09 - DOCUMENT : La 4 CV dans les départements de carrosserie et montage

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DOCUMENT: La 4 CV dans les départements de carrosserie et montage

Au lendemain de la Libération, la Régie Nationale des Usi­nes Renault trouva une usine démantelée et profondément désorganisée : des effectifs squelettiques, de nombreux bâtiments et installations détruits ou gravement endomma­gés, une activité extrêmement ralentie depuis plusieurs années dans certains secteurs de l'usine, une activité nulle dans les autres secteurs dont les fabrications avaient été arrêtées en 1940. Les services et les départements de car­rosserie et de montage étaient parmi les plus touchés. Les matériaux de construction et les matières premières de fabrication manquaient, la construction des véhicules de tourisme restait interdite et celle des véhicules industriels réglementée.

Ce ne fut qu'après la cessation des hostilités, au milieu de l'année 1945, qu'un programme de travaux put vraiment être mis sur pied : à partir de ce moment, la reconstruc­tion des usines fut poursuivie activement, les installations rétablies et modernisées.

C'est au début de cette renaissance que le plan de lance­ment d'un nouveau véhicule fut établI. Il s'agissait d'une « petite voiture aux conceptions hardies ", qui devait deve­nir la «4 CV,".

Tous les secteurs de l'usine, et en particulier les départe­ments de carrosserie et de montage, furent intrigués par les premières rumeurs, puis bientôt se passionnèrent pour cette fabrication nouvelle.

Le lancement d'un nouveau modèle représente, en effet, un «important travail d'équipe" où chacun apporte son concours, depuis le «dessinateur" qui étudie un détail, jusqu'au c chef d'équipe" qui mettra en route une machine spéCiale, en passant par les c ingénieurs, agents de maî­trise et ouvriers" qui doivent étudier ou réaliser les outil­lages, machines et installations.

Un des points les plus importants à fixer avant le lance­ment d'un nouveau véhicule, est celui de la cadence de fabrication. Cette cadence doit déterminer les gammes de fabrication et, par suite, l'importance du matériel, des outil­lages et des installations à prévoir. M. Lefaucheux envi­sageait dès ce moment la production de 400 véhicules par jour. Pour beaucoup d'entre nous, il faut bien le dire aujour­d'hui, ce chiffre semblait audacieux : les circonstances, et l'expérience de notre production d'avant-guerre, celle de la Juvaquatre en particulier, nous incitaient à penser qu'une prévision de 200 à 250 était largement optimiste. Après quelques discussions et hésitations, le programme fut finalement fixé à 300 véhicules : la suite a montré que nous avions été trop prudents.

Sur ces bases, le service des Méthodes de carrosserie et le bureau d'études d'outillage-emboutissage, déterminè­rent les gammes de fabrication, les outillages et les instal­lations nécessaires. En ce qui concerne l'atelier des pres­ses, il est certain que les gammes d'outillages prévues devaient permettre une cadence très supérieure à 300. Mais pour les installations de tôlerie en général, ainsi que pour les chaînes de montage, nous verrons par la suite que des compléments et certaines améliorations durent être apportés pour atteindre les productions que nous connais­sons aujourd'hui.

Au total, pour les c ateliers d'emboutissage et de tôlerie ," 3 300 outillages pesant 2 500 tonnes furent commandés et ont nécessité :

250000 heures de dessinateurs, 250000 heures de modeleurs et 1 600000 heures d'outilleurs.

220 pinces à souder et 180 machines fixes, dont 15 machines multipoints et 20 presse à souder furent commandées et installées.

D'autre part, dès que la décision de lancer le nouveau véhicule fut définitive, il fut jugé prudent de mettre en fabri­cation, avant le démarrage, une «avant-série" d'une cin­quantaine de véhicules.

Cette disposition avait un double but : 10 Permettre des essais de la nouvelle voiture sur une plus grande échelle, essais devant confirmer les qua­lités et les performances du nouveau véhicule. 20 Permettre aux services techniques et aux départements de fabrication de parfaire la mise au point des gammes de fabrication, des études d'outillages et d'installations.

En fait, nous étions tous impatients de voir construire et rouler les premières 4 CV.

La carrosserie de ces 4 CV prototypes fut exécutée avec des moyens provisoires et les «deux premières voitures" furent montées en «mai 1946 ". Les suivantes subirent un certain nombre de légères modifications et sortirent des chaînes de montage assez régulièrement jusqu'au début de 1947.

Tout le monde se souvient de ces premières voitures de teinte claire, qui semblaient minuscules à l'époque, qui intriguaient avec leur moteur à l'arrière et qui provoquaient des attroupements dès qu'elles s'arrêtaient dans une rue.

Pendant ce temps, les services des Méthodes, les bureaux d'études d'outillages et d'installations, les ateliers de construction d'outillages et les départements d'entretien travaillaient fébrilement. Il s'agissait de « démarrer en série en août 1947" et de distribuer, comme voiture de démons­tration, à l'occasion du Salon en octobre, «300 4 CV» aux différents concessionnaires Renault.

« La première carrosserie» fut assemblée pendant la pre­mière semaine de vacances et la première voiture termi­née, prête à rouler, quelques jours après la rentrée.

Je pense que dans toute l'usine, la sortie d'une nouvelle voiture de série est un événement important que l'on attend avec impatience et espoir. Mais pour certains, pour ceux qui assemblent les premiers éléments, puis qui vont suivre les différentes étapes du montage, en attendant le premier tour de piste, l'impatience se transforme en anxiété et l'es­poir devient, pendant quelques jours, la seule raison de vivre.

Il faut avoir assisté à la mise en place des premières piè­ces de tôlerie dans le montage d'assemblage, aux diffi­cultés des premières tentatives, à la descente de cette première carrosserie sur les chaînes de l'ile Seguin. Cette chaîne paraît bien longue ce jour-là; elle n'amène pas assez vite sur l'esplanade cette 4 CV perdue au milieu des Juva­quatre.

Enfin, la voiture terminée, après son long voyage sur les chaînes de l'ile Seguin, arrive au bout de sa course : un examen superfiCiel, car il n'est pas question aujourd'hui de s'arrêter aux détails, un coup de démarreur, le moteur part. Deux ou trois accélérations et la voiture roule vers la

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piste. Après quelques tours elle revient et se trouve immé­diatement très entourée : tout fonctionne normalement, mais de nombreux détails sont à corriger : un autre tra­vail long et difficile commence...

A la fin du mois d'août, «71 voitures" étaient terminées et «232" en septembre : les «300 4 CV" pour le Salon étaient prêtes. Ceci avait été réalisé grâce aux efforts de tous : techniciens, maîtrise et ouvriers.

C'est le moment de rendre hommage à tous ceux qui parti­cipèrent au lancement de cette nouvelle voiture et je suis heureux de le dire aujourd'hui, aux acteurs obscurs, «agents de fabrication, chefs d'équipes, régleurs et ouvriers ", qui répondirent non sans entrain aux efforts que nous leur demandions. L'on sentait à ce moment revi­vre 1'« enthousiasme" qui, pendant les années sombres de l'occupation, semblait avoir disparu à jamais. Enfin, l'on repartait, une nouvelle voiture allait sortir des chaînes, l'on revivait des périodes que l'on n'espérait plus. Nous étions comme un malade qui, après une longue convalescence, vient de retrouver la santé.

Pendant toute la période de préparation et pendant cette période de démarrage, toutes les volontés, qu'il s'agisse des services techniques ou des départements de fabrica­tion, étaient tendues vers «le même but» : sortir la 4 CV «dans les délais fixés et au meilleur prix de revient ".

Nous avions sans doute perdu un peu d'entraînement, la guerre et l'occupation avaient fait de nombreux vides parmi le personnel d'avant-guerre, notre matériel n'était pas encore complètement modernisé : les bâtiments et installa­tions se relevaient à peine de leurs ruines. Mais «la foi et l'enthousiasme» permettaient de reconstituer lente­ment cette «grande équipe" qui avait accompli tant de tours de force, et derrière une direction que nous appre­nions à mieux connaître, peu à peu les difficultés tombè­rent une à une.

Les difficultés, en effet, furent nombreuses.

Après la réussite du premier démarrage, les cadences ne purent monter aussi rapidement que prévu : certains outil­lages manquaient, ce qui limitait la production. A la «fin de l'année 1947 », nous n'avions sorti que «803 véhicules ".

«En 1948", après quelques mois de tâtonnements, la mon­tée en cadence se fit régulièrement pour atteindre, en décembre, près de 200 par jour et un chiffre total de 22641 pour l'année.

«En 1949", tous les outillages et installations étant mis en place, la production devait atteindre le rythme prévu et déjà le dépasser : 300 en avril, 329 en décembre, avec un total de « 70621 » voitures pour l'année. Dès ce moment, et devant le succès toujours croissant de la 4 CV, la ques­tion d'augmentation des cadences se posa. Il fallut complé­ter le matériel, multiplier et moderniser les chaînes de mon­tage. Là aussi, ce fut un travail constant de la «maîtrise" et de nos « techniciens ", par des « améliorations continuel­les» d'installations, d'outillages ou d'études de postes, que la production des véhicules put atteindre et dépasser en 1950, 400 unités par jour.

Les moyens de manutention furent mécanIses, deux nou­velles chaînes de peinture synthétique furent mises en ser­vice, de nouveaux montages d'assemblage furent construits et installés, des compléments d'installations ou d'outillages apportés en chaque point défaillant, etc. En même temps, le «contrôle» était renforcé, de nombreux perfectionne­ments de détails apportés dans l'étude et la fabrication, de façon à améliorer la qualité en même temps que la pro­duction.

«La 100 ()()()e» voiture sortait de chaîne au début de « 1950» et l'on inscrivait pendant la même année, une pro­duction de «86081 4 CV».

Cet effort fut continué en « 1951 avec 99890 voitures ",

en « 1952 avec 101 350 voitures ",

et en « 1953 avec 95 268 voitures».

C'est en «IUln 1953» que la production atteignit le chiffre record de «497 véhicules par jour ».

Comme vous le savez, la «500 00()e» voiture a été livrée en «mars 1954" et la production va atteindre en avril, le total jamais réalisé de 525 véhicules par jour.

Sans doute, ces résultats n'ont pas été atteints sans efforts de toutes sortes et sans dépenses importantes; d'ailleurs, parallèlement au développement de la production 4 CV, « d'autres modèles » nouveaux venaient s'ajouter, pendant la même période, au chiffre de la production totale.

La 4 CV risquait d'étouffer dans son berceau de l'île Seguin devenu trop étroit. Il fallait évacuer la fabrication des « Juva­quatre », puis la fabrication naissante de la «Frégate ».

Il fallut construire «Flins» et aujourd'hui, si la production journalière de 525 va bientôt être atteinte, ce sera en partie grâce à l'appui de l'usine de Flins qui montera, en avril, 80 4 CV par jour.

Reportons-nous 8 années en arrière, à l'époque où l'on commençait à parler dans l'usine de la 4 CV. Quel pas a été accompli depuis ce jour dans tous les domaines!

Si nous n'avons pas ménagé nos efforts, ni les uns, ni les autres, depuis le président-directeur général jusqu'au plus humble ouvrier ou employé, il faut reconnaître que les résul­tats ont permis de placer la Régie en tête des construc­teurs français, et d'en faire une entreprise prospère, capa­ble d'assurer, dans l'union de tous les efforts, le bien-être et la sécurité de son personnel.

«La réussite, malgré les difficultés de toutes sortes, de la 4 CV, doit rester un exemple, la preuve de nos possi­bilités immenses et une garantie pour l'avenir".

Marcel T AUVERON Directeur de la Carrosserie et du Montage.

(Extrait du «Bulletin Technique", no 21, Avril 1954).

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Nous pouvons annoncer que Louis Renault vient de créer de nouveaux ateliers outillés spécialement pour la construc­tion de véhicules industriels dont il a déjà éprouvé de nom­breux modèles depuis plusieurs années. Il ne pouvait être autrement que le constructeur de Billancourt s'intérressât plus encore au type dit « Poids lourds» et de fait, les nou­veaux venus de même que ses autres châssis présentent cet aspect définitif qui caractérise la formule de Louis Renault : une construction réellement adaptée à l'usage auquel un véhicule est destiné.

Avec l'esprit pratique et la conscience de mécanicien qu'on lui connaît, il s'est attaqué carrément aux imperfections constatées encore au véhicule industriel d'un certain poids et il s'est efforcé d'en rendre l'emploi à la fois plus facile, plus pratique, plus économique. Il a pu obvier, en outre, à cette entrave redoutée par les acheteurs et qui est l'immobili­sation souvent prolongée du véhicule par suite de répara­tion. Il y est parvenu par la possibilité parfaite de l'inter­changeabilité sur place de l'organe complet.

(<< L'Auto", du 21 septembre 1911).

Avec son esprit inventif toujours en éveil et procédant avec cette conscience en construction qu'on lui connaît, Louis Renault fut l'un des premiers amené à des réalisations pratiques et, au Concours actuel, les groupes divers que présente le constructeur de Billancourt, doivent être consi­dérés comme des machines sûres, de la plus grande sim­plicité de marche et de surveillance, et qui rendront plus que jamais de grands services dans les exploitations agri­coles et de la petite industrie, villas, châteaux, etc. Ici, pour une force motrice fixe ou amovible, élever l'eau, actionner des machines; là pour produire la lumière, toujours dans les meilleures conditions d'économie.

Ce qui distingue les groupes Renault c'est qu'ils ont été spécialement construits pour des destinations prévues et ne constituent pas des applications de fortune d'un moteur à une machine quelconque.

(Renault au Concours agricole ­« L'Auto» du 24 février 1911).