les populations occupées ...

Et puis surtout, Seguin a gagné assez d'argent pour spéculer à la Bourse et n'attend plus après les fonds du Comité de salut public... Il reste néanmoins propriétaire de la totalité de l'île et y installe un haras : nous ne reviendrons pas sur ce point déjà évoqué (2); une charmante estampe de Langlacé montre même des chevaux en liberté dans l'île de M. Seguin, dans une clairière, au milieu des bois. Tout cela prouve que l'île est rede­venue, au début du XIXe siècle, à son état naturel.

Certes, dans un premier temps, l'île ne reste pas totalement iso­lée : le vieux pont de bois la traverse à sa pointe aval, mais sa vétusté le condamne à une démolition prochaine. Dès 1809, on

(1)

Cf. notre Bulletin, juin 1975, juin 1976, décembre 1979, juin et décembre 1980.

(2)

Cf. notre Bulletin, juin 1976, p. 225, col. 1.

édifie un autre pont, en pierre, plus en aval. Les travaux vont durer onze ans, pendant lesquels la circulation continuera à se faire sur l'ancien pont et donc sur l'île. Mais Armand Seguin qui -nous le verrons -fera construire une maison, ne vien­dra jamais habiter l'île. Et si deux ou trois autres maisons seront édifiées (notamment celle des Lelièvre), l'île restera pra­tiquement abandonnée et sa végétation se développera abono damment.

Déjà, en 1807, Prudhomme, dans son « Miroir. .. », avait écrit: " Il Y a un pont de bois sur la rivière de Seine. Vers le milieu du pont, sur la rivière, sont un superbe jardin et une tannerie, qui appartiennent au millionnaire Seguin" (3). Et Oudiette, dans son « Dictionnaire topographique des environs de Paris », 1812 et 1817, avait signalé que l'île de M. Seguin est " remarquable par de superbes plaptations ". Mais l'épopée napoléonienne va prendre fin à Waterloo et l'un des derniers épisodes de la capitulation de Paris a lieu justement à l'île Seguin!

Dès le 29 juin 1815, le maire de Sèvres reçoit l'ordre de réunir " sur-le-champ le nombre d'ouvriers et les matériaux nécessai­res pour barricader le pont de Sèvres ". A cet effet, on réunit six voitures auxquelles on enlève les roues et on rassemble sur les lieux des pièces de charpente primitivement destinées à la construction du nouveau pont. Une grande quantité de bran­ches avec leurs rameaux est coupée dans l'île Seguin, afin de constituer une barricade solidement attachée par des cor­dages (4).

Le 30 juin, la barricade est mise en place et le commandement militaire français fait brûler le cinquième cintre du nouveau pont et fait détruire la première arche (rive droite) (5). Mais les débris, en tombant, comblent partiellement le lit du fleuve. Le passage étant encore praticable, il fut ordonné de faire sauter la quatrième arche" par le moyen dt; la poudre". Une lettre du général Haxo, du 1er juillet, ordonne au colonel Caudraud de brûler le vieux pont de bois (6); en réalité, le pont ne fut pas totalement détruit par le feu et une précieuse peinture de la Bibliothèque nationale (7) montre trois arches du pont de bois en flammes: la vue semble prise de Billancourt et l'on aperçoit une barque chargée de réfugiés qui viennent de quitter l'île et vont accoster sur la rive droite.

La journée du 1er juillet se passe pratiquement dans l'attente, mais dès le dimanche 2, au début de l'après-midi, les Prussiens

re

de la 1brigage du lieutenant-général von Zieten arrivent à Sèvres où les soldats français et la population leur opposent une vive résistance.

Les troupes prussiennes dominent rapidement les hauteurs de Bellevue, mais doivent donner l'assaut à plusieurs maisons de Sèvres transformées en forteresses, avant de faire leur appari­tion dans le bas de la Grande-Rue. Fantassins et cavaliers fran­çais, sous les ordres du colonel Trippe, embusqués derrière la barricade du pont de bois, sur les berges, dans l'île Seguin, dans les maisons de la rive gauche, les accueillent par un feu nourri. Des francs-tireurs les harcèlent. Le colonel Trippe cite dans son rapport les habitants de Sèvres comme "ayant combattu avec autant de vaillance et d'entrain que les soldats ".

Paul Huet (Bibliothèque nationale).

Deux canons avaient été placés en batterie à la tête de l'ancien pont, mais des hauteurs de Bellevue, un boulet prussien démonta assez rapidement l'une des pièces françaises. Sur la rive droite de la Seine, plusieurs bataillons français soutiennent d'un feu très vif les avant-postes de la rive gauche. A ce moment, les Prussiens ont fait appel à leur 4e brigade qui conti­nue à " nettoyer" le .village de Sèvres, puis à leur 3e brigade qui prend position sur les hauteurs de Meudon.

La fusillade ne cesse guère pendant la nuit et les troupes prus­siennes durent encore se battre dans la matinée du 3 juillet. Tout cela prend fin (mais 300 blessés seront hospitalisés dans les anciens bâtiments de la Manufacture de Sèvres -ce qui prouve la violence des combats) et le bourg de Sèvres subira un pillage en règle pendant quelques jours.

(3)

Miroir... de l'ancien et du nouveau Paris, t. YI, 1807, p. 492·493.

(4)

Cf. FRITSCH (A.), " Sèvres en 1815 ", dans Bull. paroissial de Sèvres, nO 59, nov. 1912, et nO 63, mars 1913.

(5)

Les travaux de reconstruction reprirent dès aollt 1815 (Bibl. des Ponts et Chaussées, ms. 2130 : observations du 27 déc. 1818 au 6 janv. 1819 ; " Rapport sur les effets du tassement observés depuis l'année 1815 à la 6" pile du pont de Sèvres", 8janv. 1819, 7 pages, etc.).

(6)

Bibl. Yille de Paris, ms. CP 6435.

(7)

Collection Destailleurs, in·fol., y" 26'g, fol. 154.

Bas-Meudon, i:le Seguin et pont de Sèvres (Cl. Giraudon).

Après la capitulation de Paris, Becquey de Beaupré, directeur des Ponts et Chaussées de la Seine, fera un rapport le 20 juillet 1815, disant qu'il a constaté lui-même que trois travées du pont de bois (bras gauche de la Seine) sont rompues et que les pieux de la première palée (bras droit) sont très abîmés. A ce moment, aucune voiture n'est autorisée à franchir le pont (8).

La circulation ne fut rétablie que difficilement : du mâchefer fut jeté sur les frêles arches, mais les pluies violentes de l'automne transformèrent le sol en chemin boueux et le préfet de police, le 31 octobre, annonce que les roues des voitures s'y enfoncent. Les conducteurs ont beaucoup de peine à les en faire sortir et l'on précise que les Prussiens, impatientés, maltraitent les charretiers français et même les frappent à coups de plats de sabre (9). Ces incidents prennent fin quand la 3e division anglaise remplace les Prussiens en novembre ; du reste, Sèvres est définitivement évacué le 27 décembre 1815.

Tout ceci pour souligner que 1815 est le dernier soubresaut qui agite l'île Seguin. Dorénavant, le vieux pont de bois est bien condamné et l'île va retourner à son isolement. Or c'est juste­ment en 1817 -et peut-être même dès 1816 -que lé jeune Paul Huet va connaître ces lieux où la nature l'influencera si fortement.

Disons, pour ne plus y revenir, que la démolition du vieux pont sera prescrite par adjudication du 6 novembre 1821. Un procès-verbal du 3 avril 1823 constate que les sieurs Grimaux, père et fils, demeurant à Rouen, ont exactement rempli les conditions qui leur avaient été imposées. Et le 19 novembre sui­vant, une lettre du préfet de la Seine nous apprend que les nommés Rousseau et Letellier vont démolir la culée de la rive droite de la Seine, " qui nuit au service de la navigation" (10).

Par contre, sur l'île elle-même, restait la " chaussée du pont" c'est-à-dire un soubassement constitué de trois arches avec murs de soutènement à droite et à gauche. Cette chaussée avait permis de relier les deux ponts de bois : l'île elle-même étant beaucoup plus basse que les rives droite (Billancourt), et gauche (Sèvres). L'ensemble occupant le sol de l'île était constitué par­tie en moellons, partie en pierre de taille, et avait 55 m de long sur 8,70 m de large.

(8)

Arch. nat., F14 907.

(9)

Idem

(10)

Arch. nat., F14 11136. La dépense pour la démolition de cette culée est estimée, le 23 janv. 1824, à 4 200 F. Un bâtiment adjacent à la culée de la rive droite (vendu à

Picqueray et à la dame Braconnier, puis à Collas) fut aussi démoli, mais l'affaire

traîna de 1827 à 1839 (cf. Arch. de Paris, DQlO 1610, doss. 171) ; nous avons utilisé ces documents dans Étincelle de Boulogne-Billancourt, 19 déc. 1953, et dans Renais­sance de S.-et-O., 13 mars 1954.

Les autorités n'avaient guère jugé utile de démolir cette chaus­sée. Nous voyons celle-ci distinctement sur certaines estampes de l'époque, notamment sur la gravure de Nodier, parue en 1836 et titrée" Île de Sèvres " (11). Aussi Seguin décida -t-il de construire" un vaste bâtiment sur le sol et sur les fondations de la portion de ce pont traversant l'Ile". L'idée en elle-même était astucieuse: la maison ainsi édifiée reposait sur des fonda­tions solides et, surtout, surélevée, elle ne risquait pas d'être atteinte par les inondations périodiques, recouvrant tout ou partie de l'île.

C'est peut-être ce bâtiment que l'on voit sur plusieurs estampes parues jusque vers le milieu du XIXe siècle. A moins qu'il ne s'agisse des murs proprement dits de l'ancienne tannerie de Seguin? L'ensemble est du reste souvent caché par la végéta­tion qui semble toujours luxuriante.

Quoi qu'il en soit, l'administration du Domaine porta aussitôt plainte contre Seguin. Ce dernier répondit qu'on lui avait vendu la « totalité» de l'île le 14 nivôse an III, « sans aucune exceptation ni réserve ". Le procès ainsi engagé semble, au début, n'avoir guère été poursuivi et Seguin mourut en janvier 1835. Mais sa fille et son fils, à leur tour, furent poursuivis comme héritiers. Dans un jugement du 16 juin 1836, le tribu­nal de première instance de la Seine se déclara incompétent. Puis le 21 février 1838, le conseil de préfecture de la Seine reconnut effectivement que Seguin avait bien été propriétaire du sol, mais que par contre les constructions ayant servi au pont ne lui appartenaient pas.

Les enfants Seguin proposèrent en conséquence d'acquérir les matériaux, tout en demandant une indemnité pour le préjudice subi par la suppression du pont de Sèvres qui traversait l'île. Une estimation eut lieu par experts nommés contradictoire­ment en septembre et novembre 1839. L'estimation, terminée en mars 1840, proposa que les héritiers de Seguin payent 6 500 F pour la valeur des matériaux. Le 16 novembre de la

L'île Seguin, bord de Seine (Cl. Giraudon).

même année, le ministre des Finances accepta ces modalités et, le 4 mars 1841, le préfet de la Seine vendit le " sol de l'ancien pont" aux héritiers Seguin. Seule, l'indemnité demandée par ceux-ci fut refusée (12).

Tout cela est confirmé en 1838, où l'on écrira: " La culée du vieux pont, restée dans l'île, a servi de soubassement à une maison que M. Seguin y a fait construire" (13). Mais en attendant -et malgré cet intermède qui n'a pas changé la physionomie de l'île -revenons aux lendemains de la guerre de juillet 1815.

Dorénavant, place aux oiseaux, aux fleurs, aux nuages, aux couleurs irisées de l'île Seguin. Place à ses ciels immatériels ou aux effets de lune. Place aux orages ou à l'onde frémissante de l'eau de Seine. Place à l'écran des peupliers, aux hautes futaies d'ormes... Voici l'île Seguin, " cette île exotique surgie de l'eau... , Pathmos du paysage romantique" (14).

Le romantisme va éclore avec son émotion, sa sensibilité, sa mélancolie...

Un peintre amoureux de la nature

Il n'est donc pas surprenant de voir un peintre amoureux de la verdure et de la lumière séduit par l'" île Seguin " et sa nature inviolée. Certes, il est vrai que les environs immédiats (route de Vaugirard, bas de Sèvres) sont habités et qu'une vie intense y règne (voitures publiques, verrerie du Bas-Meudon, etc.). De plus, la construction du nouveau pont de Sèvres a nécessité l'emploi de nombreux ouvriers, ce qui a évidemment augmenté l'animation aux abords de l'île.

(11)

NODIER (Ch.), La Seine et ses bords, 1836, h.-t. p. 114-115.

(12)

Arch. de Paris, DQ'0 1484, doss. 4627. Des difficultés eurent encore lieu au sujet des frais du procès, mais la dernière pièce du dossier est du 28 mai 1843.

(13)

MOSER (H.), notice historique sur Sèvres, dans Annuaire de S.-et-O., 1838, p. 257.

(14)

MIQUEL (Pierre), Paul Huet, p. 29. -Pathmos, l'une des îles Sporades où, selon la tradition, Saint·Jean écrivit l'Apocalypse.

L'entrepreneur des travaux, le sieur Henri Bouchon­Dubournial, dans un long mémoire certifie qu'il a employé près de 700 ouvriers en juin 1810 ! (15). Exagération évidente, puisque ce mémoire n'a d'autre but que de se faire payer des arriérés. Mais il est certain que la main-d'œuvre fut particuliè­rement nombreuse sur ce vaste chantier, où n'existait évidem­ment aucune mécanisation.

Début novembre 1815, on décide d'employer 300 ouvriers et pour leur éviter de subir des retenues sur leurs maigres salaires, on les invite à se munir eux-mêmes de pelles et de pioches. C'est ce que confirme une pièce d'archive quelque peu émou­vante : un " Cri de 500 Ouvriers ", qui réclament le paiement de leurs salaires dus depuis six ans, adressé au roi le 15 mai 1816. ~

Comme on s'en doute, un tel placet ne pouvait rester sans réponse des autorités. Le préfet de police fit faire une enquête. Un document du 30 août 1816 déclare que les quatre signatai­res du " Cri" ne représentent qu'eux-mêmes et tentent, par cette pétition, d'obtenir le paiement de ce que l'administration leur doit. D'autres documents montrent que les intéressés furent convoqués à la police et qu'on leur ordonna de cesser toute réclamation...

Malgré toute cette animation (16), il n'empêche que Léonce Bénédicte a raison de parler de cette " île de Robinson ". Et c'est bien cela que va aimer le jeune Paul Huet, dont l'esprit est préparé à ressentir tous les effets de cette " île enchantée ". Celui-ci est né le 10 vendémiaire an XII, 3 octobre 1803, à Paris, 212, rue des Boucheries, au fond d'un magasin de drape­ries et de toiles. " Si l'on cherche l'origine de la vocation de Paul Huet, le premier germe de sa vie d'artiste, c'est sans doute dans le contraste violent entre le milieu où s'est écoulée sa pre­mière enfance et ses rêves de poète que l'on peut trouver la cause première ", nous dit son fils et biographe René-Paul Huet.

L'île Seguin: la maison du garde par Paul Huet (s.d.).

Enfance maussade -il avait perdu sa mère à 7 ans -, le voici en pension à Choisy. A 13 ans, il fréquente les musées et se pas­sionne de paysages. Avec son frère aîné, il se promène le dimanche et prend la route de Saint-Cloud : en brossant, dès 1817, Praz'rie vers le pont de Saz'nt-Cloud, le futur paysagiste scelle sa destinée.

Car l'observation de la nature, les sensations qu'il reçoit d'elle, l'attraction des couleurs l'acheminent irrésistiblement vers le romantisme: "L'île Seguin en est l'étape décisive", a-t-on pu écrire (17).

Et dès 1816 -il a alors 13 ans! -il va peindre d'après nature, " portant les premiers coups, et des coups décisifs, au paysage dit historique" (Béraldi, p. 128). Les effet de la nature le frap­pent profondément; il les exagère volontiers: ses ciels d'orage écrasent tout... L'ondée imminente l'attire. Il a le sens des pleurs de la nature et Michelet écrira: " Il était né triste, fin, délicat. " (Le Temps, 12 janvier 1869).

C'est ce peintre qui va nous léguer des tableaux et des estampes grâce à son habile talent: précieux témoignages d'un passé déjà lointain qui nous paraît irréel, tant l'île Seguin et ses abords sont maintenant méconnaissables...

Aréopage picturaL ..

Il y a dans l'île, avons-nous dit, quelques rares habitations: ce sont de modestes résidences d'été, cachées dans les lianes de cette forêt vierge. L'une d'entre elles est occupée par les Leliè­vre, dont un enfant va inviter chez ses parents le jeune Paul Huet (18). Cet enfant -Charles-jean-Baptiste Lelièvre ­deviendra portraitiste, pastelliste, peintre d'animaux, d'his­toire et de genre. Certes, en cette année 1818, le jeune Lelièvre ignore ce que sera sa " carrière" artistique, tout comme le jeune Paul Huet. Mais ce dernier nous a laissé une huile sur toile, conservée au musée de Sceaux, intitulée L'île Seguin aux arbres (la maison des Lelz'èvre), ce qui prouve et son amitié pour la famille, et ses dons de peintre.

Paul Huet restera marqué par cette période; l'île Seguin lui semble un royaume des fées et, oubliant sa vieille cour pari­sienne de son enfance, il se croit au paradis: " Le jour, c'était une féerie. On marchait au milieu des décors plantés pour un opéra surhumain : les rayons de soleil pleuvaient en chaude averse au cœur des clairières, la lumière mourait après mille combats au fond d'une allée basse ... C'était étrange, aux équi­noxes, de voir la lune courant affolée derrière les paquets de nuages blancs, ou l'été, de côtoyer la Seine s'embrasant au feu des éclairs de chaleur. "

La maison des Lelièvre devait se trouver, très probablement, à l'extrémité amont de l'île, du côté de l'île Saint-Germain, loin par conséquent du pont de Sèvres. Tous les arbres environ­

(15)

Arch. nat., Fl4 11136 (mémoire du 3 mai 1815).

(16)

Le Moniteur universel, 8 juin 1817, p. 627, lance un appel" pour les ouvriers sans

ouvrage", pour venir s'embaucher aux travaux du pont de Sèvres.

(17)

Bull. des Amis de Meudon, nO 59, sept. 1950, p. 1023.

(18)

Les parents de Lelièvre avaient aussi un tel'rain au Bas-Meudon.

nants formaient littéralement une forêt et c'est peut-être dans cette période que Paul Huet fait sa " Végétatz'on luxuriante à l'île Seguin ", petite peinture (22 x 28 cm) vendue en 1962.

La retraite des Lelièvre avait parfois des hôtes imprévus : un soir d'été, Mlle Lelièvre, à demie dévêtue, aperçut caché sous son lit un vagabond. La tradition familiale veut cette précision supplémentaire: elle était sur la chaise, occupée à une petite précaution. Que faire ? En fille aguerrie, elle poursuivit sans manifester de trouble, sortit calmement de la pièce et s'affaissa dans l'escalier avec un grand cri. On ne dit pas où le vagabond passa la nuit. ..

Une seconde habitation appartient à un graveur de monnaies: Jean-Pierre Droz. Le fils, Jules-Antoine Droz, sera sculpteur. Maurice-Pierre Boyé, en 1946, a cité une troisième habitation dans l 'lIe Seguin : celle de Cléry, ancien valet de chambre de Louis XVI, au Temple, après le 10 août 1792. Curieux homme, ce Cléry avait servi le petit Dauphin, mais avait dû prudemment s'expatrier après l'exécution de son roi. Cléry serait revenu en France après la tourmente révolutionnaire et aurait fait rédiger son « Journal» par Sauveur Le Gros, de Versailles, graveur, littérateur et poète. Ce «Journal» apocry­phe fit les délices des légitimistes et autres royalistes de la Res­tauration. C'est ainsi que Boyé nous apprend que Cléry résida souvent dans l'île Seguin. P. Miquel (en 1962), Mme Od. Laclydelle (en 1966), enfin M. G. Poisson (en 1972), se firent l'écho de cette narration. Pourtant, certains historiens soutiennent que le nommé Cléry est mort en Autriche dès 1809 (19). Il n'a donc pu venir s'établir dans notre île et, en tout cas, n'a pu avoir la chance de connaître le jeune Paul Huet. Qu'importe après tout, puisque ce dernier seul nous intéresse présentement.

Paul Huet est désormais en pleine communion avec les arbres, les eaux, les nuages. Mais dans la petite maison bocagère des Lelièvre, il fréquente aussi un " groupe" de figures attachan­tes. Il y a là Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845), dessina­teur et lithographe, un des promoteurs les plus actifs de la Révolution de Juillet. En attendant, il entre en 1817 à l'atelier de Gros et fréquente Delaroche, Bellangé, Lami, d'autres encore. Dans une auberge de Meudon, il exécute quelques décorations et y rencontre Géricault ; il mourra à Viroflay.

Dans le cénacle de Paul Huet et de Lelièvre, nous trouvons aussi Paul Chenavard (1807-1895) : élève de Ingres, il est éga­lement l'ami de Delacroix. Lettré, grand voyageur, il n'a pas contrecarré le mouvement romantique. Une troisième figure qui" vit" dans l'île Seguin est celle de Philippe Comairas : né le 24 octobre 1803, c'est-à-dire trois semaines après Paul Huet, leur amitié date de 1818. Lié avec Delacroix, collaborant avec Chenavard, familier de Fr. Bournet, Comairas fut second Grand Prix de Rome en 1833 et exposa au Salon l'année sui­vante. Nous lui devons un portrait de Paul Huet à 20 ans. Il eut la chance d'avoir les belles collections de Mme Jacquotot, sa mère, que des peintures sur porcelaine de Sèvres ont rendues célèbre. Mais la meilleure recrue de l'île Seguin fut Delacroix et on pense (Boyé, p.157) que c'est Paul Huet qui amena l'auteur de la Barque du Dante dans " l'île enchantée". Cette amitié résista à bien des épreuves. On raconte que Delacroix admira surtout un paysage du Bas-Meudon. Mais ce qui détermina leur rapprochement, c'est une Lisière de botS dans la forêt de Saz'nt-Cloud comprenant la poésie renfermée dans cette for­mule nouvelle. Dans cette étude, faite vers 1820-1822 (?), le soleil descend derrière les ormes et darde au travers mille traits d'or aveuglants... Les arbres sont longs... Quand Eugène Delacroix mourra en 1863, c'est Paul Huet, très ému, qui par­lera sur la tombe de son ami.

Comme Gauthier le confirmera, Paul Huet fut apprécié comme " le premier paysagiste romantique ". Complicité Delacroix­Huet, ou, plus exactement inverse.

Puisque nous parlons des relations de Paul Huet, disons quel­ques mots sur la mort du baron Gros : cette mort, le 26 juin 1835, a dû toucher le maître du romantisme. Poignante fin que celle de cet homme quittant Paris à pied, errant le soir à Sceaux, pleurant la nuit dans les bois de Meudon et se jetarit au petit jour dans un bras mort du fleuve, au Bas-Meudon. Joseph et François Contesenne -une vieille famille de pêcheurs bas­meudonnais, quelquefois verriers -le repêchèrent. Un criti­que -méchamment ou plutôt durement -n'hésita pas à dire que la mort de l'auteur des Pestiférés de Jaffa fut son premier acte d'indépendance vis-à-vis de David et... de sa femme!

Bientôt, le dessin de Paul Huet sera précis, soigné même et le tableau ne sera plus laissé au vague. Par exemple, si aucune habileté ne s'y montre encore, dans cette Praz'rie, avec le pont de Saint-Cloud dans le lointain, on note une tonalité très fla­mande. Peut-être est-ce l'influence de Gaspard Dughet, dit le Guaspre, comme le remarque Pierre Miquel...

... et témoignages précieux

De cet heureux temps, Paul Huet nous a laissé plusieurs aqua­relles. L'île Seguin avant la constructz'on du pont de Sèvres (19 x 32 cm) a été peinte en 1818 et porte le cachet de l'ate­lier. Elle a été présentée à l'Exposition de 1965 (nO 102) et appartient à la famille du peintre. Notons en passant que son titre -que lui ont attribué les amateurs d'art -n'est guère justifié.

Deux autres aquarelles, conservées à Sceaux, L'île Seguin, mz1z'taz'res pêchant et La cabane de l'île Seguin, sont toutes deux de 1819. On remarque chez l'auteur un élargissement de la touche, joint à une liberté d'allure et une franchise dans la vision qui rapproche des esquisses de certaines études qu'il fera vers la fin de sa vie. Sa palette lui fournit des gris-vert, sourds et puissants, où il se souvient des tons de Géricault. La cabane de l'île Seguin en est un vivant exemple. Par ailleurs, on a pu dire que les premiers sous-bois de Paul Huet apparaissent justement en cette année 1819 et qu'ils vont se multiplier ultérieurement. En tout cas, cette même année il " produit " La charrette du Bas-Meudon,' seulement là, la recherche de l'angle original est poussée jusqu'à l'outrance. Charrette et chevaux sont rejetés en bordure et le tableau est entièrement occupé par la rive de la

(19) Grand Larousse encyclopédique.

Seine dont on aperçoit en bas les reflets de l'eau. Autre caracté­ristique : le ciel n'y a qu'une place fort restreinte, sans qu'on perçoive une sensation de " bouché " ; les arbres procèdent par masse tout en laissant les troncs dégagés et l'air court libre­ment entre les branches (Miquel, p. 28-29).

Nous avons également deux peintures de 1819, intitulées Étu­des sur l'île Seguin : la première concerne Le pont de Sèvres et la seconde est un Feuillage. Notons encore un dessin à la plume, Parc de Saint-Cloud, étude de feuz"llage, un peu posté­rieur (1826). Ces trois études furent exposées en mars 1930, lors du centenaire du romantisme (peintures, nos 1-1 bis ; des­sin, nO 19).

Cette période de l'île Seguin, commencée probablement dès 1816, va durer une dizaine d'ari'nées : nous avons les preuves de la présence de Paul Huet de 1817 à 1821 ; en avril 1824, nous voyons souvent le jeune peintre aller chez les Lelièvre (Miquel, Paysagistes, passim). Certes, Paul Huet voyagera souvent en province, notamment dans l'Aisne, à Rouen et à la mer, en Auvergne, en Normandie. Mais l'artiste reviendra dans les lieux qui nous sont chers.

que les titres des tableaux varient suivant les catalogues d'expo­sitions ou de ventes ... Heureusement, Miquel nous en donne une reproduction et il ne fait pas l'ombre d'un doute que la vue est prise des hauteurs de Meudon, sur... l'île Saint-Germain!

D'autres aquarelles peuvent être datées de 1818 ou 1819 ; quoi­que un peu sèches, elles sont agréables par leur élégance et par l'harmonie des tons. Citons, toujours apprécié, Le pont de Sèvres (1818), au musée de Sceaux, avec un ciel du XVIIIe siècle et un pont léger, aérien (Eugène Marsan) ; c'est probablement cette étude qui fut exposée en mars 1930 (nO 1), sous la date de 1819.

L'année 1820 n'apportera pas à la peinture de Paul Huet de changement notable, si ce n'est une plus grande richesse de coloris jointe à une utilisation presque systématique des rouges pôur marquer les valeurs. De nouveau, une vue précieuse: Le nouveau pont de Sèvres, représenté au milieu de prairies émail­lées de coquelicots. On a souvent daté cette peinture de l'année 1820, d'autres l'ont située en 1823. Cette dernière date nous semble plus proche de la réalité, car le pont de pierre de Sèvres

Paris vu des hauteurs de Meudon (Cl. Giraudon).

Nous ne connaissons guère de dessins de cette époque, mais a été ouvert à la circulation le 25 août 1820 (20). Peu importe,

leur vigueur est exceptionnelle. Une aquarelle, probablement du reste, car le pont de Sèvres a eu les faveurs de Paul Huet,

la première connue, pourrait remonter à 1817. Elle nous inté­comme le prouve le très grand nombre d'esquisses le concer­

resse particulièrement car il s'agit de Pans et l'île Seguin vus nant.

des hauteurs de Sèvres: en réalité, il a été attribué à ce tableau

le titre plus exact de Paris, vue générale pnse des hauteurs de

(20) BRUYÈRE (L.), Études relatives à l'art des constructions, 1823, p. 14. Sur la recons­

Meudon (17 x 22 cm). On voit ainsi la difficulté d'établir un

truction du pont de Sèvres, cf. les articles de Mlle Carmen Alexandre, dans notre Bul­catalogue de l'œuvre gravé de Paul Huet, notamment parce letin, déc. 1971 et juin 1972.

Si nous avons pu admirer ce tableau en 1978, à Viroflay, nous ne pouvons affirmer qu'il s'agit du même présenté aux exposi­tions de 1930 (nO 12), 1938 (nO 8) et 1965 (nO 16). Les titres donnés alors -Le pont de Sèvres, vu (ou pris) de l'île Seguin -laissent penser qu'il s'agit du même tableau (24 x 29 cm), appartenant à la famille du peintre.

Par contre, il existe un tableau qu'on ne peut confondre: Rives de la Seine, vues de l'île Seguin, était aussi à l'Exposition de 1965 (nO 15) ; le bois, peint vers 1822-1823 (24 x 29 cm), appartenait également aux descendants de Paul Huet. Men­tionnons encore [le Seguin, bord de Seine (12,5 x 34,5 cm), au musée de Sceaux (nO 60-26-6) : c'est sans doute cette pièce (de 1823) qui a été présentée au grand public en 1938 (nO 7).

Paul Huet a-t-il traversé une période de rêveries plus calmes, plus reposées? Probable -l'adolescence est terminée -si l'on considère que les fleurs font leur apparition. Celles-ci apparais­sent timidement, valeurs blanches ou rouges, au milieu de la verdure, comme dans PratTz'es du pont de Sèvres (Miquel,

p. 44). En même temps des ciels plus sereins se présentent en masses plus construites.

D'autres témoignages ne peuvent pas être omis: Le bain des chevaux à l'île Segut'n est une huile sur carton, de 1820 (Bouret la date de 1816), que les visiteurs du musée de l'Ile-de-France connaissent bien. Elle porte" la marque d'un œil clair, libre, vif, sensible avant tout à l'atmosphère, œuvre d'enfant peut­être, mais que son caractère sincère et violent met à l'abri de toute influence" (Miquel, p. 11). De même, L'île Segut'n et Paris, vus de Saint-Cloud, 1820, a été exposé en 1938 (nO 2). Enfin, Étude pnse.de ['île Seguin, 1823, appartient de nos jours à Mme Henrotin-Huet.

Un paysage est un état d'âme

Le mystère des forêts, la touffeur des ciels d'orage vont se reflé­ter dans les peintures de Paul Huet qui seront elles-mêmes le reflet de ses propres états d'âme (Bénézit, p. 655). Certes, tout n'est pas toujours idyllique et si Paul Huet a peint des paysages de printemps ou d'été, voire d'automne, il n'ajamais reproduit un paysage de neige dans notre région. En ce début du XIXe siècle, certains hivers sont rigoureux en Ile-de-France.

Ainsi, le « Journal des débats» annonce le 12 janvier 1820 : " Les glaces se sont arrêtées hier au pont de Sèvres et ce matin la rivière était prise en partie ". La débâcle eut lieu les 19 et 20 janvier, entraînant bateaux et débris de charpente. La Seine gela de nouveau du 31 décembre 1820 au 17 janvier 1821. A chaque crue d'orage, la Seine débordait, recouvrant l'île Seguin et envahissant les basses allées du parc de Saint-Cloud : alors, Paul Huet, toujours passionné par ces éléments, posait son chevalet dans l'eau trouble au pied des arbres...

Ces inondations étaient fréquentes et nous en avons fait men­tion dans nos articles précédents ; et nous pourrions citer plu­sieurs années semblables dans les décennies suivantes (21). Paul Huet semble avoir été attiré par ces paysages de désola­tion : nous citerons, un peu plus loin, une eau-forte sur une inondation dans l'île Seguin (1833). Nous verrons aussi que son plus célèbre tableau, exposé en 1855, a également pris pour thème une inond.ation dans le parc de Saint-Cloud. Mais dès 1822, Paul Huet fait une petite aquarelle (19 x 26,5 cm), inti­tulée La Set'ne débordée près de Satnt-Cloud. Elle porte le cachet de l'atelier de l'artiste et elle fut exposée en 1930 (nO 18) et en 1965 (nO 104), grâce à la famille du peintre qui en était possesseur. Une autre aquarelle -ou la même? -intitulée La Seine débordée est passée en vente à Versailles (1962-2,

nO 44).

De cette année 1822, citons Orage à la fin du jour (45,2 x 68,2 cm), huile sur panneau, reproduite par Miquel (<< Paysagistes ", p. 199) et portant au dos le cachet de cire de la vente Paul Huet: est-ce bien dans notre région? Mais l'île Seguin reste cette" île enchantée", comme l'écrira Paul Huet lui-même, beaucoup plus tard, en 1854, dans une lettre à sa seconde femme, Claire Sollard. Maurice-Pierre Boyé décrira l'île Seguin comme étant un " ravissant vaisseau de feuillage amarré au pont de Sèvres ". Les contemporains aussi -nous sommes aux prémices du romantisme -ne manqueront pas de vanter la région.

Ainsi, en 1816, Marchant de Beaumont admire de la terrasse de Bellevue" la Seine dont les replis bordés de prés fleuris et de champs bien cultivés forment le plus beau paysage " (22). En 1837, c'est au tour de Becker de rêver, toujours depuis Belle­vue, en voyant la plaine de Billancourt et, " à nos pieds, l'île Seguin, le beau pont de Sèvres ... et le fleuve qui commence à s'élargir et à couler plus rapidement". Et le même auteur décrit cette grande route de Bretagne et les voitures qui vont et viennent, "les gondoles et les accélérées qui font assaut de vitesse, les diligences qui brûlent le pavé et se perdent parfois dans le nuage de poussière qu'elles soulèvent, le pauvre coucou qui a l'air de trotter, mais péniblement, et qui marche à peine ". Becker est littéralement fasciné par ce paysage et de nouveau, de la terrasse de Saint-Cloud, il décrit : " A droite de nous, voilà Sèvres et son île sur la Seine, où l'un des plus riches capitalistes de notre époque fit élever une coquette maison de campagne; voyez l ne dirait-on pas la demeure d'une fée? Enfin trouvez quelque part une vue plus belle que celle que nous avons sous les yeux, et vous courrez longtemps : un volume tout entier et trente-deux fois aussi fort que celui que vous avez entre les mains suffirait à peine pour la décrire ". Précisons tout de même que Becker se contente seulement de décrire les trois routes de Paris à Versailles en... 260 pages

(23) !

Et plus tard, en 1840, Aug. Auvial écrira: " Ces bois de Meu­don sont la parure de Sèvres ; ce parc de Saint-Cloud est son ornement, et l'île Seguin n'est autre chose que sont pied char­mant qui vient effleurer l'eau". Ce texte est surtout accompa­gné d'une très belle gravure par Ch. Philipon ; il s'agit en réa­

(21)

L'hiver 1822-1823 fut particulièrement rigoureux: la Seine gela du 30 déc. au 8 janv., puis du 15 au 29 janv. Le 14janv. 1823, le thermomètre indiqua -11,70 C.

(22)

Le nouveau conducteur de l'étranger à Paris, 1816, p. 326. Ouvrage qui connut un tel succès qu'il y eut 29 éditions successives, de 1817 à 1851 !

(23)

BECKER, Nouvel itinéraire de Paris à Versailles et retour, par trois routes, 1837, in-32.

lité d'un daguerréotype, dont il existe deux éditions: l'une en couleurs, l'autre en sépia, beaucoup plus naturelle à notre goût. Une fois de plus, la vue est prise de Bellevue et plonge sur l'île entièrement boisée, sur le fleuve, sur le pont de Sèvres... (24).

Mais nous sommes en 1819: l'île Seguin n'est pas le " royaume infernal" que nous connaissons (25) ; c'est un paradis terrestre, île "hérissée et verdoyante" (Legouvé,

p. V). Paul Huet y emmène sa nièce, en 1822 : elle n'a que 6 ans et lui 19... Il y fera son portrait, avant de l'épouser en 1834. La jeune femme (Céleste Richomme) mourra à Nice, six ans plus tard... 1822, a-t-on dit (expositions de 1930, na 8, et de 1938, na 5) ! Miquel, le meilleur biographe de Paul Huet, donne -avec raison -la date de 1820 : la fillette paraît avoir 3 ans, elle est assise près d'une mare sous une futaie. Le titre de l'œuvre est évocateur: La petz'te Céleste dans l'île. Dans l'île Seguin, il va sans dire! Très longtemps, l'enfant, la jeune fille seront un sujet d'inspirations, car on la trouvera, assise sur le gazon, dans toute une série d'esquisses, de 1819 à 1830.

En cette seconde décennie du XIX· siècle, le jeune Paul Huet ignore encore qu'elle deviendra sa femme et qu'elle mourra sans avoir atteint ses. 25 ans... Les ormes de Saint-Cloud, les saules de l'île Seguin, avec leurs tons bleus, verts, roses, mau­ves, constituent pour lui l'école romantique, réaction contre l'école du grand David. Son caractère plein de tendresse ardente et rêveuse, sa philosophie un peu mélancolique, sa confrontation avec les grands arbres des bois de Sèvres tout proches, le feront devenir" l'initiateur en France du grand paysage poétique ". Et Ern. Chesnau ajoute : " Le grand pay­sage romantique est mort avec Paul Huet. "

Nous n'avons pas de peine à imaginer l'île Seguin, comme étant seulement connue des braconniers et des chasseurs, y venant en barques, surtout du Bas-Meudon. Seule, en effet, la rive gauche est habitée. Un état nominatif du 17 avril 1817 dit qu'il y a à " la Verrerie et le Bas-Meudon" 402 personnes (26). Tout ce monde connaît les petites anses poissonnières de l'île Seguin et y vient aux heures propices. Nodier, déjà cité, écrira en 1836 : "Au Bas-Meudon, le fleuve se partage en deux bras pour former plusieurs îles ombragées où les Pari­siens, après leurs promenades sur l'eau, viennent manger d'excellentes matelotes."

Tout cela donne une note vivante à ce domaine, " semblable à une forêt vierge avec ses fourrés inextricables, ses dômes serrés de verdure où la lumière ne filtrait que par longs rais obliques comme à travers les verrières d'une cathédrale" (Bénédite,

p. 145). Et l'île elle-même, avec ses" frondaisons humides" -Paul Huet peindra en 1822 une Mare z'ntérz'eure de l'île Seguzn -(expositions de 1930, na 9) -n'a que quelques rares habitations.

Quel étrange lieu pour un adolescent à l'âme contemplative et farouche: parties de l'île pleines d'eau, averse des rayons de soleil sur les clairières, irisation incessante du fleuve, flore des buissons... Ou encore, ce sont des clairs de lune magnifiques ou des nuages filant au-dessus des ténèbres. Dans la journée, des poulains et des vaches errent en liberté, des chiens aboient, quelques hommes scient des arbres ; la nuit, les maraudeurs posent des collets ...

Les bateaux chargés de matières pondéreuses et tirés par des chevaux, les barques des pêcheurs ou des promeneurs frôlent lentement les rives de l'île, mais Paul Huet ne fera des marines que beaucoup plus tard, par exemple à Honfleur, Saint-Valéry, Rouen, Fécamp, etc. En ce début du XIX· siècle, les navires à ~ubes font leur apparition: le 28 mars 1816, le « Marguery Elise », premier bateau à vapeur, venant de Londres, longe la Seine pour mouiller au Champs de Mars (27). Ou bien, c'est « Le Génie du Commerce» qui fait un essai le 5 septembre 1817, espérant pouvoir transporter 500 personnes lors des fêtes de Saint-Cloud (28) ; tel encore « Les Deux Frères », qui arrive de Rouen le vendredi 8 mai 1818 : sa caractéristique est d'être coupé dans sa longueur par un canal de l'avant à l'arrière, avec une seule roue sous l'arrière, ce qui donne le mouvement; on assure qu'il peut contenir 150 personnes (29).

Le 25 juin 1818, " l'un des bateaux à vapeur de M. Pajol et Cie qui sont auprès du quai des Invalides, a manœuvré ce matin, sur la Seine, et est descendu jusqu'au pont de Sèvres. Il a remonté la rivière, en traînant à la remorque deux bateaux pesamment chargés" (30). En septembre 1825, « Le Pari­sien » fait le voyage Paris-Saint-Cloud et retour: il a un salon élégant et des meubles soignés décorent le bâtiment ; il y a même des cabinets particuliers et on peut lire, écrire, dessiner pendant le trajet qui dure à peine une heure. " La meilleure compagnie se réunit dans cette voiture d'eau douce, qui n'est dédaignée ni par les petites maîtresses, ni par les dames à res­pect" (31).

Et Becker, déjà cité, confirme en 1837 : " Puis la Seine, char­gée de bateaux qui montent ou qui descendent; d'autres bateaux, au port de Sèvres, en charge ou en décharge. Est-il, dites moi, un tableau plus vivant, plus animé, et surtout plus varié? "

Un vrai nid de poésie

L'île Seguin fut pour Paul Huet un " vrai nid de poésie" et jamais il ne l'oublia, y revenant souvent dans sa vie. Il passa sur la Seine une partie de ses nuits, admirant les reflets de lune. Ses aquarelles ont une étrange naïveté d'exécution, avec des ciels qui ont toute la puissance, tout le mouvement, tout le caractère dramatique de son talent. Une lettre qu'il écrivit bien plus tard à Th. Silvestre, lequel lui avait demandé des notes pour faire sa biographie, avoue avec émotion cette période de sa vie:

(24)

PHILIPON (Ch.), Paris et ses environs, reproduits par le daguerréotype, 1840 ; la notice sur Sèvres est rédigée par A. AUVIAL.

(25)

L'expression est de BOYÉ (Maurice-Pierre), La mêlée romantique, p. 152, écrivant cela en 1946 ! 35 ans plus tard, l'île n'a pas changé et elle se trouve toujours au cœur des luttes sociales et politiques: Moloch de l'industrie, Jonathan de l'automobile, symbole du syndicalisme, beaucoup ont porté sur l'ne Seguin et Renault des appré­ciations contradictoires! Ainsi, Toutes les Nouvelles des Hts-de-Seine, 27 août 1980 : " Le grand dinosaure de l'île Seguin devra faÏre peau neuve " !

(26)

Arch. Yvelines, non coté.

(27)

Idem, 16 F 1-2.

(28)

Documentation GERARD.

(29)

Idem.

(30)

Moniteur universel, 26 juin 1818, p. 771.

(31)

Le Pandore, 6 septembre 1825.

" Sans mes lectures poétiques et mon amour des champs, je ne sais ce que je serais devenu ; les difficultés réelles de la vie m'accablaient d'ailleurs et je me trouvais aux prises avec des épreuves bien dures: la perte de mon père et la nécessité... Vers cette époque, je commençais avec une grande naïveté mes premières tentatives de paysage ... Reçu comme un enfant de la maison dans une famille (la famille Lelièvre) qui habitait l'île Seguin tous les étés, c'est là que s'étaient développés mes rêves de paysagiste. C'est en m'abandonnant à la pente de mon esprit, en cherchant à rendre mes impressions par une étude constante et laborieuse, que j'ai conquis la place modeste que j'occupe aujourd'hui." (René-Paul Huet, p. 5-6)

Huet raconte également que la duchesse de Berry fit choix " dans mes cartons le croquis le plus simple, une petite Vue de la Seine à Sèvres... " Et c'est Legouvé qui l'a bien jugé, écri­vant sur lui: " En réalité, il est l'élève de l'île Seguin ... L'île Seguin fut pour lui ce que fut pourJean-Jacques Rousseau l'île Saint-Pierre.

Vers 1854, dans une autre lettre, Paul Huet écrit à sa femme et lui" montre que dans sa jeunesse, à l'île Seguin même, où il a tant travaillé, il savait apporter sa part d'entrain, que les parties de pleine eau n'étaient pas les seuls moments de détente". Et notre peintre ajoute: " Dans l'omnibus vert, j'ai bien cru reconnaître une des jeunes nymphes de l'isle Seguin, une blonde enjouée et folâtre qui donnait sa part de joie aux beaux jours de cette île enchantée; époque où l'on écrivait encore sans trop de honte Isle avec un S ! et l'on croyait être si loin de l'Ancien Régime... "

Les ormes de Saint-Cloud

Ainsi, Paul Huet apporte à la peinture de paysage un élément nouveau: la forêt. Et ses arbres ne sont plus une masse anonyme, de simples sous-bois mis là pour" meubler" : cha­cun de ses ormes a une vie propre, une personnalité. Il s'agit d'un sujet favori, que Paul Huet a répété tout au long de sa car­rière dans de nombreuses toiles.

Nous avions pu déjà le constater en admirant Frondaisons à Saint-Cloud, petite aquarelle datée de 1822 et mise en vente à Versailles en 1962 (1961-1, nO 25). Mais la " pastorale de la vraie peinture " (Miquel, p. 48) est l'œuvre intitulée Les ormes de Saint-Cloud (1823), tableau conservé au Petit-Palais à la suite d'une donation faite en 1934 par M. et Mme Perret­Carnot. Ses dimensions sont relativement modestes: 42,5 x 52 cm. Il a été exposé successivement en 1911 (nO 2), 1930 (nO 14, avec reproduction), 1938 (nO 10) et 1965 (nO 18). Paul Huet considérait cette œuvre comme importante. Elle fut précédée d'au moins deux dessins et d'une somptueuse aqua­relle d'automne, aux touches enchevêtrées, semblables à des reflets dansants. L'Exposition de 1930 (nO 11) a fait connaître un " crayon", ayant le même titre, sous la date de 1824. En 1965, le musée des Beaux-Arts de Rouen a présenté une esquisse, Les ormes de Saint-Cloud (nO 17), sous la date de 1823, qui appartenait à l'époque à M. P. Miquel. Cette huile sur panneau (27 x 36 cm), avec cachet d'atelier au dos, fut aussi exposée au Castle Museum de Nottingham (nO 351), ainsi qu'à Londres en janvier 1969 (nO 16) et au pavillon des Arts en février de la même année (nO 27).

Peut-être tout cela a-t-il été précédé par Étude d'ormes, dessin à la plume (28 x 44 cm), que nous avions vu à Versailles à la fin de 1962 (nO 9) ? On ne peut donner une réponse certaine, puis­que ce dessin n'a ni lieu ni date.

Par contre, Bouret (p. 53) a reproduit Étude pour les ormes de Saz'nt-Cloud, 1823, huile sur panneau (26 x 27 cm), prove­nant d'une collection privée.

Toile et aquarelle peuvent être considérées comme l'aboutisse­ment de toute une période: élégance des lignes, harmonie déli­cate des tons, équilibre de la construction prouvent à l'évidence tout ce que l'École française du paysage a probablement perdu, à ce que l'on appelle " la découverte " de Constable au Salon de 1824. Nous allons y revenir. En attendant, le parc de Saint­Cloud attira souvent Paul Huet; dans une lettre écrite d'Angleterre, en 1862, il conte, parlant de la forêt de Windsor: " Il faut ... parcourir une allée d'ormes aussi beaux que les beaux arbres de Saint-Cloud" (Chesneau, p. 29). Citons enfin son aquarelle de 1824, Saz'nt-Cloud : effet de lune dans les arbres, présentée en 1930 (nO 12).

La peinture anglaise : qui a influencé qui ?

Les artistes anglais ont été nombreux à venir, au début du siè­cle, dans notre région (32). Le traité d'Amiens fut la première occasion pour de nombreux Britanniques à venir visiter Paris. Dès 1801-1802, Thomas Girtin (1775-1802) grave vingt-quatre aquatintes sur Paris et ses environs. Deux de ces gravures doi­vent nous retenir: « Vue de Belle Vue et du Pont de Sève» et « Vue de Saint-Cloud et du Mont Calvaire prise du pont de Sève ». Elles furent exécutées pour le comte d'Essex, gravées par F. C. Lewis et éditées dans un recueil posthume, en 1803, intitulé : « Selection of twenty of the most picturesque views in Paris ». Elles imitent le dessin au lavis et sont faites à l'encre de Chine, en bistre et à la sépia. Il s'agit du procédé de l'aquatinte qui eut un succès considérable.

Autre visiteur d'outre-Manche, Sir Joh Dean Paul, écrit en août 1802 : " Le long de la Seine, jusqu'à Sèvres, la route est magnifique ; les bords de la rivière offrent une riche perspec­tive et les collines environnantes sont agréablement boisées." (33).

Un artiste -mais cette fois-là c'est un Danois -vient à son tour admirer l'île Seguin: Chr. W. Eckersberg (1783-1853) nous laissera sur la vallée de la Seine en 1813 une toile superbe conservée au Musée royal des Beaux-Arts de Copenhague (34).

(32)

Sur les Anglais à Paris, cf. BABEAU, Les Anglais en France.

(33)

Journal d'un voyage à Paris au mois d'août 1802, traduit par P. LACOMBE, 1913,

p.92.

(34) Sur ce tableau, cf. Bull. des Amis de Meudon, nO 13, mai 1939, p. 227.

Lord Addington, officier anglais des troupes d'occupation, a fait à son tour, en 1814, deux lavis de l'île Seguin, vue de la rive de Sèvres, représentant le vieux pont de bois, le décor des arbres dans l'île, ainsi que le nouveau pont en construc~ion (musée municipal de Sèvres, Nos 6-7). Et l'ordre chronologique nous oblige à citer le révérend Th. Frognall Dibdin qui signale en 1818 : " A Sèvres, on sent mieux l'approche de la grande métropole, par le mouvement et les allées et venues qu'on remarque. On y voit circuler des voitures de toute forme, fia­cres, guinguettes, voitures anglaises, cabriolets à un seul cheval dans lesquels on entasse jusqu'à 9 personnes" (35). De son côté, S. W. Reynolds, peintre et surtout graveur, vint deux fois à Paris. On connaît de lui « Le pont de Sèvres, vu des bords du parc de Saint-Cloud" (château de Chantilly, salle de la Tribune).

Frederick Nash qui publie à Londres, en 1820, ses « Pictures­que views of the city of Paris ant its environs ...", ne cache pas son émerveillement : " C'est des hauteurs boisées de Saint­Cloud qu'on peut jouir de la plus belle vue de Paris et de la val­lée qu'arrose la Seine... Le beau courant de la Seine serpente au sein d'une exquise vallée, entre des collines pittoresques." A leur tour, John Gendall et Augustus Welby Pugin dessinent des « Vues pittoresques de la Seine », parues en 1821.

J. M. W. Turner (1775-1857) fera paraître à Londres, après 1820, « The Rivers ofFrance ". Trois planches sont à signaler: « Pont de Saint-Cloud, pris de Sèvres », où l'on voit, du coteau de Bellevue, l'île Seguin, les ponts de Sèvres et de Saint-Cloud, et la lanterne de Diogène; « Lanterne de Saint-Cloud », avec la vue classique sur le pont de Saint-Cloud, la rive de Boulogne et le mont Valérien (" Lantern of Saint-Cloud" a été exposé en mai 1965 à Nottingham) ; enfin les admirables« Ponts de Saint-Cloud et de Sèvres », pris de la colline de Saint-Cloud, sur la grande plaine de Boulogne et de Billancourt. Si les dessins sont de Turner, les gravures sur acier sont de S. Fisher, J. P. Willmore et W. Radclyffe. Les trois planches illustreront encore « Wanderings by the Seine ", publié par L. Ritchie en 1835, ainsi que «The Seine and the Loire », édité par

M. B. Huisch en 1886.

En 1824, Bonington et les frères Fielding collaboreront aux «Voyages pittoresques de l'ancienne France », de Charles Nodier et du baron Taylor.

Tous ces noms -dont la liste n'est pas exhaustive -montrent bien que la peinture anglaise romantique a pu se développer et peut-être influencer les romantiques français. Qui a influencé qui ?

" L'analogie entre la peinture anglaise de paysage et les études que fit Paul Huet dans l'île Seguin de 1820 à 1822 est frap­pante ", dit Ph. Burty . " Le rapprochement jaillit, évident et logique, de la recherche instinctive ou plutôt de la présence continue de motifs et d'effets analogues. C'est, de part et d'au­tre, ce que l'on pourrait appeler de la peinture d'insulaire."

Durant l'été 1820, Huet se trouve avec son camarade d'atelier Bonington, lequel court bientôt sous d'autres ciels délicats, vers Mantes, Rouen, Le Havre... Est-ce avec lui qu'il peignit Pêcheur au pont de Sèvres, " œuvre exceptionnellement lumi­neuse et sobre, qui contraste avec le restant de son œuvre en 1820 " ? Question sans réponse, hélas! Paul Huet était uni par l'amitié et par des affinités spirituelles avec Bonington, " mais ses œuvres attestent que Huet s'orientait spontanément vers le paysage romantique avant 1820 " (Bouret). Ce qui est sûr, c'est que les deux amis ont travaillé ensemble et échangé probablement certaines de leurs œuvres: il n'est donc pas impossible de trouver sous le cachet de Paul Huet des œuvres de Bonington et vice versa. Celles de l'artiste anglais sont néan­moins reconnaissables, le plus souvent, grâce à un trait plus sec et plus fin que celui de Huet (Miquel, Paul Huet, p. 79).

Pauvre Richard Parkes Bonington, mort à 26 ans, en 1828, remarquable par son frais coloris d'aquarelliste ... Dans cette pléiade de peintres de la " Belle Boucle " -cette jolie expres­sion est de M. le docteur Bezançon pour symboliser la Seine dans notre région -Bonington ne peut pas être oublié.

De même, Paul Huet se lia avec trois des quatre frères Fiel­ding: Copley, Thales et Newton. Copley (1787-1855), aqua­relliste, obtint une médaille d'or au Salon de 1824. Ses marines et effets de ciels prouvent sa puissante vision de la nature. Avec Huet, il connut Delacroix. Thales (1793-1837) fit des paysages à l'aquarelle; il vint à Paris vers 1820 et, comme Copley, comme Huet, une intime amitié le lia à Delacroix. Newton (1799-1856), le plus jeune, fut graveur et lithographe; il obtint une grande réputation en France.

John Constable -plus âgé que Paul Huet -mourra dès 1837 ; il sera le maître incomparable des verts, des reflets de pluie sur le feuillage: "réaliste minutieux et romantique exalté", a-t-on pu écrire (Grand Larousse encycloPédz·que). Il exposa à Paris en 1824 et Balzagette, traducteur des lettres de ce peintre, soulignera plus tard en parlant de Paul Huet: il " fut vraiment un initiateur, l'ancêtre de tous les paysagistes de 1830. C'est lui vraiment lui le premier" (cité par Mme Henrotin-Huet).

Étrange île Seguin ! Merveilleux panorama qui attire les pein­tres pendant tout un siècle, de Paul Huet (en 1817) à Lebourg (en 1900), à peu près aux mêmes endroits! Qui trouvera les mots pour retracer cette belle épopée picturale de notre ban­lieue parisienne ?

Des eaux-fortes...

Paul Huet ne s'est pas borné à la peinture; il a pratiqué avec talent la plupart des arts qui en dépendent. Il est vrai que l'épo­que s'y est prêtée car l'eau-forte originale, par exemple, est réapparue sous le romantisme. Il est même certain que c'est Paul Huet qui, le premier, exécuta des eaux fortes de paysage (Bailly-Herzberg, t. l, p. XIII). Du reste, dès le 1er octobre 1864, Théodore de Banville pouvait écrire dans l'Union des Arts: " On ne peut parler eau-forte sans nommer Paul Huet."

C'est ainsi que Paul Huet fit un cahier de six eaux-fortes (plus la couverture) qui parut chez Goupil en 1835. En réalité, elles furent exécutées en 1833-1834 (peut-être même antérieure­

(35) Cité par BELLOC (Al.), La manière de voyager autrefois, 1903, p. 294.

ment), car elles sont signalées par Gustave Planche dans son « Étude française au salon de 1834". Il nous faut les citer, car l'une d'elles (la seconde dans l'album) est intitulée L'Z"nonda­tz"on, souvenir de l'île Seguin, 1833 (21,9 x 31,5'cm), où les arbres sont au premier plan: " Ce sont ces beaux arbres, svel­tes, élancés; c'est cette·poésie des sous-bois, ce sombre et ce frais, cette solitude -cette élégie et ce lyrisme de la nature " (Marsan, 1958, p. 159). Cette eau-forte, faite d'après un dessin de 1822, a été exposée en 1911 (nO 2), 1930 (nO 2), 1938 (nO 28) et 1965 (nO 202). Il en existe trois états qui ont été décrits par Delteil.

La dernière eau-forte de l'album de Goupil, « Un pont en Auvergne» ne peut intéresser un historien de l'île Seguin. Par contre, les quatre autres méritent quelques développements :

-le héron-(24,5 x 34,8 cm) représente cet animal guettant les grenouilles: mais il y a un ours en embuscade! Est-ce à l'île Seguin ? Est-ce l'imagination de l'artiste ? L'eau-forte existe en trois états différents ; une reproduction en a été faite par le procédé Yves et Barret; elle accompagne une étude de Léon Gauchez (sous la signature Mancine) sur Paul Huet, publiée dans « l'Art» en 1978; Mais l'eau-forte elle-même a été expo­sée en 1911 (nO 1), 1930 (nO 1) et 1965 (nO 203). Ajoutons qu'il existe également une Étude pour le héron (18,5 x 26,4 cm), à l'encre brune et à la mine de plomb, signée en bas et à gauche;

-la maison du garde (21,3 x 30 cm), sur le bord d'un bois: c'est le reproduction, à peine modifiée dans la disposition géné­rale, d'un grand tableau (114 x 146 cm, exposition de 1911, nO 6) que Paul Huet avait peint en 1826. Là aussi, il en existe trois états (36) ;

-les deux chaumières, au pied d'un bosquet sur un tertre, une vue de pignon, l'autre de profil fuyant avec, au premier plan, une mare et des canards. Ce sujet ne semble pas, à notre connaissance, avoir attiré un commentaire particulier chez les biographes de Paul Huet ;

-le braconnier (26 x 35 cm), à l'affût sur un saule pleureur, surplombant une rivière. Il en existe trois états, dont l'un a été exposé en 1911 (nO 3) et en 1930 (nO 3). Ceci est à rapprocher de L'arbre penché (17,5 x 22 cm), esquisse à l'essence portant le cachet de la vente Paul Huet. On est certain qu'il s'agit d'une des premières pochades exécutées dans l'île Seguin (vente de 1878) et c'est cette pochade qui servira à la gravure du Braconnz·er. Enfin, nous trouverons une lithographie, Les braconnz·ers, représentant probablement une aquarelle exposée au Salon de 1831 (nO 1090). Là encore, un hêtre occupe la litho, avec son tronc lisse et puissant, enraciné dans le talus d'un chemin creux.

Nous n'osons donc pas affirmer que ces quatre eaux-fortes ont été faites dans l'île Seguin ou inspirées par elle. Pourtant, le docteur Bezançon, fin amateur d'art, n'hésite pas à dire que notre île est bien le sujet de ces eaux-fortes. Prudemment, enre­gistrons seulement L'znondatz"on, souvenir de l'île Seguin. Mais toutes " rivalisent de transparence et de légèreté, de grandeur et de souplesse avec les meilleures ouvrages de l'école flamande. La gravure ainsi comprise est une véritable peinture, tant elle est vivante et animée ", déclare Gustave Planche dans « la Revue des Deux Mondes» du 1"' avril 1834 (p. 71). Et le même auteur ajoute: " L'écorce, les branches et le feuillage des arbres sont touchés avec une simplicité savante. La toiture des chaumières est si doucement estampée qu'on a peine à com­prendre comment l'eau-forte a pu atteindre ce résultat." Del­teil (introduction, p. 4) les a jugées aussi d'un "charme exquis ".

Ces œuvres s'affirment parmi les plus importantes que sa pointe ait tracées. Elles ont été précédées de quelques essais qui démontrent la volonté tenace de l'artiste, arrivé presque dès ses débuts à la réalisation de ses vues.

Nous avons d'autres" pièces" de Paul Huet, qu'il serait ten­tant d'attribuer à l'île Seguin! Ainsi, une eau-forte (sur un total de 17) représentant une Saulée aux environs de Paris. Ce titre n'existe du reste pas et ce sont les biographes de Huet qui la décrive ainsi. Rien n'indique qu'il s'agit des saules de l'île Seguin. L'eau-forte a paru dans un album, chez Goupil; René-Paul Huet en possédait le cuivre.

Il ne s'agit pas de caprices exécutés au petit bonheur, mais d'eaux-fortes gravées avec tout le soin et le métier que compor­tent des œuvres dont l'artiste désire condenser en elles toute l'impression, tout l'effet et toute la couleur qui doivent s'en dégager.

...des lithographies...

Comme lithographe, Paul Huet est un coloriste aux effets par­fois un peu trop " composés ", mais souvent bien compris et merveilleusement exprimés. Ses éditeurs sont Rittner, Motte, Gihaut. Une forte continuité se dégage de ces lithos; les paysa­ges expriment la mélancolie, on devine la saveur des bois inex­plorés ou le calme reposant des chaumières. Quelquefois, une rosée s'élève des paysages envahis par la brume de notre Ile-de­France.

Paul Huet a réalisé 54 lithographies, mais 26 seulement ont paru en album. Hédiard (p. 17-23) en a donné un « Catalo­gue ». Nous ne citerons ici que trois lithographies, faites dans notre région immédiate :

-Terrasse de Saznt-Cloud, peut-être exécutée en 1832, de format in-4° oblong (15,4 x 22,7 cm) et publiée dans « l'Artiste »en 1833. Elle reproduit un tableau que Paul Huet avait intitulé: Vue de Saz'nt-Cloud prise de la lanterne de Démosthène (21 x 30cm), qui fut d'abord refusée, puis pré­sentée au Salon de 1833 (nO 3073), à la demande de Granet. René-Paul, son fils, possédait d'autre part une aquarelle de même motif. A gauche, la terrasse de Saint-Cloud, avec des groupes de promeneurs et d'enfants, ainsi que deux chiens; à droite, la vue sur la Seine, le pont de Saint-Cloud, les collines de Suresnes ;

(36) A ne pas confondre avec La maison du garde à Compiègne (30 x 45 cm), aquarelle et gouache, 1860 (Expos. de 1911, nO 336).

-une seconde lithographie représente une Inondation à Saz'nt-Cloud : elle n'a pas été publiée et n'a ni lettre ni signa­ture. Elle est fort rare et René-Paul Huet en possédait une épreuve (rognée), ainsi qu'A. Beurdeley ;

-enfin, il faut mentionner un Sous-bois qui, sans avoiqle moindre rapport avec le tableau célèbre du même nom, paraît être une vue de l'Inondation à Saz'nt-Cloud. Grâce à l'amour profond de la nature, la lumière baigne et enveloppe le motif jusque dans les nuances les plus changeantes et les plus fugitives.

. . .et des clichés-verres

Les clichés-verres réalisés par Paul Huet sont au nombre de sept. Commes pour certaines eaux-fortes, quelques-uns ont pu avoir été exécutés dans notre région. Citons ainsi :

-Bords de n'vière ou la mare aux trois saules. Deux épreuves furent vendues Il F (anciens) à la vente A. Ragault, en 1907. On trouve aussi le titre Bords de n''tJl'ère dans la collection Bouasse-Le Bel, et tout cela est à rapprocher de Bords de n''tJl'ère, saulées aux envz'rons de Paris (25 x 36 cm), sépia exé­cutée en 1856 ou 1859, et qui appartenait autrefois à Mme des Essars;

-Le pont, dont trois épreuves furent cotées 11 F (anciens) à la vente G. Hédiard, en 1904, et qui ressemble fort ... au pont de Sèvres! Il a été publié dans 1'« Album-Auto­Photographie », 1re série.

Un esprit fin et indépendant

" Créature essentiellement nerveuse, impressionnable, senSi­ble, volontiers féminine ...", tel est le jugement porté par Ph. Burty sur Paul Huet. On verra ce dernier à la " bataille d'Hernani ". Et Victor Hugo lui écrira chaleureusement : " J'aime tout de vous, l'homme et le peintre."

Les convictions républicaines de Paul Huet ne font pas de doute et nous le verrons passer à l'action en toute circonstance. Esprit libre, socialiste sans le savoir -le socialisme français est à ses débuts et lui aussi est romantique! -théiste par tempéra­ment, tel a été Paul Huet.

Il sera sur les barricades, comme son ami Alexandre Dumas, avec le peuple de Paris, pendant les " Trois Glorieuses ". En ces journées de juillet 1830, Paul Huet ne se doute pas que sa chère île Seguin et le pont de Sèvres sont également en pleins combats, entre ouvriers parisiens et population sévrienne d'une part, troupes de Charles X d'autre part (37). Les combats finis, Paul Huet expose à la galerie de la Chambre des Pairs, Le parc de Saz'nt-Cloud un jour de fête, réalisé en 1829, " tableau ins­piré de mes beaux arbres de Saint-Cloud ", au profit des bles­sés de Juillet. G. Lafenestre a pu écrire en 1911, au sujet de ce tableau: "Quelle paix délicieuse, quelle tranquilité conso­lante, tombent de ses grands ormes touffus sur la foule des cita­dins endimanchés qui trottinent à son ombre ! " Ce tableau, offert par René-Paul Huet en 1896, appartient aujourd'hui au musée du Louvre (RF 1059) ; il mesure environ 38 x 47 cm et a été exposé en 1911 (nO 205) et 1965 (nO 26). L'Exposition de 1911 (nO 225) a aussi fait connaître un Parc de Saz'nt-Cloud (21 x 27 cm), dessin à l'encre de Chine fait en 1829, où l'on note surtout un arbre penché sur l'eau.

La violence a toujours fait horreur à Paul Huet, mais il ne refusa pas à voir dans la révolution le nécessaire enfantement du progrès. Quand le 24 février 1848, le peuple envahit la Chambre, est-il avec le gouvernement provisoire, pour la République? Rien ne le prouve. Mais on le trouve aux jour­nées de juin contre Louis Blanc, c'est-à-dire du côté de la répression. Entre l'idéal et l'ordre, il a choisi l'ordre...

Tout ceci nous entraînerait trop loin, mais il faut pourtant sou­ligner son caractère indépendant. Ce qui ne l'empêche pas de cultiver l'amitié. Lié avec tous les adeptes du romantisme nais­sant, il sera un trait d'union, grâce à ses amitiés nombreuses, entre les écrivains, les hommes politiques, les philosophes et les peintres.

Toujours notre région : à Saint-Cloud...

Connaître Paul Huet, c'est l'aimer: nous en avons fait l'exal­tante expérience et nous avons été tenté de décrire sa vie -et son œuvre -dans les environs immédiats de l'île Seguin. Car Paul Huet restera fidèle à notre région. Il y apportera même un élément nouveau en découvrant, ou plutôt redécouvrant, cette lumière propre à l'Ile-de-France. Ainsi, glanant dans les catalo­gues de ventes ou dans ceux d'expositions, nous avons pu faire un pointage d'environ une centaine d'œuvres de Paul Huet, et cela uniquement pour Saint-Cloud, Meudon, Sèvres, Chaville et Ville-d'Avray!

Que choisir dans toute cette " production " artistique qui ne concerne pas l'île Seguin? Saint-Cloud et son parc resteront les lieux privilégiés du chevalet du grand peintre. Soirée d'automne dans le parc de Saz'nt-Cloud apparaîtra au Salon de 1835 (nO 1092). Ce grand tableau (162 x 98 cm) restera d'abord au musée du Luxembourg, avant d'entrer au musée du Louvre. Comme souvent chez Paul Huet, les grands arbres s'élèvent à l'ombre du ciel. La critique ne fut guère élogieuse: L'Artiste estime que" l'immense rideau d'arbres, qui n'a jamais dû grand-chose à la nature, a pris un ton tout à fait faux". Théophile Gautier parle de cette" mélancolie d'octo­bre " ; par contre, M. du Camp écrit qu'il s'agit d'une" toile

grave et belle, largement peinte ".

Le Salon de 1850 (nO 1567) fera connaître le Parc réservé de Saz'nt-Cloud: traitée à l'aquarelle et à l'huile, cette œuvre montre de la gaieté dans les tons. Bien d'autres pièces pour­raient être citées ayant pour thème le parc de Saint-Cloud, notamment trois pastels de 1847, exemples parfaits de fraîcheur et prouvant que Paul Huet continue ses études. Désormais, les riches et mouvants coloris du crépuscule s'entremêlent avec des impressions lumineuses.

(37) Nous avons évoqué ces combats dans La Semaine du 2 juillet au 24 septembre 1980.

Mais la pièce maîtresse de Paul Huet reste L'inondation à Saint-Cloud. C'est à la fin de l'automne et au début de l'hiver 1854 qu'il multiplia les esquisses pour le tableau qu'il prépa­rait. " Une toile comprend le chêne sombre et deux des person­nages; une deuxième, le cheval clair vu à Guérard ; une troi­sième, la composition générale avec la barque; une quatrième, le paysage avec des variantes ; la cinquième, de petite dimen­sion, correspond au tableau à peu près achevé. Il existe aussi un dessin au crayon de format réduit, pour le paysage, un plus grand, au crayon noir et blanc et un grand fusain qui lui sert à lamise en place et qu'il tend sur le mur de son atelier, en pré­sence de son élève Desjobert. En trois ou quatre jours, il y trace la composition générale, si détaillée qu'il ne lui reste plus qu'à la porter sur la toile." (Miquel, « Paysagistes...», p. 227).

Souvent reproduit, le tableau fut d'abord présenté à l'Exposi­tion universelle de 1855, où il reçut une médaille. Il faisait par­tie de la collection de Napoléon III, avant d'être intégré au musée du Luxembourg; c'est maintenant une des toiles célè­bres du musée du Louvre. Ses dimensions (2,035 x 3 m) sont imposantes et ses qualités sont exceptionnelles. André Marie a écrit justement: " La force du trait, l'empâtement, la simpli­cité de la scène -une charrette et une barque -donnent bien une impression quasi apocalyptique qu'a voulue l'artiste. Tout le déchaînement de la nature transparaît à travers ces eaux, et cependant il n'y a rien dans la composition qu'une simplicité de touche extraordinaire."

Les grands arbres du parc (à gauche) sont baignés par les eaux débordées de la Seine, lesquelles s'arrêtent au talus où sont enracinés les arbres de droite ; ces eaux sont éclairés par une éclaircie du ciel. Au fond, le pont de Sèvres ; au premier plan, une barque et une charrette attelée de deux chevaux ...

...à Bellevue...

Après juin 1848, Paul Huet et sa famille louent une maison à Bellevue; l'artiste reprend le pinceau et dorénavant, dans cette période préimpressionniste, sa peinture est calme, lumineuse. Sa touche se rétrécit, se miniaturise. Tout cela nous offre Le bac du Bas-Meudon, œuvre claire, aux nuances délicates dou­blées de couleurs franches avec des valeurs admirablement posées.

Les œuvres sont encore nombreuses : Bellevue par temps de Pluie (expositions de 1889 et 1911) et surtout les trois tableaux du musée de Sceaux: Bellevue et le mont Valérz'en, Paris vu des hauteurs de Meudon (chemin des Gardes) et Bas-Meudon, île Seguz'n et pont de Sèvres. Cette dernière toile (23 x 41 cm), peinte en 1848, fit partie de l'ancienne collection Perret­Carnot; signée en bas et à gauche, elle fut exposée en 1965 (nO 50).

Plusieurs Bas-Meudon, peinture et dessin à la mine de plomb, gardent encore leur valeur historique, en raison de leur date (1848) ; de même, un carton au fusain -Soir d'orage,jorêt ­est sans doute une étude pour le tableau du Salon de 1852 ; malheureusement, ce tableau, dont on n'a pas retrouvé trace, a dû être brûlé à Saint-Cloud en 1870.

Matz'n,. hauteurs de Meudon (1856) et Enrn'rons de Paris, près Meudon (1858) sont connus depuis l'Exposition de 1911 (N°S 109 et 118). Enfin, nous ne pouvons pas ne pas mention­ner Vue de Boulogne et du pont de Saint-Cloud, tableau acquis par la Société historique et artistique de Boulogne-Billancourt en 1954 (38).

...à Sèvres (juin-août 1861) ...

Mais Paul Huet va être frappé dans ses affections les plus vives: en mai 1861, à quinze jours d'intervalle, son frère Pierre-Étienne et sa nièce Caroline vont mourir... Il reste alors dans un " anéantissement douloureux ", pendant plusieurs mois. Sa femme est inquiète et décide de louer, en juin 1861, à Sèvres, " une petite bicoque sur le coteau de Bellevue, char­mant pays et bien nommé". Et Paul Huet ajoute -car c'e'st lui qui écrit ce 1 er août 1861 au président Petit : " Nous avons, de nos fenêtres, une vue presque italienne. Ne riez pas, je connais vos préjugés à propos des environs de Paris. Ils sont charmants, gracieux, délicats comme les natures parisiennes et quelquefois grandioses. Que je voudrais pouvoir vous les mon­trer... "

Cette" petite bicoque " est la maison Gauthier, rue des Binel­les; de sa fenêtre, il voit les coteaux du parc de Saint-Cloud. C'est là qu'il va reprendre goût à la vie, qu'il va écrire souvent, qu'il va se remettre à peindre aussi ... Il exécute Prain'es vues des hauteurs de Meudon, œuvre lumineuse et fraîche, caracté­ristique, " époque bleue" qui se poursuit parallèlement aux œuvres plus sombres, ainsi que Claz'r de lune (étang de Meudon).

. Sur Sèvres même, il nous faut mentionner les cinq études sui­vantes:

-Lavandières, étude aux environs de Sèvres (30 x 40 cm), peintes en 1861, avec cachet de l'atelier Paul Huet. Ce tableau fut acquis en 1964 dans une vente à Versailles et il appartenait, l'année suivante, à M. Urvater, de Paris, qui le prêta à l'Expo­sition de 1965 (nO 84) ;

-Pommiers en fleurs, hauteurs de Sèvres, est une étude (27 x 38 cm) qui fut vendue en 1878 (nO 77) ;

-une peinture, portant le même tz'tre que précédemment (29 x 49 cm), signée du peintre, fut également vendue en 1878 (nO 13) ; elle fut exposée en 1911 (nO 214) et appartenait alors à M. Edmond Mocqueris ;

-Le plateau des Bruyères à Sèvres (33 x 52 cm) est une huile sur bois et reste la plus connue, étant de nos jours conservée au musée de Sceaux ;

-enfin Les hauteurs de Sèvres est une œuvre faite en 1863, lorsque Paul Huet habitait à Chaville. Elle appartient actuelle­ment à Mme Henrotin-Huet.

(38) Procès-verbal du 28 janv. 1955.

En réalité, le séjour de Sèvres ne dura guère et notre artiste voyage alors à Dives, Saint-Maclou, Villers, Houlgate...

...à Meudon üuin-juillet 1862)...

Nous retrouvons Paul Huet en juin 1862, à Meudon, dans un pavillon loué rue des Jardies, d'où il écrit, le 29 juin 1862, à

M. Sollier : " Meudon célèbre par son curé (Rabelais), lesJar­dies par la propriété que Balzac avait eu le soin de bâtir sans escalier à seule fin qu'on en parlât: et de fait nous en parlons." Entre parenthèses, rectifions: si la rue des Jardies existe à Meudon, la propriété de Balzac était en réalité à Sèvres (39) !

De cette période, nous pourrions encore mentionner quatre œuvres sur le Bas-Meudon. L'une d'entre elles, surtout, est connue depuis le Salon de 1863 (nO 958). Elle a 61 x 102 cm et appartient à Sainte-Beuve. Ce tableau est actuellement au musée de Montpellier. Paul Huet a exécuté pour cette peinture des études aux tons chauds et cuivrés. Les coteaux de Sèvres sont perdus dans les vapeurs du soleil couchant, les grands sau­les de l'île Seguin baignent dans la Seine. Ce Bas-Meudon" Si souriant" (P. Mantz, Gazette des Beaux-Arts) " est une jolie étude de peintre en vacances" (E. Chesneau) ; il sera réexposé à l'Exposition universelle de 1867 (nO 360).

Mais dès juillet 1862, Paul Huet quitte Meudon, pour Londres, où le gouvernement français a envoyé son [nondatt"on à Saint-Cloud. Puis l'artiste partira à Avignon, loin des jolies rives de Sèvres et de Billancourt. ..

... 1'''11 e S .

...a eguln...

Mais l'île Seguin -qu'il aperçoit de la rive gauche -continue à fasciner Paul Huet: une tonalité voluptueuse et légère fera ressortir sur la Seine son mobile scintillement. Ce seront, en 1862, les admirables huiles: [le Seguz'n par temps d'orage et [le Seguz'n par un matt"n doré (appelé aussi: Solet1 du matt"n à l'île Seguz"n).

La première est conservée au musée de Sceaux. Il s'agit d'une étude qui servit pour le tableau de Montpellier que nous venons d'évoquer. La seconde (31 x 47 cm) porte le cachet de l'atelier Paul Huet. Elle a été présentée successivement aux expositions de 1930 (nO 71), 1938 (nO 88) et 1965 (nO 88 également). Elle appartient à la famille du peintre.

De l'île Seguin, Paul Huet contemple souvent les frondaisons du parc de Saint-Cloud, " ce lieu enchanteur, dont j'ai connu tous les buissons, dont j'ai pleuré tout arbre coupé comme un ami perdu". Paul Huet a-t-il eu le pressentiment que sa chère île Seguin allait subir les assauts de l'homme? Il est difficile de répondre, d'autant plus que les lieux ne changent guère ...

Pourtant, des indices ne trompent pas et l'urbanisation, voire certains aspects économiques, commencent à se faire sentir. Le 19 décembre 1863, un sieur Bailly, de Paris, est autorisé à met­tre en chantier, sur la berge de la Seine, un bateau faisant par­tie du matériel des " bains froids ", dits " bains Henry IV ".

Ces établissements de bains sont garés à l'" île Seguin et le bateau prévu sera placé en face du chantier de bois de Pierre Contesenne.

Cette famille bas-meudonnaise, que nous avons vu intervenir lors de la mort du baron Gros, est encore citée le 11 février 1864 : Baptiste Contesenne est autorisé à établir" un bain froid, contre la pointe amont de l'île Seguin, du côté du grand bras, en laissant libre un chenal de 30 m de large pour la navi­gation ". Mais dès le 9 mars, le préfet de la Seine révoque son arrêté et renvoie Contesenne devant le préfet de police (40).

Tout cela prouve que la population parisienne vient de plus en plus s'amuser dans les guinguettes de la rive gauche. En 1861, un refrain déclare :

" On y vient manger du gardon Et du petit poisson de Seine Chez Contesenne Au Bas-Meudon."

L'ambiance de l'île Seguin n'est donc plus la même qu'en 1817 et on n'a pas de peine à imaginer les lieux, surtout les diman­ches et fêtes: promeneurs, pêcheurs, baigneurs, canoteurs, danseurs y viennent tour à tour. Il suffit pour cela de consulter la presse de l'époque! Au hasard, voyons les faits divers de l'été 1865 : le 13 juin, Thomas Lardenoy, marchand de vins et pêcheur, est condamné à 60 F d'amende pour pêche à l'île Seguin " par temps prohibé" ; en juillet, Chautard, 28 ans, carreleur aux Montalais de Meudon, se noie près de l'île, " après de trop copieuses libations " ; le 11 du même mois,

(39)

Cf. nos 22 articles, " Balzac à Sèvres", dans La Semaine, du 30janv. au 25 juin 1980.

(40)

Documentation GÉRARD.

L'inondation de l'île Seguin, 1833, par Paul Huet.

Maillard se noie sous les yeux de plus de 100 personnes, dont aucune n'ose lui porter secours; le dimanche 30 juillet, trois compagnies de bateaux à vapeur se font une concurrence active et c'est un va-et-vient continuel entre Paris et Saint-Cloud; le 7 septembre, pour la fête de Saint-Cloud, une ordonnance de police prescrit aux embarcations particulières, à la voile ou à la rame, de se tenir éloignées des bateaux à vapeur. Petits faits anodins qui reflètent la vie réelle de ce temps...

...et à Chaville (1863-1868)

En 1863, Paul Huet achète un petit pavillon, en bordure de la forêt, à Chaville, 7, rue des Petits-Bois (41); il y passe tout l'été. Dorénavant, jusqu'en 1868 -année qui précède celle de sa mort -il y reviendra chaque année, au printemps ou en été. Cette région ne lui était pas, on s'en doute, inconnue: dès 1851, il avait fait une huile sur panneau, Entre Chaville et Ville-d'Avray (23,5 x 38,5 cm), qui porte sa signature en bas et à droite et qui fut exposée en 1969 (nO 39).

De cette période, nous garderons -de nombreuses études sur Chaville, Ville-d'Avray, les Fausses-Reposes, notamment. Nos propres recherches nous ont permis de relever au moins 40 tableaux ou études et la liste n'est probablement pas complète! Ne lassons pas le lecteur, mais on devine bien que Chaville, où l'on parle de la " sereine douceur de vivre", est une période féconde pour Paul Huet.

Le musée de Sceaux conserve, là encore, plusieurs œuvres de notre artiste: le Solez1 d'automne aux abords des étangs de Vz1le-d'Avray (1863) est une huile sur bois (29 x 46 cm) très représentative. D'autre part, le Chemin des étangs (1863) bai­gne une délicate atmosphère lumineuse, où les gris que l'on disait l'apanage de Corot se mêlent harmonieusement aux verts tendres propres à la palette de Paul Huet. C'est sans doute cette peinture qui fut exposée en1930 (nO 75) ~t 1938 (nO 96).

Le Bois de Chaville (1863) témoigne d'une vision évidemment très différente de celle de Corot ; moins subtile, elle évite aussi les raffinements (Frégnac, p. 78). Ailleurs, on trouve une " œuvre proche de celle de Sisley qui annonce les recherches impressionnistes ". Des Chevaux attelés à un tombereau (1864) forment un panneau (exposé en 1911, nO 170) rappelant la vie du siècle dernier.

Paul Huet se complaît probablement dans la solitude et parle même" de tous les ennuyeux de Chaville" ! Nous connais­sons de lui une lettre datée de Chaville, du 2 septembre 1868 (Chesneau, p. 51 et suiv.) ; et dans une autre lettre, il évoque " la mare de Ville-d'Avray, par exemple, n'est qu'une imita­tion anglaise..." (idem, p. 31). Le 9 octobre 1868 -trois mois avant sa mort -, il écrit à Legrain : " Nous allons à Fontaine­bleau profiter des derniers beaux jours et revoir ces belles futaies que j'ai besoin d'interroger pour terminer un tableau très avancé que j'ai laissé à Chaville." C'est alors qu'il achève la magnifique série de ses gravures par Orage à la fzn du jour, jugée particulièrement représentative de sa jeunesse (Miquel,

p. 238).

Une nouvelle école

" Nous imaginons volontiers que, du jour où Paul Huet eut planté son chevalet dans l'île Seguin, les paysagistes de l'École impériale disparurent par enchantement... En réalité, en 1830, l'École impériale régnait encore d'une façon presque incontes­tée " (Rosenthal, p. 262-263). Il n'empêche que Sainte-Beuve, dans« Le Globe »du 23 octobre 1830, salua Paul Huet comme le chef du mouvement et l'initiateur du paysage moderne: Et si chaque école a sa manière de sentir, elle a aussi pour peindre son site de prédilection: pour Huet et l'école romantique, ce fut bien, nous l'avons montré, l'île Seguin.

Avec ses yeux mobiles et vifs, le pionnier Paul Huet a vécu l'aube du romantisme, avec enthousiasme. Il lui a été fidèle et ses huiles, ses encres, ses aquarelles, ses crayons le prouvent. Mme Henrotin-Huet -qui nous a reçu avec tant de gentil­lesse -pense que son aïeul est aussi un classique et un impres­sionniste. C'est vrai aussi, il a été un précurseur de cette dernière école... , avec" trente ans d'avance", dira Eugène Marsan dans une conférence donnée en mars 1930, puis en 1958.

Jean Bouret, dans son superbe « Paysage français au XIXe siècle» paru en 1972, a donc justement écrit: " Le rôle de Paul Huet, le plus libre, le plus novateur et le plus complet des paysages romantiques, dépasse sa propre peinture. Par son combat contre la vieille garde de l'Académie, par sa façon d'aller sur le motif continuellement, par sa vision et sa techni­que, il se situe à l'avant-garde du paysage de plein air et prend rang de fondateur." A 65 ans comme à 15, Huet est toujours aussi ému par les inquiétudes du ciel, les bouleversements du sol, les arbres... Il brosse encore le 8 janvier 1869. Mais le 10, une attaque d'apoplexie foudroyante le terrasse pour l'éternité. Il sera inhumé à Montparnasse.

Théophile Gauthier, Alexandre Dumas, Victor Hugo lui ren­dront hommage. "C'était plus qu'un pinceau, c'était une âme, un charmant esprit, un cœur tendre ", écrira aussi Michelet «< Le Temps », 12 janvier 1869). Et Sainte-Beuve de poursuivre : " C'était une intelligence."

Quant à l'île Seguin, en cette année 1869 où Paul Huet quitte le monde, sa physionomie a déjà changé... Burty écrit dès la même année: " L'île Seguin existe encore en pleine Seine, mais dépouillée de ses grands arbres, tondue, fauchée." Et cela

(41) G. POISSON, Évocation du Grand Paris: la banlieue sud, 1956, p_ 628, dit que cette maison est " malheureusement recrépie de façon regrettable ".

sera confirmé par les gravures parues pendant le siège de Paris qui montrent l'île complètement dénudée, avec, sur la rive gau­che, les avant-postes prussiens, et, sur la rive de Billancourt, des mobiles parisiens. Paysage de désolation qui aurait fait pleurer Paul Huet...

Mlle Olga Popovitch, conservateur du musée des Beaux-Arts de Rouen, a écrit en 1965 : " Paul Huet est un peintre pour ceux qui ont le temps de regarder, pour ceux qui savent écouter une mélodie discrète au milieu des cuivres romantiques, pour ceux qu'attirent la confidence subtile, l'allusion pudique sous un ciel immense ou près d'un ruisseau dans la forêt. Un tel public existe-t-il encore ? "

Ce public existe certainement et nos lecteurs -ouvriers, ingé­nieurs et cadres de " chez Renault " -qui travaillent dans 1'" enfer infernal" de l'île Seguin, auront une pensée émue pour Paul Huet, peintre de 1'" île enchantée"...

Pierre MERCIER

DOCUMENTS CONSULTÉS

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10

Catalogues de ventes :

Catalogue des tableaux, esquisses, études, dessins, par feu Paul Huet, dont la vente aura lieu à l'hôtel Drouot les 15 et 16 avril 1878, 4°, 38 pages. -Sur cette vente, cf. LUGT (Fr.), Répertoire des catalogues de ventes publiques, 1964.

1" vente de l'atelier du peintre P. Huet, Versailles, lundi 28 mai 1962. -Sur cette vente, cf. Toutes les Nouvelles, 23 mai 1962.

2-vente de l'atelier du peintre P. Huet, Versailles, mardi 20 nov. 1962. -Sur cette vente, cf. Toutes les Nouvelles, 14 nov. 1962.

2° Catalogues d'expositions:

École nat. des Beaux-Arts, mai-juin 1911, Exposition de l'œuvre de P. H., 74 p.

Centenaire du Romantisme, Exposition P. H., préface d'A. Joubin, mars 1930, 8°.

Exposition rétrospective d'œuvres de P_ H., avant-propos de L. Vauxcelles, 5-19 mars

1938, galerie Guy Stein, 8°.

Galerie Charpentier, Exposition Jardins de France, 1943,76, fg St-Honoré, Paris.

Exposition Delacroix: ses maîtres, ses amis, ses élèves, Bordeaux, 17 mai -30 sept.

1963.

Exposition Delacroix, Musée du Louvre, mai-sept. 1963.

Exposition Bonington, Castle Museum Nottingham, avril-mai 1965.

Expositions P. H., Rouen, Musée des Beaux-Arts, 28 mai -15 sept. 1965. Catalogue par

Mlle Olga Popovitch, biogr. par M. Miquel, avant-propos par Perret-Carnot.

Bonington: un romantique anglais à Paris, MuséeJacque;"ard-André, 1966.

Exposition du Pavillon des Arts, Paris, 28 fév.-4 av. 1969, 29 p.

Exposition" De l'Île-de-France rurale à la grande ville", Paris, Hôtel de Ville, 1975.

XXVIc exposition" Souvenir de Corot", avec une rétrospective sur P. H., catalogue,

N°S 1-20 (plus médaille de P. H., par David d'Angers), 4-19 nov. 1978, à Viroflay. ­Hommage à P. H. précurseur de l'impressionnisme, 1803-1869, par Mme Henriane Henrotin, 20 p. -Comptes rendus de cette exposition dans Toutes les Nouvelles des Hts-de-Seine, nov. 1978, et dans La Semaine (par P. Mercier), 28 nov. 1978.

3° Sur la mort de Paul Huet:

Alexandre DUMAS, dans Le Moniteur universel, 12 janv. 1869; Théophile GAU­THIER, dans Journal officiel, 15janv. 1869 ;J. MICHELET, dans Le Temps, 12janv. et 27 déc. 1869 ;

E. PELLETAN, dans Le Constitutionnel, 13 janv. 1869, etc.