01 - Renault et l'aviation

========================================================================================================================

Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

========================================================================================================================

Renault et l'aviation

par Gilbert Hatry

Potez 36, moteur Renault 70/80 CV.

Ils étaient près de 12 000 aviateurs à l'heure de l'Armistice. 12 000 dont beaucoup pouvaient s'interroger sur leur avenir, encore que nombre d'entre eux avaient fait leur, l'expression de Nungesser: "La séance contz'nue ... ".

De fait si, pendant la guerre, l'objectif essentiel des avionneurs avait été de doter les appareils de la plus grande vitesse possible, il restait à l'aviation à faite ses preuves dans la paix.

L'industrie aéronautique, puissamment organisée, se trouvait dépourvue des commandes de l'État. Elle devait donc trouver d'autres débouchés et, tout d'abord, démontrer la possibilité d'utiliser l'avion comme engin de transport.

Pendant les années d'après-guerre elle va s'employer à dévelop­per les possibilités des appareils, leur faire franchir sans escale des distances de plus en plus importantes, leur faire survoler les chaînes de montagnes, les mers et les océans.

Pour les survivants des années de guerre la porte restait donc largement ouverte à l'exploit et à la performance.

En un premier temps, on va utiliser les appareils de guerre, les désarmer, leur faire subir quelques modifications. Ainsi en adviendra-t-il du Bréguet-Renault 14 qui, durant une décennie, allait connaître une prestigieuse carrière.

Bois gravé de Jacques Boullaire illustrant la brochure « Comment j'ai enlevé le Liberty Race» par le capitaine Lemaître.

Raids et records

Le premier aviateur qui se lance dans l'aventure est le lieutenant Roget. Le 25 janvier 1919, avec comme passager le lieutenant Coli, il quitte Villacoublay sur un Bréguet-Renault préparé par l'ingénieur A. de Bailliencourt.

En deux étapes il rejoint Istres, lieu de départ officiel. A deux heures du matin c'est l'envol. Quatre heures plus tard c'est l'atterrissage sur l'hippodrome d'Hussein-Dey près d'Alger. Le 25, à 12 heures 50, Roget et Coli repartent et prennent terre à Rosas, en Espagne, près de Gérone.

En 10 heures 45 de vol ils qnt ainsi réalisé, pour la première fois, la double traversée de la Méditerranée.

Cet exploit produit une vive sensation. Outre l'audace et la valeur du pilote, il démontre les qualités du Bréguet et la robus­tesse du moteur Renault de 300 CV. "Malgré le mistral, mal­gré la tempête, au mz1z'eu de nuées soufflant l'ouragan.", pouvait-on lire dans "L'Auto", "z1 a bravement tenu tête, luttéjusqu'au bout, sans défaz1lance, opposant sa souPlesse aux éléments déchaînés ".

Le 3 avril, Roget récidive. D'un seul coup d'aile, il relie Paris à Rome en 9 heures 40 minutes soit 1 500 kilomètres dont 700 au-dessus de la mer.

Trois semaines plus tard, le 25 mai, toujours sur Bréguet­Renault, avec de nouveau Coli comme navigateur, c'est Paris­Rabat en 12 heures de vol effectif et Roget ramène en France le record du plus long vol sans escale avec passager. Dans la presse c'est un nouvel éloge du moteur Renault: " Il est bon de soulz"gner que Roget et Cozz· doz·vent leur victoire, non seule­ment à leur intrépidité, mais aussz· à la qualité hors pair de leur unique moteur 300 CV Renault. C'est aussz· une brz1lante vz·c­toire pour les célèbres usznes de Bz1lancourt. Le moteur qui a marché pendant 2 200 kilomètres sans défaz"!lance est un sim­Ple moteur de sérz·e et cela signifz·e que tous les produits sortant de chez Renault sont d'une perfectz·on absolue aussz· Men au poz·nt de vue de la conception que de la fabrz·catz·on. " (L'Auto).

Mais entre les deux raids de Roget, lé lieutenant danois Pauli Krause, accompagné du lieutenant Sabouret, avait parcouru 1 600 kilomètres en 12 heures 30 minutes sur l'itinéraire Paris­Copenhague-Stockholm à bord d'un Bréguet-Renault à peine désarmé.

Et la première année de l'après-guerre ne se terminera pas sans que les Bréguet-Renault ne brillent encore. Du 18 au 28 juin, le capitaine Lemaître entreprend de joindre Paris à Dakar. Sur le gouvernail de son appareil se détachent deux immenses lettres G.R. (Grand Raid). Il s'agit d'un Bréguet­Renault spécialement préparé qui affirme ainsi une nouvelle ambition.

Hélas, Lemaître n'ira pas au terme de son voyage. Il s'arrêtera à Port-Étienne après être passé à Casablanca et Mogador soit, quand même, 4 200 kilomètres en 18 heures de vol effectif dont 1 700 au-dessus du désert.

Le 8 août, c'est le pilote Walbaum qui s'attaque au record du monde de hauteur avec passager. Avec son Bréguet-Renault de 480 CV il réussit en atteignant 7 800 mètres, battant ainsi de 1 630 mètres le précédent record. Il en est dépossédé le 13 août par le lieutenant Weiss qui, aux commandes d'un Bréguet­Renault de 300 CV muni d'un dispositif Rateau, atteint 9 000 mètres. Encore que, devait déclarer Weiss, "je pouvais fazre mz·eux, mais en raison de l'heure tardz·ve, j'az· craznt de ne des­cendre qu'après le coucher du solez"! et me souciais de ne pas atterrz·r dans la nuit ".

Enfin, le 16 août à 18 heures, le commandant Vuillemin accompagné du lieutenant Dagnaux, posait son Bréguet­Renault au Caire et s'apprêtait à rentrer à Paris. Il aura par­couru, à la fin de son raid, 8 200 kilomètres en 63 heures de vol réel.

Décidément, la première année de paix aura été pour Bréguet et Renault une grande année de victoires !

1920 et 1921 connaissent une activité plus réduite. Le 2 mai, l'enseigne de vaisseau Bellot sur un hydravion Farman GL (Georges Lévy) moteur Renault de 280 CV, effectue une dou­ble traversée de la Méditerranée sur le parcours Monaco­Ajaccio-Bizerte-Sousse-Bizerte-Monaco. Puis, en octobre, au meeting de Buc, Thierry sur Bréguet-Renault de 480 CV éta­blit un record de vitesse ascensionnelle, montant à 2 000 mètres en 7 minutes.

L'année suivante un Avro moteur Renault de 80 CV, piloté par le capitaine Piercey remporte une épreuve de rapidité de décollage et une autre de " lenteur" sur dix kilomètres.

Durant ces années Renault s'est surtout attaché à perfectionner ses moteurs. Au VIle salon de l'Aéronautique, qui se tient du 12 au 27 novembre 1921, il présente ses trois moteurs de base: un 300 CV ~2 cylindres en V à 50° de 125 x 150, un 450 CV 12 cylindres en V à 60° de 134 x 180 et un 550 CV 12 cylindres en V à 60° de 160 x 180.

1922 : année de multiples exploits et performances : Paris­Marseille-Paris (lieutenant Carrié), record du monde de dis­tance dans la même journée (adjudant Foiny), Paris-Mayence~ Paris (escadrille du lieutenant Bastide), Paris-Istres (capitaine Weiss), Paris-Bucarest (commandant Vuillemin et capitaine Dagnaux), et d'autres encore...

Mais au-dessus de tous, deux remarquables performances : Tunis-Paris par le lieutenant Pelletier d'Oisy, et le record de durée de Bossoutrot et Drouhin.

Pelletier d'Oisy avec le caporal Buffart, son mécanicien, quitte Tunis le 7 juillet à 5 heures 50 ; le même jour il atterrit au Bourget à 17 heures 50, ayant parcouru 1 650 kilomètres, dont 800 au-dessus de la mer, sur un Bréguet 14 A2 moteur Renault de 300 CV.

Mais comment, en 1922, peut-on réussir un tel exploit ?

Récit de Georges Pelletier d'Oisy

Le résultat brutal d'un grand voyage aérien paraissant dans les journaux ne donne qu'une faible, bien faible idée du travail, des efforts et de la patience exigés. Je vais essayer de montrer quelle peut être la série ininterrompue des difficultés à vaincre avant d'inscrire le point final de la performance. Et, comme un exemple personnel est toujours le meilleur, je vais me servir de mon raid Tunis-Paris en douze heures, résultat de dix ans d'aviation.

Il faut d'abord trouver l'idée. Il est nécessaire de découvrir un trajet qui soit en même temps nouveau, utile, intéressant et d'une portée pratique tout en restant sportif. De tels parcours deviennent de plus en plus rares étant donné la multitude d'exploits jusqu'ici accomplis. En outre, il faut se rendre compte des possibilités du matériel dont on dispose, ne pas s'en exagérer les mérites et agir avec prudence. Enfin, il est indispensable que la tâche choisie est une valeur réelle et dura­ble. Réunir toutes ces qualités est ardu. Étant rentré dans l'armée et affecté à l'aviation tunisienne, je n'eus pas long­temps à réfléchir. Je décidai d'essayer Tunis-Paris sans escale, non sans avoir, en guise de préparation, effectué de longs raids dans le Sud tunisien. Au cours de l'un d'euxj'eus même la joie de sauver la femme d'un fonctionnaire, gravement malade, en l'amenant par avion à Tunis où elle put être opérée d'urgence.

Mon désir de joindre Tunis à Paris devenait peu à peu un véri­table besoin. Il me semblait intéressant de prouver qu'en cas d'événement grave et rupture complète avec la métropole, les deux centres pouvaient être reliés. Puis, au point de vue écono­mique et colonial, la répercussion devait être considérable sur les indigènes. Montrer qu'une lettre pouvait aller de l'un à l'autre point en douze heures au lieu de cinq jours, n'était-ce pas en même temps montrer la valeur de l'avion et la révolution qu'il peut apporter dans nos mœurs?

Aussi demandai-je l'autorisation de partir à la XIIe direction de l'Aéronautique qui m'accordait, en même temps, des crédits spéciaux pour l'installation de l'appareil.

J'étudiais d'abord l'itinéraire. Il comportait une distance de 1 600 kilomètres en ligne droite, dont 800 au-dessus de la mer. Le Bréguet 14 A2 moteur Renault, ayant une vitesse commer­ciale de 130 kilomètres à l'heure~ il me fallait donc au moins 14 heures de vol, soit 1 150 litres d'essence et 80 litres d'huile. Les réservoirs ordinaires ne me permettant que 380 litres, j'étu­diai, avec le lieutenant Robert, adjoint au parc, l'aménagement de l'installation pour 800 litres d'essence. Nous décidâmes de monter cinq réservoirs supplémentaires : un grand réservoir siège de 350 litres, un réservoir plat en dessous des commandes, 100 litres; un grand réservoir de 240 litres pour remplacer le réservoir inférieur habituel. Ce réservoir, où communiquaient les deux autres, communiquait lui-même avec le réservoir supérieur normal de 240 litres par une double tuyauterie, l'une pour la pompe Astra, l'autre pour la pompe à main. Ces deux tuyaux se réunissaient devant moi pour passer dans un viseur me permettant de vérifier ma circulation d'essence et se déversaient ensuite dans le réservoir supérieur.

Pelletier d'Oisy et son mécanicien le caporal Buffart au départ de Tunis.

J'avais, en outre, de chaque côté du fuselage, en montage

direct sur le carburateur, deux réservoirs torpilles de 125 litres

chacun. Tous ces engins furent fabriqués en cuivre rouge, par

les soins du jeune chaudronnier Steppé, affecté au parc.

Il fallait emporter en outre :

-80 litres d'huile (le réservoir supplémentaire, installé

derrière le normal, était en charge sur la pompe) ;

-un poste de T.S. F. imposé par la direction de l'Aéro­

nautique, afin d'assurer les communications avec les bâtiments

convoyeurs en cas de panne;

-deux ceintures de sauvetage, d'un intérêt bien relatif en cas

de chute;

-des vivres (sandwiches, fruits, deux bouteilles thermos,

l'une de bouillon, l'autre de café) ;

-les instruments de bord (porte-carte, altimètre, montre,

boussole du type courant).

Je devais, primitivement, partir seul, mais les essais m'ayant

prouvé la bonne tenue de mon appareil, je décidai d'emmener

avec moi mon mécanicien, le caporal Buffart.

Je savais qu'au point de vue physique je pourrais tenir les qua­

torze heures nécessaires puisque, l'an dernier, j'avais fait à

deux reprises plus de douze heures en une journée, avec esca­

les, ce qui n'est pas exténuant, et j'avais volé de Paris à Vienne

en 10 heures 30 minutes avec un appareil plus fatigant sur

lequel je me relayais avec mon camarade, le lieutenant Gonin.

Je venais enfin de gagner le championnat de rugby de Tunis

avec l'équipe du Stade Gaulois. J'étais donc en excellente

forme.

Le centrage de l'appareil était le point le plus délicat à résou­dre, puisque le poids de l'essence à consommer était réparti sur un longueur considérable. Je fis deux essais préparatoires, l'un à 800, l'autre à 1 000 mètres d'altitude : ils donnèrent de remarquables résultats. Rien à changer, à part un peu d'incidence au plan fixe arrière.

Tel était, prêt à s'élancer pour le grand vol mon appareil de série, type 14 A2 sorti en 1920 de la maison Bréguet, avec un moteur 300 CV Renault datant de 1918, ayant longuement tourné et ayant été revu à l'usine un an auparavant. Je l'avais choisi à cause de sa régularité, décidé à me fier à lui sans y rien toucher.

Mon dernier vol d'entraînement fut fait le 5 juillet à 6 heures du matin. En atterrissant, j'annonçai mon départ pour le len­demain. Il faillit être remis. En effet, mon mécanicien, voulant essayer le poste de T.S.F., fait tourner le moteur l'après-midi et, en rentrant l'appareil au hangar, s'aperçoit que l'huile fuit, la collerette du réservoir s'était dessoudée. En hâte, le réservoir est changé. A 5 heures 45 du matin, après avoir travaillé toute la nuit, les braves mécaniciens du parc serraient les dernières bougies. Sans cet incident providentiel, mon réservoir se des­soudait quelques minutes après le départ. Comme je n'avais pas de contrôle d'huile de bord, je ne pouvais m'apercevoir de rien et, au bout de deux ou trois heures de vol, c'était la panne irrémédiable en pleine mer, avec les conséquences tragiques que semblable incident peut pr~voquer.

La Marine m'avait assuré le concours de deux bâtiments: le torpilleur Spahz", entre Bizerte et la Sardaigne, et le chasseur de sous-marins 96, entre la Corse et Saint-Raphaël. Obligé à modifier ma route à cause du vent,je passai d'ailleurs assez loin d'eux sans les voir et sans en être aperçu.

A 5 heures 50, après avoir pris une légère collation, Buffart et moi montions à bord. Bien que fatigué par deux jours de vio­lent sirocco, je ne voulais pas remettre au lendemain. On nous mettait en route. Le terrain du camp Garros, d'oùje partais, a 800 mètres de long de l'est à l'ouest et 300 mètres seulement du sud au nord. Un léger vent du sud soufflant, je devais donc par­tir vent de côté pour profiter de la plus grande longueur de l'aérodrome. Mon avion emportait, en effet, 1 250 kilogram­mes de charge utile, ce qui faisait au total un peu plus de 2400 kilogrammes.

Le décollage était difficile, on le conçoit. Je devais rouler long­temps. Au bout de 300 mètres seulement, je pouvais mettre sur les roues et je roulais 300 mètres encore avant de m'envoler, mon merveilleux moteur Renault tournant à 1 500 tours.

Je passais au-dessus de Tunis et, sans perdre une minute, pre­nais la direction de Bizerte. Le vent était alors presque nul. J'arrivais au-dessus de la mer à 400 mètres de hauteur, ne pou­vant monter plus haut à cause de ma charge. Dernier adieu à l'avion de l'escadrille qui m'avait escorté jusque-là et je piquais droit vers la Sardaigne.

Au bout d'une heure environ, j'en apercevais les côtes. Cette partie du voyage me semblait très facile, le moteur tournant admirablement. Aussi la confiance remplaçait-elle l'angoisse dans mon cœur.

Je survolais la partie ouest de la Sardaigne en me tenant à 800 mètres, altitude qui devait être constante jusqu'à Saint­Raphaël. J'obliquais un peu nord-nord-est pour me rapprocher de la Corse observée dans le lointain.

Je me ravitaillais et, en débouchant une bouteille thermos, je laissais tomber le bouchon qui roulait sur mon réservoir plat, tout près de la commande de profondeur. Je veux l'éloigner du pied, un faux mouvement, il s'écroule dans une boîte placée sur le réservoir et permettant le jeu du manche à balai: il se coince. Émotion terrible. Pas de danger immédiat, le temps étant splendide et l'avion volant impeccablement droit, mais quelle anxiété atroce à la pensée de ce qui se passera sije suis obligé de me défendre.

Je prends mon carnet, je note l'incident: en cas de chute, on saura ce qui s'est passé, le drame ne sera pas mis au compte de l'aviation. Je promets un cierge à Notre-Dame-du-Platin, patronne des aviateurs.

Et, à la grâce de Dieu, via Saint-Raphaël. Je vole à 15 kilomè­tres environ de la côte de Corse, au-dessus de la pleine mer. Devant moi, un amas de nuages se forme. Bientôt, je ne vois plus l'île et j'en ai pour une heure au moins avant de deviner là-bas, au fond, les côtes de France.

Ce fut là le moment le plus dur de mon voyage. Énervé par les incidents, me sentant perdu dans cette immensité, incapable d'agir s'il faut lutter avec la profondeur, je dois faire appel à toute ma volonté. Je pense à l'immortel Garros, je me rappelle les moments où j'étais au loin dans les lignes ennemies et je fonce.

Enfin, une brume plus épaisse apparaît c'est la France. Jamais côte ne me parut plus belle.

En arrivant au-dessus de la terre ferme, le premier moment de joie passé, je me demande comment va se comporter ma commande; d'abord faiblement, puis plus fort, je pique, je remue, le bouchon s'écrase, glisse et se place de telle sorte qu'il ne peut plus me gêner. Décidément la chance est avec moi. Je descends à 50 mètres sur Saint-Raphaël pour me faire reconnaître. Le chef de centre m'aperçoit et, par dépêche, calme les émois de mes camarades de Tunis, inquiets, puisque les bateaux n'ont pas pu signaler mon passage.

Ah ! ces dernières heures au-dessus de la mer, je ne les oublie­rai jamais: pas de navires à l'horizon, seul, désespérément seul, et un bourdonnement de moteur qui me semblait changer à chaque instant.

Comme j'admirais Roland Garros ayant l'audace de s'élancer au-dessus de cette immensité en se confiant à un simple rotatif aux caprices de jolie femme. Comme j'appréciais l'acte de cou­rage du lieutenant Roget, réussissant la traversée de la Méditerranée, puis, sans prendre le moindre repos, remontant dans son appareil pour effectuer le retour. Et je ne pouvais pas non plus m'empêcher d'un souvenir ému à la mémoire du lieu­tenant Bague qui, en 1911, tenta l'impossible à cette époque : il s'envola, se perdit, nul ne le revit jamais. Honneur à ces trois braves qui ne sont plus, honneur au lieutenant Marchal,

Schéma des réservoirs d'essence et d'huile étudiés par Pelletier d'Oisy et le lieutenant Robert.

également disparu, qui, le premier, réussit le survol de la Méditerranée en hydravion. Je dois reconnaître qu'après cette partie du trajet, tout me semblait beau et je n'hésitais pas à attaquer les Alpes avec confiance. J'avais même oublié qu'il était midi, heure des remous, qui se rappelaient à mon souve­nir. Je montais à 3 000 mètres et piquais droit sur Lyon, me fiant à ma boussole. Vers Valence, la terre défilait à toute allure sous mes ailes et quelques minutes après je me trouvais sur l'aérodrome de Bron, à Lyon. J'appris par la suite que les ser­vices météorologiques annonçaient une vitesse du vent de 55 mètres à la seconde.

Plus j'approchais du but, plus le temps devenait épouvantable. Volant à la boussole via Paris, je devais descendre à moins de 300 mètres du sol, le ciel s'obscurcissant et des orages se for­mant. Bientôt je me trouve pris dans un grain de pluie et de grêle entre 20 et 100 mètres de hauteur, avec un vent de côté de 20 mètres à la seconde. Je suis odieusement ballotté et je dois m'accrocher avec une farouche énergie pour persévérer. Il y a dix heures que je suis en l'air, et je n'ai pas mangé depuis le départ étant écœuré par la chaleur du moteur et de l'odeur de l'huile de ricin.

Le temps devient tellement mauvais que je risque à chaque instant d'être plaqué sur un bois ou de heurter une colline que je ne verrais pas. La mort dans l'âme, je suis forcé d'atterrir près d'Auxerre. Je me pose dans une prairie dont l'herbe a 70 centimètres de haut.

La pluie devient moins violente. Au bout de dix minutes, je décide de repartir: l'hélice est pourtant rongée et une pale légè­rement décollée, oui, mais Paris est si près! Exténué, mon mécanicien ne peut pas mettre en route et c'est moi qui dois tirer sur l'hélice.

La proximité du but me rend toute mon énergie et, malgré la hauteur et l'épaisseur de l'herbe, je réussis à décoller par un prodige de chance.

Je reprends la direction de Paris en mettant au ralenti pour ne pas forcer mon hélice, mon unique souci. J'évite tous les grains que je vois arriver, je les contourne, de même que les agglomérations proches de la capitale.

Enfin, à 17 heures 50, je termine au Bourget. Un tour de piste: pas un appareil n'est dehors. Je me pose, encore violemment secoué par le vent et c'est fini. A l'arrivée, seul Robert Morane, confiant malgré tout, m'attend, nul ne supposant que, par un tel temps, les avions des compagnies n'étant même pas sortis, un pilote pouvait avoir réussi le raid Tunis-Paris en douze heures quinze.

Durée, distance et vitesse

Une préparation minutieuse, tel fut donc, pour une large part, le secret de la réussite de Pelletier d'Oisy.

En s'attaquant au record de durée, détenu depuis le 30 décem­bre 1921 par Bertrand et St in son avec 26 heures 19 minutes 35 secondes, Bossoutrot et Drouhin vont suivre la même voie.

L'appareil choisi est un Farman-Goliath. En étude après l'armistice et destiné au bombardement de nuit, ce bimoteur avait été un des premiers à réaliser des liaisons commerciales. Il était muni, selon ses versions de moteurs Salmson ou des Renault 300 CV. Quant à Bossoutrot il avait, à son actif, plusieurs records d'altitude et de distance avec passagers.

A leur appareil, les pilotes font apporter quelques modifi­cations, ainsi la surface portante est légèrement accrue, les traditionnelles hélices en bois remplacées par les nouvelles Lumière-Leitner métalliques à trois pales, et des réservoirs sup­plémentaires fixés, ce qui permettra à l'équipage de se doter de 4 200 litres d'essence et de 300 litres d'huile.

Enfin, pour rédùire la consommation des moteurs, les techni­ciens de Billancourt mettent au point un nouveau système d'admission du carburant.

Le samedi 14 octobre 1922, c'est l'envol du Bourget à 6 heures 15 minutes 31 secondes. La journée promet d'être belle et, malgré une charge de près de 7 tonnes, l'appareil se détache du sol avec aisance. Traçant dans l'air un circuit de 60 à 100 kilo­mètres jalonné par Meaux à l'est et Aubervilliers à l'ouest, les pilotes s'élèveront progressivement de 200 à 1 000 mètres et plafonneront à 2 000 mètres au cours des dernières heures.

Régulièrement, ils survolent le Bourget et, durant la nuit, mal­gré le froid, la constance de leurs passages ne sera pas altérée.

A l'aube du dimanche, Bossoutrot et Drouhin poursuivent leur ronde. Ils la poursuivront jusqu'à 16 heures 27, heure à laquelle le manque d'essence les containdra à se poser. Mais le record est largement battu, leur temps étant de 34 heures 14 minutes 7 secondes 1/5 !

Mais les Bréguet-Renault continuent à glaner les lauriers. Pelletier d'Oisy rejoint Tunis par petites étapes. Le lieutenant Innemare réalise la liaison Paris-Pau en 3 heures 30 minutes avec un Bréguet-Renault muni d'un turbocompresseur Rateau. En octobre 1922 sort le Bréguet 19 A2 Renault 480 CV et c'est avec lui que, dès le 2 mars 1923, le lieutenant Benoit accède au record du monde d'altitude: 5 281 mètres avec 500 kilogrammes de charge. Le même mois, le lieutenant Carrié établit un rer.ord de vitesse sur 1 000 kilomètres soit 150,100 kilomètres/heure avec un Bréguet 14 A2.

Et on ne compte plus les innombrables exploits du comman­dant Vuillemin, du capitaine Dagnaux, de l'adjudant Foiny, du capitaine Girier et du capitaine Weiss.

Mais, du 3 février au 24 mars 1925, un Bréguet 19 A2 allait, à son tour, connaître la gloire et faire briller les couleurs de Renault.

Ce mardi 3 février 1925, sur l'aérodrome militaire d'Étampes­Mondésir, un groupe de personnalités, parmi lesquelles on reconnaissait Louis Renault, Louis Bréguet, le colonel Denain, le capitaine Hirschaue~, Paul Hugé et Charles Serre, assistaient au départ du raid que Ludovic Arrachart et Henri Lemaître avaient longuement préparé.

Le capitaine Cauchy, commissaire de l'aéro-club, s'apprêtait à constater l'envol, cependant que Mme Jaffeux, du secrétariat de l'aéro-club, avait remis aux pilotes: un carnet de bord, un baromètre enregistreur plombé et cacheté, des témoins de route à jeter au cours du voyage, un certificat d'atterrissage à faire signer et timbrer par les témoins et autorités au moment de la descente, une invitation à envoyer un télégramme pour signa­ler l'arrivée et un commandement à fournir une carte du lieu atteint.

Toute la nuit, les mécaniciens s'étaient affairés autour de l'appareil.

Les réservoirs d'essence avaient reçu leurs 2 000 litres de car­burant. Tout était prêt pour l'aventure. " Un déPart de raz'd se différende peu az"sément d'un autre déPart de raz'd ", devait écrire le capitaine Arrachart. "C'est le même protocole quz' préside à la sorNe de l'avion sur le terrazn, à son remorquage par le tracteur, au Plombage des apparez1s de bord et des réser­voirs, aux dernières recommandatz"ons, vœux et congratula­Nons, à l'adz'eu suprême des mouchoirs, comme dz"saz"t Mallarmé ".

Après avoir ceint son parachute, Arrachart prend place à l'avant de l'appareil, suivi de Lemaître. A 11 heures 34, c'est le décollage qui constitue la première difficulté. Les roues de

Bréguet 19, moteur Renault de 450 CV.

l'appareil lourdement chargé s'enfoncent dans le terrain détrempé, rendant l'envol quasiment impossible et, après 200 mètres, c'est l'arrêt. Mais le renoncement n'est pas de mise pour les deux pilotes qui, après un nouvel essai, voient leur volonté l'emporter. Quelques minutes plus tard, l'avion disparaissait à l'horizon.

Le but du raid entrepris par les capitaines Arrachart et Lemaître,'était d'établir un record de distance en ligne droite pour affirmer, une fois de plus, la prépondérance de la France dans le domaine de l'air. Sous l'égide du sous-secrétariat d'État à l'Aéronautique, Louis Bréguet et Louis Renault s'étaient unis pour résoudre les innombrables difficultés qu'un tel raid présentait.

Le Bréguet 19 prévu avait du être profondément remanié. Il avait fallu placer dans le fuselage les réservoirs nécessaires pour contenir les 2 020 litres de carburant. Outre le réservoir princi­pal se trouvant à la partie inférieure du fuselage, deux autres, communiquant entre eux et pouvant n'en former qu'un, y avaient été adjoints. Un quatrième de 170 litres pouvait se déverser dans les deux précédents. Enfin, 40 litres de benzol, destinés au décollage, étaient contenus dans un cinquième. Cette quantité de carburant devait permettre à l'appareil de couvrir une distance de 4 500 kilomètres.

Les postes de pilotage avaient été aménagés. Un deuxième poste, placé à l'arrière, analogue au premier, autorisait le vol en double commande, ce qui accroissait la sécurité de navigation dans le cas de défaillance d'un pilote.

Cependant, c'était dans les qualités du moteur que résidaient les plus grandes chances de succès ; car voler plus de 4 000 kilo­mètres sans ravitaillement exigeait du moteur une consomma­tion minimum sans pour autant que soit porté atteinte à sa puissance maximum indispensable pour le décollage et la montée, et à son régime normal de croisière.

" Or ", avait déclaré Louis Renault, "avec un moteur normal et l'alimentatz'on habz"tuelle par un seul carburant, ce double résultat ne peut être obtenu. Il fallut donc rechercher une for­mule nouvelle. L'alz"mentation du moteur à l'az'de de deux car­burants différents nous permis de résoudre le problème. Les carburants choz"sis furent le benzol et l'essence ". Le benzol, permettant une compression plus élevée, devait être utilisé pour le décollage et la montée, et l'essence pour le régime normal.

Les modifications apportées à l'avion, la nouvelle alimentation du moteur, rendaient plus délicate la conduite. Il y avait d'abord surcharge, près de 1 900 kilogrammes, et le change­ment de carburant au moment où l'altitude fixée était atteinte.

Recit de Ludovic Arrachart

Le 3 février au matin, notre avion lourdement chargé par plus de 2 000 litres d'essence, nous partons d'Étampes dans la direction de Dakar.

Après un décollage assez pénible, car le terrain était très mou, nous nous dirigeons au compas sur Poitiers, puis sur Bordeaux.

Nous passons les Pyrénées avec assez de difficultés; les monts de Castille, dont les sommets atteignent 1 700 mètres, furent plus difficiles à franchir parce que, voulant économiser notre essence et volant à un régime ralenti, nous n'avions pas dépassé 1 300 mètres, il fallut chercher des cols et même, à certains moments, contourner les plus hautes montagnes.

Vers 6 heures du soir, le soleil se cachait derrière la Guadarrama et nous commençons 13 heures de nuit. Tout allait bien, il faisait beau et la traversée de l'Espagne fut relati­vement facile. Nous passons successivement sur Madrid, Cordoue, puis le détroit de Gibraltar.

A partir de ce moment nous volons assez bas, car les nuages étaient venus nombreux et nous passons le détroit à l'altitude de 500 mètres.

Au cap Spartel, nous suivons la côte jusqu'à Casablanca que nous abandonnons pour couper jusqu'à Mogador. Arrivé là, les nuages sont encore plus bas et nous devons passer en mer pour les éviter.

Ces dernières heures furent pénibles ; la lune était cachée et nous naviguions par mauvais temps et nuit noire.

Nous reprenons la côte après Agadir, les nuages sont moins nombreux et l'approche du jour nous fait prendre patience. Le soleil se levait quand nous approchions du cap Juby dont on distinguait les deux bâtiments dans le lointain.

Quoique de jour, le parcours parut long jusqu'à Villa Cisneros; la côte n'est pas hospitalière et pendant 100 kilomè­tres nous n'avons vu personne; seules, quelques voiles en mer coupaient la monotonie de cette solitude.

Près de Villa Cisneros le moteur, qui avait des mieux fonc­tionné, se mit à avoit' des ratés. Nous nous passons des billets pour prendre avis l'un de l'autre et décidons d'atterrir près du poste espagnol. Continuer avec un moteur fonctionnant mal, c'était risquer de le détériorer, ce que nous ne voulions pas ; ce n'est pas tout d'aller, il faut revenir. Nous nous posions donc à Villa Cisneros, après 24 heures 30 minutes de vol et un parcours de 3 166,300 kilomètres.

Après nous être présentés au gouverneur, nous nous sommes mis aussitôt à travailler. Ayant nettoyé les bougies, nous remet­tons de l'essence car nous étions un peu court pour aller à Dakar, et nous ne voulions plus nous arrêter en route. Nous étions prêts à 4 heures de l'après-midi. Il ne s'agissait plus que de remettre en marche, mais un moteur de 500 CV ne démarre pas toujours très facilement et nous ne pûmes repartir le soir même. Le gouverneur espagnol nous offrit avec cordialité un excellent dîner et un bon lit.

Le lendemain, nous nous remettons"au travail et retrouvons la seringue à injections qui nous avait fait défaut la veille. Nous avions dû mettre de l'essence avec des chiffons, mais il n'en arrivait pas une goutte dans les cylindres.

Grâce à la seringue nous mettons en marche et, à midi, nous quittons Villa Cisneros. Nous suivons la côte; passons sur Port-Étienne et Saint-Louis et atterrissons à Dakar à 6 heures 45 soit 55 heures après le départ de Paris.

****

En atterrissant à Villa Cisneros, alors que l'objectif qu'ils s'étaient fixé était Dakar, Arrachart et Lemaître auraient pû connaître un instant de déception. Mais leur raid ne s'était pas déroulé conformément aux prévisions, c'est ainsi que la consommation d'essence avait été légèrement supérieure aux prévisions. Il n'en restait pas moins qu'en joignant d'un seul trait Paris à Villa Cisneros, ils avaient établi le premier record officiel de distance en ligne droite sans escale et sans ravitaillement.

A partir de Dakar, il fallait songer au lretour. Deux solutions s'offraient: revenir à Paris en plusieurs étapes, en suivant le même itinéraire, ou démonter l'appareil et le rapatrier par mer.

Interrogé, Louis Renault donna toute liberté aux aviateurs qui choisirent alors une troisième solution : un retour par air sur l'itinéraire Tombouctou-Alger-Casablanca-Paris.

Vingt-quatre heures après leur arrivée à Dakar, Arrachart et Lemaître sont de nouveau aux commandes du Bréguet­Renault. La première étape les amène à Kayes; voyage péni­ble rendu accablant par la chaleur. Des bruits anormaux dans le moteur, entendus avant l'atterrissage, les rendent perplexes. Ils demandent à Dakar que leur mécanicien leur soit envoyé mais il faudra quatre jours à celui-ci pour atteindre Kayes par l'unique traiI]. hebdomadaire. En fait, les bruits provenaient d'une magnéto desserrée.

De Kayes, nos aviateurs joignent Bamako où ils rencontrent le lieutenant-colonel Tulasne qui vient, accompagné de deux avions, de traverser le Sahara. Les voici ensuite à Tombouctou où ils ne peuvent prendre que 1 000 litres d'essence. Le 20 février, départ pour Adrar. Après deux heures, le poste de Tabankort est atteint, mais, au lieu de suivre la piste menant à Tessalit, Arrachart et Lemaître prennent celle de Kidal. Il faut naviguer au compas. Un vent violent se lève, puis une tempête de sable qui rend le sol invisible. Vers 6 heures du soir, alors que leur provision d'essence est épuisée, c'est l'atterrissage sur un terrain caillouteux; une aile de l'appareil est touchée et un pneu éclaté.

****

" Qu'allons-nous faire .~ " interroge Arrachart. Nous décidons de partir de suite vers le nord. Nous emportons cinq kilogram­mes de dattes et trente litres d'eau. Un vent glacial s'est levé. Nous marchons dans une nuit obscure butant à chaque pas sur des pierres tranchantes.

Par deux fois, brisés de fatigue, nous nous arrêtons pour nous reposer, mais, glacés jusqu'aux os, il nous faut repartir.

Le lendemain, vers le milieu du jour, bien que de plus en plus épuisés nous marchions encore et entrions bientôt dans une grande vallée.

Tout à coup, nous apercevons un homme qui accourt vers nous. Il nous serre les mains avec effusion. Plus tard nous apprîmes qu'il s'appelait Boaous ben Mohammed. Il se sur­nommait Bouchat, c'est-à-dire " le courrier". Il avait, en effet, assuré le service postal entre In-Salah et les postes du désert. Pendant quatre ans, Bouchat avait appartenu aux compagnies méharistes et avait parcouru le Sahara en tous les sens sous les ordres du général Laperrine.

Bouchat ne savait pas un mot de français, et nous ignorions complètement l'arabe. Par gestes, il nous fait comprendre qu'il suivait nos traces depuis plusieurs heures.

Tandis que nous nous efforçions de suivre ses explications, un autre arabe apparut. Nous apprîmes que nous étions à quatre journées de chameau d'El-Goléa, l'oasis la plus proche, et à peu près au centre du triangle El-Goléa-In-Salah-Timimoun.

Le jour même, à la tombée de la nuit, Bouchat revint avec trois chameaux et un autre arabe. Le lendemain, réconfortés par un repas de lézard de palmier et de " terfess ", sorte de champi­gnon du désert, nous partions à la recherche de notre avion dont nous voulions, tant bien que mal, assurer la sécurité avant de nous diriger vers l'oasis d'El-Goléa. Nous le retrouvions, par bonheur, intact.

Il nous fallut plusieurs étapes pour atteindre El-Goléa. La der­nière fut particulièrement longue... Enfin, voici l'oasis. Nous nous engageons à travers les jardins par des chemins bordés de murs en terre. Nous butons dans toutes les" Seguias". La nuit est noire. Nos pieds traînent lourdement. Voici quelques lumières, puis des bruits de voix: c'est le lieutenant Brunet, accompagné du docteur Curie, qui viennent à notre rencontre. Bouchat, parti en courant une heure avant nous, les avait prévenus.

Alors, ayant retrouvé nos camarades, notre fatigue tombe. Quelques instants après, nous arrivons dans une grande salle voûtée, bien chauffée par un grand feu de bois. Une table servie nous attend.

****

C'est d'Alger que les secours arrivent, sous la forme de deux voitures six roues Renault. Le 7 mars, Arrachart et Lemaître retrouvent leur avion. Après une nuit de repos, c'est le départ pour El-Goléa qu'ils atteignent en une heure de vol. Il leur avait. fallu six jours pour faire le même chemin à dos de chameau et 24 heures avec les six roues.

A partir d'Alger, devait déclarer Arrachart, "nous avons fait du tourzsme et, si nous avons mis si longtemps pour reve­nir, c'est que nous avons trouvé partout, à Oran, à Fez, à Casablanca, de charmants camarades quz· ne voulaient pas nous laisser repartir ".

Le raid accompli par Arrachart et Lemaître revêtait un double caractère: sportif et utilitaire. Sportif par la performance réali­sée: non seulement un record du monde avait été établi, mais

Ludovic Arrachart et Henry Lemaître au départ du raid Paris-Dakar.

aussi, pour la première fois, un raid se terminait à son point de départ avec utilisation du même moteur, soit 13 000 kilomètres en 90 heures de vol.

Le moteur Renault se trouvait ainsi consacré. Il était le plus puissant (500 CV nominalement, 545 CV en pointe), doué du meilleur rendement d'hélice (régime 1 500 tours) et doté de nombreux avantages et notamment "ceux que lui donnent, concernant la réduction de l'usure, la suppression du jeu et des vibratz·ons, et aussi de sa durée, l'applz"cation de l'épurateur d'huz"le centrifuge Renault" (L'A érophz"le).

Enfin, le raid des capitaines Arrachart et Lemaître avait eu un caractère utilitaire. Pour la première fois, en effet, la liaison directe France-Sénégal avait été réalisée comme, au retour, l'avait été la traversée du désert en un seul vol. De nouvelles perspectives s'ouvraient ainsi devant l'aviation commerciale.

Le Liberty Trophy

Un matin de septembre 1925, Lemaître et Pelletier d'Oisy quit­tent Le Havre pour New York à bord du "France ". Ils vont relever le défi lancé par les Américains.

Leurs avions, deux Bréguet, l'un à moteur Renault, l'autre à moteur Lorraine, les ont précédés' de dix jours, mais ils ont voyagé à fond de cale, démontés.

Et nos aviateurs de s'interroger. Quelles chances peuvent-ils avoir contre les concurrents déjà sur les lieux et qui peuvent à loisir étudier le parcours ?

Car il s'agit d'une course de vitesse sur un circuit aérien à couvrir quinze fois.

Dès l'arrivée à New York, les difficultés commencent. Pala­bres, démarches auprès de douaniers méticuleux et peu pressés. Enfin, les appareils sont dédouanés et l'équipe technique com­mence le montage. Rapidement, le Bréguet à moteur Lorraine destiné à Pelletier d'Oisy est prêt. Quant à celui de Lemaître il ne sera en état de prendre l'air que 23 heures avant l'épreuve.

Heureusement qu'entre pilotes de la même maison, la solida­rité n'est pas un vain mot, et Lemaître peut reconnaître le circuit sur l'appareil de son camarade.

Et Lemaître l'emportera!

Récit de Henri Lemaître

Sans fatuité, il me faut narrer comment, en ce jour du 8 octo­bre 1925, j'ai gagné le " Liberty Trophy ".

Au fait, tout le petit groupe des français disséminés sur la pelouse ou dans les tribunes, M. Bréguet lui-même, doté de ses inséparables lorgnettes à l'usage d'Auteuil-Longchl'!;mp... ou Mitchellfield, aurait été plus qualifié pour apporter une des­cription mieux vécue que le pilote penché'sur ses commandes.

Un soleil radieux baigne l'aérodrome de Long Island, bien caractéristique avec son échafaudage de baraques en bois, ses logements vitrés comme des aquariums pour les chronomé­treurs et les juges, ses pylônes de virages et ses haut-parleurs.

Nous devons accomplir quinze fois un triangle de douze milles, ce qui fera, en tout, 300 kilomètres environ. Nous sommes seize partants ; les avions sont rangés sur deux lignes de cinq et une dernière ligne de six.

3 heures, départ! je décolle en tête et, plein de confiance, je pousse à fond pour prendre le commandement du groupe, au premier virage. Mais, hélas, au fur et à mesure que j'augmente de vitesse, mon avion penche vers la droite. Il me faut réduire les gaz. Tous les concurrents me dépassent. "C'est fatal, "me dis-je, "faute de préparation, je vais perdre la course ".

Heureusement que Pelletier d'Oisy, sur son Bréguet-Lorraine, se trouve en tête grâce à l'impeccable façon dont il a saisi son premier virage.

Je suis, de loin, la façon endiablée dont ce fin pilote soutient la lutte contre la meute des appareils américains. Mais au cin­quième tour, Anderson sur avion marin Boeing, finit par pas­ser en tête, tandis que le Douglas-Packard de Bayley se montre terriblement pressant.

Une ardeur désespérée s'empare de moi et je ne balance plus. Je remets plein régime, joie profonde! il me semble que l'avion se tient mieux, malgré le déchaînement de mes 500 CV. Je me penche un peu à droite, mais la cellule tient ferme et " çà gaze, çà gaze ", comme nous chantons à Villacoublay.

Un à un, je dépasse mes concurrents. Bientôt, devant moi, je retrouve Pelletier d'Oisy qui lutte, bord à bord, avec un Liberty de la marine. Il s'aperçoit de mon retour foudroyant, n'hésite pas, prend un peu de hauteur pour me laisser la corde. J'arrive sur l'avion américain et je mets tous les gaz. Voici mon concurrent réglé en peu de temps. Je suis en tête. Mon 500 CV Renault tourne plus puissant que jamais. Que ne ferait-on pas avec lui! je me précipite d'un pylône vers l'autre, serrant les virages pendant que mon grand oiseau s'incline sur l'aile, comme une mouette au vent du large.

Penché sur mes commandes, je fonce devant moi voyant la foule applaudir au passage. Les fanions montent au mât, j'ai fini la course mais pour plus de sûreté, je fais un tour encore... un tour de prévoyance. Une chandelle de 300 mètres etj'atter­ris pendant qu'à côté, ô contraste, se consume un avion à refroidissement par air, qui a dû atterrir en flammes, sans dommage pour son pilote, heureusement. ..

Çà y est ! Le " Liberty Trophy " est gagné pour la France avec 129 miles de moyenne. Bayley est second avec 128 miles, Anderson 3e avec 127,4 miles. Le reste du lot s'est essaimé. Ma joie est intense: elle trouve son écho dans celle de ma femme, de tous les Français. Cinéma, reporters, félicitations officielles des grands chefs des aviations de terre et de mer. Il ne me reste plus qu'à câbler à Billancourt qu'avion et moteur ayant tenu, j'ai tenu moi aussi.

Un record éphémère

Le Blériot 155, dérivé du type 135, avait été primé lors du Grand Prix des avions commerciaux de 1924. Animé par quatre moteurs Renault de 230 CV, il était aménagé pour le transport de 18 passagers.

C'est sur cet appareil que le chef pilote de la compagnie Air Union, Robert Bajac, allait, le 26 mars 1926, battre plusieurs records. En tenant l'air durant 3 heures 46 minutes il devient détenteur du " record de durée avec 1 500 kilogrammes de charge" et s'approprie, en même temps, le record français établi par Descamp sur Monge-Jupiter.

Quelques mois après, une autre performance sera mise à l'actif du moteur Renault. Victoire éphémère sans doute, mais qui n'enlève rien au mérite de ceux qui eurent le courage d'entreprendre.

Battre son propre record de distance, tel était le projet secret de Ludovic Arrachart. Il avait sans doute conservé en lui le regret de n'avoir pu atteindre Dakar, objectif pour lequel il s'était ardemment et minutieusement préparé.

Alors que son co-pilote, Henri Lemaître allait glaner quelques lauriers aux États-Unis, Arrachart travaillait sur un nouvel itinéraire qui le conduirait loin vers l'est.

Pour le seconder, il sollicita le concours de son propre frère, Paul Arrachart, alors instructeur au centre de Cazaux. Et l'appareil choisi fut un Potez 26, biplan d'observation et de bombardement muni du nouveau moteur Renault de 550 CV à démultiplicateur, moteur qui, aux essais avait donné 600 CV à 2 000 tours. Lesté de 3 400 litres d'essence et de 280 litres d'huile, le Potez avait un rayon d'action approchant 5 000 kilomètres.

Peu nombreux étaient les spectateurs au matin du samedi 26 juin 1926 : Louis Renault, Henri Potez et quelques repré­sentants de l'Aéro-Club de France et du sous-secrétariat à l'Aéronautique.

A 5 heures 5 précises, le lourd appareil décolle du Bourget. A 19 heures 35, il est signalé au-dessus de Constantinople. Puis, c; est le silence ; un silence angoissant. C'est seulement le lundi soir qu'un télégramme laconique annonce l'exploit: "Atterri aujourd'hui Bassorah après 26 h 30 de vol. Retour par peNtes étapes ".

Le record était donc porté à 4313 kilomètres, soit une moyenne de 165 kilomètres à l'heure environ. Ludovic Arrachart pouvait être satisfait, car il avait dépassé de 1 147 kilomètres sa précédente performance.

Comme prévu, le retour s'effectua par petites étapes et sans his­toire jusqu'à Bucarest, atteint le 8 juillet. On attendait les avia­teurs au Bourget, lorsqu'un télégramme de Harta, petite ville située à 100 kilomètres au sud de Budapest, informa qu'une panne d'allumage ayant contraint à l'atterrissage sur un terrain défectueux, l'avion s'était brisé sans dommage pour les pilotes.

Il restait donc à faire procéder aux réparations quand les autori­tés hongroises s'avisèrent de retenir nos héros. Il fallut une énergique protestation de l'ambassadeur de France à Budapest pour qu'ils recouvrent la liberté.

Cet incident, qualifié à l'époque de tragi-comique, fut la cause du report d'une réception qui n'aurait' pas manqué d'être triomphale.

Mais, au moment où les frères Arrachart auraient pu savourer les délices de la gloire, Girier et Dordilly, sur un Bréguet 19 moteur Hispano-Suiza 400 CV, leur ravissait le record avant même son homologation. Partis de Villacoublay le 14 juillet, ils atteignaient, après 29 heures de vol, Omsk, en Sibérie, couvrant ainsi plus de 4 700 kilomètres sans escale.

Deux exploits cependant et, comme l'écrivait" L'Aérophile " " Succès natz"onaux, une fois de Plus, comPlets et sans restric­tions d'aucune sorte. Tout y est de race bien française, la conception, la préParation technique, l'énergie et le cran de l'exécutz'on ".

La mission Arrachart-Rignot

Ludovic Arrachart, tout en saluant sportivement la réussite de Girier et Dordilly, ne s'avouait pas vaincu. Dès le 28 septem­bre 1926, toujours avec son frère, cette fois, en employant un Bréguet 19 moteur Renault 550 CV, il fait une tentative. Le lendemain, il atterrit à Nize~Petrowsk dans les monts Oural, soit à près de 4000 kilomètres de Paris. C'est l'échec et Ludovic Arrachart abandonne toute idée de reprendre son record mais ne renonce pas cependant à l'aviation. Les années suivantes le verront participer à de nombreuses compétitions, prologue à la mission qu'il accomplira avec le commandant Rignot, du 24 mai au 22 août 1929.

Le projet consistait à relier Paris à Saigon dans le minimum de temps, en volant de nuit comme de jour. Approuvé initiale­ment, il fut transformé, sur les instructions du ministre de l'Air, en un voyage d'endurance et une mission de propa­gande, sans vol de nuit, par étapes de 1 500 kilomètres en moyenne, sur l'itinéraire Paris-la Chine avec retour par la Sibérie.

L'avion retenu, un Bréguet 19 type 27 Grand Raid, équipé du moteur Renault 550 CV, qui avait été construit en vue de ten­tatives pour le record de distance en ligne droite sans escale, dut faire l'objet de modifications. Il convenait, en effet, de l'équi­per de housses de protection pour le prémunir des intempéries lors des escales, d'outillage et de pièces de rechange pour répa­rer les pannes ou avaries, de vivres de réserve, et aussi d'armes défensives, dans le cas où un incident mécanique l'obligerait à se poser dans une région en proie à la dissidence.

Le vendredi 24 mai 1929, Arrachart et Rignot quittent Villacoublay à 6 heures 15 pour la première étape qui doit les conduire à Sofia où ils arrivent à 17 heures 35. Vol sans problème, malgré quelques orages au-dessus de la Yougoslavie.

Jour après jour, les étapes, distantes de 400 à 1 600 kilomètres selon les régions et les conditions atmosphériques, se succèdent. Tour à tour, Constantinople, Alep, Téhéran, Jask, Karachi, Jodhpur, Allahabad, Calcutta, Rangoon, Saigon, Hanoi, Canton, Changhai, Nankin, Hankéou, Tcheng-Tchéou et Pékin sont atteints. Chaque fois, nos aviateurs, sont reçus en héros par les autorités locales.

Cependant, il ne s'agit pas d'un voyage de tourisme et, bien souvent, les tempêtes, la brume, l'atmosphère chaude et humide des climats tropicaux, rendent la navigation difficile sinon périlleuse. A Karachi, un coup de vent au moment de l'atterrissage couche l'avion sur le côté, et le plan inférieur droit a son extrémité brisée. A Calcutta, Arrachart et Rignot rencon­trent la mousson. Les terrains sont inondés et ils ne peuvent se poser que guidés par un avion Moth envoyé par les autorités anglaises.

A leur arnvee à Nankin les aviateurs sont reçus par les autorités chinoises. Au centre, le général Yao directeur de l'aviation chinoise entre le capitaine Arrachart et le commandant Rignot.

Arrachart et Rignot vont quitter Pékin pour Moukden,

Mais c'est dans l'étape Rangoon-Bangkok, le 15 juin, que les difficultés s'aggravent. "A neuf heures, écn'vent-ils dans leur rapport, nous tentons de franchir la montagne à la première passe, celle des Trois-Pagodes, à hauteur de Yé, Nous montons à travers plusieurs couches de nuages jusqu'à 1 500 mètres environ, mais nous devons renoncer à passer et reprenons la route vers le sud, sous une Pluie violente qui ne faz't que s'accroître, C'est ainsz' qu'à Tavoy nous sommes à 25 mètres d 'altz'tude, A 10 heures 35, à hauteur des arbres, sur la forêt troPicale, ne voyant, tant la Pluie est dense, absolument n'en devant nous, nsquant à tout znstant de heurter un promontoz're ou un des nombreux arbres géants quz' dépassent d'une dn­quantazne de mètres le niveau moyen des dmes, nous partons franchement en Plez'ne mer, à dnquante kt'lomètres de la côte, C'est à pez'ne sz' nous apercevons, dans la Pluz'e, l'île de Tavoy,

Nous regagnons la côte vers Merguz', à 11 heures 20 ; t'l est absolument impossible de s'engager dans la passe qui est la seconde prévue, Nous contz'nuons ensuz'te, toujours sous la Pluie, au-dessus de la forêt inondée et de quelques vz'llages en lisière, bâtis sur pilotis, Vers 12 heures 30, sans que rien le laissât prévoz'r, un "coup de tabac " d'une vz'olence extrême préczpz'te les quelques provisions que nous avz'ons par-dessus bord, et c'est parce que nous sommes solidement attachés que nous ne suivons pas le même chemin, Le commandant Rzgnot, soulevé de son siège, est ensuz'te préczpz'té dans le fond de la carlingue,

A 13 heures, un peu au nord de Victon'a-Poz'nt, profz'tant d'une éclaz'rde, nous mettons cap à l'ouest, attezgnons l'isthme de Kra que nous remontons jusqu'à la passe; nous franchissons la montagne au ras des sommets, au milz'eu des remous extrême­ment brutaux, Il y a près de six heures que nous volons sous la Pluie, dans des conditz'ons très pénz'bles,

Un dernz'er orage nous force à passer en mer, dans le golfe de St'am, Favorisés par un léger vent arrière, nous arn'vons enfi'n à Bangkok avec le solez'l. Le terrain de Don-Muang étant en par­tie znondé, nous attendons qu'on jalonne pour nous le secteur atternssable,

Le 6 août, Arrachart et Rignot arrivent à Pékin, Ils apprennent alors que le gouvernement soviétique les autorise à survoler son

• territoire, sous réserve de suivre un itinéraire qui les ferait aller jusqu'à Yakoutsk et l'embouchure de l'Ienisseï, étant entendu qu'ils ne devraient compter ni sur des terrains, ni sur des ravitaillements en essence, Malgré ces conditions rédhibitoires nos aviateurs n'en décident pas moins la poursuite de leur voyage, espérant, sans doute, qu'un accommodement survien­drait. Mais, le 22 août, alors qu'ils ont atterri à Moukden, ils doivent se rendre à l'évidence : le retour par la Sibérie est rendu impossible,

" Alors, notent-ils, il reste trois solutions possibles: revemr a Paris par la voie des airs et par le même chemin qu'à l'aller;

" il nous paraît aventureux de traverser à nouveau le secteur Changhaz'-Hanoz' au moment où les typhons sont les Plus vz'o­lents, et le secteur Bangkok-Allahabad où la mousson persiste jusque fi'n septembre ; ou ramener le matériel en caisse par voie de mer, solution très onéreuse; enfin, vendre l'avion sur place à l'aviation mandchoue "déjà acquise au matériel

français "

Avec l'accord du ministre de l'Air, cette dernière solution est arrêtée, Le 7 septembre, Arrachart fait un dernier vol avec l'appareil, emmenant avec lui un officier pilote chinois" pour l'inz'tz'er aux partz'cularz'tés d'z'nstallatz'on ",

Ainsi prit fin la mission Arrachart-Rignot, Durant trois mois, les aviateurs avaient couvert près de 20 000 kilomètres avec leur Bréguet, sans incident mécanique notable, Aussi pouvaient-ils écrire en conclusion de leur rapport : "Depuis le déPart de Paris

jusqu'au moment où l'apparet'l fut cédé à Moukden, le moteur Renault fonctz'onna pendant 126 heures, Au cours de certaznes étapes, t'l tourna sous une Pluie vz'olente ; au sol, dans la pous­sz'ère ou le sable de certaz'ns terraz'ns, Le nombre de tours au point fixe, qui étaz't de 1 500 à Villacoublay, se trouvaz't toujours le même lors de la lz'vraison à Moukden "

Gilbert HATRY