05 - Renault en Belgique

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Renault en Belgique

1 -Les origines

La première voiture sans chevaux en Belgique fut, d'après les légendes namuroises, celle de Hubert Pétiaux, né à Namur à la fin du XVII' siècle et décédé le 10 janvier 1751.

Puis, entre 1870 et 1880, MM. Bede et Palmers de Groote, contemporains de M. Bollée, firent preuve de beaucoup de courage et de ténacité dans la recherche de véhicules à traction mécanique.

De ces deux précurseurs, nous ne retiendrons que l'invention de M. Palmers de Groote en 1876. Ce véhicule, un tricycle à vapeur à 2 cylindres, chaudière Fields, châssis métallique, roues en fer et suspension avant par ressort transversal, pesait 1 000 kilogrammes et ne dépassait pas les 10 kilomètres à l'heure. Il fut exposé à l'Exposition Universelle de 1880.

Trois autres véhicules à 4 roues furent ensuite construits par ce précurseur, puis, à nouveau, un tricycle en 1885. Celui-là, équipé d'une chaudière à vapeur de Dion-Bouton-Trépardoux.

En 1892, M. Palmers de Groote consulte M. Levassor. Il veut équiper un nouveau véhicule d'un moteur à pétrole. Il construit alors, en 1894, une voiturette en vis-à-vis, d'un poids de

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BBIIULT

eD Belgique

précédé d'un aperçu de l'histoire de l'automobile belge.

170 kilogrammes, la plus légère automobile de Belgique, la plus petite aussi avec 1 mètre de voie et 1,20 mètre d'empattement.

Décédé en février 1908, ce Limbourgeois avait été indiscuta­blement le premier constructeur belge dans la catégorie des engins destinés au transport de personnes.

La suite de l'histoire de l'automobile en Belgique fut fortement influencée par l'exemple de la France:

1894 -Dasse à Verviers : tricycle 3 places, monocylindre, allumage par brûleurs.

1895 -Vincke à Malines : calèche à moteur arnere Benz. Création par quelques industriels carolorégiens (Charleroi) et liégeois d'un syndicat d'étude destiné à faire les frais de construction et d'essais d'une voiture automobile. Constitution de la S.A. des Ateliers Germain à Monceau-sur-Sambre.

1896 -Premier Salon du cycle et de l'automobile à Bruxelles, marché de la Madeleine. Voiturette Lemaire et Paillot à Herstal. Voiturette L. Nagant à Liège.

1897 -Première voiture Germain à moteur Daimler Phénix.

1898 -Quinze voitures Germain sont fabriquées par mois.

1899/1900 -Dans toute la Belgique des ateliers se créent; l'automobile a de nombreuses années de prospérité devant elle.

II -Différentes marques connues; quelques particularités propres aux véhicules belges.

A -Germain (1895-1914)

D'abord équipées du fameux moteur Daimler Phénix jusqu'en 1903.

1903 -Création du premier moteur typiquement belge, un 15/18 ch, 4 cylindres, soupapes latérales, double allumage, boîte à 4 vitesses.

1906 -Châssis en acier embouti. 1912 -15 ch, arbre à cames en tête, graissage sous pression, carros­serie Germain et d'Ieteren. 1914 -La Première Guerre mondiale arrête la production qui ne sera jamais reprise.

Germain 1900.

B -Nagant (1900-1928)

A l'origine Gobron-Brillé, fabriquées sous licence jusqu'en 1905.

Ensuite construction belge, solide, bien faite.

1909 -Moteur à soupapes latérales 2,6 litres.

1913 -Régime moteur incroyable pour l'époque : 4000 tours maximum. 1914 -Moteur 4,5 litres à double arbre à cames en tête. Début de la participation de la firme en compétition. 1918 -Toujours beaucoup d'intérêt pour la compétition, puis absorption de Nagant par Impéria.

Nagant 1928.

C -Impéria (1906-1929) -Impéria-Excelsior (1929-1949)

1908 -4 cylindres soupapes latérales, vilebrequin sur roulements à billes.

1909 -Voiturette 10 ch, puis 12 ch, 4 cylindres coulés en un seul bloc.

1918 Impéria Abadal : 8 cylindres en ligne, 6 litres de cylindrée, arbre à cames en tête, freins sur les 4 roues. 1923 -Retour au 4 cylindres, plus économique. 1927 -6 cylindres, soupapes latérales. 1934/1940 -Obtention des droits de fabrication de l'Adler Trumpf à

traction avant. Plusieurs modèles vendus en Belgique sous le

nom de Minerva-Impéria.

Impéria 1937.

D -Minerva (1900-1939) 1900 -Bicylindre 6 ch à transmission par chaîne. 1905 -Voiturette monocylindre Minervette. Voiture 4 cylindres, 14 ch, transmission par arbre. 1906 -6 cylindres, 40 ch, qui donna naissance à une 12 litres qui remporta en 1907 le Circuit des Ardennes. 1908 -Adoption du moteur sans soupapes Yale-Knight. 1913 -Première place à la Coupe d'hiver. 1919 -4 cylindres, 20 ch, freinage sur les roues avant. 6 cylindres, 40 ch, freinage sur les roues avant. 1925 -6 cylindres, 2 litres qui remporta un grand succès auprès des connaisseurs de l'époque. 1927 -A.K.S. 150 ch, 146 kilomètres à l'heure. 1930 -La plus belle de toutes les Minerva, type A.L., moteur Straight 6 litres. 1935 -Reprise de la firme Impéria. Nouvelle dénomination Minerva­Impéria-Excelsior.

Minerva 1930.

E -F.N. (Fabrique nationale d'armes de guerre) Automobiles (1899-1936)

1900 -Voiturette 2 cylindres, 3,5 ch, 100 exemplaires. 1906 -Adoption de l'essieu oscillant. 1909 -Fabrication de 3 à 4 voitures par jour. 1914 -Production: 5 voitures par jour. 1918 -Sortie de la 4 cylindres 1 250 cm'. 1923 -Sortie de la 1 300 cm', soupapes en tête à tiges et poussoirs, freins sur les 4 roues. Différents modèles: 1 400, 1 625, dérivés de la célèbre 1 300 jusqu'en 1933. 1934 -Création du modèle Prince Albert. 1936 -Arrêt de la production des automobiles mais continuation de la production des motos, de camions et d'armes jusqu'à nos jours. F.N. Prince Albert 1935.

Quelques autres marques belges: Miesse (1896-1926) ; Vivinus (1899-1912); Pipe (1898-1922); Mathieu (1902-1904); Excelsior (1903-1932); Fondu (1906-1912); Métallurgique (1898-1928) ; Springuel (1907-1910) ; Hermes (1906-1909) ; jenatzy (1898-1903) ; Bovy (1904-1910) ; etc.

La diversité de la construction automobile belge faisait écrire les lignes suivantes dans la revue " La Vie automobile" du 29 janvier 1910 : "Notre seul rival Ge parle bien entendu exclusivement au point de vue technique), notre seul rival, c'est le Belge. L'Anglais ne sait pas faire de la bonne mécanique; l'Américain lui est nettement supérieur, il a fait des progrès énormes ; mais il a encore de longues années devant lui avant de suffire aux besoins nationaux. L'Allemand est toujours sérieux et probe, mais il n'y a qu'une Mercedes. L'Italien n'a jamais vu dans l'automobile qu'une séduisante spéculation financière. Mais le Belge... Il aime tant son métier, il est si naturellement sérieux, il possède généralement une culture si étendue, que tout ce qu'il fait est calculé, réfléchi, soigné. En somme, et ceci dit tout bas, mieux vaut pour nous Français que la Belgique soit un petit pays ".

Eh oui, tout est là. L'exiguïté du pays et le besoin de réaliser un produit parfait sur bien des points ont conduit l'industrie automobile belge à la faillite. Main-d'œuvre très chère donc produits très chers par rapport à la concurrence étrangère.

Actuellement quelques constructeurs isolés tentent encore de commercialiser leurs produits qui s'adressent surtout à une clien­tèle très réduite et privilégiée, Mean et Apal, par exemple. L'activité principale du pays dans le domaine automobile est remplacée par l'industrie de montage de véhicules étrangers.

III -Le marché automobile en Belgique

D'après ce que nous avons décrit aux deux chapitres précé­dents, nous pouvons déterminer les caractéristiques principales du marché automobile en Belgique. Au début du siècle:

diversité importante des modèles et types de véhicules ;

nombreuses marques belges et étrangères ;

beaucoup de véhicules luxueux et très performants ;

une pléthore d'ingénieurs et d'amateurs de l'automobile.

88 Ces différentes caractéristiques ne vont faire qu'évoluer au fil des années.

Après la Première Guerre mondiale, l'industrie automobile belge prend de plus en plus d'importance. Conjointement, tous les grands constructeurs d'automobiles étrangers s'implantent ou veulent s'implanter dans le pays. Tous les véhicules, ou pres­que tous les véhicules automobiles construits dans le monde peuvent déjà être achetés en Belgique.

C'est dans ce marché, l'un des plus ouverts du monde, que Louis Renault déjà présent depuis 1908 veut implanter, en 1922, l'Agence belge des automobiles Renault.

IV -Renault en Belgique

Lorsque, par un beau matin de 1908, Lucien Loppart décida de se rendre à Billancourt pour y rencontrer Louis Renault, ce Liégeois d'origine n'imaginait sans doute pas l'ampleur des suites qu'allait avoir sa démarche. Il voulait voir le jeune constructeur français pour obtenir de lui la distribution en Belgique des voitures Renault.

Ancien coureur cycliste ayant connu son heure de gloire, Lucien Loppart avait décidé d'abandonner le sport actif, à la fin du siècle dernier, pour ouvrir un commerce de bicyclettes et un atelier de fabrication.

Mais l'automobile, entre-temps, avait fait son apparition sur les routes et Lucien Loppart s'intéressait vivement à son évo­lution et à son développement rapide. Il avait notamment beaucoup d'admiration pour Louis Renault qu'il rencontra à Billancourt. L'industriel fut impressionné par la prestance, le bon sens et le réalisme de l'athlétique Lucien Loppart, et il accepta de lui confier la vente de ses voitures en Belgique.

Lucien Loppart céda son commerce de cycles à Liège et se mit aussitôt à l'ouvrage pour jeter les bases d'un premier réseau de vente. Bruxelles, Charleroi, Anvers et plus tard Mons, Verviers, Bruges, furent les premiers à être dotés d'une agence.

C'était l'époque héroïque de la vente, celle où les concession­naires allaient eux-mêmes chercher leurs voitures à Paris et les ramenaient par la route à des vitesses qui n'étaient d'ailleurs pas toujours celles prescrites par le constructeur pour la période de rodage.

Il s'agissait, la plupart du temps, de châssis nus, sans pare­brise, que les carrossiers avaient pour mission d'habiller.

Création de l'Agence belge des automobiles Renault

Comme un peu partout dans le monde, les chiffres de ventes de Renault en Belgique ne tardèrent pas à monter en flèche. Très vite, et alors que l'Europe s'était débarrassée des séquelles de la

Le siège de Renault-Belgique à Bruxelles.

L'implantation de Renault en Belgique.

Grande Guerre, la nécessité se fit sentir de passer à un nouveau stade : l'organisation d'un véritable appareil de vente que Lucien Loppart ne pouvait assurer, faute de moyens financiers.

On fit appel à des capitaux belges et, sous l'impulsion de Louis Renault lui-même, fut constituée, le 1"' décembre 1922, une société baptisée" Agence belge des automobiles Renault". Sur les 1 800 parts souscrites, 600 le furent par Lucien Loppart et 495 par la Société Anonyme des Usines Renault. Mais, si Lucien Loppart était majoritaire dans la société, Louis Renault en était le président. Le siège social était situé aux numéros 17-19 de la rue des Bataves à Etterbeek, et le premier directeur de l'Agence fut M. Régnier.

Une succursale de Billancourt à Haren

En 1924, un rapprochement avec la Bruxelloise d'Auto­Transports entraîna une substantielle augmentation de capital, lequel passa de 900 000 à 1 800 000 francs.

Et, tandis qu'à Billancourt la production ne cessait de croître, tan­dis qu'un peu partout en Europe l'automobile devenait un objet de passion et une ambition première, Louis Renault voulut donner plus d'essor encore à l'entreprise belge.

Les problèmes d'acheminement des véhicules vers la Belgique, de leur stockage, de leur entretien, deve­naient de plus en plus aigus. Louis Renault décida alors la création en Belgique d'une importante succur­sale de l'usine de Billancourt en pleine extension.

Le 29 décembre 1925, il fit l'acqui­

sition d'une propriété de 42 229 mètres carrés à Haren-Vilvorde (avenue de Schaerbeek et rue des Prairies). Les bases de la future usine de montage étaient jetées. Elle allait être la première et est toujours, avec celle d'Espagne, la plus importante des usines Renault'hors de France.

En 1926, ce n'était cependant qu'un hangar de 2 361 mètres carrés qui servait de centre de distribution.

Louis Renault prend les choses en mains

Dans l'année qui suivit l'achat des terrains, on opéra à l'Agence belge un transfert de parts dont 352 de Lucien Loppart à la

S.A.U.R. Louis Renault devenait ainsi à son tour majoritaire à l'Agence belge et Lucien Loppart se retirait de la société pour devenir agent direct Renault à Bruxelles. ­

Autre modification: le siège était transféré au numéro 91 de l'avenue Louise à Bruxelles. Il s'agissait d'une maison de maître dont l'écurie et la remise autorisaient le stockage de 7 voitures au total.

Cette période de bouleversement fut le signal du véritable développement des ventes Renault en Belgique avec, aussi, la coexistence de l'Agence belge et des services commerciaux de ce qui n'allait pas tarder à devenir l'usine de montage. Un accord avait été conclu entre les deux directions : la première diffusait les véhicules Renault dans le Brabant -qui représentait une grosse part du marché -, les seconds vendaient partout ailleurs en Belgique. Six agences furent créées à Bruxelles et toutes les grandes villes du pays eurent bientôt la leur. On imagine que, dans ces conditions, les chif­fres de vente reflétèrent l'effort accompli dans un marché en plein développement, lequel allait permettre, au cours de l'année 1930, d'enregistrer, pour la première fois, l'immatricu­lation de 10 000 véhicules neufs (toutes marques).

En 1929, l'Agence belge avait loué, rue de Livourne, un garage qui pouvait accueillir 15 voitures mais, en 1932, les choses devinrent beaucoup plus importantes. Un nouveau garage fut loué rue de Lens, il comportait 2 étages et il y avait place pour 110 voitures. L'effectif y était de 25 ouvriers et 10 employés ce qui, pour l'époque, donnait déjà de l'envergure à l'affaire.

Début du montage à Haren

Pendant ce temps à l'usine de Haren, s'organisait un rudiment de montage qui avait pour but la préparation et la pose de quelques pièces sur les véhicules qui arrivaient par wagons de Billancourt. Ce montage n'avait, bien sûr, rien de commun avec ce qui se fait aujourd'hui sur les 2,5 kilomètres de chaînes de l'usine de Vilvorde.

Mais les choses évoluaient vite et, en 1934-1935, on construisit le premier hall de montage proprement dit, comprenant 3 tra­vées de 140 mètres de long, sur une largeur totale de 56 mètres.

ces voitures? ". On les vendit tant et si bien que les chiffres passaient à 10 véhicules par jour avec un effectif de 140 hommes.

Nouvelle gamme à Billancourt

A Billancourt, durant les années de l'après-guerre, la construc­tion Renault était entrée dans une nouvelle période. Une 8 ch, baptisée Monasix, avait vu le jour en 1927. Son succès fut éphé­mère mais, par contre, les Vivasix (1927), Monastella et Vivas­tell a (1928) faisaient une brillante carrière. Cette série de 6 cylindres allait être complétée, en 1932, par la Primastella équipée d'un moteur de 16 ch de 3 litres de cylindrée. Parallè­lement à ces modèles qui étaient les voitures moyennes de la gamme, Renault sortit à partir de 1928 une série de 8 cylin­dres, voitures de grand luxe qui prirent le relais de la 40 ch.

Après la Monasix dont la production fut arrêtée en 1931, la Primaquatre prenait un départ foudroyant. Elle était construite à partir du même châssis mais était équipée d'un moteur 4 cylindres de Il ch.

En 1937, Renault présenta la juvaquatre qui fit sensation. C'était la première voiture Renault à coque autoporteuse, tout acier et roues avant indépendantes. Offrant 4 places, elle rou­lait à 100 kilomètres à l'heure et ne consommait que 7 litres aux 100 kilomètres en vitesse de croisière.

Plan de l'usine de Haren.

Louis Renault témoignait ainsi de son intention de créer une usine d'assemblage permettant d'atteindre une production appréciable au moyen de main-d'œuvre et de produits belges. Un hall d'exposition fut créé à front de l'avenue de Schaerbeek et, en 1935, alors que la superficie totale des constructions atteignait 6 426 mètres carrés, on produisait 5 à 6 véhicules par jour avec un effectif de 80 hommes.

M. Rigaux, qui à l'époque était directeur de l'usine, eut alors cette parole teintée d'inquiétude: " Mais qui va vendre toutes Elle garda la faveur du public, même après la guerre qui inter­rompit une carrière qui s'annonçait prestigieuse. En effet,' dès 1938, près de 9 000 juvaquatre avaient été vendues et, en 1939, on enregistrait plus de 18 000 ventes. Ces succès se reflétaient également dans les chiffres de vente en Belgique et, en 1940, plus de 18 000 véhicules Renault dont 14 600 voitures parti­culières figuraient dans le parc automobile belge qui s'élevait à l'époque à près de 169 000 unités. La part de Renault repré­sentait donc plus de 10,6 %.

Vinrent mai 1940, la saisie du garage de la rue de Lens par les forces allemandes et la destruction partielle des installations de Haren par un bombardement au cours du printemps de 1943. Après la Seconde Guerre mondiale, il fallut pàrer au plus pressé et redonner une activité à l'usine.

Plus de 2000 véhicules montés à Haren en 1948

Les opérations de reconstruction des installations de Haren furent menées à bien et, en 1948, l'apparition de la 4 CV sur le marché belge hâta le développement de l'usine d'une part, celui du réseau de vente de l'autre. Alors qu'en 1947 on n'avait monté que 192 petits véhicules industriels, 2 114 véhicules sor­taient des chaînes l'année suivante, chiffre qui passait à plus de 5 000 en 1949. Dans ces conditions, les installations disponibles ne pouvaient plus suffire. De nouveaux agrandissements furent entrepris et on nota, dès 1947, la construction d'un premier bâtiment social.

Sur le plan commercial, l'expansion suivait de près le même rythme. L'acquisition du garage de la rue de l'Aqueduc en 1946 se fit avec intervention de la Société Belge de Banque, en raison du blocage des fonds. 2 784 véhicules Renault furent vendus cette année-là. L'année suivante, le siège s'installait également rue de l'Aqueduc, tandis que les parts de la Société Anonyme des Usines Renault dans l'Agence belge étaient transférées à la Régie Nationale des Usines Renault. A partir de ce moment les points de vente, les succursales, les agrandis­sements, les transformations se succédèrent sans trêve et, en 1947, les ventes montèrent à plus de 9 000 unités, un chiffre qui, pourtant, ne fut plus atteint avant 1955.

Projet d'autoroute

A Haren cependant, des difficultés surgirent. Un nouvel agran­dissement de l'usine, en 1949, avait porté la production annuelle à 5059 véhicules avec un effectif de 300 hommes. En 1950, devant la croissance constante des ventes et afin d'éviter l'impor­tation de véhicules complets pour subvenir aux besoins du réseau de distribution, il fut décidé d'accroître la surface couverte de 5 600 mètres carrés soit le double des deux derniers agrandissements.

Toutes les autorisations de construire étaient acquises en prin­cipe quand, brusquement, fut soulevée pour la première fois la question du passage par les usines d'une autoroute devant faire le tour de l'agglomération bruxelloise et appelée " Ring".

Ce projet gouvernemental paralysait tous les désirs de dévelop­pement ultérieur de l'usine Renault de Vilvorde et stoppait net les travaux d'agrandissement qui devaient être entrepris. Les démarches du député Gelders auprès du ministre des Travaux publics, M. Behogne, aboutirent toutefois à une autorisation

1953

24.456 ÉVOLUTION DES INSTALLATIONS ET DE

LA PRODUCTION QUOTIDIENNE

1935

6.426 m2

1926

2.361 m 2 1959

62.960 m2

3.700 m 2

6 véhicules/ wagens

10.344 m 2

35 véhiculesjwagens

Évolution des installations et de la production quotidienne.

de poursuivre les constructions décidées. Mais la lecture des statistiques de production indique une certaine stagnation entre 1950 et 1954. C'est que, après avoir dépassé les 6 000 uni­tés en 1950 avec un effectif de 390 hommes, toutes les deman­des d'autorisation pour l'agrandissement ultérieur de l'usine étaient restées sans résultat.

Toutefois, confiants dans la clairvoyance des autorités, les diri­geants de Haren avaient acquis, en 1953, une propriété voisine d'une superficie de 12 528 mètres carrés qui appartenait à la Société Belge des Bétons. Leur souhait était de pouvoir joindre les installations existantes à leur nouvelle acquisition.

Ces agrandissements présentaient un caractère d'autant plus urgent que, en 1953, la production de l'usine atteignait 6 528 véhicules alors que les ventes s'élevaient à peine à quelque 7 000 unités. Il fallait donc importer par la route les voitures et les camions que, faute d'espace disponible et de possibilités, il était impossible de fabriquer sur place.

La modernisation des moyens de production et de l'équipe­ment permettait néanmoins d'accroître la production qui, en 1954, dépassait les 8 000 unités avec un effectif de 490 ouvriers et 80 employés, ceci malgré la grève qui avait paralysé l'usine pendant 7 semaines.

Nécessité d'extension

Renault se sentait à l'étroit dans ses installations de Vilvorde, et, devant l'opposition des autorités à l'agrandissement de l'usine, des hangars des environs étaient loués pour entreposer les véhicules.

La production, quant à elle, plafonnait à 45 véhicules par jour et les opérations de montage étaient limitées au strict néces­saire, toujours par manque de place. Dans un rapport rédigé en 1954 sur la situation de l'usine de Haren et les perspectives d'avenir, nous lisons notamment ces lignes:

" Le marché belge, qui, nous le rappelons, est un marché d'approximativement 85 000 véhicules par an dont nous assu­rons à peu près 10 % des besoins, doit nous permettre d'aug­menter nos chiffres de vente [...J. Mais, indépendamment du man:hé belge, il y a lieu de tenir compte d'un autre fait extrê­mement important, à savoir nos possibilités de fabrication pour les besoins du marché hollandais. Nous aurions volontiers désiré assurer la totalité des besoins de notre succursale de Hollande, mais malheureusement nos possibilités de production ne nous l'ont pas permis.

[ ... J Il Y a lieu de noter à ce sujet que la Hollande ne compte, à l'heure présente, qu'un véhicule pour 47 habitants, alors qu'en Belgique il en circule un pour 17 habitants. Tout permet de croire que, dans un prochain avenir, le marché hollandais s'ali­gnera sur le marché belge et que, si nous désirons y exporter des véhicules assemblés en Belgique, à l'aide de main-d'œuvre et de produits belges, des mesures doivent être prises dès main­tenant pour nous permettre d'accroître nos moyens de production et, par conséquent, nos moyens d'exportation. " Exposant par ailleurs les perspectives d'avenir, le rapport concluait :

" Notre maison mère de Billancourt se trouvera donc devant une décision à prendre et devra envisager, faute d'obtenir satis­faction sur le marché belge, d'étudier le problème du montage en Hollande. Des projets ont d'ailleurs été établis dans ce sens et il serait regrettable que, par suite de notre impossibilité d'agrandir nos installations et d'augmenter nos moyens de production, ils soient mis à exécution. "

Les autorités responsables ne restèrent pas insensibles à ces arguments et les autorisations d'extension de l'usine de Vilvorde furent accordées, à la condition de prévoir dans les travaux les pylônes nécessaires au passage de l'autoroute au-dessus des bâtiments; ce qui, bien entendu, fut accepté par la direction de l'usine. Dès lors, les cadences de production ne cessèrent de grimper. L'apparition et le montage de la Frégate en 1951 y contribuèrent et, de 62 véhicules par jour en 1953, la production monta à 135 pour passer à 246 l'année suivante,grâce à l'instauration du travail en équipes.

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L'organisation commerciale

Mais le dynamisme de l'implantation de Renault en Belgique doit être apprécié autant par le développement de sa politique commerciale que par le caractère impressionnant de l'usine de montage.

Dans le courant de 1955, le secteur commercial de l'usine fut dissocié du secteur industriel. On créa la direction commer­ciale Belgique puis la direction commerciale Benelux en 1956. Celle-ci était aidée dans sa tâche par une direction commer­ciale Belgique-Luxembourg et par la filiale d'Amsterdam Renault Nederland N.V. Le marché Benelux représentait à l'époque une particularité analogue à celle des États-Unis: la durée moyenne de vie d'un véhicule neuf (sept ans) y était infé­rieure à celle des autres pays européens et notamment la France. La direction régionale s'attacha à s'adapter à ce marché, compte tenu des impératifs de la concurrence et des données économiques du Marché commun.

Les résultats ne se firent pas attendre et un bilan dressé en 1959 était éloquent. Renault s'octroyait la deuxième place du marché automobile en Belgique et au Grand-Duché avec un total de 14 160 véhicules vendus, contre 10 200 en 1958.

En Hollande, les ventes avaient pratiquement doublé dans le même temps et, à la fin de 1959, Renault prenait la troisième place du marché avec 9 047 véhicules vendus. Pour l'ensemble du Benelux, les livraisons étaient passées à plus de 23 000 véhi­cules, ce qui représentait une augmentation de 52 % par rap­port à 1958. Parallèlement, les ventes des véhicules industriels Saviem avaient augmenté de 50 %.

Pierre Dreyfus aux commandes

L'événement de l'année automobile 1956 fut le lancement de la Dauphine. Peu de temps auparavant, les nouvelles installations de l'usine de Haren avaient été inaugurées. P. Dreyfus déclara en cette occasion :

" Haren ne sera plus considéré comme un atelier de montage pour le seul marché Benelux, mais au même titre que toute autre usine Renault en France; Haren travaillera dorénavant pour l'ensemble des 6 pays du Marché commun et même pour l'exportation. "

Cette importante décision devait s'avérer bénéfique pour l'éco­nomie belge, non seulement par l'augmentation des effectifs mais également par les commandes de plus en plus nombreuses de produits belges incorporés dans le montage et passées dans le pays.

De plus, et toujours dans le cadre du Marché commun, l'abais­sement, voire la disparition, des droits de douane permettait aux fournisseurs belges de l'industrie automobile d'accroître leurs échanges avec les constructeurs européens. Les achats en Belgique de la Régie pour ses besoins en France représentaient déjà, en 1958, 60 millions de francs belges et ce chiffre, en nette augmentation au cours des années suivantes, atteignait les 450 millions de francs belges en 1966.

1968 : Renault Belgique-Luxembourg

Répondant à l'énorme développement du Groupe Renault en France et dans le monde, le réseau commercial belge conti­nuait de s'étendre. L'acquisition du garage du boulevard du Jubilé en 1949 avait été suivie, en 1958, par l'inauguration du garage du Cinquantenaire à Etterbeek et celle des installations d'Anderlecht en septembre 1962. Puis ce fut, en 1966 et 1967, la création des succursales de Liège, de Lodelinsart et de Marcinelle.

En 1968, une modification des structures de la société entraîna le regroupement des activités de l'Agence belge des automobi­les Renault et de la direction commerciale Belgique­Luxembourg rattachée à l'usine. Au cours de l'assemblée géné­rale extraordinaire du 5 janvier 1968, la dénomination sociale fut modifiée: Renault Belgique-Luxembourg S.A. était née.

On assista à la création de la filiale Renault Luxembourg (1969), à la prise de contrôle des Établissements Vandertaelen (1969), à la naissance de la succursale d'Anvers (1971) et à la rénovation de celle du boulevard du Jubilé à Bruxelles (1972).

Depuis le 1"' septembre 1972, le siège de Renault Belgique­Luxembourg est situé rue de l'Aqueduc dans un bâtiment érigé au-dessus des installations de la succursale, elle-même considé­rablement agrandie. Quant au réseau, il comporte plus de 500 points de vente répartis dans toute la Belgique parmi lesquels quelque 150 concessionnaires, 50 agents directs et 10 succursales ou filiales.

La construction de Haren II

L'usine de montage de Vilvorde est justement fière de sa place dans la hiérarchie des usines de montage Renault hors de France. Son équipement est considéré comme l'un des plus modernes du monde et, juste retour des choses, la main-d'œuvre belge est une des plus appréciées du monde. Depuis le 1"' janvier 1971, les installations de la Régie Renault en Belgique ont été regroupées au sein d'une société de droit belge : "Renault Industrie Belgique S.A. " au capital de 330 millions de francs.

Le 8 novembre 1971 ont commencé les travaux de la deuxième usine qui entra en service dès 1973. Construite à côté des instal­lations actuelles, elle couvre environ 15 000 mètres carrés et emploie plus de 4 000 personnes.

Montage de la Renault 14 à Vilvorde en 1977.

Une usine à Tournai

La décision de s'implanter à Tournai date de 1972. Renault cherchait un emplacement industriel de grande taille où aurait pu S'ériger une usine de montage. Les recherches s'orientaient dans la région nord de la France ainsi qu'en Belgique et ce, pour deux raisons principales, la proximité géographique d'autres grandes unités de la Régie et la qualité de la main-d'œuvre. Une opportunité se présenta. Il y avait à Orcq, dans la nouvelle zone industrielle, une usine neuve à reconver­tir mais ne pouvant être utilisée comme usine de montage. Renault fut intéressé car ces bâtiments, construits sur un ter­rain de 10 hectares, pouvaient être presque immédiatement utilisés. Il fut décidé d'y installer la fabrication de câblages et

de tôlerie.

L'acquisition de cette usine fut réalisée en juin 1972. Quatre mois plus tard, l'usine fonctionnait. On commença par des activités de tôlerie. En décembre de la même année, le câblage démarrait à son tour. Depuis, l'expansion de l'usine est continue.

sur un côté, par la voie ferrée à laquelle il est raccordé et, sur l'autre façade, par une large avenue servant de débouché à sa gare routière, elle-même située sur l'autoroute Bruxelles­Malines-Anvers.

v -Conclusions

Comme on a pu le constater à la lecture des chapitres pré­cédents, le Belge a toujours été amoureux de l'automobile.

L'implantation de Renault en Belgique a certes posé des pro­blèmes à ceux qui ont fait confiance aux travailleurs de ce petit pays. Mais, si actuellement Renault enregistre des résultats encourageants, tant sur le plan de la fabrication que sur celui de la distribution, une grande part du mérite en revient à la faculté qu'ont les Belges de s'enthousiasmer pour toute entre­prise à long terme, leur rappelant ce qu'ont connu les pionniers de l'automobile belge.

Vue générale de l'usine de Vilvorde. Actuellement, la pénétration de Renault en Belgique est de 9,9 % de l'ensemble du marché national toutes marques. Ce pourcentage, qui semble très bas en comparaison de la péné­

Un centre livreur

tration de la marque en France, assure néanmoins à Renault une des trois premières places de tous les constructeurs présentsEnfin, le centre livreur, installé à Machelen, sur un terrain de

en Belgique.

27 hectares, est le trait d'union entre les usines de Vilvorde et Renault-Belgique, chargé de la distribution des véhicules. Sa situation géographique est exceptionnelle : Machelen est dis­tant de 2,160 kilomètres des usines de Vilvorde et il est bordé, Denise WAFELLMAN -Éric QUACKELS