01 - Comment informer pour s'affirmer

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Comment INFORMER pour S'AFFIRMER

Au seuil d'une année 1981 qui allait se révéler riche en événe­ments pour la France comme à la Régie, paraissait à Billan­court le premier numéro de "Flash Usine", bulletin d'informa­tion destiné à l'encadrement et aux personnels techniques et administratifs. Roger Vacher, directeur de l'usine, y présentait ses vœux, souhaitant que chacun "participe davantage à la vie de l'entreprise, qu'il connaisse mieux dans quel cadre s'inscrit son travail, qu'il comprenne mieux dans quel processus s'znsère son effort, qu't'l soit mieux znformé".

Inaugurant une série de 37 numéros régulièrement publiés de janvier 1981 à novembre 1983, ce premier "Flash Usine" ("le Flash", comme on l'appellera vite) illustrait clairement la volonté de l'usine de Billancourt d'exister davantage en tant que telle.

Née de la fusion, le 1" février 1979, des anciennes usine! de mécanique (U.F.M.B.) et de montage (U.C.M.B.), l'usim de Billancourt avait tout lieu de se sentir menacée dans SOIl identité, à la suite de la constitution du Centre Industriel de Billancourt (C.I.B.), le le, juillet 1980. L'usine avait donc envie -pourquoi pas? -de bien s'affirmer dans sa spécificité et ne voulait pas voir sa gestion diluée dans une entité un peu hybride mêlant aux activités d'atelier le monde très différent des "grands bureaux" qui regroupent notamment les Méthode! et les Achats.

Une autre raison a présidé à la naissance de "Flash Usine", la nécessité de combler un réel déficit d'information, vivement ressenti par la quasi-totalité des agents de maîtrise et par bOIl nombre d'ingénieurs et cadres. Problème bien précisément repéré dans le cadre des très nombreuses sessions de formatioll organisées pour l'encadrement tout au long des années 70. Qu'il s'agisse de classiques phénomènes de cloisonnement entre les différentes fonctions de l'usine (la médecine du travail et le! ateliers, par exemple) ou entre la "terre ferme" (entendez le! ateliers de mécanique installés sur la rive droite de la Seine) et l'île Seguin (l'île du Diable 1).

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Dérapages

Il Ya les faits, dont OIi dit toujours qu'ils sont têtus. Et leur interprétation, souvent

délicate, quand elle n'est pas tout simplement hasardeuse.

Premier fait. Au milieu du mois de juillet, l'usine avait «dans sa cour» plus de

7 000 véhicules non terminés. On imagine le surcoû.t causé par une telle situation:

immobilisation de capitaux, location de parcs, frais de manutention (carburant, main­

d'œuvre), etc. Sans compter le manque à livrer, c'est-à-dire le manque à gagner. Situa­

tion exceptionnelle? Oui, heureusement, encore que des chiffres d'en-cours presque

aussi élevés aient été déjà atteints ces années dernières.

A partir de cette réalité connue, carrée, brute, s'ouvre le champ des interprétations

possibles. Bienveillantes ou pas. Limpides ou plus ou moins confuses. SuIVient alors le

risque de glisser de la gestion à la polémique, de chercher des coupables ou d'ouvrir le

parapluie. Bref, de déraper.

Au début du mois de septembre, grâce à un effort considérable de tous, l'en-cours usine

était revenu à 1 400 véhicules.

Autres faits, toujours en juillet. Pour la ·première fois depuis fort longtemps, pour ne

pas dire depuis toujours, la France a importé plus de voitures qu'elle n'en a exporté, la

balance des importations et des exportations accusant un déficit de 384 millions de

francs. Dans le même temps les marques étrangères réalisaient sur le marché français

plus de 40 % des ventes. Et certains de supputer les arrière-pensées des constructeurs.

Dérapage. En réalité -le saviez-vous? -les ventes de Renault en France ont

augmenté au mois de juillet de 34 % par rapport au même mois de l'année dernière, les

ventes de Renault 4 progressant d'environ 200 unités pour les berlines COmme pour les

fourgonnettes, et ceci malgré la situation critique que nous connaissions à l'usine.

Dernier fait. Une quarantaine de sociétés étrangères fournissent des pièces pour le

montage de la Renault 4. Des batteries viennent d'Espagne, des crics sont importés de

Yougoslavie, des bouchons de réservoir d'Allemagne de l'Ouest... Oui, c'est vrai.

Encore faut~il rapporter ces livraisons étrangères au volume global des fournitures

nécessaires au montage d'une voiture, prendre en considération les 257 fournisseurs

français qui approvisionnent le département 74. Et ne pas perdre de vue qu'à moins de

nous enfermer dans une splendide tour d'ivoire nous aurions mauvaise grâce à refuser

d'acheter à l'étranger alors que nous-mêmes exportons 50 % de notre production.

L'usine doit exécuter dans les semaines qui viennent un contrat de 2 000 moteurs pour

l'Algérie, Cléon livre Kenosha et Viry-Châtillon va fournir Lotus. Qui s'en plaindra?

Sans prétendre à la fluidité de l'information quotidienne, "Flash Usine" s'est néanmoins efforcé d'être près de l'actualité et de ne pas méconnaitre des mots comme: aujourd'hui, hier, demazn, tout particulièrement à la suite des réunions mensuelles du comité d'établissement, où la direction est amenée à donner aux élus des éléments d'information dont l'encadrement ne dispose pas toujours.

Aussi rapide que l'éclair, "Flash" ? Peut-être pas. Du moins l'imprimeur ne mégotait-il pas sur le siccatif, pour pouvoir massicoter au plus vite les 2 000 exemplaires, sans trop risquer de les maculer... Piaffant d'impatience, l'auteur de ces lignes embarquait au plus vite le tirage pour le diffuser illico à Billan­court : 77 % des destinataires recevaient "Flash Usine" le jour même de sa parution. Pas mal mais il aurait fallu faire encore beaucoup mieux 1

Sans prétention, vite imprimé et vite lu, "Flash Usine" a plutôt rempli son rôle si l'on en croit l'enquête publiée en février 1982 dans le numéro 19 : en étant près de l'événement, près de ses lecteurs, en se donnant clairement pour ce qu'il était, c'est-à­dire l'expression de la direction.

Est-il possible, est-il souhaitable, dans le cadre de la communi­cation interne, de développer des supports qui aient les caractéristiques de vrais journaux ? "Autogramm", de Volkswagen, semble y parvenir, et surtout "Illustratofiat", à Turin, mais c'est une autre histoire...

François BATIER