02 - Aux origines de la SAVIEM : LATIL

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Aux origines de la SAVIEM : LATIL

Renault Véhicules Industriels regroupe aujourd'hui SAVIEM et BERLIET. Nous avons déjà, dans un précédent numéro de la revue présenté Berliet. Et voici le tour maintenant de la SAVIEM.

Elle fut créée en 1955 par la concentration des sociétés LATIL de Suresnes, le département poids lourds de Renault, SOMUA et ultérieurement des autocars FLOIRAT.

R.V.!. est donc l'héritier de marques qui ont eu des heures de gloire. Des marques qui prennent place dans notre patrimoine commun. Et il était de notre désir de les présenter' à nos lec­teurs. Georges AGEON et Jean BONNIE nous ont autorisé à publier des textes qu'ils avaient déjà donné à la revue « Le Poids Lourd ». Voici le premier consacré à LATIL dont nos lecteurs, nous en sommes convaincus, prendront connaissance avec intérêt.

La traction avant

Né en 1878, Georges LATIL s'intéressa dès son jeune âge à la mécanique. Aidé de son frère Lazare et d'Aloïs Korn, qui fut par la suite le directeur de la C.G.E.A., il avait installé, au début du siècle, du côté de Levallois, un petit atelier où il cons­truisit le fameux avant-train LATIL. Ce fut le premier véhicule à traction avant, bien antérieur à celui de Citroën, ed'ancêtre de tous les dispositifs semblables qui s'en inspirèrent par la suite.

Mais l'affaire végétait, faute de fonds, et c'est alors qu'apparut Charles Blum, polytechnicien, entré d'abord dans l'industrie, mais rapidement intéressé par les efforts de LATIL pour mettre au point un avant-train mécanique susceptible d'être adapté à tous les véhicules. Il reprit donc l'affaire et aidé de ses inven­teurs, Georges LATIL et Aloïs Korn, il perfectionna le pro­totype de la traction avant. Auparavant il avait emménagé dans un atelier, guère plus luxueux de Suresnes, où il travaillait sur une planche posée sur deux tréteaux, qui lui servait de table à dessin, à apporter les premières corrections à l'avant-tniin dont ses connaissances techniques firent rapidement des véhicules industriels modernes. Lorsque ceux-ci firent leur apparition aux premières épreuves militaires d'endurance, ils n'étaient pas beaux à voir et suscitaient des critiques de toutes parts, mais ils roulaient mieux que beaucoup d'autres et ces tracteurs à 4 roues motrices, dont l'emploi se généralisa dans les entre­prises agricoles et forestières, furent abondamment primés.

Les usines de Suresnes

Puis fut créée l'importante usine de Suresnes.

Dès 1906, la marque « LATIL » remportait différents prix dans les concours de régularité et de consommation.

En 1913, Charles Blum fondait une société en commandite par action dont il devint le gérant. Le développement de l'affaire prit de l'ampleur et, dès le début de la Grande Guerre, l'acti­vité de la société fut entièrement consacrée à la production de tracteurs d'artillerie. La qualité de ses fabrications l'imposa comme fournisseur des armées alliées.

Charles Blum tâta un peu de la politique, fut nommé maire de Saint-Cloud et fonda l'Union des véhicules industriels, deve­nue le Groupement des transporteurs privés, puis la

F.I.T.C.A. à caractère international.

Il mourut aux États-Unis pendant la guerre 1939-1945, laissant lé souvenir d'un des meilleurs artisans du véhicule utilitaire.

Le témoignage de Georges LATIL

Quant à Georges LATIL, devenu directeur commercial de la firme qui portait son nom, il a laissé le souvenir d'un technicien habile et d'un commerçant avisé, ainsi que d'un homme char­mant. Sous des dehors bourrus, c'était un grand cœur toujours prêt à rendre service.

Retiré à la guerre 1939 dans un petit mas qu'il s'était fait construire aux environs de Nice, il y vivait très simplement ayant été très affecté par la mort de son épouse, survenue quel­ques années auparavant. Il y est mort en juin 1961, s'intéres­sant jusqu'au dernier moment aux nouveautés de l'industrie automobile.

Quelques années avant sa mort, en octobre 1957, il avait adressé à « Poids Lourd» un article qui serait à citer tout entier. Nous en extrayons les passages suivants :

« J'ai été parfois qualifié de précurseur. Le mot est flatteur et me touche d'autant plus qu'il est un peu vrai. Mais nous res­tons encore quelques-uns du bon vieux temps qui pouvons aspi­rer au même qualificatif et notamment dans la presse, « Le Poids Lourd» qui, dès ses débuts, s'est donné pour tâche essen­tielle de défendre la cause des transports en commun de voya­geurs et des marchandises, de diffuser certaines idées qui à l'époque, paraissaient d'avant-garde et de contribuer au déve­loppement des industries du camion et de ses dérivés ...

Les établissements LATIL à SURESNES vers 1925. Ils abritent le siège social actuel de la SAVIEM.

« Qui se serait douté au début du siècle que certains construc­teurs arriveraient à garantir qu'un camion chargé de 5 tonnes, soit d'un poids global de quelque 9 000 kilos pourrait parcourir 100 kilomètres à une moyenne de 50 kilomètres/heure avec 16 litres de gas-oil, c'est-à-dire une dépense de carburant de l'ordre de 640 francs, alors qu'une voiture particulière pesant avec 4 voyageurs, environ 1 500 kilos consomme 9 litres d'es­sence avec une dépense de 810 francs, à une vitesse supérieure il est vrai, mais avec six fois ~oins de poids...

« Ma modestie dut-elle en souffrir, n'ai-je pas été le premier à réaliser en 1898, grâce à mes roues avant motrices directrices, le freinage des véhicules sur l'avant, solution qui rend l'arrêt beaucoup plus efficace et plus sûr, tout en évitant le dérapage. Ce n'est cependant que 12 ans plus tard que Mors a appliqué le même principe à ses voitures, avec un grand succès d'ailleurs, mais alors que des centaines de camions à roues avant motrices en faisaient déjà usage depuis quelques années.

« Il en est de même des nombreux véhicules tous terrains à 4 roues motrices qui sortent actuellement de la plupart des usi­nes. Ils ne sont, en fait, que des dérivés des premiers avant­trains moteurs si décriés naguère et qui, depuis, on fait un si grand chemin.

« Et que dire du moteur Diesel que l'on retrouve sur la majorité des camions et des cars d'aujourd'hui et qui en est encore aux tâtonnements lorsqu'il s'agit des voitures particulières?

« On dénigre les poids lourds parce qu'ils gênent sur la route celui qui veut les dépasser, on les accuse de détériorer les rou­tes, on leur met à dos le bruit, la fumée et autres maux, mais on oublie -ou l'ont veut oublier -que c'est grâce à eux que les transports sont devenus plus commodes, plus économiques, qu'ils aident l'économie nationale, que, grâce aux tracteurs chasse-neige, les routes impraticables l'hiver sont rendues à la circulation, que, grâce aux autobus et aux cars, le transport économique a pu être réalisé et le grand tourisme développé...

« Jamais lorsqu'il avait une vingtaine d'années, le précurseur que je suis, ne se serait douté des multiples applications que ses idées trouveraient par la suite ».

Bel acte de foi ... et aussi d'humilité de la part de ce grand pion­nier du véhicule utilitaire !

LATIL au salon de 1926

Au Salon de Paris de 1926, Latil était présent avec des solutions originales, ayant l'habitude de ne pas tourner les difficultés, mais au contraire de les aborder franchement et avec opiniâ­treté. S'étant attaqué à la construction des véhicules les plus divers, il présentait des modèles intéressant

camionnette 1 500 kg ;

tracteurs à deux ou quatre roues motrices

tracteurs puissants destinés à l'armée;

tracteurs agricoles, primés par le ministère de la

Guerre,dotés d'une grande adhérence au sol à la fois par le dis­positif mécanique adopté et par une ingénieuse combinaison de roues à palettes.

Parmi les types les plus répandus des usilles de Suresnes, il convient de citer : le T.A.R. 4 avec un moteur 124 x 160 mm ; le T.P. à moteur 105 x 140 mm ; Le P. 5, même moteur que le T.P., qui se faisait en plu­sieurs modèles selon le service à assurer ; le N.T.P., toujours avec le même moteur; le B., droit ou surbaissé, moteur 85 x 130 mm ; le B. 2 et le T.L., même moteur que le B.

Certains de ces modèles, tels le T.A.R. 4, le B. ou le T.L. com­portaient un démarrage électrique. De plus ils avaient tous une transmission par cardan ; les freins AV. étaient également montés de série, sauf sur les B.B. 2 ou T.L. où ils l'étaient seu­lement sur demande.

Un tracteur à usages multiples

Le tracteur T.L., qui avait été la grande nouveauté du Salon de 1924, était présenté monté sur roues mixtes à palettes pour les différents travaux agricoles : 4 roues motrices et directrices, boîte à 6 vitesses lui conférant une gamme d'allures autorisant la marche lente ou rapide selon la nature du terrain, embrayage à disque unique, suspension par longs ressorts assurant une grande souplesse, deux marches AR., blocage de différentiel, freins sur les 4 roues. Il s'inscrivait dans un rayon de 3,60 m, preuve de sa souplesse et de sa maniabilité.

Mais, ce T.L., apparemment à vocation agricole, devenait un tracteur routier, en ce sens qu'il admettait trois sortes de roues, montées sur un même moyeu Michelin, pouvant être rempla­cées en quelques minutes. Les roues ordinaires Michelin avec pneus 955 x 155 étaient montées en vue des allures soutenues sur bonne route. On y adjoignait un dispositif d'adhérence consistant en palettes rabattables qui transformait en quelques secondes le T.L., en tracteur agricole ou forestier.

Les premiers véhicules articulés

La pièce maîtresse de LATIL à ce Salon de 1926 était un trac­teur léger à remorque, le B. 2 T., engin dont la demande crois­sait sans cesse. Remarquable par ses qualités techniques et sa réalisation pratique, le nouveau tracteur offrait, avec 5 tonnes de charge utile, une grande capacité de travail. C'était un outil très souple, d'un grand rendement économique, car il s'attelait aux remorques les plus variées. Et déjà, le constructeur mettait l'accent sur la qualité première du tracteur routier: il remplace plusieurs camions et évite la perte de temps résultant de l'immobilisation forcée d'un véhicule porteur pendant les opé­rations de chargement et de déchargement.

L'économie de temps était encore accrue par l'attelage et le dételage vraiment automatique, ces opérations s'effectuant par un simple déplacement du tracteur par rapport à la remorque qu'il suffisait alors d'immobiliser à l'aide de freins puissants.

D'ailleurs cette question du freinage avait fait l'objet de soins particuliers: en marche, la commande de frein était automati­que et, détail important, le ralentissement et le freinage provo­quaient instantanément le freinage de la remorque, sans que le conducteur ait à intervenir par une manœuvre supplémentaire quelconque. Progrès indéniable quand on sait les difficultés qu'il y avait à l'époque pour assurer le freinage des trains routiers.

Très maniable, le B. 2 T. (et sa remorque) avait un rayon de braquage d'environ 5 mètres, performance dont de nombreux camions de 5 tonnes de l'époque n'étaient point capables.

Ce tracteur, dernier-né de la production LATIL, suscitait de grandes espérances, car il était susceptible de supprimer les lon­gues périodes de stationnement et d'inutilisation du personnel technique de conduite et du coûteux matériel de transport, han­dicap qui faisait hésiter beaucoup de transporteurs devant l'acquisition de matériels automobiles. On envisageait déjà son utilisation optimum dans les transports de charbon en vrac ou en sacs, sur les chantiers, dans les livraisons ou expéditions en gares, docks ou entrepôts, dans les transports de produits ali­mentaires, dans les trafics de marchandises nécessitant de lon­gues manutentions et dans les entreprises effectuant une grande variété de transports qui n'auraient plus besoin d'avoir un châssis-moteur correspondant chacun à un travail déterminé, mais seulement des remorques de carrosseries de formes diffé­rentes accouplées aux tracteurs selon les besoins. Ces derniers pourraient faire une rotation ininterrompue pendant que les remorques seraient chargées ou déchargées. C'était une pro­messe de productivité et de rentabilité. Près de 50 ans après on n'a pas trouvé mieux pour justifier l'emploi du véhicule articulé!

Au service de l'aviation

Plus tard, le développement de l'aviation amena un développe­ment corrélatif de l'automobile; en effet, les aérodromes étant implantés assez loin des villes, il fut nécessaire d'amener jusqu'aux avions et les passagers et les quantités énormes de carburant nécessaires.

Dans le premier cas, les compagnies aériennes eurent recours à des véhicules rapides d'une capacité d'une douzaine de person­nes (on n'en était pas aux Boeing de 400 places) et à des breaks, peu encombrants, pour transporter le personnel navigant. Dans cette catégorie de matériels, LATIL eut tout de suite sa place, à côté bien sûr de BERLIET, RENAULT, LAFFLY, CITROËN.

Pour le transport d'éléments d'avions ou même parfois d'avions complets démontés, on avait recours à des remorques très basses, constituées par une plate-forme sur 2 roues, reliée au camion-tracteur par une poutre de grande longueur, l'arrière du tracteur comportant une plate-forme supplémen­taire appropriée. LATIL proposait pour sa part un break 4 roues, tirant une remorque surbaissée à 4 roues, ayant l'aspect d'une plate-forme de wagon de chemin de fer.

La fameuse camionnette LATIL M.L.B., 1200 kg de C.U., moteur 4 cylindres, 11 CV, à 3 paliers, fut carrossée en de très nombreuses ver­sions : plateau ridelles bâché, fourgon tôlé, benne basculante à main 1 m', autobus 12 à 15 places, bétaillère, ambulance 2 lits, citerne de 1 000 à 1 500 l, laitière, poste rurale, incendie...

En ce qui concerne les transports de carburants destinés aux avions, ils étaient assurés par des véhicules-citernes, les « avi­tailleurs» d'ajourd'hui, dont LATIL avait mis au point deux modèles:

-des petites citernes de 100 à 1500 1 montés sur châssis­

camionnette M.l.B. de 1 000 à 1 500 kg de C.U. ; -des citernes plus importantes de 5 000 à 40 000 l, en un seul compartiment ou en plusieurs compartiments, généralement trois, pouvant transporter des carburants différents. Elles étaient fixées sur des semi-remorques pour transports mixtes avec plateau nu et citernes amovibles.

LATIL construisait en outre une citerne de 8 000 1 sur châssis

V.Z.B. 8 long et une de 12 000 1 sur châssis V.3 Y. 10.

A cette époque, fin 1934, LATIL proposait pour 21 900 francs le châssis-moteur 3 paliers, 4 vitesses pour sa camionnette 1 200 kg « la plus moderne et la plus rapide » qui équipait les Galeries Lafayette, Nestlé, Bonal apéritif, les Fermiers Réunis, les Transports Drouin de Nantes...

La gamme complète de 1936

Au Salon de Paris de 1935, nous retrouvons LATIL avec sa gamme complète de véhicules de tous tonnages pour tous usages.

-C'était d'abord sa camionnette déjà anClenne de type

M.l.B. moteur 4 cylindres monobloc 75 x 120 mm, à culasse rapportée et à 3 paliers, modèle robuste, économique, souple et d'entretien facile, se prêtant à tous transports industriels et commerClaux.

Convenant particulièrement à ceux qui recherchaient un maté­riel de classe à un prix raisonnable, elle permettait d'obtenir en exploitation courante un prix de revient des plus modérés.

-Parmi les camions légers LATIL, on retrouvait le G.P.B. de 1 800 kg de C.U. avec son moteur 4 cylindres monobloc à culasse rapportée de 100 x 130 mm. Très bas, il pouvait être utilisé pour les transports de produits encombrants, les trans­ports agricoles, les transports de bestiaux, les travaux publics, et être également carrossé en autocar ou en autobus.

Le G.P.B.2. équipé du même moteur, était plus robuste et avait une C.U. de 2 500 kg. Carrossé en autobus ou autocar, il offrait de 20 à 25 places et 500 kg de bagages ou de marchan­dises. Il était très apprécié en citernier pour transporter l'essence.

-Les camions étaient le G.P.3. 4500 kg de charge totale, moteur 100 x 130 mm et ses variantes: le G.P.B.3 court pour les T.P., le G.P.B.3. surbaissé pour autocars et services rapi­des; le S.P.B.3. de 4500 kg de charge totale, moteur 105 x 160 mm ; le F.A.B.3. long, moteur 110 x 160 mm pour autocar, équipé également d'un diesel 4 cylindres 110 x 160 mm pour 8 t de charge totale (H.1 B.6 en version diesel) ; le V.3.Y.1O, moteur 8 cylindres en V 110 x 115 mm, 6 roues, pour 12 t de charge totale; le V.3.A.B.3., 8 cylindres, destiné spécialement à être carrossé en autocar ou autobus ; le

Tracteur routier LATIL, 1955, type H 16, 6 cylindres Diesel, 120 CV, boîte 5 vitesses avec démultiplicateur à commande pneumatique, pour P.T .R.A. 22 et 26 t.

V.3.B.8, 8 cylindres pour charge totale de 9 500 kg; le H.2.B.8.L, moteur Diesel 108 x 152 mm, 6 cylindres.

-LATIL présentait aussi des tracteurs: le K.L.T., 4 roues motrices et directrices, tracteur léger utilisé sur routes, en tra­vaux agricoles, en exploitation forestière. Équipé d'un moteur essence ou huile lourde, il pouvait être employé comme chasse­neige. Le T.A.R. 5 également 4 roues motrices et directrices, destiné aux gros chariots: vins, machines, matériaux encombrants nécessitant l'usage de remorques.

A ces types s'ajoutaient des camions de 4 à 7 t, à gaz, ainsi que les châssis M.l.B.l. et V.3 A.B.3 court spécial pour la montagne, déjà connus.

Le châssis M.l.B.l. était équipé du moteur 4 cylindres, 11 CV monobloc 75 x 120 mm à culasse rapportée, 3 paliers, grais­sage sous pression par pompe à engrenages, refroidissement par pompe centrifuge avec radiateur à l'avant et ventilateur, allumage par batterie, carburateur automatique autorégula­teur, éclairage et démarrage électriques, embrayage à disque unique de grande surface avec garniture de matière amiantée, changement de vitesses à 3 baladeurs donnant 4 vitesses AV. dont la plus grande en prise directe et une marche arrière.

Les baladeurs étaient commandés par un levier à rotules à l'intérieur de la boîte au pont par arbre à cardan attaquant le couple conique du pont arrière constitué d'engrenages à taille « Gleason " de très gros module et soutenu par des roulements très largement calculés, freinage par frein à pied sur les 4 roues et par frein à main sur les 4 roues également, direction type vis et secteur, suspension par ressorts droits et larges, pont AR. type « Banjo" en tôle emboutie, essieu AV. à chapes, châssis en tôle emboutie, réservoir de 50 l.

Le châssis V.3.A.B.3. court avait les mêmes caractéristiques que le modèle long, sauf que celui-ci était prévu avec multipli­cateur D.l. : longueur totale 8,327 m, longueur carrossable 5,491 m, empattement 5,517 m, voie AV. 1,840 m, voie AR. 1,704 m, hauteur en charge 0,634 m, pneus simples à l'avant, jumelés à l'arrière 230 x 20.

LATIL présentait 3 nouveaux modèles :

le M.2.B.3., 4500 kg de charge totale, moteur essence 4 cylindres 100 x 130 mm ; avec chemises de cylindres rap­portées, distribution par soupapes en tête, commandées par culbuteurs;

le M.2.B.4., 5 200 kg de charge totale, même moteur;

le M.2.A.l.B.3., 4500 kg de charge totale, moteur 100 x 130 mm, spécial pour autobus, autocars et fourgons.

-les diesels de LATIL qui équipaient certains types étaient construits dans les usines de Suresnes selon la licence Gardner. D'entretien pratiquement nul, ils avaient une consommation très faible: 18 l aux 100 km pour un Gardner 8 t, 23 l pour un 12 t et 28 l pour un 15 t.

La consommation d'huile était nulle et se réduisait aux vidanges, tous les 1 500 km. Trois types étaient livrés couramment :

• le H.l., 4 cylindres, par groupe de 2,108 x 155 mm, vilebre­quin 5 paliers, pour châssis H.l.A.B.3 courts et longs de 5 800 kg de charge totale, H.l.B.5. normaux et longs de 8 t et

H.l.S.P.B.3.T. pour une charge remorquée de 10 t.

le H.2., 6 cylindres en 3 groupes de 2,108 x 152 mm, vile­brequin 7 paliers pour châssis H.2.A.B.3. autobus rapides de 35 à 45 places, H.2.B.8. normaux et long de 9 500 kg et H.2.Y.l0 pour charge de 10 t.

le H.4., 4 cylindres par groupes de 2,95 x 133 mm, vilebre­quin 5 paliers pour châssis H.4.B.l. de 3 200 kg, H.4.B.3. de 4 500 kg, H.4.B.4. de 5 200 kg et pour les châssis avec conduc­teur à côté du moteur des types H.4.A.l.B.3. et H.4.A.l.B.4. de 4 500 et 5 200 kg.

Les modèles 1938

Les matériels LATIL étaient au point, aussi la firme avait-elle décidé d'en poursuivre la fabrication: les camions à huile lourde (licence Gardner) faisaient couramment 200 000 km sans révision et leurs usagers leur reconnaissaient les qualités suivantes:

-consommation très faible: 181 de gas-oil aux 100 km pour une charge de 8 t ;

-consommation d'huile nulle entre 2 vidanges, tous les 1 500 km : le H.2. 100 ch, ne contenait que 12 1 d'huile;

-moteur démarrant à la manivelle ; certes il y avait le démar­rage électrique, mais la possibilité de la manivelle était une assurance contre les pannes éventuelles deS accumulateurs ;

-nombreux perfectionnements : 17 filtres métalliques succes­sifs, pour le filtrage du gas-oil, filtres à grande surface, pour l'air, élimination automatique de l'air contenu dans le gas-oil, injecteurs indéréglables, régulateur donnant à tout moment au moteur la quantité exacte de gas-oil nécessaire (donc pas de fumée), pompes d'injection indépendantes pouvant être isolées pour contrôler le fonctionnement de chaque cylindre, usinage parfait pour le rodage de toutes les surfaces de joints et le polissage des surfaces au contact de l'huile.

Le gazogène LATIL

Comme tous les autres constructeurs, LATIL avait un véhicule à gazogène, fonctionnant à l'anthracite, au semi-coke, au char­bon de bois ... qui présentait de nombreux avantages :

-pour le fonctionnement le véhicule à charbon ne diffère d'un véhicule à essence que par le moteur et l'adjonction d'un dispositif permettant de produire un gaz pur et propre qui brûle dans le moteur comme l'essence vaporisée;

-le gaz est produit par un générateur, contenant le charbon ; il passe dans une boîte à poussières où il se refroidit, puis dans un filtre en toile et parvient au moteur, mélangé à de l'air, par une large pipe d'admission;

-le moteur ayant une cylindrée supérieure de 44 % à celle d'un moteur à essence, la vitesse demeure identique malgré la pertede puissance du gaz. Le carburateur mélangeur, licence LATIL, dose automatiquement le mélange du gaz à toutes les vitesses et à toutes les charges, sans intervention du conducteur ;

-l'économie était réelle: en effet 125 à 150 kg de charbon étaient nécessaires pour remplacer 100 1 d'essence, mais le charbon était 5 fois moins cher que l'essence. Tous les charbons maigres convenaient, le charbon de bois pouvant être remplacé par l'anthracite français, anglais ou russe ou par le semi-coke ;

Tracteur forestier Latil ; 4 roues motrices dont 2 directrices, conçu pour « porter et traîner» 20 t de grumes équipé d'un treuil de chargement à 2 tambours munis d'embrayages indépendants et d'une sellette pivotante avec ranchers rabattables, amovibles.

-le démarrage du matin se faisait à l'essence, mais dans le courant de la journée, après des haltes plus ou moins prolon­gées, tous les démarrages se faisaient directement sur le gaz, avec du charbon de bois ou de l'anthracite;

-simplicité de fabrication, tous les appareils producteurs ou épurateurs de gaz étaient en tôle forte, facilitant l'entretièn qui se borne à vider les boîtes à poussières et à brosser le filtre en toile une fois par semaine ;

-en service de ville, le mélange charbon de bois-anthracite permet un démarrage instantané au coup de manivelle ou de démarreur après les arrêts, pendant lesquels la consommation est nulle.

Ralentissement dû à la guerre

Pendant la guerre, l'activité est ralentie et les fabrications sont orientées vers d'autres produits. On retrouve cependant les principaux camions à essence: P.B., G.P.B. et M.!.B.!. de 2,5 t de C.U., P.B.2. de 3,5 t, P.B.3. et M.2.B.3. de 4,5 t, le

M.2.B.4. de 5,2 t et le P.6.N. de 7 t ; les tracteurs Diesel dont les L.Y.lO et H.2.Y.10 de 12 t de C.U. et aussi les inévitables gazogènes, favorisés par la guerre: M.3.G.B.!., G.B.3. et G.BA. de 3,2,4,5 et 5,2 t de C.U.

La gamme de 1955

A la veille de l'entente qui devait aboutir à la création de la Saviem, à l'automne 1955, les ateliers de Levallois dirigés par le fils de Charles Blum et par M. Lemaigre, fabriquaient une série de châssis, allant du camion 4,5 t aux gros tracteurs routiers, agricoles et forestiers.

Le 4,5 t LATIL, court, normal ou long était équipé du moteur Diesel 4 cylindres monobloc à injection directe 108 x 152 mm, 4 vitesses et marche AR., freinage par servo freins à air comprimé agissant sur les 4 roues et frein à main sur les roues AR.

Le 7,5 t, équipé du même moteur, se faisait en empattement de 3,27 m ou 3,85 m selon l'utilisation voulue.

Le 8,5 t avait encore le même moteur, mais 5 vitesses AV. et deux empattements 5 m et 5,80 m, direction avancée ou normale.

Le 13 t avait un moteur 6 cylindres, 150 Cv. La boîte 4 vitesses comportait un démultiplicateur donnant 3 vitesses AV. et 2 marches AR., les 4" petite et 4" grande étant surmultipliées.

Le 19 tonnes totales, 15 tonnes utiles avait le même moteur 6 cylindres, 150 CV.

Parmi les tracteurs, on trouvait un train roulant 16 à 18 t pour services urbains et petites distances à moteur 4 cylindres, un train roulant 22 et 26 t pour grandes distances, moteur 6 cylindres et enfin un 32 à 35 t, boîte 4 vitesses avec démultiplicateur pour des vitesses de 7 à 32 km à l'heure.

LATIL produisait toujours ses tracteurs agricoles et forestiers à 4 roues motrices et directrices, largement répandus depuis de nombreuses années et donnant toujours entière satisfaction.

De nos jours, le nom de LATIL n'a pas complètement disparu, mais se trouve cantonné dans les matériels de T.P. C'est ainsi qu'à Expomat 1974 on a pu voir un tracteur LATIL T.L. et un tracteur articulé T.4 T., le T.L. effectuant aussi bien des petits transports que des travaux forestiers. Était également présent un porteur léger 4 x 4, le V.P.L. 72, tous terrains, 4 roues directrices, équipé d'un moteur Saviem 6 cylindres, 125 CV à 2 600 tr/mn, 9,2 t de P.T.A.C., utilisé notamment pour la lutte contre les incendies de forêts.

Georges AGEON -Jean BONNIE