09 - Le 3e rendez-vous annuel de la Section d'histoire

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Le 3ème rendez-vous Annuel de la Section d'histoire

Le mercredi 6 décembre dernier la section d'histoire des Usines Renault organisait son 3· rendez-vous annuel dans les salons du CAMTEUR sous la présidence de M. S. Chérond.

Cette manifestation revêtait un carac­tère particulier en raison, non seule­ment de la présence de deux écrivains MM. Fridenson et Laroussinie qui pré­sentèrent leurs ouvrages récemment parus, mais aussi de la présentation d'une Exposition de documents et d'objets divers.

Plus de 200 personnes étaient pré­sentes et parmi elles : M. Georges Gorse député-maire de Bou log ne, Mme Rose Besnard et M. Gérard de Vassal maires adjoints, M. le docteur Besanzon, Président de la Société d'histoire de Boulogne, M. Morin conseiller municipal et ancien Renault, MM. Ernst-Metzmaier, Pain, Picard, Desquaires, les représentants de la Direction des Relations Extérieures MM. Rolland et Garlenc et bien d'au­tres encore que nous nous excusons de ne pouvoir citer.

Après la visite de l'exposition,

M. Chérond remercia tous les partici­pants et félicita tous ceux qui à un titre quelconque avaient participé à la réali­sation de la soirée. A son tour,

M. Hatry remercia les participants grâce à qui, souligna-t-il, la Section d'histoire peut présenter un bilan lar­

Une vue

toire des Usines Renault» de Patrick Fridenson et «Mécaniqu"e de la Vic­toire» de Roger-Pierre Laroussinie.

" ajouta:

« Au cours de ces trois années de nombreuses personnes n'ont pas man­qué, en diverses circonstances, de nous faire part de leurs sentiments. il nous semble opportun d'en dire quel­ques mots ce qui nous permettra d'ap­porter quelques précisions sur le sens que nous donnons à notre action. »

de l'assistance pendant l'exposé de M. Hatry.

« Les remarques qui nous sont faites peuvent être classées en trois grandes catégories. Les deux premières concer­nent plus spécialement les sujets que nous traitons, la troisième le bulletin. »

« La première catégorie émane d' hom­mes pour qui l'usine représente quel­que chose d'essentiel dans leur exis­tence. Ils revivent le temps passé en lisant la narration d'événements aux­quels ils ont parfois participé acti­vement. »

gement positif de son action, il salua M. Georges Gorse député-maire de Boulogne (à droite) en compagnie de M. Chérond

la parution de deux ouvrages : «His­ (au centre) et de M. Hatry (à gatlche).

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« Ces lecteurs-là sont inquiets. Ils redoutent, selon l'expression de l'un d'entre eux, que le «souffle nous manque. »

« S'ils entendent par là qu'ils redou­tent l'épuisement prochain de la matière que nous étudions, alors rassurons-les tout de suite. Le souffle n'est pas près de nous manquer. Nous sommes mêmes persuadés que nous laisserons encore beaucoup à faire à ceux qui nous succéderont. Pour deux raisons: la première c'est que nous sommes loin et même très loin d'avoir étudié ou évoqué tous les aspects de l'his­toire passionnante de rentreprise. »

« Par exemple, nous n'avons rien dit de Renault-Marine. Savez-vous que, dès 1903, Renault fabriquait des moteurs marins et que l'année sui­vante des bateaux équipés de ces moteurs participaient à des compéti­tions sportives. En avril 1904, «Le Girondin» appartenant à M. Paul Chauchard prit part aux courses de Monaco; en août de la même année le «Jack» équipé d'un moteur Renault de 4 cylindres, se classa huitième de sa catégorie dans Calais-Douvres. En 1905 fut construit le «Billancourt» moteur de 80 chevaux, dessiné par /'ingénieur Quernel de la Maison Pitre. Il appartenait aux deux maisons asso­ciées Renault Frères et Pitre qui com­mençaient ainsi une collaboration qui allait se poursuivre pendant quelques années. »

« Et ne parlons pas du « Chryséis » qui, construit et aménagé par Louis Renault, allait connaÎtre un grand succès de curiosité au moment du salon de 1907. Vous voyez que notre Renault Marine actuel a, lui aussi, des ancêtres. »

« Nous n'avons rien dit de l'aviation, sauf l'excellent travail que M. Desquaires nous présente dans le der­nier numéro du bulletin. Là aussi il y a matière à réflexion quand on sait que Louis Renault s'intéressa aux machines volantes dès les premières années du siècle. Il était présent le 12 novem­bre 1906 sur la pelouse de Bagatelle lorsque Santos-Dumont sur son «Oiseau de proie» vola 220 mètres en 21 secondes 1 /5. Sept années plus tard les moteurs d'aviation Renault étaient universellement appréciés.»

« Nous n'avons encore rien dit des transports (autobus, autocars, auto­rails), rien encore sur le machinisme agricole, rien sur la vie économique et financière, rien sur les filiales, rien sur le syndicalisme patronal, rien sur l'occupation, rien sur... mais je m'ar-

M. laroussinie (à droite) en joyeuse conversation avec M. Fridenson (3" à partir de la

droite) et quelques amis.

rête car cette soirée ne suffirait pas à évoquer les sujets qu'il nous reste encore à aborder. »

« La seconde raison qui nous fait pen­ser que notre tâche n'est pas près d'atteindre son terme c'est notre exi­geance. Car nous sommes exigeants. C'est la vérité que nous cherchons et cela nous oblige à n'accepter rien qui ne soit prouvé par des documents authentiques. »

« Un exemple: les circonstances de la création de l'usine. Pendant longtemps, on a cru que tout avait été dit sur le sujet, Jean Boulogne qui écrivait en 1931 en a présenté une version qui a été reprise par tous les auteurs qui l'ont SUIVI sauf un, notre ami Fridenson. Lisons Jean Boulogne :

« Louis Renault se préparait à repren­«dre ses travaux chez Delaunay­« Belleville quand ses frères et amis, « enthousiasmés par cette voiture qui « ne pes~it que 350 kilogrammes, qui « faisait 50 kilomètres à l'heure et « grimpait toutes les côtes, le suppliè­« rent de leur construire une voiture « semblable : Louis Renault se laissa « convaincre par leur insistance et il fut décidé de constituer une petite

« société entre les trois frères, pour

« construire une vingtaine de voitures.

Chacun apportait 20000 francs. La

« publicité légale fut faite en mars 1899 « dans les «Petites Affiches» sous « le libellé suivant : «Formation entre « MM. Renault frères d'une société au « capital de 60000 francs, ayant pour « objet la construction de voitures « automobiles. La raison sociale est

Renault Frères, 100 avenue du Cours « à Billancourt. »

« Et plus loin il ajoute : «La société « n'avait été prévue que pour une « durée de deux ans. »

« Bien entendu nous aurions pu repren­dre cette version à notre compte. Mais, conformément à la règle que nous nous sommes imposée, nous avons voulu retrouver les pièces qui pou­vaient corroborer les faits. »

« Recherches longues et souvent déce­vantes consistant notamment dans le dépouillement systématique des jour­naux et revues s'intéressant à l'auto­mobile. Nous avons ainsi trouvé un article paru dans la «France Automo­bile» du 24 janvier 1903 sous la signa­ture de Maurice Chérié qui pouvait paraÎtre plus près de la vérité que nous recherchions. Voici ce qu'écrivait Maurice Chérié :

En octobre 1898, Louis Renault qui, « comme tant d'autres, motocyclait sur « un tri de 1 cheval 1/4 trouva que

ce véhicule à une seule place, qui «réclamait /'aide des jambes du

conducteur, n'était guère pratique. « Très amateur lie mécanique, ayant « de sérieuses connaissances tech­

niques et possédant un atelier d'ama­« teur merveilleusement outillé, il réso­« lut de se construire pour son usage « personnel un petit véhicule à deux «places, côte à côte, léger, peu « encombrant, pouvant avoir les avan­« tages de la voiture au point de vue « du confortable et les avantages du « tricycle au point de vue de l'éco­« nomie. »

Il résolut le problème du premier « coup car, dès le début de janvier « 1899, on le vit circuler dans un petit « véhicule à quatre roues, ayant une « carrosserie à 2 places côte à côte, « actionné par un moteur de 1 CV 3/4 « monté sur un châssis relié aux « essieux par'''~essorts, se mettant « en route par une manivelle, à l'arrêt, « possédant un débrayage au pied, « montant toutes les côtes sans pédales « et marchant en palier à une vitesse « sensiblement la même que celle du

« tricycle de même force. »

« Ce nouveau véhicule qui était une

réduction pratique de la grosse voi­

ture et qui possédait les avantages

de simplicité et d'économie du tri­

« cycle, donna des résultats si conclu­

ants aux essais que nombre d'amis

du jeune inventeur insistèrent auprès

de lui pour en avoir un exemplaire

« au plus vite. »

« Le nombre des demandes fut tel

« qu'il devenait impossible de songer

« à les exécuter dans le petit atelier

« qui, jusqu'alors, avait suffi à l'éta­

blissement de la première voi­

« turette. »

« C'est alors que l'un de ses frères

« songea à créer une affaire indus­

« trieIle et que l'on commença à cons­

« truire dans de nouveaux ateliers, vers

« mars 1899, une première série de

ces petits véhicules... »

«Poursuivant nos recherches nous

trouvâmes une déclarlition de Louis

Renault faite en 1936 à Baudry de

Saunier et enfin le texte intégral de

l'acte constitutif de Renault Frères,

acte dûment enregistré au Tribunal de .Commerce. »

« Que dit cet acte? Il dit que la société Renault Frères, société en nom collectif pour la constitution et la vente de voitures automobiles, moteurs et accessoires se rattachant à cette industrie, a été formée entre MM. Fernand et Marcel Renault, que ces derniers sont gérants et que la société aura une durée de dix ans à partir du 1or octobre 1898. Il précise en outre que le capital social fixé à 60 000 francs est fourni par moitié par chaque associé. »

« Voilà la vérité. Nous sommes évi­demment assez loin de la version de Jean Boulogne. Est-ce à dire que Louis Renault a joué dans l'affaire un rôle mineur. Certainement pas. Dès le début il en a été l'âme. Mais sa contribution n'apparaÎtra pleinement que quelques années plus tard et, d'une façon déci­sive, après la mort tragique de son frère Marcel. »

« Vous voyez donc, chers amis qui craignez de nous voir manquer de souffle, que notre remise en cause des idées reçues risque de nous mener fort loin! »

*

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« Une deuxième sene de remarques concernant plus spécialement l'article que nous avons publié sur la grève du chronométrage de 1912/1913. Cer­taines personnes nous l'ont reproché vivement. Il est donc nécessaire que nous donnions quelques explications. »

« L'histoire des Usines Renault, comme toute histoire, est constituée par une série d'événements, heureux et mal­heureux, mais qui tous, à un titre quel­conque ont contribué à faire de l'entre­prise ce qu'elle est aujourd'hui. Le rôle de l'historien est certainement de les raconter, mais aussi et surtout de les expliquer en tenant compte notam­ment, du contexte dans lequel ils se sont produits. S'il procède~ à un tri préalable, en ignorant certains, en exaltant d'autres, il ne fait plus œuvre d'historien, mais de partisan. L'histoire constitue un tout et nous estimerions manquer d'objectivité si, pour une rai­son quelconque, nous écartions tel ou tel événement parce que son évoca­tion risquerait de déplaire! De la même façon, nous ne tairons jamais l'apport de certaines personnalité'S. Serions-nous crédibles si nous gar­dions le silence sur Louis Renault, sur François Lehideux et, plus près de nous sur Pierre Lefaucheux? »

« Comment pourrions-nous parler de l'histoire des Usines si nous ignorions les hommes qui y ont vécu et travaillé, leur comportement collectif ou indivi­duel, leurs organisations sociales ou syndicales? »

« Il y aurait un livre à écrire sur le mouvement ouvrier des Usines Renault. Des grèves? L'usine en a connues de très nombreuses. Dès ses premières années Renault Frères a été confronté au problème social. Par la suite, Louis Renault ne craignit pas d'envisager des solutions qui, pour l'époque, était la marque d'une haute conscience des réalités. »

«Souvenons-nous qu'en 1912 des délégués ouvriers étaient en place à la veille de la grève du chronométrage. En 1917, ce même Louis Renault tint un rôle de tout premier ordre lors des discussions sur les salaires et /'institu­tion des délégations ouvrières dans les entreprises travaillant pour la Défense nationale. »

« Le socialiste Albert Thomas, député de Champigny, ministre de l'Armement, lui rendit un hommage public, lors d'une réunion tenue dans le grand hall de l'Artillerie à l'occasion d'une visite faite à Billancourt le premier septembre 1917. Écoutez ce qu'il décla­rait aux ouvriers assemblés :

« Et je veux rappeler aussi qu'au « début de cette année, alors que pour « régler les questions de salaires et «de conditions de travail qui se « posaient dans /'industrie parisienne, « patrons et ouvriers hésitaient encore « à se voir et ne venaient qu'à tour « de rôle me trouver dans mon cabi­« net, alors que je devais faire effort « pour obtenir l'accord du côté patro­« nal, c'est Louis Renault, je tiens à « le dire ici, qui m'a aidé et qui m'a

permis d'aboutir. »

« Sur cet aspect de l'activité de Louis Renault il y aura beaucoup à dire et nous publierons un jour dans notre bulletin des textes à cet égard fort révélateurs. »

« Nous le disons franchement aujour­d'hui, il n'y aura jamais pour nous de sujets tabous, ce faisant nous servirons la vérité historique, la seule qu'il nous importe de servir. »

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« Une troisième série de remarques concerne plus spécialement le bulletin. Quand nous avons publié le premier numéro, beaucoup de personnes ont pensé que débutait une histoire en images des Usines, une histoire chro­nologique des événements, avec le sensationnel que certaines revues ont imposé à un large public qui -il faut le reconnaÎtre -y a pris goût. »

« Là n'a jamais été notre ambition, ce qui explique que certains de nos lec­teurs aient pu être désorientés. »

« Maintenant, avec nos cinq numéros parus, les choses doivent paraitre plus claires. Pas de suite chronologique; des illustrations certes, mais surtout s'il s'agit de documents inédits ou rare­ment publiés, des sujets variés, qu'ils soient événementiels ou techniques. Ce qui ne signifie pas que tout ce que nous avons publié a pour autant obtenu les mêmes suffrages de nos lecteurs. 1/ est bien évident que la technique intéresse moins que le récit d'événe­ments. Mais elle a son importance, car on la retrouve tout au long de notre histoire et Renault ne serait pas Renault sans elle. »

« Souvenez-vous que la première voi­ture construite par Louis Renault com­portait une innovation : «la prise directe» pour laquelle Jean Guittard a écrit un texte, le seul jamais publié sur le sujet. »

« Cette invention a marqué profondé­ment l'histoire de l'automobile. Nous raconterons un jour l'histoire de la prise directe où comment Louis Renault dut se battre contre les contre­facteurs et comment il réussit à leur faire rendre gorge. Rappelons-en quel­ques épisodes. »

« Dès 1903, Louis Renault constatait que la plupart des constructeurs de l'époque : de Dion-Bouton, Charron­Girardot, Brasier, Gillet-Forest, Ariès, Clément, Peugeot, Helbé, Chenard et Walcker, Darracq, Gobron, Delaunay­Bel/eville, utilisaient son invention sans vergogne. Les poursuivre en justice tous ensemble était impossible; tous réunis ils représentaient une puissance financière considérable. 1/ fallait donc trouver un constructeur, le plus faible donc le plus vulnérable, contre qui il serait possible d'obtenir un arrêt qui ferait jurisprudence. »

1/ fut trouvé dans la personne de CORRE, ami de Louis Renault, qui, après avoir été un agent très actif de la marque s'était mis à construire lui­même des voiturettes qui ressem­blaient comme des sœurs aux petites Renault. « Cette contrefaçon est telle­« ment servile, disait Me Allard devant « la Cour d'appel, que les intermé­diaires qui vendent des voitures

« Corre ne croient pouvoir faire mieux,

« reconnaissant eux-mêmes qu'il y a

« entre les voitures Corre et les voi­

« tures Renault une parfait similitude,

« que de les appeler Corre-Renault. »

«Le procès en appel eut lieu le 23 novembre 1905 et l'arrêt rendu par la Cour consacra la valeur du brevet de

Louis Renault. 1/ ne restait plus aux autres constructeurs qu'à s'incliner, ce qu'ils firent le 22 décembre de la même année, en signant un engagement par lequel ils acceptaient de payer à Renault Frères une redevance de 1 % sur le prix de détail des châssis du catalogue et pour chaque châssis vendu. »

ment et dans quelles circonstances il avait été construit. »

« Le pourquoi avait déjà été décou­vert par un étudiant de nos amis dans un mémoire de fin d'études. Il avait déterminé, entre autre, que si le pont de Sèvres avait été construit en pro­longement de la route qui mène à

Quelques visiteurs devant les documents évoquant le territoire de Billancourt.

«Comme vous le voyez on ne peut ignorer l'histoire technique car, très souvent elle a des implications écono­miques. Elle constitue un volet et non le moindre de l'histoire générale des usines. Nous aurons donc l'occasion de publier d'autres études de ce genre car il reste beaucoup à dire dans ce domaine. »

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« Parmi les autres thèmes il y a Billan­court, son territoire et son absorption progressive par l'usine. Nous avons déjà parlé de l'église de Billancourt qui, détrute lors du bombardement du 3 mars 1942 a cédé la place au bâti­ment de la D.C.PR.S. Cet article a reçu un très bon accueil. Et puis il y a eu «les ponts de Sèvres» dont la lecture pour beaucoup a constitué une rude épreuve. Il s'agissait de raconter l'histoire d'une pont ou plutôt de trois ponts et, pour le deuxième de dire, non ce qui s'était passé dessus mais com-

Versailles c'est que là se situait l'en­droit idéal face à la trouée de Sèvres, voie directe qui supprimait le virage à angle droit au débouché du premier pont construit en prenant appui sur l'extrémité de /'iIe Seguin. Entreprenant cette étude, Mlle Alexandre ne s'est pas contenté d'utiliser le mémoire par ailleurs fort intéressant et documenté de notre étudiant. Fidèle à notre méthode elle a procédé à de patientes recherches qui J'ont amené à décou­vrir le dossier complet du pont -un dossier volumineux comptant plus­sieurs centaines de pages -un dos­sier qui, sans elle, serait resté ignoré. Là étaient exposées les raisons qui avaient amené les ingemeurs de l'époque à choisir l'emplacement que nous connaissons : uniquement des raisons d'ordre technique -le lit de la Seine étant à cet endroit suffisamment solide pour supporter la masse énorme que représentait le pont de pierres. L'hypothèse avancée par notre étu­diant ne correspondait donc pas à la

réalité. » « Voilà donc un point que nous avons éclairé. Mais dans le dossier il y avait aussi autre chose, notamment les tribu­lations du sieur Dubournial et l'évoca­tion de certains scandales sur lesquels je n'insisterai pas. "

« Nous avons beaucoup à dire sur Billancourt. Sur la ferme de Billancourt par exemple. Le bâtiment central se trouvait dans le quadrilatère formé par l'avenue Émile-Zola et les rues Yves­Kermen, du Point-du-Jour et Nationale. Son territoire donna naissance au lotissement de Gourcuff et au Hameau Fleuri. "

« Sur ce dernier nous possédons des documents authentiques qui nous mon­trent les détails de sa conquête par Louis' Renault. Le Hameau Fleuri se composait de 28 lots. En neuf ans, de 1911 à 1919, Louis Renault en devint le propriétaire unique en viola­tion d'ailleurs du règlement de co-pro­priété et après une lutte acharnée qui nous est révélée par les comptes ren­dus des assemblées générales tenues par les propriétaires. »

« Mais l'énorme affaire, celle qui sou­leva l'opinion, fut l'affaire des rues qui, débutant en 1917, souleva encore des remous en 1926. C'est en effet en 1 917, à la suite des grèves que Louis Renault, pour des raisons de défense nationale, obtint des autorités civiles et militaires l'autorisation de barrer les sept rues englobées en grande partie dans l'usine. Mais, comme il existait encore un certain nombre de riverains, ces derniers, pour rentrer chez eux, devaient justifier de leur identité en passant devant les postes de garde. »

« On imagine aisément leur méconten­tement. Mécontentement qui s'accrut encore quand, la guerre terminée, Louis Renault maintint les barrages. Un comité de défense des riverains se forma, la presse s'empara de l'affaire et une bataille d'affiches puis de pro­cédure s'engaga. Après de nombreuses péripéties, force resta à Louis Renault. Billancourt était définitivement conquise. "

Pour un musée d'histoire

« Je vous disais tout à l'heure que 1972 avait été une bonne année pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire des Usines. Nous avons voulu ce soir vous le confirmer en vous présentant une exposition de documents et objets divers. »

« Pour la réaliser, toute une équipe de volontaires à travaillé pendant plus d'un mois sans ménager sa peine. Je crois qu'il convient de les en remercier. "

« Notre ambition n'a pas été de vous rappeler les grands moments de la vie de l'entreprise, de toutes façons, le local dont nous disposions ne s'y prê­tait pas. Nous avons seulement voulu satisfaire votre légitime curiosité.»

« Depuis trois ans, nous vous avons souvent parlé des dons faits au fonds historique. Avec la cinquième liste des versements enregistrés nous dépas­sons la centaine de donateurs. C'est

Un coin de l'Exposition.

là un fait remarquable qu'il faut souligner. »

« 1/ était donc normal que nous vous présentions quelques-unes de ces piè­ces qui sont devenues notre commune propriété. Nous avons essayé de les grouper dans la mesure du possible et nous pensons que vous ne serez pas déçus. Il y a, par exemple, un panneau sur l'accident du 13 juin 1917 où, à côté de photographies figurent des cartes postales éditées à l'époque par des commerçants avisés. Nous avons un panneau sur le bombarde­ment du 3 mars 1942, une carte des points d'impact des bombes et un tract original lancé sur Boulogne par la R.A.F. au lendemain du bombar­dement. »

« Sur Billancourt, parmi les cartes qui montrent l'évolution du territoire depuis le XVI' siècle, nous en présentons une, originale celle-là éditée par le comptoir Naud dans les années 1850; des affiches également sur l'affaire des rues. Un panneau entier est réservé à la présentation de reproduction de tracts syndicaux et avis de la direction de la période de 1936; enfin il y a des -documents sur les courses, des annonces publicitaires et bien d'autres choses encore. Quant aux objets nous en avons de toutes sortes, depuis les médailles remises aux frères Renault à l'occasion de compétitions, des cata­logues, une bOÎte de paie des années 1920, des cartes d'identité délivrées à différentes époques, des maquettes ­jouets, et même un pneu qui est main­tenant une denrée très rare. »

« Mais, à notre sens, cette exposition d'un soir ne doit pas rester sans len­demain, nos collections ne doivent pas réintégrer leurs cartons dans l'attente d'une hypothétique présentation nou­velle. Nous voulons faire plus et mieux : nous avons lancé /'idée d'un Musée permanent d'histoire des Usines Renault. Non pas d'un musée d'auto­mobiles, il en existe déjà un, magni­fique et particulièrement bien situé, mais d'un musée unique en son genre qui retracera l'histoire de l'entreprise et des hommes qui ont contribué à la faire. »

« Vous penserez sans doute qu'il s'agit d'un rêve irréalisable, mais rappelez­ vous quand, il y a trois ans, nous nous sommes lancés dans cette aven­ture qu'était la création de la section d'Histoire, qui aurait pu croire que nous subsisterions? il a fallu surmonter bien des obstacles, mais grâce à vous, nous avons réussi. Pourquoi, si vous êtes d'accord, ne tiendrions-nous pas ce nouveau pari? Bien sûr les difficul­tés qui nous attendent sont d'un ordre nouveau. Il y aura l'aspect financier car, cette fois, il faudra compter en milliers de francs. Il nous faudra expli­quer et convaincre autour de nous pour susciter les concours indispensables. Pour réussir nous mettrons toute notre énergie et notre conviction. Nous som­mes convaincus que le succès récom­pensera nos efforts. Encore une fois nous comptons sur votre collaboration et je suis certain que nous serons entendus. »

« Parallèlement à cette nouvelle action nous entendons bien vous offrir en

Un panneau présentant des documents sur les grèves de 1936.

juin et décembre 1973 deux nouveaux année so~ encore une bonne année numéros de notre Revue. » pour la section d'histoire.

Cette soirée fut donc une grande réus­ Après avoir présenté quelques-uns des site et chacun se promit de se retrou­sujets qui seront traités dans le pro­ver plus nombreux encore pour lechain bulletin, M. Hatry conclut son prochain rendez-vous.

exposé par un appel à toutes les per­

sonnes présentes afin que la nouvelle Carmen ALEXANDRE