06 - L'ancienne église de Billancourt

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L'ANCIENNE EGLISE DE BILLANCOURT

Le 20 juillet 1825, monsieur Marie Casimir Auguste de Gourcuff, proprié­taire à Paris, 97, rue de Richelieu, se rend acquéreur de la « Ferme de Billancourt », et, sur ses terrains, trace une série de voies, plus ou moins larges, qu'il vient faire aboutir à la demi-lune (place de l'Église).

Il habite la maison transformée du maître de la ferme, mais elle est séparée de ses autres propriétés par un chemin vicinal de la commune d'Auteuil. En 1832 il propose à cette commune l'échange du chemin vici­nal, qui le gêne, contre la cession de terrains et de rues et le versement d'une somme de 750 francs.

Cette proposition est acceptée par le Conseil d'Auteuil le 5 août 1832. Le 6 octobre de la même année, l'acte de cession et d'échange est signé. Le 5 février 1833 M. de Gourcuff le modifie et porte la somme de 750 à

1 .000 francs.

Mais une enquête ouverte du 18 février au 4 mars 1833 faillit tout compro­mettre, quatre propriétaires seulement sur sept s'étant prononcés en faveur de l'échange. Le Conseil d'Auteuil passe outre et approuve définitivement l'acte de cession le 7 mars 1833.

M. de Gourcuff promet alors de faire construire à ses frais, sur un emplace­ment choisi par lui, une chapelle qui sera consacrée au culte catholique (acte du 1er février 1834 complété par ceux des 20 mars 1835 et 10 mai 1836).

Il choisit bien son emplacement et fit constr!Jire la chapelle entre les rues d'Issy (Emile-Pouget) et Nationale, en vue des rues du Vieux-Pont-de­Sèvres, de la Ferme et du Cours (Émile-Zola). La chapelle elle-même a peu d'aspect, tout de suite elle est appelée « la Grange », par les employés des pompes funèbres, elle n'a en effet aucun style, pas de clocher! Le logement du sacristain se trouve sur la rue d'Issy (Émile­Pouget).

La chapelle est bénie le 15 août 1834 et prend les noms de l'immaculée­Conception et Notre-Dame. Ce n'est

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que 21 ans plus tard, le 10 juin 1855 que l'abbé Legonidec de Kerdaniel, curé d'Auteuil, délégué par monsei­gneur Sibour, archevêque, bénit le tabernacle conservant le Saint Sacre­ment.

LA PAROISSE

Après la loi d'annexion (1) les Conseils de Fabrique d'Auteuil et de Boulogne sont consultés sur l'érection de la paroisse de Billancourt.

Il faut en fixer les limites et si, en 1834 quand fut bâtie la chapelle il y avait à Boulogne 5.391 habitants, en 1859 il y en a 11.378 dont 1.800 à Billancourt.

Le 5 décembre 1859 le Conseil de Fabrique de Boulogne recoitcommu­nication du projet de l'archevêché: « L'avenue-route de la Reine sera la limite paroissiale ». Le Conseil, le 15, demande que cette limite soit ramenée au chemin de la Plaine (rue Gallieni) la distance étant trop grande entre l'avenue, l'église et le cimetière. L'archevêché accepte cette proposi­tion, mais une erreur de libellé dans l'acte, mentionne route de la Reine, il faut plusieurs démarches pour cor· riger cette erreur. Le 6 février 1861 les limites de la nouvelle paroisse sont les suivantes: (2) au nord du chemin de la Plaine (rue Gallieni), la route des Princes (avenue Victor-Hugo) la route de la Reine et les fortifications ­A l'église de Billancourt appartien­nent: l'avenue de la Reine jusqu'au nO 37; toute la rue Thiers, qui part du nO 37 de cette rue; l'avenue V.-Hugo, côté impair depuis l'avenue de la Reine et côté pair depuis la rue de la Plaine; la rue de la Plaine, côté impair tout entier, et côté pair jusqu'à l'avenue V.-Hugo.

Tout appartient à Boulogne, au point de vue municipal, jusqu'à la rue de la Plaine.

A l'est, au midi et à l'ouest, la Seine, en y comprenant l'Ile Seguin. » Ses limites ainsi définies notre cha­pelle de 1834 devient église parois­siale, la place de la Demi-Lune devient place de l'Église.

LE « CONSEIL

DE FABRIQUE»

On procède à l'élection du premier Conseil de Fabrique de cinq membres, dont 3 sont nommés par l'archevêque de Paris le 18 février 1861 avec

M. de Gourcuff et M. de Casteja, et deux, le 28 février 1861 par le préfet de la Seine. Le 7 avril 1861, lors de sa première séance, le Conseil de Fabrique prend M. de Gourcuff pour président.

Avant 1804 les curés étaient les présidents naturels des administra­tions temporelles des églises, mais, depuis 1804 l'administration des paroisses est confiée à des Conseils de Fabrique qui fonctionnent en vertu de la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) du décret du 30 dé­cembre 1809, de l'ordonnance du 12 janvier 1825. Et du décret du 27 mars 1893, les Conseils ont cinq membres pour les paroisses de

5.000 habitants et neuf pour les autres.

La première fois ils ont été élus pour 6 ans par les évêques et les préfets; ensuite à l'élection par les membres du Conseil. Les curés et les maires ne peuvent être présidents du Conseil de Fabrique, on a voulu ainsi, en ce qui concerne les curés, éviter l'influence que leurs fonctions sacerdotales leur donne, sur les déterminations du Conseil, d'ailleurs ils ne peuvent non plus être le président ni le trésorier du Bureau des marguilliers, mais peuvent en être le secrétaire. Le maire, lui, ne peut être marguillier (disposi­tion ministérielle des 21 août 1812, 25 mars 1831, 28 mars 1833, 13 mai 1865 et 3 août 1870). Les conseillers nomment entre eux trois membres comme marguilliers, qui for­ment un bureau dont le curé est membre de droit, ces marguilliers sont nommés pour trois ans.

Le3 fabriciens sont choisis parmi les notables catholiques, c'est -à -dire parmi des personnes ayant exercé Ou exercant dans la commune des fonctions publiques, également parmi les notaires, médecins, fonctionnaires, les propriétaires les plus imposés et les personnes qui ont des titres de noblesse (sous l'Empire).

En cas d'absence du président, le doyen d'âge le remplace (Conseild'Ëtat du 9 juillet 1839).

LE PREMIER CURÉ

DE L'ÉGLISE

DE BILLANCOURT

En fonction comme second vicaire à l'église de Boulogne depuis 1852, devenu premier vicaire en 1855, le curé Joseph Christophe Mathieu Marie Gentil, déjà en place à Billan­court depuis le 1er janvier 1860 est nommé curé de l'église le 17 février 1861, jour où il' donne lecture des limites officielles de sa paroisse.

Il est remarquable dans ses activités tant pour la chapelle elle-même que pour toutes les œuvres qu'il y adjoint. Sa première pensée va vers l'agran­dissement de l'église, et tout de suite il ouvre une souscription qui lui produit 15.000 francs pour des pre­miers travaux approuvés par le Conseil municipal dont monsieur

A. Thièble est le maire depuis 1855 et le resta jusqu'en 1864.

Mais le curé Gentil combat aussi pour l'école:

A ce même Conseil municipal il demande une subvention annuelle de 600 francs pour l'école Sainte­Elisabeth, construite derrière l'église au nO 50 de la rue Nationale sur un terrain offert par le banquier Adrien Delahante aux sœurs augustines hos­pitalières de Sainte-Marie, en souve­nir de mademoiselle Destrée; la commune y bénéficiait de 22 places pour des jeunes filles de la ville.

C'est en 1873, sur le reste de la surface du terrain que fut construit l'externat Sainte-Marie qui donnait sur la rue d'Issy (Émile-Pouget).

En 1860 le curé Gentil achète la blanchisserie Chorin, au 111, avenue de Versailles (av. du Général-Leclerc), et y ouvre une école pour garçons que la commune prend en charge et qui fonctionne jusqu'en 1874, à l'ouver­ture de l'école de la rue de Clamart.

En mai, à cette même adresse, il ouvre la première salle d'asile de Boulogne, elle est confiée aux augus­tines de Sainte-Marie.

Le Conseil municipal, le 6 décem­bre 1862, approuve pour cet asile le bail de 6 ans allant du 1er jan­vier 1863 au 31 décembre 1868, à raison de 1.200 francs par an. Plus tard on transfère cette salle d'asile derrière l'église, à l'école Sainte­Elisabeth. La salle d'asile fut en partie construite aux frais des sœurs et grâce à une souscription qui produisit

6.000 francs. Le Conseil municipal vote toutefois d'importantes subven­tions aux sœurs chargées de son fonctionnement car, en 1878, se trouvent là 250 enfants. Mais une fois encore on parle de déplacement!

Le Conseil achète l'immeuble Ledoux au 129, av. de Versailles (av. Leclerc) estimé entre 37.000 et 40.000 francs.

Outre l'asile, se trouveront là: un bureau de poste, le dépôt des pompes, le fourneau économique et le presby­tère, mais, à la suite d'observations de l'archevêque de Paris, on aban­donne l'idée du presbytère, le curé percevant toujours son indemnité de logement. En 1866, le 7 janvier, le Conseil de Fabrique vote un logement sur le terrain de l'église pour le sacristain et le curé.

Et le curé Gentil continue d'entre­prendre. Il se dévoue pour le pension­nat des Ursulines du 184, rue du Vieux -Pont -de -Sèvres et rue de Castéja, dans l'hôtel de monsieur de Castéja, ancien rendez-vous de chasse (ce n'est qu'en 1903 que son adminis­tration devient laïque).

Le presbytère loué par le Conseil de Fabrique est situé non loin de là, au nO 175 de la rue du Vieux-Pont-de­Sèvres, mais le curé Gentil, lui, habite rue de la Ferme au nO 3, là où de­puis 1867 est installé un orphelinat-ouvroir de jeunes filles dirigé par mademoiselle Irma Lanusse, supé­rieure des «Vierges dans le monde }) (mouvement fondé par le curé Gentil), en 1873 transporté à Ménilmontant cet orphelinat-ouvroir disparaît en

1876.

Le curé Gentil fonde également un ouvroir-vestiaire en octobre 1863, des dames viennent y confectionner gra­tuitement des vêtements pour les vieillards et les enfants pauvres de la paroisse, des layettes pour les nouveau-nés.

Il fonde l'Association des dames de charité (elle disparaît en 1873).

Dans l'école Sainte-Elisabeth il orga­nise un «fourneau économique}) et sert nombre de repas aux plus défavo­

(Fonds historique de la S.H.U.R.)

risés de la commune, ce fourneau sera à maintes reprises d'un grand secours pour les pauvres de la commune.

L'Association des «petites sœurs de l'Assomption}) est également une de ses œuvres, des petites sœurs des­cendent de Sèvres pour soigner les malades.

Il se dévoue aussi pour l'orphelinat du « Hameau fleuri », dirigé par les sœurs servantes de Marie.

Le 1er janvier 1863 le curé Gentil fonde à Boulogne la « Société des mères de famille» avec des membres participants et des membres hono­raires, qui versent tous une cotisation annuelle de 18 francs. Cette société procure à ses adhérents malades, les soins du médecin, les médicaments et une indemnité journalière de 1 franc, elle pourvoit également aux frais d'obsèques en cas de décès.

Cette société n'est-eUe pas la grand­mère de nos actuelles sociétés de secours mutuel, sinon la première? L'Association de «charité» qu'il avait fondée en 1860 et qui comprenait des membres comme associés, était éga­lement alimentée par des cotisations, les notables versaient six francs par an. Les membres qui parvenaient à recueillir dix souscriptions à six francs, devenaient membres « zélateurs ou zélatrices », l'Association organisait sa fête le 2 juillet, son succès était consi­dérable et permettait à l'Association de distribuer des cartes de bons de pain, de viande, de chauffage, elle possédait également une bibliothèque, une caisse de loyer, sa caisse des orphelins de Billancourt.

En juillet 1861 un ouragan terrible souffle sur Paris, il emporte le plafond de l'église, la ville en 1862 verse

1.200 francs pour les travaux de réfection.

Notre église peut alors contenir 500 personnes et la commune la fait assurer pour la somme de

30.000 francs le 18 mai 1862.

Le 8 février, le Conseil municipal vote la construction de chaussées et d'égouts et sont admis dans les « rues urbaines », les chemins du Cours, de Billancourt et de la Ferme. La place Jules-Guesde s'appelle encore la place Napoléon (jusqu'au 4 sep­tembre 1870), notre église est toujours entourée d'un simple treillage que l'on décide d'améliorer.

Le 12 avril 1863 le Conseil de Fabrique vote le traitement d'un prêtre auxiliaire. Il ne reste que jusqu'en 1864 et est remplacé par un vicaire, pour lequel le Conseil municipal vote une indemnité de 300 francs.

L'église est en déficit. M. de Gourcuff y remédie par un nouveau don de 300 francs en 1864 et dans sa séance du 19 janvier 1865 le Conseil de Fabrique l'en remercie.

Notre édifice n'a toujours pas de cloche, c'est encore monsieur de Gourcuff qui comble cette lacune et le Conseil municipal l'en remercie dans sa séance du 3 novembre 1867.

Depuis le 3 janvier 1864 le Conseil municipal a voté la construction d'une chapelle pour les baptêmes et les mariages, les fonds nécessaires vien­nent de la vente du matériel des pompes funèbres à l'entreprise géné­rale de Paris. Le 3 juillet 1864 il approuve la construction d'une nou­velle sacristie, devant servir de cha­pelle à l'école Sainte-Elisabeth, plus tard on la transforme en salle de catéchisme, la construction d'une autre chapelle est demandée le 6 jan­vier 1867.

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Fac-similé d'une lettre adressée le 26 janvier 1861 par le curé Gentil à l'Archidiacre, lui communi­quant le nom des Marguilliers de la Paroisse de Billancourt (communiqué par l'Abbé de Vigan chargé des Archives historiques de j'Archevêché de Paris).

Notre église n'est pas chauffée, on ne vote l'achat du calorifère que le 7 octobre 1 866.

Par bref du 7 février 1864, signé par le cardinal N. Poracciani-Clarelti, le pape Pie IX accorde des indulgences plénières, pour dix ans, aux fidèles qui visiteront l'église de Billancourt les jours suivants: Nativité, Epiphanie, Ascension, Pentecôte, Conception, Nativité, Annonciation, Purification et Assomption de la Sainte Vierge.

Le fondateur-bienfaiteur, président du Conseil de Fabrique, monsieur Marie Casimir Auguste de Gourcuff meurt le 17 mai 1866.

Le 1er juillet 1866 il est remplacé dans ses fonctions par M. Lachelin­Noël, capitaine retraité qui mourra pendant le siège de 1870 et sera lui­même remplacé par M. Chambeyron élu en mai 1871.

La mort de M. de Gourcuff frappe beaucoup la population de Billancourt qui ne peut ignorer ses bontés. A la demande du curé Gentil, monsei­gneur Darboy, par ordonnance du 5 octobre 1866, érige canoniquement dans l'église de Billancourt la «Confré­rie du Rosaire vivant », sœur de la Confrérie de Rome, association qui a pour but la récitation journalière du rosaire par 15 personnes. De la même façon avait été érigée canoni­quement l'Association de charité le 21 septembre 18ô6.

1870: LA GUERRE

En 1870 Billancourt a 3.000 habi­tants. Le 18 juillet la guerre éclate, la banlieue, bien avant Paris, sent les désagréments de la lutte. Le curé Gentil sait qu'il faut quitter Boulogne au plus vite. Le 30 août il fait évacuer sur Chartres les 24 enfants de son orphelinat, ils vont, avec leurs maέtresses, dans un couvent des sœurs de la Providence.

Boulogne se vide, les bourgeois partent les uns après les autres, c'est l'exode, les maisons ferment leurs volets. Seuls les pauvres restent exposés aux rigueurs de la guerre et de la famine.

Grâce à l'appui de personnes puis­santes, l'archevêque, le maire de la commune, le cmé Gentil s'organise pour émigrer, et, le 13 septembre il part avec 92 femmes et enfants, dans la Sarthe, à Saint-Jean-d'Asse.

Le lendemain tous arrivent au but.

Les autorités locales et les habitants de la commune mettent tout leur zèle à les aider. Chacun participe selon ses moyens.

Être séparé de ses orphelins est, pour le curé Gentil, une épreuve qu'il ne peut supporter, aussi, le 21 sep­tembre il leur fait rejoindre Saint­Jean-d'Asse.

Il est alors entouré de 122 de ses paroissiens! Le chiffre augmente d'une unité, une petite fille vient au monde à Saint-Jean-d'Asse, c'est une grande joie parmi les émigrés.

Au départ le curé Gentil est riche de

3.000 francs, il compte au plus juste 0,50 franc par personne et par jour, il se base sur cent jours. La somme est dépassée elle atteint 6.1 00 francs. Malgré des dons divers, des sermons de charité, le curé Gentil n'arrive pas à couvrir les frais.

Il emprunte 2.000 francs pour revenir à Boulogne par le train.

Pour aller à Saint-Jean-d'Asse, la Compagnie de l'Ouest n'avait pas voulu assurer au curé la gratuité du transport, pour le retour il en fut de même.

Il faut payer 2.140 francs de transport, mais avec l'appui du maire, le curé obtient le remboursement des 3/4 dela dépense le.16 mars 1871.

L'exil avait duré cinq mois: du 13 sep­tembre 1870 au 18 février 1871. Au retour, 123 personnes entourent le bon curé Gentil.

Il recoit bien des félicitations de ceux qui sont restés et ont souffert de la guerre. Le docteur Bezançon, maire de Boulogne, est particulièrement heureux de les voir revenir.

Pendant cette absence l'église a été dirigée par le vicaire, elle n'a que peu souffert des obus nombreux qui sont tombés dans son secteur, elle reste debout entourée de maisons aux murs éventrés.

LES RICHESSES

DE L'ÉGLISE

DE BILLANCOURT

Malgré les améliorations apportées par les curés de la paroisse, l'église de Billancourt n'a aucun caractère artis­tique.

Elle recoit du cardinal Morlot une relique 'de la Vraie croix, justifiée par un authentique du 22 juin 1861, revêtu du sceau de l'archevêque. Une grande cérémonie organisée à cette occasion réunit tous les fidèles à l'église.

Le département commande pour elle des tableaux qui ne sont que des copies de grands peintres.

-En 1863, une copie de la Visitation d'après Sébastien Del Piombo

-En 1864, une copie de la Sainte Famille d'après le Titien

-En 1866, une copie de Mater Dolorosa, d'après Philippe de Cham­paigne et une copie de l'Assomption d'après Prudhon.

Le 5 juillet 1868 le Conseil de Fabrique vote 100 francs pour une niche d'exposition en rapport avec l'ostensoir en vermeil donnÉ à la

paroisse.,~

Le 5 avril 1869 il se prononce pour l'éclairage au gaz.

Les fonts baptismaux, à gauche de la porte d'entrée, ne sont qu'une cuve très ordinaire avec vitrail de saint Denis de Paris.

Le bas-côté de gauche (chapelle St-Joseph), est éclairé par trois vitraux:

Sainte ~Genevière nde Paris; rsaint­François, d'Assise; saint-Josephj.et l'enfant.

Autel de Saint-Joseph au fond.

A droite du chœur, l'autel de la Vierge, le bas-côté éclairé par les vitraux représentant: la Vierge ­saint Antoine de Padoue -saint Augustin et Saint Louis.

Dans le cabinet de monsieur le curé, les tableaux de : « La Vierge au raisin» d'après Mignard, de sainte Thérèse,

de l'Adoration des mages et de

l'Ermite en prière.

Deux statues de Notre-Dame de

Lourdes et de saint Antoine de Padoue, comme celles ornant le chœur et les deux autels des côtés, ne sont que des plâtres que l'on dit « style de Saint­Sulpice».!

L'église donne une impression de pauvreté; Elle est aussi trop claire. Seul le maître-autel en mosaïque de style byzantin à fond orné de pierres de couleurs est chatoyant et brille de mille f~uxà la lueurdes cierges. C'est le seul point remarquable de l'ensemble. Il représenté l'agneau entre deux paons dont laqueue est déployée pourformer le dessous de l'autéL' ,

. -~ .

Le tabernach3est ,fait .. de même manière.

Cette décoration €! été obtenue par les dons des fidèles qui ont déposé dans le tronc de saint Antoine de Padoue, des déchets d'or et de bijoux brisés.

L'orgue est petit et ne sera changé que le 20 avril 1884 pour la somme de

2.500 francs.

Lors de la séance du 6 juillet 1873, le curé Gentil annonce au Conseil de Fabrique son départ pour la cure de Notre-Dame dê la' Croix à Ménilmon­tant -Paris. l'

Il fait don à l'église de son ostensoir en or valant 1.000 francs.

Le curé Gentil se dévoue pour sa nou­velle paroisse comme il s'est dévoué à celle de Billancourt, le 1er août 1878 il est nommé chanoine titulaire de la cathédrale, épuisé, il meurt le 23 décembre 1880.'

Sa famille donne à l'église de Billan­court son calice en V1ermeil. avec émaux cloisonnés et qUatre aubes brodées. Le curé Gentil a laissé à la paroisse de Billancourt un souvenir inoubliable, H fut regretté de tous.

*

* *

Le 2 août 1873 le 2e vicaire de Saint­François-Xavier à· Paris, . François Auguste Marbot est mis en place comme second curé de Billancourt par le vicaire général Charles Bayle. Il le reste jusqu'en 1895: d

Comme le curé Gentil il veut trans­former son église. II· fait part à la Fabriqué de la nécessité d'un vicaire et obtient satisfaction. Les fonds sont votés le 21 janviér 1875. Cette alloca­tion sera supprimée le 1er janvier 1880, le vicaire ayant pris un congé en 1879 sans prévenir la municipalité.

Pour les travaux à exécüter' le curé n'est pas non plus d'accord avec la municipalité, mais il est suivi dans ses idées par le Conseil de Fabrique. Il envisage: des travaux d'agrandisse­ment pour le magasin du matériel, la transformation de la sacristie der­rière l'église en salle de catéchisme, pour installer la sacristie dans l'asile Sainte-Elisabeth.à gauche de l'église.

Les travaux décidés par tous sont modifiés par la fabrique et le curé, sans prévenir la municipalité! On construit le logement du sacristain dans la pièce qui devait servir de sacristie, une chapelle là où devait être la salle de catéchisme et une nouvelle sacristie.

Tout cela amène de grosses dépenses, de grands changements dans l'édifice. Le curé avoue à la fabrique, le 26 octobre 1877 qu'il reste

3.000 francs à payer. La somme est ramenée à 1 .300 francs.

En novembre 1878 le Conseil muni­cipal est encore appelé à voter des crédits pour des travaux nouveaux et urgents, le 14 novembre il nomme une commission qui blâme le curé dans sa séance du 1er décembre 1878, mais fait voter 6.658,82 F pour remplacer les mauvais planchers et établir une voûte en plâtre sous le comble conservé.

Le 9 novembre 1879 le Conseil muni­cipal vote la suppression, à partir du 1er janvier 1880 de l'indemnité de logement de 1 .000 F accordée au curé de Billancourt, car celui-ci a protesté contre la brusque laïcisation de l'asile et qualifié la mesure d'injuste et de violente dans une circulaire livrée à la publicité.

La municipalité ne verse donc plus d'indemnité au curé, ni au vicaire, et le Conseil de Fabrique doit y remédier en votant une indemnité compensa­trice de 1.300 francs.

Le 31 juillet 1881 le maire,

M. E.L. Liot, officier d'académie, présent à la séance du Conseil de Fabrique, insiste sur la nécessité d'un inventaire des objets de la fabrique.

En 1879 le Conseil de Fabrique a dû se retirer, et le nouveau Conseil est ainsi nommé:

-3 membres dont M. de Chirac d'Apchier, par l'archevêque et,

-2 membres, dont M. Blanche père, par le préfet.

Ce dernier est élu président et le restera jusqu'à sa démission pour raison de santé, pour être remplacé le 21 avril 1895 par M. le comte de Chirac d'Apchier qui meurt le 9 août 1903 à 78 ans et est à son tour remplacé à la présidence du Conseil de Fabrique par M. Delbosc.

1879: on parle toujours d'agrandir l'édifice! Et l'on fait appel à l'archi­tecte H. Sabine qui rédige un projet

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dont la somme totale se monte à

10.000 F. Dans ce projet on voit: « nouvelle façade -élargissement des bas-côtés », on ne parle pas des frais supplémentaires, à évaluer, pour la construction d'une nouvelle voûte pour la grande nef.

Le fabricien Delahante avait fait don de 5.000 F pour l'agrandissement de la chapelle des :catéchismes, on hési­tait aussi sur ce projet.

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Plan des différentes parcelles sur lesquelles l'Eglise de Billancourt fut édifiée (aujourd'hui bâtiment de la DCPRS)

Le temps passe... Voici 1892, on parle, comme toujours d'agrandir l'église. Cette fois c'est l'architecte

G. Grosset-Magagne avec l'entre­preneur M. J. Maufront qui s'en­gage à exécuter les travaux pour

32.000 francs, Aucune suite n'est donnée.

En 1895 le curé Marbot a 74 ans, il est remplacé par l'abbé Victor Charon, vice-chancelier de l'archevêché, qui est mis en place le 4 juillet 1895 par l'abbé Caron, vicaire général, archi­diacre de Notre-Dame de Paris.

Le curé prend l'engagement de se consacrer à l'agrandissement de l'église et même à sa reconstruction.

Il utilise ses ressoürces personnelles et les sommes recueillies par le tronc de saint Antoine de Padoue, ce qui lui permet de doter l'église restaurée, agrandie, du beau maître-autel dont nous avons parlé dans les richesses de l'église, de deux petits autels, d'une nouvelle chaire, d'un nouvel orgue et de six vitraux.

Le 15 juillet 1895 il remercie les fabriciens de leur aimable accueil. Lui aussi veut modifier. Il fait voter la fonction de suisse-bedeau; désigne un emplacement pour la nouvelle chaire.

Le 12 décembre 1897 notre église est dans l'attente. Ce jour l'archevêque vient la visiter. Il se montre heureux des résultats obtenus.

Le 30 décembre 1897 il est décidé que l'église de Billancourt se char­gerait de l'exploitation directe des pompes funèbres pour les enterre­ments catholiques (le régleur étant un employé de la mairie). 500 F sont votés pour l'achat d'un local destiné au matériel des pompes funèbres. Le sort s'acharne sur notre église, un orage inonde la salle de sacristie qui s'effondre. Le 31 juillet les crédits pour réparation sont votés.

*

* *

Avec 1900 une sene d'études commence pour l'agrandissement, la restauration, la reconstruction de l'église.

On parle d'emprunt. On parle de prise de terrains: sur la place, ou sur le terrain des sœurs de l'école Sainte­Elisabeth, mais à cause de la donation de 1854 de M. Delahante, cette der­nière idée est avortée.

On persiste alors sur la prise de terrain sur la place elle-même. Une lettre­demande du Conseil de Fabrique au Conseil municipal le 9 décembre 1900 explique le pourquoi: les cérémonies de la 1re communion ont été très difficiles, l'église est trop exiguë, le nombre des paroissiens augmente chaque année,

(( Considérant que le terrain sur lequel (( est bâtie l'église actuelle à la forme (( d'un trapèze, ayant à sa base (( 40 mètres environ, à son sommet (( 18, avec une hauteur de 30 mètres (( seulement; qu'un tel terrain ne (( présente pas une profondeur suffi­(( sante pour la construction d'une (( église de dimension convenable et «en rapport avec l'accroissement (( prévu de la population de Billan­(( court.

(( Considérant qu'une emprise de ter­(( rain ne peut être faite au chevet (( de l'église, lequel est immédia­(( tement contigu à la propriété des (( sœurs de Ste-Marie; qu'il paraÎt (( possible, au contraire, en reportant (( la façade antérieure de l'église, sur (( la place où elle est située, d'environ (( 7 mètres en avant, de donner au (( monument projeté la profondeur (( qui lui est indispensable.. , ))

Une pétition couverte de plus de mille signatures vient appuyer cette lettre-demande, mais restera lettre morte. Le curé, averti, en fait part au Conseil de Fabrique.

C'est le 8 décembre 1901 que l'archi­tecte Pradelle établit un devis, et deux plans, il en présente un de 50 à

60.000 francs à la séance du 12 jan­vier 1902 s'orientant sur l'agrandisse­ment. Il présente l'autre à la séance du 22 janvier 1903 de 75.000 francs pour, purement et simplement, construire une église nouvelle, double de l'église actuelle, au même emplacement.

Le Conseil de Fabrique penche pour la construction nouvelle qui serait un superbe monument, mais il faut des crédits importants. Finalement on décide simplement un petit agrandis­sement. L'église est pauvre malgré les nom­breux dons qu'elle reçoit, et si l'état verse au curé 900 francs par an, les trois vicaires eux, ne perçoivent rien. Après ces différents agrandissements, l'église recouvre donc les 3 parcelles cadastrées 6-7 et 22. Les curés s'y succèdent. Après l'abbé Charon viennent entre 1900 et 1910 le chanoine Petitdemange et le cha­noine Mignard. 1939 -La guerre! Le père Pétron est curé de l'église paroissiale de Billan­court. C'est un curé jovial qui ne craint pas de converser avec les ouvriers des usines qui passent devant son église. La fête paroissiale a lieu, comme chaque année le 8 décembre, jour de l'Immaculée-Conception. Elle aura lieu pour la dernière fois le 8 décem­bre 1942 car, au cours du bombarde­ment aérien sur Boulogne-Billancourt le mardi 2 avril 1943, notre église est entièrement détruite, le presbytère incendié, toutes les archives détruites. En 1949 les parcelles 6 et 7 sont retenues par l'Association syndicale de remembrement de Boulogne, mais en 1958 le projet ne se réalise pas, la commune reprend ce qu'en fait elle n'avait jamais cédé. En 1961 la Régie nationale des Usines Renault achète l'ensemble des lots, elle avait déjà construit dessus le bâtiment de la D.C.P.R.S. pour y installer les services de son person­nel, bâtiment ouvert au public le 5 décembre 1958.

M. Couratier, dans son ouvrage des rues de Boulogne en fait la définition suivante:

(( La grandeur matérielle de ce bâti­(( ment, purement temporel, contraste (( étrangement avec la pauvreté vrai­(( ment évangélique de celui qui (( traduisait (ou trahissait) le spirituel(( du Billancourt d'antan. ))

Nous sommes loin de la place de la Demi-Lune de 1834, mais la place de Bir-Hakeim, avec ses vieux arbres, a su conserver un aspect un peu pro­vincial.

Carmen Alexandre

(1)

Cette loi dont l'inspirateur était le baron Haussmann fut promulguée le 3 novembre 1859 et sa date d'entrée en application fixée au 1·' janvier 1860. Auteuil étant annexé à Paris. Billancourt qui faisait partie de son territoire fut rattaché à Boulogne.

(2), Histoire de Boulogne par Penel-Beaufin

(3)

Les rues de Boulogne par Couratier

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