03 - La prise directe

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LA PRISE DIRECTE

1. -LE BREVET DE LOUIS RENAULT DE 1899

Quand je suis entré aux Usines Renault, en janvier 1923, la première création, très ingénieuse, de Louis Renault n'était pas loin d'avoir un quart de siècle d'existence.

En effet, le brevet d'invention en avait été déposé en France, le 9 février 1899, sous le numéro

285.753 pour: Mécanisme de transmission et de changement de vitesse pour voi­tures automobiles.

Le titre nous laisse à penser qu'il y avait plus qu'une simple prise directe dans ce brevet. Louis Renault définit d'ailleurs son étude de la facon suivante (1): '

(( Mon invention est relative à un (( mécanisme de transmission et de ({ changement de vitesse applicable {{ aux voitures automobiles de tous ({ genres et caractérisé par cette {{ particularité que le mouvement est {{ transmis du moteur directement aux {{ roues par engrenages, sans l'inter­(( médiaire de chaÎnes ni de courroies, ({ quoique le moteur et le mécanisme ({ de changement de vitesse soient ({ suspendus sur des ressorts et puis­{{ sent se mouvoir indépendamment ({ des roues. Ledit mécanisme com­({ porte, en outre, une disposition (( spéciale qui permet en terrain plat (( et sur les petites côtes de trans­(( mettre le mouvement avec deux (( engrenages seulement, ce qui dimi­({ nue considérablement le frotte­({ ment )).

Le brevet américain, demandé le 22 juillet 1899 et accordé le 30 octobre 1900, sous le numéro 660.924, est plus explicite encore bien qu'il ne fasse pas particulièrement mention du dispositif de mise en marche du moteur par roue libre, commandée du poste de conduite, ni du dispositif de marche arrière, par pignons coniques.

Il porte sur les points suivants (2): Ensemble du mécanisme Système d'embrayage et de frein Liaison entre les deux parties de

l'arbre moteur en prise directe et dispositif pour interrompre la transmission du mouvement

Transmission du mouvement par un premier arbre secondaire, lorsque la prise directe est inter­rompue, grâce à la mise en contact des pièces correspondantes par mouvement excentrique de cet arbre.

Transmission du mouvement par un deuxième arbre secondaire et les procédés de sa mise en connexion avec les deux parties de l'arbre principal.

Le brevet allemand, également déposé le 9 juillet 1899, a fait l'objet de nombreuses discussions, pour n'être finalement accordé que le 20 fé­vrier 1902, après certaines restric­tions.

2. -TRANSMISSION

DU MOUVEMENT SUR LES

VOITURES AUTOMOBILES

A LA FIN DU XIXe SIÈCLE

vilebrequin portait trois poulies, reliées par des courroies à un tambour monté sur un arbre d'où le mouvement était transmis, par des chaînes, aux roues, ici des roues élastiques (3). A l'époque, la publicité d'une marque de roue élastique se présentait ainsi:

(( Chauffeurs, les accidents d'automo­(( biles, si fréquents et souvent mortels (( sont causés par la crevaison ou (( r éclatement des pneus. Quoi qu'en ({ disent les fabricants et les intermé­(( diaires, le pneu... c'est la mort! La ({ roue élastique Roussel c'est la ({ vie! ))

Avec l'apparition des changements de vitesses à engrenages, d'abord à l'air libre, puis sous carter et la recherche d'une répartition plus judicieuse des masses, certains constructeurs s'orien­taient vers le moteur à l'avant, d'autres vers le moteur à l'arrière, quitte à inverser les positions ultérieurement. En général, dans les boîtes de vitesses à engrenages, les changements de vitesse s'obtenaient par le déplace­ment longitudinal des pignons sur leur arbre -d'où leur désignation de pignons baladeurs -mais il existait déjà certaines boîtes à engrenages toujours en prise. Examinons, en figure 3, l'organisation des mécanismes et la transmission du mouvement sur une voiture à moteur avant, parallèle à l'axe du châssis et à commande des roues arrière par deux chaînes. A sa sortie arrière, l'arbre du moteur portait un volant (masse chargée de régulariser les efforts saccadés des explosions successives). Ce volant avait une grande cavité tronconique ouverte vers la boîte de vitesses.

Au début de l'automobile les cher­cheurs s'inspiraient naturellement de l'architecture des véhicules à trac­tion animale, où l'essieu avant était réservé à la direction. Ceci les ame­nait à placer le moteur aussi près que possible de l'essieu arrière qui assu­rait la fonction motrice.

La solution la plus simple consistait à placer l'axe du moteur parallèlement à l'axe des roues motrices ce qui per­mettait d'assurer le changement de vitesse par des jeux de poulies de différents diamètres et des courroies et de transmettre le mouvement aux roues par des courroies ou des chaînes.

La figure 1 représente la voiture « vis-à-vis» Vallée de 1897, montée sur roues à bandages caoutchouc. La commande du changement de vitesse est sous le volant.

La figure 2 montre le châssis de la même voiture. Le moteur était à l'ar­rière. C'était un deux cylindres dont le mécanisme « à ciel ouvert» man­quait sérieusement de protection. Le

Fig. 1. -Voiture vis-à-vis VALLEE de 1897. (Musée Français de l'Automobi'e -ROCHETAILLEE)

Sur un arbre, tournant fou dans l'axe du volant et se prolongeant dans le carter de boîte de vitesses pouvait coulisser, sur une partie d'entraîne­ment, à section carrée, un cône d'em­brayage, garni de cuir à sa périphérie.

C'était l'arbre d'embrayage et aussi,

dans ce cas, l'arbre primaire. Le cône d'embrayage était constam­ment maintenu coincé dans l'alésage conique du volant, par un fort ressort et se trouvait ainsi solidarisé de l'arbre moteur. Il tournait donc toujours, lorsque le moteur était en marche.

Ce cône pouvait être dégagé du volant par l'action du conducteur sur la pédale de débrayage et l'arbre primaire restait sans entraînement pendant toute la durée d'appui sur la pédale.

A l'intérieur de la boîte de vitesses, située dans le prolongement de l'em­brayage, l'arbre primaire portait le train (de pignons) baladeur. Nous voyons ainsi trois pignons pour une boîte à trois vitesses. Ce bloc de pignons, solidaires les uns des autres, restaient également solidaires de l'arbre primaire, tout en pouvant coulisser longitudinalement.

Un arbre, dit secondaire, situé paral­lèlement à l'arbre primaire, à l'intérieur de ia boîte portait aussi trois pignons pour les trois vitesses et même un quatrième pour la marche arrière Ces pignons étaient tous solidaires de l'arbre secondaire et en position fixe longitudinalement.

A sa sortie arrière de la boîte de vitesses, l'arbre secondaire était pro­longé par un pignon d'angle dit « pignon d'attaque}) qui entraînait une couronne dentée, fixée au carter de différentiel (*).

Du différentiel partaient transversale­ment, de part et d'autre de la cou­ronne et centrés dans son axe, deux demi-arbres recevant chacun leur mouvement de l'un des deux plané­taires du différentiel. Chacun portait, calé à son extrémité libre, un pignon à chaîne. Ces deux pignons étaient reliés par des chaînes à rouleaux aux pignons fixés aux roues arrière qui étaient ainsi mises en rotation à la vitesse choisie selon la combinaison d'engrenages engagés dans la boîte de vitesses.

Certains véhicules n'avaient d'ailleurs pas de différentiel, mais un simple renvoi d'angle et parfois une seule chaîne de commande de l'arbre de roue.

Cette transmission par chaînes présen­tait certains avantages car elle admet­tait aisément les déplacements verti­caux des roues sur les mauvaises routes. On pouvait, assez simplement, changer la démultiplication en rem­plaçant les pignons qui étaient facile­ment accessibles. Elle permettait aussi d'incliner un peu le plan des roues vers l'extérieur pour améliorer la tenue de route sur les routes bombées.

Malheureusement, les chaînes très mal protégées contre la boue et toutes les projections s'usaient rapidement. E~~{;ls étaient sujettes à allor1gement et rupture.

Fig. 2. -Châssis de la voiture VALLEE

Voici d'aileurs, ce que le comte Mortimer-Megret, conducteur de l'époque et fondateur de la « Pratique automobile}) pensait de ce mode de transmission (3):

« Au début, il y avait des chaÎnes ou « plutôt il y avait une chaÎne, une « chaÎne centrale placée sous la « voiture, qui l'entraÎnait tant bien « que mal, plutôt mal que bien. )) « Cette chaÎne unique présentait un « léger inconvénient. Elle cassait et « elle cassait en moyenne une fois « par semaine. Il fallait en remplacer « le maillon brisé et ensUite se coucher « sur le dos, sous la voiture, pour la « raccrocher sur son pignon et sur « sa roue. Quand l'opération ratait, « et elle ratait neuf fois avant de « réussir la dixième, la èhaÎne vous « retombait sur le ventre et sur la « figure. Et. comme elle était enduite « d'un magma composé de poussière « agglomérée par une matière vis­« que use qu'on dénommait « graisse « caoutchoutée }), vous jugez si l' opé­« ration était réjouissante! Et vous « comprendrez que l'on accueillit la « double chaÎne disposée à chaque « extrémité de l'essieu et qu'on pou­« vait monter en s'agenouillant à « l'extérieur de la voiture, comme un « véritable sauveur. ))

CHANGEMENT DE VITESSES AVEC BOITE A PIGNONS BALADEURS

Nous avons retenu que, normalement: l'arbre primaire restait constamment en liaison avec le moteur et, de son côté, l'arbre secondaire était toujours relié aux roues arrière.

Le rôle de la boîte de vtesses était donc double:

10

Rompre la transmission du mouve­ment du moteur aux roues, pour laisser le véhicule à l'arrêt.

de 1897 (CPché FRANCE AUTOMOBILE).

2

0

Transmettre le mouvement de l'arbre primaire à l'arbre secondaire dans des rapports de vitesses judicieu­sement choisis selon les conditions de marche possibles ou souhaitées du véhicule (route horizontale droite, côte, virages...) en fonction de la puissance du moteur et de la construc­tion de la boîte.

Supposons la voiture à l'arrêt et le moteur en marche. Le train baladeur était en position dite de « point mort }).

C'est le cas représenté sur la figure nO 3. Désirant démarrer le véhicule, il fallait faire engrener le pignon A du baladeur avec le pignon B de l'arbre secondaire. Cela s'obtenait en faisant avancer doucement le pignon A vers le pignon B, en manœuvrant, vers l'arrière, le levier L de changement de vitesse, non sans avoir pris soin, au préalable, de libérer l'arbre primaire de son entraînement par le moteur, en débrayant, pour ne pas casser les dents des pignons. En relevant douce­ment le pied de la pédale de débrayage, le cône d'embrayage poussé par le ressort revenait en contact avec le volant et par friction, l'ensemble de la transmission tournait et les roues se déplaçaient sur le sol.

L'essieu arrière, sur lequel les roues tournaient librement aux deux extré­mités, était entraîné dans le déplace­ment horizontal. Il emmenait la voiture par 'intermédiaire des deux ressorts de suspension à lames auxquels il était relié solidement et qui, eux, avaient un point fixe au châssis.

(*) Différentiel: Mécanisme déjà mentionné par Léonard de Vinci mais réalisé par Onesiphore Pecqueur. alors chef d'atelier au Conservatoire des Arts et Métiers, pour la transmission du mouvement dans un chariot à vapeur (pratique­ment déjà une automobile) qu'il avait conçu et pour lequel il demanda un brevet en novembre 1827, brevet qui lui fut délivré, sous le numéro 3 534, le 25 avril 1828. Il expliquait que: « l'effet de ce mécanisme partage une force· unique en égale portion sur les deux roues, celles-ci conservant une indé­pendance parfaite et pouvant indifféremment parcourir plus de chemin l'une que l'autre et d'al­1er, d'elles-mêmes, toutes les fois qu'il s'agira de tourner ou de marcher en lignes droites.»

Première et deuxième vitesses

Si l'on tourne la poignée 24 (figure 6),

il en résulte: d'abord le décrabotage des pi­gnons 5 et 6 (figure 4b) grâce à la rotation de l'arbre 26, des pignons 27 et 28, de l'arbre 29 et de la came 30 qui chasse la fourchette 31 et dégage les crabots du pignon 5. puis l'enregistrement tangentiel (moins brutal que l'engrènement en bout des baladeurs) et, suivant le sens de rotation de la poignée 24, de tout le groupe de pignons d'un arbre intermédiaire ou de l'autre avec les pignons correspondants des arbres primaires et secondaires.

Ce déplacement tangentiel d'un groupe s'obtient par la rotation d'un certain angle de leur arbre sur ses tourillons extrêmes qui sont excentrés par rapport à l'axe de la partie de l'arbre portant les pignons.

Cette rotation est commandée par une chaîne 34 ou 35 (figure 4d), tirée par une poulie 32 ou 33 qui tourne seulement à la fin du décrabo­tage des pignons primaire et secon­daire lorsqu'on continue à tourner l'arbre 29 et que le taquet 36, qu'il porte en bout, vient en contact avec l'un des ergots 37 ou 38 placés, l'un dans la poulie 32 et l'autre dans la poulie 33. Des ressorts en spirale 55 (figure 4a), placés sur chaque arbre intermédiaire à l'extrémité opposée aux chaînes, tendent toujours à dégager les pignons intermédiaires du contact avec la ligne primaire-secondaire. Par contre, des crans 25 maintiennent la poignée des vitesses 24, dans la position choisie (figure 6).

Marche arrière

On passe en marche arrière en inter­rompant la liaison entre les deux pignons coniques de l'arbre intermé­diaire 11 (figure 4c) et en introduisant le pignon conique intermédiaire 22 dans la transmission du mouvemErt de première vitesse. Ceci s'obtient en enfonçant du pied, le bouton 21 qui pousse le pignon conique 22 dont l'axe 20 porte en bout un doigt à face inclinée. Ce doigt écarte les pignons du bloc 13-12 rendant les deux groupes de pignons 12-13 et 14-15 indépendants l'un de l'autre. Poussé à fond, le pignon 22 engrène avec les deux pignons d'angle 13 et 14 et c'est lui qui transmet le mouvement des pignons 12-13 aux pignons 14-15 en inversant le sens de rotation. Dès que le pied quitte le bouton 21, le ressort 23 rappelle le pignon 22 et le dégage des deux pignons coniques. Le ressort 1 6 ramène les blocs de pignons 12-13 en contact avec le bloc 14-15.

a) Prise directe

L'arbre primaire entraîne directe­ment l'arbre secondaire par les crabots, à la vitesse du moteur et dans le même sens. Les arbres secondaires ne tournent pas.

a1) Point mort

Les arbres intermédiaires sont dans la même position qu'en prise directe, mais les crabots entre pri­maire et secondaire sont dégagés. Seuls l'arbre primaire et son pignon tournent.

c) Deuxième vitesse

Les crabots entre primaire et secondaire sont dégagés. Le mouvement est transmis par les pignons du deuxième arbre intermédiaire, dans le même sens de rotation que le moteur. La vitesse de rotation de l'arbre secondaire est fonction des rap­ports de démultiplication des deux couples de pignons en liaison.

b) Première vitesse

Les crabots entre pri maire et secondaire sont dégagés. Le mouvement est transmis par les pignons du premier arbre intermédiaire dont les crabots entre les deux groupes sont enclenchés.

L'arbre secondaire tourne dans le même sens que le moteur à une vitesse qui est fonction des rap­ports de démultiplication des deux couples de pignons en liaison.

d) Marche arrière

Le mouvement est transmis par les mêmes pignons cylindriques qu'en première vitesse, mais les crabots entre les deux groupes de pignons de cet arbre sont dégagés et un troisième pignon conique est intro­duit dans la transmission du mouvement, assuré alors par les pignons coniques. Le sens de rotation de l'arbre secondaire est inversé.

Fig. 5. -Schéma de la transmission du mouvement aux différentes vitesses.

4. -TRANSMISSION DU MOUVEMENT DE LA BOITE DE VITESSES AUX ROUES ARRIÈRE

De la boîte de vitesses le mouve­ment était transmis aux roues arrière par un arbre de transmission 40 (figtfre 6) entraînant, à son extré­mité arrière un pignon conique 42, dénommé pignon d'attaque. Ce pi­gnon engrenait avec une couronne conique 43 solidaire du boîtier de différentiel.

Chacun des deux pignons coniques, dénommés planétaires du différentiel entraînait un arbre de roue, l'un 44, pour la roue droite et l'autre 45, pour la roue gauche.

Deux autres pignons coniques, dits satellites et dont les axes étaient fixés dans le boîtier de différentiel assu­raient la rotation en bloc des plané­taires sans tourner, eux-mêmes, sur leurs axes, dans la marche en ligne droite, mais ils permettaient à une roue de tourner plus vite que l'autre dans les courbes.

Nous avons vu précédemment que la souplesse de transmission du mouve­ment par des chaînes autorisait les déplacements verticaux des roues occasionnés par les inégalités de la route.

Une transmission par arbre longitu­dinal devait répondre aux mêmes impératifs. C'est pourquoi les extré­mités avant et arrière de l'arbre de transmission étaient reliées à la boîte de vitesses et au pignon d'attaque par des joints de cardan (**) 39 et 41 croisés. Le joint 39 solidaire de l'arbre secondaire 6 et du tambour 10 était claveté coulissant sur l'arbre de trans­mission 40.

5. -COMMANDES DIVERSES

DÉBRAYAGE -FREIN

Le débrayage s'obtenait en appuyant du pied sur la pédale 46 (figure 6), qui, prolongée par le levier 47, faisait pivoter, dans le plan horizontal, et de l'avant vers l'arrière, l'extrémité du levier 48. La rotation du levier 48 entraînait celle de la came à lumière 49, qui apparaît sur la figure 4b. Le dépla­cement angulaire de la came 49 tirait la fourchette de débrayage 50, vers l'arrière, par l'intermédiaire du doigt 51 fixé dans l'axe 52 portant la fourchette.

Le cône d'embrayage 2, était ainsi dégagé du volant moteur 1, et il n'y

@~----*

Fig. 6. -Ensemble de la transmission du mouvement

avait plus de transmission du mouve­ment du moteur à l'arbre primaire.

Si l'on poussait. tout à fait à fond, la pédale de débrayage, le levier 48 (figures 6 et 4b) faisait pivoter le levier 53 dans le plan horizontal, ce qui avait pour effet de tirer sur le ruban de frein 54 et de le serrer sur le tam­bour 10, freinant ainsi la rotation de la transmission.

La pédale 46 servait donc à la fois à produire le débrayage et le freinage.

En lâchant la pédale de débrayage, le cône d'embrayage 2 poussé par un fort ressort venait reprendre sa place dans le volant moteur 1. Pour éviter un entraînement brutal le cône d'em­brayage portait un cercle de friction 3

(figure 6) fixé par quatre lames de ressort. Le frottement de ce cercle sur la face arrière du volant 1 était suffisant pour démarrer progressivement.

LANCEMENT DU MOTEUR La mise en marche du moteur était assurée non plus de l'extérieur, mais de la place du constructeur, au moyen d'une manivelle entraînant par des pignons et une chaîne, un dispositif à roue libre placé dans le volant du moteur. Ce n'était, évidemment pas encore le démarreur électrique, que nous devons à Charles Kettering (***), mais il nous faut bien reconnaître que la voiture à prise directe de Louis Renault, que le bulletin d'histoire Renault nO 1 nous a présentée, comportait bien des solutions tech­niques avancées qui ont été longtemps appliquées en automobile.

et des commandes de la voiture RENAULT de 1899.

6. -AU-DELA DE LA TECHNIQUE

Au-delà de l'incontestable progrès apporté à la technique automobile par la prise directe, il semble que ce fut aussi une bonne affaire pour Louis Renault.

(,,)

Nous devons à Jérôme Cardan (1501-1576) médecin. mathématicien et philosophe italien la description d'un dispositif mécanique constitué par deux cercles concentriques pivotant sur des axes placés à angle droit ce qui permet à un objet situé sur le cercle central de rester pratique­ment dans la position relative où il a été fixé malgré certaines variations de l'ensemble. Giovanni Branca, mécanicien italien a décrit. dans son ouvrage « Le Macchine », en 1629, une voiture inspirée du système de suspension à la Cardan. Sur les navires, les boussoles et les lampes étaient suspendues par cardan pour garder toujours la position horizontale ou verticale. C'est un Anglais: Robert Hooke (1635-1713), professeur de géométrie et de mécanique à Londres, qui dessina, le premier, un joint à deux chapes, reliées par un croisillon à double articu­lation qui est universellement employé pour la transmission du mouvement de rotation entre deux arbres, à axes concourants avec ou sans déplacement angulaire, mais le nom en est resté à Cardan, son inventeur.

(",) En 1910, un automobiliste, ami de Henry Leland, directeur de la Cadillac Automobile Company, s'arrêta pour aider une dame qui avait calé son moteur sur un pont de Detroit. Le moteur eut un retour, la manivelle fracassa la mâchoire de l'automobiliste et les complications lui furent fatales. Profondément affecté, Leland demanda à Kettering de mettre au point un démarreur automatique (6). Malgré le peu d'espoir que l'on avait de réaliser un petit moteur électrique assez puissant pour passer le point de compression du moteur, après quelques mois de recherches, Charles Kettering et son équipe avaient fabriqué un démarreur électrique qui lançait le moteur de la Cadillac en appuyant simplement sur un bouton.

Nous citons, d'après Jacques Rous­seau (4):

(( 1/ Y eut, en 1905, des contestations (( relatives à certains brevets anté­(( rieurs; tandis que, depuis 1900, plu­(( sieurs constructeurs avaient adopté (( un système inspiré de la prise (( directe de Louis Renault.

(( Louis Renault émit alors la préten­(( tian de percevoir des royalties, les (( dispositifs étant, selon ses vues, (( couverts par le brevet: mais le (( grand constructeur élégamment lais­(( sait une porte ouverte, à un règle­(( ment transactionnel. ))

« Dans un jugement datant de 1905 « (arrêt de la Cour de Paris, en date « du 23 novembre) le tribunal parta­« geait les vues de Louis Renault.

« Finalement, une transaction fut éta­« blie comme suit:

(( Chaque constructeur français utili­

(( sant la prise directe versait à

(( Renault une royalty de 1 % de

(( la valeur des châssis, lorsque ce

(( constructeur produisait plus de

(( 100 châssis par an.

(( Si le constructeur était étranger,

(( le droit était porté à 2 %. ))

Avec la généralisation du « tout à l'avant}) ou du «tout à l'arrière}) la prise directe a pratiquement disparu des ensembles de mécanisme auto­mobile (moteur, embrayage, diffé­rentiel, boîte) où l'arbre secondaire constitué par la queue du pignon d'at­taque n'est plus en ligne, mais paral­lèle à l'arbre primaire ce qui met toujours en jeu une paire de pignons (la boîte de vitesses de l'Estafette est une exception).

Depuis l'origine de la prise directe

citons encore Jacques Rousseau: (t les 95 % des 175 millions de véhi­(( cules construits en soixante ans (( devaient être munis de la (( prise (( directe ))! C'est dire qu'il est vrai­(( ment (( resté quelque chose)) de (( la petite (( bagnole)) du jeune(( Louis (5).))

Nous en sommes bien convaincus.

Jean Guittard

Dessins reproduits par:

MM. J.-P. BAUDQUIN (Fig. 4 -5 et 6)· , R. PASAL (Fig. 3)

(1)

Brevet d'invention nO 285 753 du 9 février 1899

(2)

Ëtude d'antériorité du cabinet H. Josse du ;., 20 février 1903

(3). Aboutissement de quarante années d'effort: 'Mortimer Megret (Englebert Magazine -octobre rovembre 1936) .

(4)

Histoire de l'automobile de 1885 à nos' jours: Jacques Rousseau (Revue des Agents 1952)

(5)

Histoire mondiale de l'automobile: Jacques Rousseau

(6)

les -machines:-Robert O'Brien-Life.

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