08 - Une vie de travail accomplie

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Une vie de travail accomplie

Jacques Mauguy.

Petit-fils et fils de carrossier, le destin de ma vie professionnelle m'a conduit à effectuer une longue carrière dont le dernier épisode a duré quarante-sept ans dans le milieu automobile, plus précisément aux usines Renault de Billancourt.

Au cours de ma prime jeunesse, les noms des grandes marques automobiles ont résonné dans mes oreilles d'enfant. En effet, mon père qui était un "couturier·carrossier" a occupé des responsabilités de créateur et fabricant aux Établissements Labourdette, De Dion, Renault, Berliet et Citroën; sa vie a été à la fois tumultueuse et exaltante. Il a participé à la prépa· ration de la "Croisière Noire" chez Citroën sous les ordres de MM. Vavon et Georges·Marie Hardt.

A ce moment, il travaillait à certaines études confidentielles et

M. Citroën le convoquait de temps à autre à son domicile, rue Octave·Feuillet. Parfois je l'accompagnais et je garde un souvenir en mémoire : la présence des domestiques noirs qui me faisaient peur.

J'ai aussi le souvenir des visites que mon père faisait le diman· che matin à Levallois·Perret chez les différents carrossiers et ces odeurs de vernis et de cuir dont je me souviendrai toute ma VIe.

Ma jeunesse s'est donc écoulée au milieu d'une certaine aisance matérielle, mon père ayant été successivement chef de service chez De Dion·Bouton et directeur de carrosserie. Ses relations etaient nombreuses dans le monde automobile et également parmi certains artistes en renom de l'époque qui participaient aux concours d'élégance soit à Paris, Paris· Plage ou Deauville. Je garde encore dans les yeux ces ambiances de beautés méca·

niques, brillantes, étincelantes.

Hélas, cette période heureuse de ma vie devait se terminer. La maladie de mon père lui a fait mettre un terme à sa carrière de carrossier, en 1930. Afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, mon père avait acheté une maison de transport à Maisons-Laffitte, cette entreprise était dirigée par un gérant.

La maladie poursuivait son travail destructeur et à l'époque il n'existait aucune protection sociale; ma mère espérait, sinon une guérison, tout au moins une stabilisation de l'état de mon père. Elle était dans l'obligation de vendre, au fur et à mesure des versements réclamés par les établissements de santé, les chevaux, camions et tracteurs de la maison de transport. Mais tout a une fin et nous nous sommes trouvés, en 1933, dans le plus complet dénuement.

Il fallait que ma mère assure notre existence ; ma sœur était âgée de sept ans et moi de treize. Après un certain nombre de démarches auprès de relations, elle s'aperçut que, tout en étant favorablement accueillie, aucune issue pratique n'en résultait. Elle dut se résoudre à accomplir divers travaux et, en ce qui me concerne, rechercher ce que je pouvais espérer, compte tenu des moyens financiers limités dont nous disposions.

Apprenti chez Renault

Après avoir consulté une relation de mon père, M. Kaufmann, j'ai été recommandé à M. Serre, des usines Renault. Celui-ci m'a fait embaucher en qualité d'apprenti modeleur en 1934. J'avais treize ans.

Mon contact avec l'industrie automobile a été rude. Malgré la sollicitude de l'entourage, je ne connaissais pas les rigueurs des horaires, des corvées, par exemple le déchargement des wagons de bois nécessaire à la construction et au ponçage des modèles pendant une période de deux semaines. Mais je retrouvais l'odeur du vernis de Levallois-Perret car, à cette époque, les modèles bois étaient vernis à la gomme laque et les surfaces à usiner peintes en rouge, de vrais chefs-d'œuvre dignes d'expo­sitions pour initiés.

Ma première année, en dehors des contingences matérielles à assurer, passe avec un intérêt grandissant; les cours à l'école professionnelle m'intéressent ainsi que le modelage. Je m'adapte au milieu très spécifique des modeleurs.

J'ai vu Louis Renault plusieurs fois et particulièrement quand les garçons de mon âge ont participé à la fabrication de la petite fraiseuse et du tour. Nous avons été convoqués à l'école professionnelle pour donner à Jean-Louis cette petite maquette, mais le plus heureux c'était Louis Renault. Je l'entends encore dire "ça marche 1", et il a commencé par tourner les petites manivelles, c'était son jeu, ce n'était pas celui de son fils. Tout de suite il a appelé son chauffeur et lui a dit d'emporter la maquette avenue Foch. Jean-Louis a commencé à articuler ses remerciements et, comme il s'embrouillait, son père lui a dit de sortir son papier de sa poche; puis il nous a donné, je crois, 50 francs. '

Mes meilleurs souvenirs

Avec le recul du temps et mon jugement personnel, je crois pouvoir écrire qu'un esprit de caste existait, notamment à cette époque, dans le cadre des métiers pratiqués dans l'automobile. Notre activité était techniquement rattachée au bureau d'étu­des dont M. Serre était le grand patron. Les organes nobles de la voiture étaient façonnés à l'atelier 53, modelage, moteurs, culasses, formes de carrosserie, emboutissage (les outils), ce qui faisait prévaloir le caractère indispensable de ce métier.

Mes deuxième, troisième et quatrième années m'ont apporté de solides connaissances techniques nécessaires à la bonne pratique de mon métier. Mes meilleurs souvenirs vont vers mes professeurs de l'école professionnelle de la rue du Vieux-Pont­de-Sèvres, notamment à M. Gourdou, directeur de l'école, qui m'a enseigné la géométrie descriptive pendant deux années. Il se préoccupait plus particulièrement des tôliers et modeleurs dans cette discipline. J'en profite également pour rendre hommage à M. Cassan, professeur de dessin industriel, qui savait au moment voulu nous faire un cours théorique sur l'alpinisme. Hommage également à MM. Ladreyt et Bézier, malgré le travail et la discipline qu'ils nous imposaient. Je crois que, dans l'ensemble, les jeunes gens que nous étions en comprenaient le bien-fondé. Actuellement, avec mes anciens collègues nous parlons avec beaucoup d'émotion de cette époque et aussi de respect et de reconnaissance pour ces enseignants bénévoles qui exerçaient tous une activité dans l'usine.

Je suis certain que cet enseignement par de tels hommes, issus généralement de formations techniques supérieures, a été d'une grande richesse pour l'expansion de la Régie, notam­ment pour les besoins de la fabrication.

Entre-temps j'ai assisté aux grèves de 1936, j'avoue ne pas avoir saisi le sens profond de ces mouvements. J'avais quinze ans et n'ai conservé que l'image du bonheur manifesté à la veille des premiers congés payés.

La guerre et l'exode

A partir de 1939 j'avais terminé mon apprentissage et étais "petite main". Le modelage m'intéressait en tant que métier mais je ne voyais pas d'autres débouchés que de rester à l'établi toute ma vie. Je souhaitais prendre des initiatives et assumer des responsabilités d'autres natures.

Pour réaliser ces ambitions je comprenais qu'une formation technique supplémentaire m'était nécessaire. Avec un cama­rade de l'école professionnelle nous nous sommes inscrits aux cours du Conservatoire national des arts et métiers de Paris relatifs aux constructions civiles et mécaniques; mais nous avons rapidement compris qu'une préparation en mathé­matiques supérieures était à effectuer.

Technicien à l'usine O.

Ces cours ont été suivis; cela nous demandait beaucoup de sacrifices: les études en semaine, pas de sorties les samedis et dimanches sauf pendant l'été où les cours étaient suspendus.

Cependant, l'ombre sinistre de la guerre pesait sur nous. En juin 1940 je devais rejoindre l'école des mécaniciens de Roche­fort. Le hasard a fait que le modelage se repliait également dans cette ville. Au lieu de me présenter à l'autorité militaÏI e porte de Versailles pour rejoindre cette école, j'ai parcouru le trajet de Billancourt à Rochefort avec quelques camarades du modelage.

Les événements ont été favorables à ma décision et à mon indiscipline, les Allemands occupaient l'école et mes cama­rades qui avaient obtempéré ont été faits prisonniers pendant toute la période de guerre.

Les camions de Billancourt avaient transporté les différents modèles qui furent réquisitionnés par les Allemands et nous avions, en dehors de toutes les autres pensées qui pouvaient surgir à notre esprit, le triste spectacle de voir nos chers modè­les bois déposés lamentablement sur les places publiques. Certes, c'était peu de chose par rapport à ce que nous allions connaître.

Après un mois passé à Rochefort j'étais de retour chez ma mère à Boulogne-Billancourt. J'attendis une vingtaine de jours et repris contact avec MM. Dubois et Germain, responsables du modelage. Enfin, l'embauche reprit et j'ai été dirigé à l'usine 0 (département 13). L'activité était en veilleuse et, d'autre part, mes patrons connaissaient mes intentions futures. En fait, à ce moment, il ne fallait pas être difficile.

En 1940, l'activité de l'usine 0 était le débit des bois, l'usinage, le montage et l'assemblage de différents éléments de carrosserie et, dans un autre secteur, le montage carrosserie des camions sous la responsabilité de M. Desquaires.

Au début, j'ai été employé à la réparation de certains éléments de carrosserie en bois, cela n'était guère passionnant. Une certaine matinée, au cours de mon trajet en direction de l'usi­ne 0, j'ai rencontré M. Vachérias qui était à l'époque chef d'atelier au débit des bois et responsable du service méthodes carrosserie de ce secteur. Une conversation s'est établie chemin faisant. Je lui ai fait part de mes intentions, de mon souci de perfectionnement, de ma poursuite de cours au Conservatoire et du passage de certificats sanctionnant les connaissances acquises.

Quelque temps après cette conversation, M. Vachérias me faisait convoquer à son bureau d'atelier et m'affectait au service méthodes bois. Je pouvais suivant les besoins et, sous la direction de mes chefs, pratiquer quelques petites études d'outillage et matériels qui avaient l'avantage d'être réalisées par les"petits creusots" du secteur, ce qui était très formateur. Nous pouvions nous rendre compte des erreurs de contructions que nous avions dessinées et ainsi profiter de l'eXpérience des compagnons.

Chez Daimler-Benz

La guerre se poursuivait et des dispositions concernant la main-d'œuvre pour les besoins de l'Allemagne nazie étaient mises en place. A ce moment j'étais célibataire et âgé de vingt­deux ans.

La propagande de l'époque faisait courir le bruit qu'un

échange serait pratiqué entre un prisonnier de guerre et un

ouvrier partant pour l'Allemagne. Inutile de dire que très rapi­

dement nous avons reçu des papiers nous enjoignant de partir

pour l'Allemagne. D'ailleurs un certain nombre de Français de

notre entourage nous demandaient d'obtempérer au plus vite. Je n'ai conservé aucune rancune à l'égard de ces personnes elles ne savaient pas.

Nous sommes arrivés chez Daimler-Benz en octobre 1942. Cette .usineétait implantée à 8 kilomètres environ de Mann­heim. J'ai été affecté au modelage bois; nous étions deux Fran­çais parmi une trentaine d'Allemands. Notre venue était mal prise, une arrivée de main-d'œuvre correspondait pour eux à un départ pour l'armée. Après quelques mois et la possibilité de se faire comprendre, nos rapports avec ces compagnons se sont améliorés. Sur le plan matériel nous vivions en camp dans des conditions déplorables, mais il y avait d'autres requis qui étaient encore plus malheureux.

L'usine Daimler-Benz produisait des camions, évidemment pour l'armée allemande. Au cours de ma présence forcée j'ai assisté aux défaites de l'Afrikakorps et de Stalingrad. J'ai perçu parmi les Allemands la dégradation morale, ayant avec cer­tains quelques échanges sur les événements. Je peux affirmer que, dans cette région, les Allemands moyens pensaient à la victoire possible des Alliés.

J'ai subi les bombardements anglais et amencains. J'ai vu Mannheim détruite à 80 % au cours d'un seul bombardement. Malgré ces désastres j'ai pu obtenir une permission en décem­bre 1943 pour une dizaine de jours.

De retour à Boulogne, j'ai pris la décision de ne plus retourner en Allemagne, ce qui a valu à ma mère la visite de la police française et, ensuite, de la gendarmerie allemande. Par l'inter­médiaire de parents et d'amis j'ai pu me cacher à Courbevoie et obtenir de faux papiers d'identité par un réseau de résistance de la S.N.C.F.

Par la suite, muni de ces faux papiers, toujours grâce aux rela­tions et interventions de parents, j'ai été embauché en qualité de technicien aux Établissements Langlois et Jornot à Cour­bevoie.

Retour à Billancourt

Cette entreprise occupait une centaine d'ouvriers de niveau

P.3 ; elle fabriquait de l'outillage de précision, en partie pour les besoins de la guerre (pour les Allemands, la S.N.C.F. et Renault).

M. Jornot, le patron, m'avait confié un certain nombre d'étu­des pour l'organisation de ses ateliers. La Libération venue, il m'a demandé de bien vouloir faire carrière dans son établis­sement. Je pense qu'il avait une grande confiance en moi et il m'avait, je suppose, reconnu quelques qualités au cours des différentes applications que je lui avais faites. Mais, en ce qui

Une excursion à Cabourg, au centre, M. F. Gourdou, à l'extrême droite,

J. Mauguy.

me concernait, j'avais un attachement pour Renault. D'autre part, le temps de présence auprès de M. 1ornot était en moyenne de douze heures par jour. Il vivait son usine et la faisait vivre à ses collaborateurs, par contre, il manifestait sa reconnaissance par de somptueuses.gratifications.

J'ai donc pris la décision de retourner aux usines Renault qui étaient devenues régie nationale. Au préalable, j'avais pris des contacts auprès de M. Vachérias qui m'accepta en qualité d'agent technique. J'ai retrouvé avec plaisir mes collègues et j'appréciais les relations plus ouvertes que nous pouvions avoir avec notre hiérarchie. Deux années se sont ainsi écoulées au département 13.

Des besoins au groupe montage-carrosserie se sont vraisembla­blement révélés. Ce secteur était sous la direction de M. Des­quaires. J'ai été affecté aux méthodes sous la responsabilité de

M. Salmon (qui avait quelques préjugés pour les personnes venant du bois) ; une étude d'organisation m'a été confiée, il s'agissait de créer des moyens rationnels pour la coupe des tubes carrés et leur distribution vers les différents postes d'assemblage; ces tubes, assemblés en poutre, constituaient le châssis plate-forme d'un car. Cette fabrication nouvelle et révolutionnaire pour l'époque nous a amenés à passer de nom­breuses heures pour la recherche et la mise au point mais, avec le recul, j'ajoute qu'un esprit d'équipe est apparu au milieu de ces difficultés techniques. De plus, nous avions l'esprit Renault, il fallait" que la boutique marche", notre situation et celle de l'usine étaient en jeu.

La défaite et les restrictions étant encore proches de nous, ce sont vraisemblablement toutes ces raisons qui nous galva­nisaient.

Un certain jour j'ai été appelé par M. Pétoux, chef de fabri­cation des véhicules industriels. Il m'a demandé de bien vouloir faire visiter les installations d'assemblage des poutres de car à un certain M. Beullac, il avait ajouté que ce monsieur travail­lerait â la Régie et serait certainement "un garçon d'avenir".

J'ai donc évolué à l'usine 0 encore un certain nombre d'années dans ce poste fonctionnel de technicien. Avec l'équipe j'ai participé notamment au lancement de la fabrication des " Estafettes". Ce fut une époque exaltante pour les méthodes de l'usine O. Cette usine, avec MM. Desquaires, Pétoux, Vachérias, produisait 300 véhicules par jour en moyenne (120 camions de 5 à 7 tonnes, 80 fourgons de 1 tonne à 1,4 tonne, 100 Estafettes).

Le lancement de la fabrication de l'Estafette a été, en ce qui me concerne, un des meilleurs souvenirs de ma carrière. Mon ami René Fréval assurait la mise en place du montage sellerie et mécanique, je devais assurer la peinture des pièces diverses et des caisses, bien entendu sous la direction hiérarchique de

M. Émile Salmon, patron des méthodes de l'usine O.

De nombreux problèmes se posaient : techniques, infor­mations, formation des hommes. 1e n'insisterai pas sur les sujets qui sont classiques et que l'on appelle" les montées en cadence".

Au bureau central

Vers 1958, M. Pétoux m'a dirigé vers le poste de responsable du bureau central de l'usine 0 (ordonnancement, magasinage, manutention). En effet, je devais succéder à M. Gilbert Loby qui partait à la retraite. Sans doute, mon profil correspondait à cette nouvelle responsabilité.

En 1954, à gauche, Jacques Mauguy en compagnie de MM. Desquaires et Schneider.

J'étais suffisamment initié aux fabrications de l'usine 0, mais il était nécessaire d'une part de connaître mes correspondants (le service central appelé actuellement direction de la production) et de me faire connaître d'eux et, d'autre part, de me faire admettre en qualité de responsable par le groupe de production, les responsables de magasins et manutentions de l'usine o.

Ce fut également une période où le temps ne comptait pas. J'ai eu la chance de rencontrer à mes débuts une grande compré­hension de la part de mes correspondants ainsi que la bonne entente avec mes responsables de section, notamment MM. Legay et Kérangall. J'ai été nommé cadre à cette époque.

La fabrication de l'Estafette a cessé à l'usine O. Elle a été transférée à Creil. D'autres projets concernaient l'usine o. Ils n'ont pas abouti, ce qui s'est traduit par une diminution des activités.

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J'ai été appelé à la direction de la production, sous l'autorité de

M. Streit, et affecté à la section lancement des véhicules dont

M. Menut était le patron, ce lancement s'appelait "gitologie". Il s'agissait de programmer la fabrication des véhicules à réa­liser journellement par la Régie.

Cette période de ma carrière fut également très intéressante ; de nombreuses relations étaient à assurer entre le service commercial et les unités de fabrication, également avec les services d'approvisionnements. Il fallait tenir compte de tous les aléas des usines et ceux-ci étaient de toutes natures.

Malgré l'intérêt que je portais à ce poste, il me manquait le terrain de la fabrication. J'ai été sollicité pour un poste de responsable d'ordonnancement aux Établissements Brisson­neau et Lotz à Creil, mais au dernier moment ce poste a été pourvu par une autre personne. En effet, cet emploi devait couvrir en plus de la fabrication Renault la production de voitures de marque allemande.

Cette nouvelle situation ayant échoué, j'ai donc été convoqué par M. Constantin, responsable des approvisionnements de la Régie. Il m'a demandé d'entrer à son service. J'ai refusé. Je suis donc revenu à la direction de la production où M. Streit m'a offert un poste de responsable d'approvisionnement d'units nécessaires au montage de véhicules pour nos usines belges.

Ces opérations se pratiquaient matériellement à Sèvres. Ce groupe était dégagé de l'expédition des C.K.D. qui avait été installée à Flins. Mon collègue et ami Alizard, patron de ce secteur, m'avait laissé une partie de son personnel et de ses installations. J'étais rattaché à M. Larroussinie, patron de l'U.C.M.B.

Mon chef direct était M. Gérardin, sous-directeur, et mes rela­tions d'exploitation se pratiquaient notamment avec M. Suri­ray, responsable du bureau central.

En plus de l'approvisionnement belge, j'ai eu la responsabilité au niveau de Sèvres d'expédier par chemin de fer 80 fourgon­nettes par jour à destination de la Yougoslavie. Le marché qui était passé avec les pays de l'Est consistait bien entendu à vendre nos véhicules, à condition qu'une partie des accessoires fussent montés par la main-d'œuvre locale_ Il fallait donc que je fasse démonter à Sèvres les pare-chocs, qui étaient remplacés par une lame en contreplaqué, tous les sièges sauf celui du conducteur, ainsi que les panneaux de porte et les feux avant et arrière. L'ensemble de ces pièces était ensuite emballé dans différentes caisses d'accessoires démontés et expédiés dans l'intérieur de la voiture. Le temps de montage était mesuré et s'effectuait à poste fixe. Inutile de préciser les soucis du moment pour faire respecter ces gammes. D'autre part il fallait, pour assurer cette expédition, un stock minimum de 160 véhicules sur les terrains de Sèvres. L'inquiétude de

M. Labbé, responsable du gardiennage à cette époque, était grande ainsi que la mienne, nous avions peur des "véhicules détournés", en effet, les issues étaient facilement franchissables sur les terrains de Sèvres.

Que l'esprit Renault demeure

Au cours de cette période, l'usine 0 reprenait certaines fabri­cations. A cet effet, M. Vachérias m'a demandé de bien vouloir y revenir, ce qui n'était pas fait pour me déplaire. De nouveau je retrouvais, avec satisfaction, la sellerie, l'atelier de peinture des accessoires, les ateliers de préparation ainsi que de nouvel­les techniques, notamment l'assemblage-soudure par la haute fréquence d'éléments de carrosserie (panneaux de porte, plan­che de bord, pavillons, etc.).

Peu de temps après mon retour à ce département, M. Vaché­rias prenait sa retraite. M. Gobert qui était son adjoint occu­pait le poste de chef du département et je devenais son adjoint. Par la suite M. Gobert a été appelé à la direction de la produc­tion sous les ordres de M. Bayer. M. Daclon lui a succédé. J'ai été son adjoint et ma carrière s'est terminée à ce poste, en mai 1981.

Ici s'arrète le récit de ma vie de travail accomplie. Si j'avais un message à transmettre aux jeunes et très jeunes générations actuellement en activité, j'écrirais que l'amour de son métier, l'exercice de sa profession, sont les bases fondamentales d'un bon équilibre chez l'homme. Ces dispositions facilitent les rela­tions de société, donnent le sens de l'innovation, de la respon­sabilité et génèrent l'esprit d'équipe.

Il me semble que, dans l'ensemble, notre génération a possédé ces dispositions, cet esprit à tous les niveaux. Nous avons connu un certain nombre de vicissitudes à notre époque. Elles se renouvellent actuellement pour d'autres raisons les plus diverses.

Je souhaite sincèrement que l'esprit Renault, qui était le nôtre, continue.

Jacques MAUGUY