02 - Transports et Manutentions (1925-1965)

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TRANSPORTS et MANUTENTIONS (1925 - 1965)

Période 1925 - 1928

Fabrications

En 1925, on venait d'abandonner la fabrication des fameux "2 pattes" avec les capots plongeants pour lancer la 6 ch, la NN, puis la 10 ch. Il s'agissait surtout de voitures Torpédo avec le capot profilé droit et le radiateur à l'arrière.

Des voitures de luxe étaient aussi au programme, en particulier la 40 ch 8 cylindres en ligne -10 litres de cylindrée -. L'une d'elles a battu le record des vingt-quatre heures de Montlhéry sous la conduite de MM. Plessier, Guillon et Garfield.

Le montage de la voiture de tourisme se faisait dans le bâtiment "C" à l'emplacement actuel de l'Outillage central.

Comme matériel de transport poids lourd, on fabriquait des camions sur bandages, des tracteurs et des semi-remorques.

On fabriquait des moteurs d'avion, surtout des 300 ch qui équipaient les Bréguet, des moteurs industriels et des matériels agricoles sur roues et sur chenilles.

Les locotracteurslI, qui sont encore en service en 1964 avec des moteurs diesel, ont été construits en 1925, ils étaient équipés du moteur 40 ch à essence. C'était aussi le début des gazos militaires qui faisaient l'objet de concours à Satory selon les directives de M. Delaplace, "le PèreJubol", dont on se rappelle la silhouette sous son melon et avec son équipement de chronos et d'appareils de mesure suspendus à son cou. Les dégagements de suie et de charbon de bois donnaient une allure bien particulière à toute cette équipe de précurseurs du gazo.

Situation géographique de rusine

Les bâtiments de la direction, avenue Émile-Zola, étaient construits, le périmètre de l'Usine était : les quais, la rue du Vieux-Pont-de-Sèvres, la place de l'Église, la place Jules­Guesde (ancienne place Nationale), la rue de Meudon.

Les deux terrains "T" et "BB" étaient acquis et servaient d'entrepôt pour des matériaux divers et de parc à charbon.

L'île Seguin était en cours de remblai à l'aide de déchets de l'usine qui étaient conduits à un appontement dans l'île avec des péniches.

L'usine 0 était installée, on y construisait des voitures de luxe.

Dans des annexes à Clichy et à Saint-Denis, on fabriquait les Dynastarts et carrosseries industrielles.

L'école professionnnelle fonctionnait déjà et le cercle des chefs de service était installé en bordure de l'avenue Édouard­Vaillant avec, à l'arrière, un magnifique parc.

Le service "Transports et Manutentions" vu par ses amis. Au centre, Marcel Arnault.

Service Transports-Manutention

L'équipe avait pour chefs de file : MM. Daubard, Leblanc, Trouvain, Barrier, Jaladon, Falques, puis vint M. Guibert au moment de la création des services de manutention: 500-501­502, c'est-à-dire Manutentions extérieures, intérieures atelier puis usine O.

Le regroupement des manutentions d'atelier a duré jusqu'en 1930.

Le réseau routier de l'usine était très mauvais et le matériel qui était éqUIpe de bandages subissait de nombreuses détériorations.

Transports

En 1925, il Y avait 72 véhicules industriels à l'usine, le soixante­douzième était une camionnette OS 10 ch qui servait de voiture de service et qui était conduite par M. Thommeret.

Le parc était constitué de camions, de camionnettes, de trac­teurs 6 t et de semi-remorques, et des tacots OJ et OR 1 000­1 500 kg, la plupart sur bandages; il s'agissait d'un véhicule à moteur sous siège avec un tablier droit et une direction verti­cale, c'était le dernier-né d'une série spéciale pour l'usine, il n'y avait naturellement ni pare-brise, ni démarreur, ni éclairage, mais ce véhicule a duré jusqu'en 1945.

Il n'y avait pas d'atelier d'entretien, ni de garage, et le respon­sable du matériel, M. Pitache, avait pour outillage une clé à molette et une masse.

Les fiches de réparation étaient établies par une employée de bureau et les véhicules étaient réparés à l'atelier de réparation dans la cour de la direction.

Le magasin des huiles était dans la cour et l'hiver, pour chauf­fer les huiles épaisses, on plaçait les brocs au milieu d'un cercle de braseros.

Le démontage des pneus se faisait également en plein air et les accidents provoqués par des leviers étaient nombreux.

Le magasin des petites pièces courantes : bougies, colliers, etc., était dans un petit bureau contigu au bureau du chef de camionnage.

Les quelques transports à moyenne distance faisaient l'objet de sérieux examens car le matériel n'offra,it pas toutes les garan­ties, surtout lorsqu'il s'agissait de transports lourds, une remorque basse -la 17 -, avec des triples bandages, était tractée par un tracteur semi-remorque mais les freins n'étaient que sur le tracteur, ce qui entraînait de sérieuses difficultés pour les conducteurs.

Pour les grosses tractions, nous disposions également d'un trac­teur 45 ch à 4 roues motrices et directrices qui avait été utilisé pendant la guerre 1914-1918 pour la traction des canons, sa conduite était particulièrement dangereuse et difficile dans les rues'de l'usine car il balayait sérieusement dans les virages.

Cet engin était muni d'un cabestan qui a rendu de réels services dans plusieurs dépannages.

La manœuvre des chemins de fer était assurée par le tracteurII la nuit et par des tracteurs agricoles à chenilles munis de tam­pons dans les rues de l'usine. Les routes qui n'étaient déjà pas bonnes étaient fâcheusement détériorées par cet engin à che­nilles qui pivotait sur place par blocage d'un différentiel.

Pour les transports fluviaux, il y avait 3 automoteurs et quelques bateaux de stock en ciment.

La flotte était complétée par un Berrichon, petit bateau de 40 t que l'on utilise encore dans les canaux du Berry, ce bateau servait de liaison avec Herqueville.

Avec le début de l'exportation en Angleterre, un vapeur "l'Autorenault" a commencé le trafic maritime de transport des pièces de rechange vers l'Angleterre et rapportait du caout­chouc, que nous déchargions à l'estacade 3 et transbordions à Sèvres sur wagons à destination de l'usine Michelin et Dunlop.

Ce navire d'environ 400 t n'a pas eu une longue carrière, il a coulé dans l'entrée de la Tamise au bout de quelques voyages et n'a pas été remplacé.

Manutentions extérieures

En 1925, chaque atelier possédait ses manœuvres pour ses manutentions extérieures: magasin des pneus, fonderie, centrale, etc.

En 1926, les manutentions extérieures ont été regroupées et les manœuvres ainsi réunis ont permis plus de souplesse pour le déchargement des wagons, des camions, et pour le nettoyage de l'usine.

Parmi les manutentions extérieures, il faut citer quelques exemples.

Le déchargement des wagons de coke industriel se faisait avec des fourches par transbordement sur des camions-bennes qui l'entreposaient sur le terrain BB -pas encore construit -ou directement dans la rue de l'île, à l'emplacement actuel des moteurs, où le stockage, sur 2,50 m de hauteur, était maintenu par un mur constitué par les "choux-fleurs" du coke industriel.

De l'autre côté de la rue de l'île, on déchargeait la fonte à bras d'homme par jet au-dessus des ridelles des wagons, les rende­ments étaient extraordinaires.

Dans la rue de l'île, côté centrale, le charbon était déchargé à la pelle, le rendement était de 7 t à l'heure.

Les pneus et les roues arrivaient sur wagons puis étaient trans­bordés sur remorques avec des empilages spectaculaires afin qu'ils ne chutent pas en cours de voyage.

Les parcs de pièces brutes étaient recouverts de pyramides de pièces artistement empilées, le père Barrier était un spécialiste.

Les aciers à ressort en barres qui arrivaient en bottes dans les wagons tombereaux étaient déchargés à bras d'homme, des barres en acier carré qui servaient de glissières joignaient le sommet du wagon à l'entrée de l'atelier des ressorts à l'empla­cement actuel de la fonderie d'acier, des barres de 10 mètres étaient ainsi prises à bras puis portées au sommet du wagon pour être glissées vers l'atelier.

Toutes les manutentions étaient pratiquement manuelles.

Le début de la mécanisation a commencé par l'arrivée d'un électroaimant dans la rue de l'île. M. Renault est personnel­lement monté dans un wagon pour aligner des gueuses de fonte et constater l'effet de ce matériel moderne.

En 1927, la direction, poursuivant son idée, regroupa tous les manutentionnaires de l'usine avec M. Guilbert et M. Trouvain ; il Y avait quatre chefs de section: MM. Debuire, Mitaine, Rouilly, Kerneur.

Le regroupement a permis certaines organisations et l'enregis­trement de bons résultats.

Cette organisation a été maintenue pendant quatre ans puis à nouveau éclatée.

Dans le cadre manutention-magasins, les magasins d'atelier, pour toutes les pièces de montage, appartenaient au serVIce central Transports-Manutentions-Magasins.

En 1929, la décision a été prise de les faire disparaître au profit de l'approvisionnement direct en chaîne.

Les magasins anciens avaient pour mission de décharger les caisses, de mettre les pièces en casiers, d'en tenir la comptabi­lité et de servir les ateliers de montage.

L'effectif des magasins de M. Falques était d'environ 400 personnes.

Manutention avec un Fenwick.

Manutentions d'atelier

C'est en 1927 que M. Renault a décidé de regrouper tous les manutentionnaires au service Transports. Le but était de réduire le nombre des improductifs et de définir la tâche de chacun d'entre eux.

La première action a été de supprimer ce qui pouvait représen­ter les "valets de pied" ; il Y avait en effet à cette époque des manutentionnaires, attachés à la maîtrise moyenne d'atelier, qui avaient pour mission de faire des courses, des rangements et des petits travaux divers.

Dans l'atelier, les manutentionnaires étaient aussi à la disposi­tion du personnel ouvrier productif, en dehors de l'alimenta­tion et de l'évacuation de la production; ils devaient servir d'aide et balayer sous les machines.

Il fut d'abord décidé de tracer des allées et de rendre respon­sable chaque ouvrier de la propreté sous sa machine, les manu­tentionnaires ayant pour mission de balayer les allées qui devaient toujours être dégagées.

Ce fut aussi le début des caisses de manutention; jusqu'alors il y avait beaucoup de pièces en vrac et le parc des caisses de manutention était constitué par des caisses en bois qu'on accrochait en trois points et par des tonneaux vides de carbure, il n'y avait d'ailleurs presque pas d'appareils de levage et le déchargement s'effectuait à bras d'homme. Un exemple: le transport des pleces de fonderie se faisait en vrac dans un camion de 7 t, et deux hommes accompagnant le chauffeur jetaient les pièces à terre près du poste d'arrivée de l'atelier.

Les caisses 7, puis par la suite les caisses 22, virent progressive­ment le jour.

Il y avait beaucoup de travaux pénibles, en particulier le paquetage des chutes de tôles, qui se faisait dans une machine récupérée sur les champs de bataille 1914-1918 et qui servait durant la guerre à paqueter les fils de fer barbelés ; il Y avait une opération manuelle de chargement de chutes à la fourche avant une compression par un vérin entraîné électriquement.

Le chargement des paquets -80 kg environ -se faisait à bras d'homme en passant sur un plat-bord qui reliait le sol au plancher du wagon. Quand la machine était en panne les chutes étaient chargées en vrac directement dans des wagons tombereaux, à la fourche.

Des chronométrages et des temps alloués ont été utilisés et dans certains cas les manutentionnaires ont obtenu des salaires supé­rieurs à ceux des ouvriers professionnels. Le cas a été soumis à

M. Renault qui a accepté cette disparité en faveur du manu­tentionnaire en raison des résultats enregistrés.

Pour le déchargement des wagons où également il y avait eu des chronométrages et des taux à la tonne, le prix du décharge­ment était inscrit à la craie sur les wagons et les manutention­naires faisaient leur compte chaque soir.

Cette action sur les manutentions a également eu un prolonge­ment sur le rangement, la propreté et la sécurité.

Les visites d'usine qui étaient fréquentes s'effectuaient en voi­ture et toute l'usine était alertée afin que la caravane ne soit pas freinée et que les rues soient parfaitement propres. Il était formellement interdit de laisser quoi que ce soit sur les trottoirs et les bordures devaient être peintes en blanc à la chaux.

Période 1930 - 1936

1929-1931 a vu la crise mondiale qui a été bien absorbée par l'usine Renault, ce fut le début des voyages aux U.S.A., la pre­mière mission a été formée de MM. Jannin, Gourdou, Tordet, qui avaient la particularité de porter la barbe et d'être coiffés du melon ; les échos que nous avons eus de ce voyage très pro­ductif sur le plan industriel ont reflété la surprise des Améri­cains de voir nos trois ingénieurs avec leur chapeau et leur barbe.

M. Renault était également allé y faire une tournée en 1930, ce qui a provoqué, entre autres, le déplacement du radiateur de l'arrière sur le KZ 3-lOch, vers l' avant sur le KZ 4.

En 1929, M. Lehideux a constitué une équipe de jeunes pour la réorganisation de l'usine.

Évolution des fabrications

La naissance de la Primaquatre, le rajeunissement du KZ, la Celtaquatre, et la continuation de gros modèles dont la Nervastella 24 ch.

Ce fut également le démarrage de la fabrication de l'ouate, de l'amiante, du caoutchouc, du carton, du camion avec moteur diesel avec les moteurs 4 C 115 puis 125 et du 4 C 96 puis 100.

Caudron qui était en difficulté a également été repris par l'usine et on installa la fabrication des gros avions à l'usine O.

Enfin, M. Renault avec M. Dautry ont lancé l'autorail Renault.

L'usine s'agrandissait. C'est ainsi que l'île Seguin était terminée en 1930, l'usine T était construite pour la fabrication des pignons, l'usine BB pour la fonderie de bronze, d'aluminium, l'étirage et les ressorts, puis débordant vers le Bas-Meudon le pont Sibert (qui était reconstruit au titre des réparations de la guerre de 1914-1918), pour faire naître le Bas-Meudon avec le caoutchouc et la charpente métallique.

Il restait une emprise dans l'île Seguin, la propriété Gallice, qui fut l'objet de longues controverses entre les familles Gallice et Renault, et qui ne put être mise à la disposition de l'industrie qu'en 1946.

Dans les usines extérieures, Hagondange avait été créée pour la fabrication des tôles et Saint-Michel-de-Maurienne pour les aciers fins.

Enfin, sur le plan social, la coopérative, qui était dans des baraquements depuis 1914-1918, a été modernisée en 1932 ; elle était alimentée en partie par les propriétés de M. Renault à Herqueville et desservait toute la région parisienne. Le per­sonnel passait les commandes soit par téléphone, soit par les bons déposés dans les boîtes du courrier.

Un système de boni avait été mis en place; il correspondait pour les clients fidèles au montant du loyer trimestriel.

Transports-Manutentions

Au cours du développement du poids lourd, en particulier pour le diesel, des études ont été conduites avec le service commercial dans le but de donner au réseau les méthodes de calcul des prix de revient et d'exploitation, c'est à ce moment qu'a été mise en place la méthode des frais fixes et des frais kilométriques. Les vendeurs étaient appelés à des séances d'information qui ont eu un retentissement intéressant dans le réseau.

En 1934, le décret de coordination est apparu avec la distribu­tion gratuite des cartes de transport aux camionneurs installés.

Les dimensions fixées par décret dans certaines limites ont conduit les constructeurs à modifier leur technique; c'est ainsi que la disparition des capots avant des camions est intervenue au profit des cabines avancées avec moteur sous siège.

Pour expérimenter ces nouveaux matériels, nous avons établi des liaisons permanentes par route avec Saint-Michel-de­Maurienne et Hagondange avec des camions UDD 6 de 12 t utiles et VTD 6 de 15 t.

Le tracteur et la semi-remorque dans les gros porteurs ont fait à l'époque une timide apparition avec une remorque 20 t équi­pée d'un essieu à balancier et un tracteur 6 cylindres diesel. Le reste du matériel n'était pratiquement pas changé sauf pour les bennes basculantes dont les modèles à bandage étaient rempla­cés par des véhicules plus modernes à pneus équipés de moteurs diesel.

Pour le chemin de fer, l'approvisionnement avait lieu par le Bas-Meudon plutôt que par la ligne de tramway qui traversait le pont de Sèvres entre 1 heure et 5 heures du matin -après les spectacles -et entrait par l'avenue Édouard-Vaillant; la liaison avec l'usine a était aussi facilitée du fait que nous pas­sions par le Bas-Meudon et la gare des Moulineaux plutôt que par l'avenue Édouard-Vaillant, la porte de Saint-Cloud et la rue du Fief.

On peut rappeler que le bruit des tampons était tel qu'il y a eu des pétitions des habitants et que pour réduire le bruit on devait recouvrir les tampons de capotage en cuir.

Pour la voie fluviale, le Cretoleum, bateau-citerne en ciment de 800 t, qui est encore en service, avait été acheté en Angle­terre et a traversé le Channel d'une façon acrobatique.

En 1934, le service Transports-Manutentions a été éclaté au départ de son responsable, M. Daubard.

Le camionnage et la manutention sont restés attachés à la fabrication, tandis que l'export, le chemin de fer et la marine étaient détachés au secrétariat général et que la douane était rattachée aux Relations extérieures.

Ce fut l'occasion d'une promotion pour Jeannette Servoin, devenue Mme Marchon, qui devint secrétaire du directeur général des fabrications après neuf ans de secrétariat aux Transports-Manutentions.

Période 1936 - 1939

C'est en juin 1936 que les conflits sociaux ont éclaté aux usines Renault et particulièrement au bâtiment de l'Artillerie.

Le mouvement avait une très grande ampleur et dura environ deux semaines.

Les usines ont été occupées et les portes fermées sous la surveil­lance des piquets de grève.

Le mouvement s'est alors étendu à toute la France sans aucune intervention des pouvoirs publics ni de la police.

M. Renault avait pris la décision de s'isoler avenue Foch et les pourparlers étaient conduits par M. Lehideux, directeur géné­ral, qui avait à l'époque trente-trois ans.

Les conventions collectives ont été rapidement établies et la loi de quarante heures a été votée ainsi que deux semaines de congés pour tout le personnel.

Durant la période de l'occupation des usines, un comité central de grève dirigeait réellement les opérations. Il avait pour mis­sion d'entretenir le contact avec la direction des usines qui avait organisé des permanences afin que vingt-quatre heures sur vingt-quatre les relations soient possibles.

Sur cette période d'occupation, certaines anecdotes peuvent être rappelées.

Il était interdit de quitter les usines et les ouvriers qui tentaient de passer par les portes dérobées faisaient l'objet de différentes sanctions; l'une d'elles consistait â faire asseoir le délinquant sous surveillance et ce pendant plusieurs heures quelquefois, de jour ou de nuit.

Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les ouvriers et les ouvriè­res occupaient donc l'usine, le ravitaillement était organisé au mieux et il a été rapporté que pendant la nuit particulièrement toutes les manifestations de sympathie étaient permises.

Les hommes politiques venaient de temps à autre faire des dis­cours à l'intérieur des usines, et pour distraire le personnel des artistes ont présenté aux différentes usines tout leur talent.

Les journalistes assaillaient naturellement l'usine et la lecture des comptes rendus nous laissait parfois surpris tant les faits étaient rapportés avec certaines déformations. C'est ainsi qu'un communiqué de l'usine interprété par chacun des journaux de tendance politique différente trouvait au compte rendu l'allure que souhaitait le journaliste.

Cette période d'occupation des usines permettait également aux chefs de service attachés à la direction de faire de nom­breuses plaisanteries afin de tuer le temps. C'est ainsi qu'à dif­férentes reprises certains collègues ont été appelés à se présen­ter au comité central de grève à l'instigation d'un collègue mauvais plaisant ou bien de se présenter à la direction générale suivant le même système, certains autres étaient réveillés à leur domicile à des heures impossibles et pour des sujets les plus divers.

Les conventions collectives étant signées, il a fallu les appliquer en hâte et procéder à des élections.

C'était la première fois que des élections avaient lieu dans les usines et il a fallu innover rapidement.

Le Code du travail avait fort heureusement prévu quelques paragraphes sur ce sujet et à la direction des fabrications le système a été mis en place rapidement.

Les élections se sont déroulées sans heurt et les délégués ont été mis en place.

Le respect des quarante heures a été total et ce fut l'occasion d'une discipline d'atelier qui finalement a permis de gros bénéfices.

Le programme a été réalisé dans de bonnes conditions et prati­quement sans apport supplémentaire de matériels, bien que l'enquête faite auprès des ateliers pour connaître les besoins supplémentaires de moyens avait réuni une très grosse demande qui fut tout simplement balayée.

Le travail ayant repris, M. Renault a réintégré l'usine et a fait une conférence à ses principaux chefs de service. Il a expliqué son attitude d'isolement à son domicile par ce que son nom pouvait susciter des excès de la part de la classe ouvrière, mais il a rappelé qu'il avait, à la fin de la guerre 1914-1918, tenté d'intéresser plus complètement le personnel à la gestion d'entreprise (un article paru dans le journal l'A uto de 1919 à ce sujet), mais qu'il n'avait pas reçu un écho favorable.

Il a apporté de la modération dans le comportement des chefs de service qui avaient été excédés et même malmenés durant les grèves, et les choses sont reparties normalement.

Les premières vacances qui ont suivi ont fait l'objet d'explo­sions de joie de la part du personnel, qui n'en avait jamais bénéficié.

Ce mouvement social important a eu naturellement des inci­dences sur toutes les activités du pays et, dans le cadre des transports, elles se manifestaient différemment selon les activités.

L'application des quarante heures aux chemins de fer a provo­qué une réorganisation à la suite de la nationalisation, une embauche massive de cheminots a été réalisée et l'effectif atteint a été de 400 000 cheminots pour 40 000 kilomètres de voies, ce qui faisait dire à certains observateurs malveillants : il n'y a personne à la conduite des trains, mais il y a un cheminot tous les 100 mètres de voie.

Les chemins de fer ayant une organisation syndicale avant 1936, le mouvement fut encore renforcé et la direction des chemins de fer a eu certaines difficultés à surmonter.

Pour le transport routier, l'application fut moins aisée puisque beaucoup de transporteurs étaient des artisans, mais il y avait de nombreux arrêts sur les routes par des piquets de grève.

Quant aux transports privés que nous représentons, nous avons dû aménager de nombreux services afin de ne pas dépasser l'horaire strict de quarante heures qui était fixé.

Pour le transport fluvial, il y a eu des arrêts comme partout, mais les règles de la navigation qui font que les mariniers naviguent du lever au tomber du jour ont été maintenues.

Après la remise en route, de nombreux conflits se sont révélés et des grèves sporadiques et nombreuses se faisaient jour dans un atelier ou dans un autre.

Les méthodes de commandement ont été aménagées et ce fut l'occasion d'ouvrir un bureau des conflits avec M. Duten, afin que des arbitrages soient pris au niveau de la direction générale pour que les mêmes fautes reçoivent les mêmes sanctions.

Fabrication

La gamme des "tourisme" était complète avec la Celtaquatre, la Primaquatre, les Vivasport et Vivas tell a et quelques Nova­stella. La gamme des poids lourds était également complète avec les 2,5 t, 5 t et 7 t et les gros porteurs 15 et 18 t.

La fabrication des autorails était maintenue ainsi que les trac­teurs agricoles et les groupes électrogènes.

L'activité commerciale a été bonne bien que les marchandises eussent augmenté comme les salaires de 40 % en peu de temps.

Transports

A l'intérieur du service Transports, le renouvellement du maté­riel s'est poursuivi et même s'est accéléré, de nouveaux véhi­cules poids lourds de types TID 7 t Diesel, UDD 12 t Diesel, ont été mis en circulation et ont apporté un gros progrès aussi bien sur le plan technique que sur le plan du confort.

Les liaisons Hagondange-Billancourt et retour pour les tôles et les aciers ainsi que les liaisons avec Saint-Michel-de-Maurienne pour les aciers fins ont été exploitées avec des matériels de gros tonnage qui étaient particulièrement suivis par le bureau d'études.

Ce fut aussi la période où fut mise en place la publicité sur nos véhicules à l'aide de panneaux amovibles.

Le terme Diesel était abandonné au profit de "moteur à huile lourde".

Sous la pression des syndicats, qui présentaient des revendica­tions pour l'amélioration des conditions de travail, la manuten­tion fit des progrès.

L'ordre qui était exigé par la direction générale était aussi ren­forcé. Sur le plan social, des installations de douches, vestiaires, ont été rapidement mises en place, mais les pre­mières expériences n'ont pas été heureuses car le personnel qui n'était pas préparé à l'utilisation de ces installations les détrui­sait régulièrement ; il a fallu beaucoup insister et aussi être aidé par les délégués pour que le personnel respecte le matériel mis à sa disposition.

On peut rappeler les difficultés pour maintenir en place les pommes de douche car elles disparaissaient régulièrement pour servir de pommes d'arrosoir.

Cette période d'évolution sociale a pris souvent une allure presque excessive et c'est ainsi qu'en 1938 une occupation d'usine au bâtiment des pignons a été réprimée par la police sous le gouvernement Daladier. C'est à l'aide de gaz lacrymo­gènes que les piquets de grève ont été délogés et que la garde mobile a évacué les usines, mais à cette époque des bruits de guerre se faisaient jour et il y eut une mobilisation préparatoire fin 1938.

Le travail a repris normalement jusqu'au 1"' septembre 1939, date de la mobilisation pour la seconde guerre mondiale.

Dès la déclaration de guerre, beaucoup d'hommes jeunes ont été mobilisés et, comme la production a été maintenue à un haut niveau surtout en ce qui concerne le matériel destiné à l'armée, une embauche importante a été réalisée parmi les corps de métiers les plus divers.

En ce qui concerne le transport, nous avons rencontré des diffi­cultés pou,r le chemin de fer, mais nous avons trouvé la solution en embauchant des jeunes gens non mobilisables entre dix-huit et vingt ans.

En ce qui concerne le camionnage, on a pu mettre en place des femmes qui ont assuré la conduite des tacots et dans certains cas des poids lourds.

Un gros programme d'abris souterrains a été réalisé dans l'usine et autour de l'usine.

Les carrières du Bas-Meudon permettaient de protéger des effectifs importants après que leur aménagement fut réalisé, c'est-à-dire avec des ventilations et de l'éclairage.

Le P.C. de la défense passive y fut également installé.

Les fabrications des camions ont été développées, en particu­lier sur les 2,5 t et 5 t AHS-AHN ainsi que les ambulances.

La livraison de ces véhicules était assurée par des volontaires de l'usine qui, après l'heure, conduisaient ce matériel de l'armée, en particulier dans la forêt de Cercottes près d'Orléans ; le retour des volontaires était assuré par car.

Puis ce fut l'exode. Les destinations, fixées par la direction en accord avec l'armée, devaient être rejointes par le personnel de l'usine, à qui étaient attribués des véhicules, camions ou tou­risme ; dans beaucoup de cas, les familles ont pu suivre par ce moyen de transport.

Après l'exode, l'usine a été réouverte le 1" juillet 1940 après avoir été réquisitionnée par l'occupant.

Les fabrications ont été continuées sur des programmes établis pour l'armée allemande ; les programmes de montage étaient à peu près réalisés, mais les finitions étaient difficiles et c'est ainsi que les rues de Billancourt ainsi que les quais ont été long­temps occupés par des matériels en attente de finition.

Le premier bombardement par les Anglais a eu lieu le 3 mars 1942 de 21 heures à 23 heures; il Y eut beaucoup de victimes ; quatre autres bombardements ont eu lieu, les 4 et 15 avril 1943 et les 8 et 15 septembre 1943.

Tous ces bombardements ont été très meutriers, en particulier celui de septembre 1943 qui visait l'usine 0 et qui a détruit l'avenue de Versailles entre la porte de Saint-Cloud et le viaduc d'Auteuil.

La reconstruction a été organisée après chaque bombarde­ment, malgré les difficultés d'approvisionnement en matériaux de toute sorte.

Durant cette période d'occupation, il y a eu beaucoup de diffi­cultés d'approvisionnement en nourriture et l'usine a organisé des cultures.

Transport

N'ayant plus de carburant liquide, tous les matériels ont été transformés soit au gazogène, soit en véhicules à gaz.

Pour le gazogène, toutes les ressources ont été exploitées: char­bon de bois, bois, et des essais avec des charbons de terre.

La mise en place de ces moyens a demandé beaucoup d'imagi­nation de l'équipe technique.

En ce qui concerne la circulation, les difficultés étaient accrues, surtout la nuit par le fait qu'aucune artère n'était éclairée et que les phares étaient masqués à la peinture, lais­sant apparaître seulement une faible fente.

Les autorisations de circuler, Ausweis, étaient distribuées avec parcimonie, et pour assurer le service, en particulier les ravi­taillements et les déménagements, il fallait en permanence changer les numéros sur les camions car la carte grise pouvait servir à plusieurs véhicules, un peintre était attaché à cette fonction en permanence.

Il Y a eu aussi beaucoup de réquisitions.

Les locotracteurs ont été équipés avec des gazogènes ainsi que les péniches.

Au cours d'un bombardement plusieurs péniches ont été coulées.

Durant cette période d'occupation, les professionnels du trans­port ont organisé des séances de travail à Paris en vue de prépa­rer le redémarrage des transports. C'est ainsi que furent mis à l'étude: un taxi, les transports frigorifiques, les transports de fruits adaptés au mûrissement, la reconstitution du parc des wagons, etc.

Ces cours étaient abrités à l'École polytechnique et c'est à par­tir de ce moment que fut préparée l'École supérieure des transports.

Période 1944 - 1950

En septembre 1944, l'usine a été nationalisée.

Tous les bâtiments n'étaient pas entièrement reconstruits, en particulier celui de la direction, et c'est par une passerelle pro­visoire que M. Lefaucheux, qui a annoncé la nationalisation dans la salle des conférences, a rejoint le bureau de

M. Renault.

La mise en place des délégués du comité d'entreprise s'est faite avec une grosse publicité en vue de monter un plan d'actions sociales important.

M. Lefaucheux a mis l'accent particulièrement sur la sécurité pour laquelle il a créé un service complet avec des pouvoirs très étendus. Cette action a été suivie d'une réduction très sensible des accidents.

Le ravitaillement étant encore contingenté, le comité d'entre­prise a pris en mains la coopérative, mais le changement d'administration n'a pas donné tous les résultats attendus et sa fermeture a été décidée.

Fabrication

Pour cette reprise, les approvisionnements en matière étaient difficiles, mais le travail a été possible avec la remise à l'usine de tous les stocks épars qui avaient été constitués par les usines Renault sous l'occupation. Il s'agissait surtout de métal.

La gamme des poids lourds a été continuée puis modernisée ; la Juvaquatre a été continuée pendant quelque temps jusqu'au lancement de la 4 CV qui fut un gros succès.

L'étude de cette voiture avait été conduite pendant la guerre, de même qu'un modèle 10 ch qui n'a pas été mis en fabrication.

Les autorails ont été continués.

La Régie a racheté les usines de roulements d'Annecy et les a remises en état parce qu'elles avaient été détruites au moment de la Libération.

L'usine de fabrication des pièces de rechange a été installée à Saint-Denis, et celle d'Orléans a été créée dans le but de fabri­quer les matériels d'injection et les mécaniques de haute précision.

Choisy, qui était la propriété de l'aviation, a été reprise par la Régie dans le but d'y installer la fabrication des locotracteurs et de certaines autres fabrications mécaniques, en particulier les ressorts à boudin.

Le terrain Gallice que M. Renault n'avait jamais pu acheter a été acquis par la Régie à la suite de tractations de

M. Lefaucheux.

Transports-Manutentions

C'est en 1947 que le regroupement des Transports­Manutentions avec le service Transport-Export-Import a été réalisé.

A cette époque, le développement des relations extérieures a été entrepris en particulier avec l'A.F.A.P. et le C.LM. (Centre d'informations de manutention); ces deux organismes ont formé plusieurs missions qui ont prospecté à l'étranger, en par­ticulier en Amérique, pour connaître les méthodes modernes de manutention et de transport, c'est à cette occasion que la revue "Manutention" a été créée et que les congrès et les salons ont été mis en place annuellement.

Camionnage

Une reprise progressive, mais lente, des carburants liquides a permis de reconvertir le matériel de camionnage qui avait été transformé durant la guerre. Une amélioration sensible a été également constatée sur les pneumatiques.

Comme fabrication nouvelle, un moteur diesel 6 cylindres de 100-110 ch a été réalisé et a équipé une nouvelle flotte de véhicules.

De nombreuses petites remorques ont été fabriquées et ont été tractées par le chariot Tracma qui avait été mis au point sur les champs d'aviation et qui ressemblait au matériel américain.

Les semi-remorques qui avaient fait leur apparition à la Libé­ration avec les Américains ont été adaptées à notre trafic dans le but de remplacer les camions; ce matériel a été racheté aux surplus américains.

Chemin de fer et manutentions extérieures

En dehors du remplacement du gazogène par un réservoir à gazole, il n'y a pas eu d'améliorations techniques sur les II. Les projets de la direction prévoyant la mise en place d'une fabri­cation de locotracteurs commandaient d'attendre.

L'alimentation de l'usine 0 par voies ferrées a été arrêtée à la suite du déménagement du débit des grumes.

Pour faciliter la livraison des voitures, des wagons à étages ont été créés à partir de wagons de voyageurs récupérés ; cette action a été menée par M. Guibert, ingénieur à la S.N.C.F. et par M. Bodemer père.

En manutentions extérieures, des améliorations ont été appor­tées, particulièrement pour l'aménagement des parcs fonderie et de la rue de l'île.

Une action a été menée par ailleurs pour la suppression ou la réduction du coltin et du travail à la pelle ou à la fourche.

Manutentions d'atelier

Les conditions de travail dans les ateliers ont été rapidement améliorées, en particulier par la mise en place d'un chauffage qui n'existait pratiquement pas.

La discipline a permis de dégager les allées des ateliers.

La manutention a été sensiblement transformée par la mise en place des cars de manutention, d'emballages standard et d'emballages spéciaux.

Pour le fluvial, du matériel avait été coulé pendant la guerre et des achats de matériels neufs, "Pierre Lorrain" et "Billancourt", péniches de 300 tonnes, ont été effectués.

L'usine se développant, des magasins extérieurs étaient nécessai­res et c'est ainsi qu'Ivry a été acheté dans le but de faire un dépôt.

Période 1950 - 1960

Durant cette période, les activités de la Régie se sont développées et certaines créations ont été réalisées :

-l'usine de Flins,

-la création de la SAVIEM avec la fusion des établissements Latil et Somua,

-la Division Machines-Outils, qui a pris une autonomie en vue de vendre à l'extérieur,

-l'usine de Cléon pour la fabrication des boîtes de vitesses et des moteurs,

-la D.M.A., Division Matériel Agricole, qui a pris une grande autonomie aussi bien sur le plan commercial que sur le plan de la fabrication en vue de diffuser le tracteur agricole et tous ses outils,

-la SOFERMO, Bureau d'études des outils d'emboutissage, qui travaille également pour l'extérieur,

-la Renault Engineering, qui a repris une partie d'effectif du bureau d'études des bâtiments et qui travaille également avec l'extérieur pour toutes les activités exploitées à la Régie.

En 1951, la direction générale a décidé de créer des directions à l'intérieur de Billancourt. Ces directions groupaient: Forges­Fonderies, Outillages et Machines-Outils, Fabrication méca­nique moteurs et organes, Mécanique générale et Carrosserie­Montage.

Sous ces directions, tous les chefs de département de ces activités respectives étaient groupés.

Ce fut ensuite la mise en place du budget, ce qui a donné une allure différente à la Comptabilité.

Puis, le 11 février 1955, M. Lefaucheux se tuait dans un acci­dent d'automobile. Il fut remplacé par M. Dreyfus, au démar­rage de la Dauphine.

L'étude qu'avait faite M. Lamaison concernant la distribution des automobiles aux États-Unis débouchait sur un programme annuel de 80 000 à 100 000 véhicules, qui fut réalisé pendant deux ans.

Mais, le 15 novembre 1957, M. Lamaison et Mme ont trouvé la mort dans un accident d'avion au-dessus du Pacifique, alors que

M. Lamaison se rendait aux îles Hawaï pour installer un centre de distribution.

Comme fabrication, la Dauphine qui a eu une très brillante car­rière a été construite en même temps que la 4 CV qui fut long­temps réclamée par la clientèle.

La Frégate, sortie en 1951, n'a pas eu le succès escompté malgré ses qualités, et la gamme du poids lourd moyen était toujours exploitée avec bonheur.

Une grosse campagne fut organisée pour la distribution du trac­teur agricole et de ses "implements" (accessoires) avec le concours de tous leurs constructeurs.

En même temps, les études de matériels ferroviaires étaient développées dans le but de vendre des locotracteurs et du maté­riel pour la S.N.C.F. dont une voiture panoramique et, d'autre part, le premier métro sur pneus.

Pendant cette période, de nombreux voyages ont été organisés pour les États-Unis et nous avons eu avec M. Tauveron et

M. Rival l'occasion de visiter 32 usines aux États-Unis durant le mois de décembre 1951.

Ce voyage a permis de voir les réalisations américaines dans les implantations et les transports et nous avons pu en transposer une certaine quantité à la Régie.

Transports

Le renouvellement systématique des véhicules à moteur après sept ans de service a été mis en place, ce qui a permis un rajeu­nissement important de notre matériel.

Les améliorations du matériel du camionnage se sont aussi fait jour, en particulier pour le chauffage de la cabine, le confort du siège du conducteur et l'installation de la radio sur les véhicules routiers.

Pour le chemin de fer, nous avons pu mettre en service plusieurs prototypes de locotracteurs 100 et 200 ch. Ces matériels ont marqué une grande commodité de manœuvre par rapport au matériel précédent.

Des wagons E.V.S. avec les 2 portes escamotables ont été mis en service entre Cléon et Billancourt pour le transport des moteurs .et ont apporté un réel progrès pour la manutention.

Pour le fluvial, nous avons acheté un pétrolier de 800 t, leJason, qui assure l'approvisionnement de l'usine depuis Le Havre et Rouen.

Pour le stockage du fuel, l'Héraclès était acheté en Italie -il s'agissait d'un ravitailleur de sous-marins -pour stocker 800 t de fuel à quai à Billancourt. Cette péniche a été remorquée depuis Naples en passant par Gibraltar et ce fut une opération bien particulière.

Transports internationaux

En ce qui concerne le maritime, la crise qui sévissait à la suite des différentes guerres, de Corée, d'Indochine, d'Algérie, ne permettait pas de trouver facilement le fret nécessaire au trans­port des véhicules.

Ce problème était particulièrement difficile avec les États-Unis, en particulier sur le Pacifique où les taux de fret offerts étaient extrêmement élevés et le fret bien rare.

Vue du garage du service Transport.

Il fut alors décidé de créer une compagnie maritime, filiale de Renault, et c'est ainsi qu'est née la C.A.T. (Compagnie d'Affrè­tement et de Transport) en collaboration avec la Compagnie générale transatlantique et la compagnie d'assurance "La Foncière".

Pendant la pointe de vente aux États-Unis, 18 liberty ships navi­guaient en même temps tout en utilisant les lignes régulières de la Transat.

Sur l'autoroute de l'Ouest.

Sur le plan douanier, l'évolution de la politique européenne a permis de réduire progressivement les contingents puis de favori­ser les échanges en simplifiant les formalités administratives.

La C.E.C.A. fut créée pour le charbon et l'acier et ce fut le début de l'application de "la libre pratique".

Les douanes françaises et européennes, voulant se mettre davan­tage à la disposition du public, ont établi des bureaux de douane à l'intérieur des territoires et créé le T.I.R. (Transport interna­tional routier) et le T.1. F. (Transport international ferroviaire) qui permettent de franchir les frontières sans arrêt et d'effectuer les formalités administratives au point de destination.

Toutes ces études de douane et de transport étaient faites en commun.

En ce qui concerne la mécanisation de la manutention, le déve­loppement a été continu grâce aux efforts de l'A.F.A.P. qui est fréquemment intervenue dans les industries et dans l'industrie de fabrication des moyens de manutention qui prirent en France un gros développement.

Le plus gros effort a été fait au niveau des implantations avec des allées convenables puis la mise en place des chariots à fourche et d'emballages spéciaux ou standard.

Le Centre national de la Manutention avec M. Dagaillier a ras­semblé le maximum d'industriels et de nombreuses visites d'usines ont été organisées aussi bien en France qu'en Europe.

C'est en 1959 que le ministère nous a demandé de créer une asso­ciation d'usagers et qu'est née l'A.F.U.T.E.I.M.

Période 1960 - 1965

A la suite des constructions d'usines nouvelles, la Régie recherche un équilibre immobilier. C'est ainsi que dans la région parisienne on a procédé aux ventes d'Ivry, de Saint-Denis, de l'usine BB et que les ventes de "T" et de l'usine 0 sont en discus­sion en 1965.

Ces disparitions d'ateliers ou de magasins sont compensées par la construction de l'usine du Havre pour la Renault 16 et de Lorient pour les fonderies.

Par ailleurs, le service commercial a suivi la même règle dans le but d'augmenter les surfaces utilisables en vendant des terrains chers au profit de zones nouvelles.

Pour la fabrication, la Dauphine a continué sa brillante car­rière, puis la Renault 4 à Billancourt, la Renault 8 à Flins, la Caravelle à Creil et l'Estafette à l'usine 0 ont complété la gamme de nos matériels avec le tracteur agricole qui a pris un gros développement.

A Choisy, le matériel ferroviaire a été abandonné, le moteur die­sel étudié par Renault a été confié à Alfa Romeo à Naples dans le cadre des échanges du Marché commun.

C'est pendant cette période que des départs ont été enregistrés:

M. Grillot a quitté l'usine en mars 1960,

M. Tauveron en 1964. Il a été remplacé par M. Beullac qui a pris pour adjoint M. Bonnin,

M. Debos parti en juin 1965 a été remplacé par M. Jardon.

La SA VIEM a continué son développement en adoptant, par mutation, la gamme basse des poids lourds qui était fabriquée jusqu'alors, pour la mécanique, dans l'île, pour la carrosserie, à l'usine O. La sous-traitance par ailleurs a été développée puis repensée dans le cadre des Méthodes générales et des Achats.

Le service des Méthodes ayant pris une activité plus importante a eu deux actions : une aux Méthodes centrales qui inspirent les systèmes et définissent les méthodes de fabrication, puis les Méthode~ décentralisées qui, par délégation des Méthodes centrales, complêtent la mise au point des fabrications.

Une commission des Surfaces a été créée. Se réunissant chaque mois, elle traite tous les problèmes de mètres carrés.

Transports

La multiplication des usines décentralisées a conduit à repenser les problèmes de liaisons inter-usines.

Les gares routières ont été mises en place dans chaque usine et les liaisons ont évolué.

C'est ainsi que la liaison du Mans a été réalisée avec les remorques route-fer du type "Kangourou". Ce système plus économique que la route traditionnelle a permis une alimentation plus systématique du Mans et de ses clients.

La gamme SA VIEM qui couvre la totalité des tonnages a permis de remplacer progressivement les vieux matériels en service et, avec le concours de l'Estafette, les "tacots" qui avaient été mis en service à la fin de la guerre ont été remplacés.

L'activité du chemin de fer a progressivement diminué à la suite de la réduction des surfaces de Billancourt et le matériel n'a pas été modifié, mais certains locotracteurs ont été mutés à d'autres usines, telles Cléon, Le Havre, puis Lorient.

Cependant, la recherche de progrès au chemin de fer a continué, en particulier la mise au point des télécommunications entre l'agent qui relève les rames de wagons à l'arrivée et au départ et le bureau du chemin de fer où l'enregistrement dactylographique se fait par "sans fil".

Pour le fluvial, activité stable également à la suite des réductions de tonnage de sable de fonderie; mais l'approvisionnement en carburant liquide a été plus important du fait de l'installation à Flins d'une réserve de 5 000 t qui permet auJason de travailler sans interruption.

Sur le plan de la manutention d'atelier, le regroupement global de l'ensemble des usines a été réalisé dans le cadre de la direction de la Production.

La mise en place de l'encadrement a été réglée avec la D.C.P.R.S., la mesure des temps avec le M.T.M. 3 et, avec les progrès de recherche en liaison avec l'extérieur, l'ossature globale a été établie pour les transports et manutentions.

Déchargement de sable dans le port de Billancourt. En médaillon: le "Jason" et le "Bizerte" amarrés à Billancourt.

Il s'en est suivi un chiffrage global Transports-Manutentions.

Dans le cadre de la Chambre syndicale des constructeurs automobiles, des études communes à l'ensemble de l'industrie ont été réalisées.

Cette idée d'études en commun a même franchi les frontières et c'est avec l'Allemagne d'abord, puis avec l'ensemble de tous les constructeurs européens, que des réunions de travail périodiques ont été organisées et ont apporté d'excellents résultats.

En 1961, la direction générale a décidé de créer un service Transpùrts dans le cadre de la direction commerciale. C'est ainsi que la C.A.T., qui avait été créée pour le transport des voitures aux États-Unis, a couvert l'ensemble des transports des services commerciaux et qu'en 1965 fut agencé le système de transport des voitures entre Billancourt et Flins par barges.

Marcel ARNAULT