03 - L'Album de Famille

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L'ALBUM DE FAMILLE

La voiturette 1900 type C

Afin d'assurer le transport de 3 per­sonnes, la petite Renault de 1900 donne plus d'importance à· son châssis et substitue au moteur initial un moteur de 3 1/2 CV avec circulation d'eau par thermo-siphon, la réfrigération se faisant par des radiateurs à ailettes disposés de part et d'autre de celui-ci.

En principe, le moteur de Dion-Bouton utilisé avait 80 mm d'alésage et 80 mm de course pour 450 cm3 de cylindrée mais, comme le démontre le procès­verbal des Mines, reproduit ci-après, ces cotes avaient une certaine élasti­cité. Il ne possédait pas de régulation sur l'échappement, c'est-à-dire que la levée de la soupape d'échappement ne pouvait pas être modifiée par l'abais­sement facultatif de la tige poussoir. C'est le seul moteur de Dion à eau présentant cette particularité.

De demi-cylindrique le capot prend une forme trapézoïdale comportant en sa partie supérieure les réservoirs d'eau et de carburant. L'allumage se fait par accumulateur et bobine. Le carburateur, un Longuemare, est com­posé de deux boîtes accolées; l'une est pour le flotteur, l'autre est la boîte de mélange. La colonne de direction est droite, commandée par un guidon à poignées verticales et agit sur les roues AV. par l'intermédiaire de bielles sans crémaillère.

La C carrossée en conduite intérieure (col. R.N.U.R.).

Changements de vitesse et sens de marche sont obtenus, pour les pre­miers modèles, par un levier à poi­gnée situé à gauche du conducteur, entre les deux places que comporte la banquette AV. L'ensemble du châs­sis est toujours suspendu par quatre ressorts à pincettes, placés longitu­dinalement (2 AV. -2 AR.) et la car­rosserie fixée par huit boulons.

Le procès-verbal des Mines

Renault frères

139, rue du Point-du-Jour -Billancourt

(Seine).

Bureaux et Caisse

7, place des Victoires -Paris.

La Voiturette que nous présentons sous la désignation de Type C est actionnée par un moteur à pétrole à 4 temps du cycle ordinaire de la force de 3 à 4 chevaux avec allumage élec­trique. L'alésage du cylindre varie de 80 à 90 mm, la course de 80 à 110 mm et le nombre de tours de 1 500 à 1 600 par minute.

Le poids de la voiturette est de 300 kg environ à vide, la charge est de 150 kg sur chaque essieu, le poids des voya­geurs se porte de 2/3 environ sur l'es­sieu arrière et 1/3 sur l'essieu avant. Elle est montée sur quatre roues dont les deux d'avant sont directrices et les deux d'arrière motrices. Ces quatre roues sont montées sur quatre ressorts fixés sur un cadre en tube d'acier sans soudures de 0,035 m extérieur et 0,030 m intérieur.

Sur le cadre est fixée la caisse de la voiturette.

En avant de la caisse se trouve placé un réservoir en tôle étamée, accroché et soudé, contenant l'essence néces­saire au moteur. Ce réservoir porte à sa partie supérieure un bouchon de remplissage en cuivre à vis, et à sa partie inférieure un robinet de vidange. 1/ porte également à la partie inférieure la prise de l' essence pour l'alimentation du carburateur; cette prise d'essence s'ouvre, se règle, se ferme herméti­quement au moyen d'un pointeau métal­lique à vis.

Le carburateur porte à sa partie infé­rieure, un bouchon en bronze fileté permettant d'en opérer la vidange.

Au-dessus du réservoir, se trouve placé un autre réservoir en tôle conte­nant l'eau nécessaire au refroidisse­ment du cylindre du moteur.

Organes et transmission -Le moteur est placé à l'avant de la voiturette et fixé solidement au cadre. Il est alimenté par un carburateur à niveau constant. Les gaz d'échappement du moteur communiquent par un tube d'acier à une bOÎte d'échappement. Ce silencieux de forme cylindrique de 140 mm de diamètre et de 300 mm de long est composé de 4 tubes en tôle d'acier, percés de petits trous, ces quatre tubes sont placés concentriquement les uns aux autres. Ils sont fermés et assem­blés à leurs extrémités par deux dis­ques en acier.

Le moteur porte un volant sur lequel se trouve fixé d'un côté un cliquet ser­vant au lancement du moteur et de l'autre un cône à friction garni de cuir monté sur un arbre tournant dans la bOÎte de changement de vitesses.

Cette bOÎte contient les engrenages nécessaires pour effectuer trois rap­ports de vitesses différents et la mar­che arrière sur la petite vitesse. La disposition est telle qu'en grande vitesse tout intermédiaire d'engrenage est supprimé et le moteur relié direc­tement par un arbre muni de deux joints à cardan à un pignon d'angle attaquant directement le différentiel placé sur l'essieu d'arrière; le rapport en grande vitesse est donc celui des deux pignons d'angle. Le nombre de dents du petit pignon est de 12, 14 ou 16 suivant les voitures et celui de la roue située sur le différentiel est de 108 dents. Tous ces engrenages sont noyés dans l'huile.

Le diamètre des roues motrices est de 0,750 m.

Les vitesses communiquées à la voi­turette au maximum d'allure du moteur sont respectivement de 8, 18 et 30 kilo­mètres à l'heure.

Groupement des appareils. Au-dessous du guidon se trouvent placées les manettes servant à régler :

1° la carburation;

2° l'introduction des gaz au moteur;

3° l'avance à l'allumage permettant de

régler la vitesse du moteur.

A portée de la main gauche sont pla­cées la poignée de changement de vitesse et la poignée de marche arrière.

A la portée de la main droite se trouve placé le levier de frein agissant sur les roues.

Sous le pied droit est placée la pédale de débrayage et de frein.

Sur le devant de la voiturette est pla­cée la manivelle de lancement.

Direction. La direction s'obtient par l'articulation des deux roues d'avant. A cet effet les fusées en fer forgé de 21 mm de section à la partie la plus forte et de 17 mm à la partie la plus faible, sont montées sur deux chapes en acier forgé dans lesquelles elles sont susceptibles de se mouvoir dans le plan horizontal au moyen d'un axe en acier de 18 mm placé verticalement.

Ces chapes sont brasées à l'extrémité d'un tube en acier de 40 mm de dia­mètre extérieur et de 35 mm intérieur sur lequel viennent s'attacher les res­sorts au moyen de pièces en acier coulé brasées au tube. Les articula­tions des chapes portent chacune un levier en acier forgé de 25 mm de section et de 80 mm de long. Ces deux leviers sont reliés entre eux par un tube transversal de 16 mm extérieur et 13 mm intérieur, portant à chacune de ses extrémités des joints articulés. La commande s'effectue par un gui­don ou une roue. Elle est transmise par un tube vertical de 22 mm extérieur 19 mm intérieur en acier étiré, à l'extré­mité duquel est brasé perpendiculai­rement un levier en acier coulé de 25 mm de section sur 10 mm et de 75 mm de long.

Ce levier commande un second levier en acier forgé de la même section de 200 mm de long. Ce second levier est brasé directement sur l'une des articu­lations des chapes de devant.

Ces deux leviers sont reliés entre eux par un tube en acier étiré de 16 mm extérieur et de 13 intérieur, portant à chacune de ses extrémités des arti­culations en acier coulé.

Freins. Le frein à main agit sur deux tambours de freins de 230 mm de dia­mètre sur 35 mm de large en acier coulé. Ce frein est à simple enroule­ment, l'angle total d'enroulement étant de 360°. Il se compose d'une bande en acier laminé de 33 mm de largeur et de 1 mm d'épaisseur, laquelle bande est garnie intérieurement de cuir. Le rapport des bras de leviers du point d'application de la main à la bande est de 5 à 1. Le levier à main glisse le long d'une crémaillère qui permet de laisser le frein serré.

1/ y a un tambour semblable à celui que nous venons de décrire à chacune des roues d'arrière. Ces deux freins sont serrés simultanément par le levier à main dont nous venons de parler.

Voiture fanal présentée aux grandes manœuvres de 1900 (col. R.N.U.R.).

Le frein à pédale se compose d'une bande en acier laminé de 32 mm de largeur et de 1 mm d'épaisseur garni d'une bande en fonte sur la partie frottante. Cette bande forme serrage sur un tambour en fonte de 100 mm de diamètre, tournant à une vitesse 6 -7 à 9 fois plus grande que celle des roues. Ce frein est à tirage équili­bré, le point fixe ou le point d'atta­che se trouve placé au milieu de la bande à la partie opposée de la cou­pure; cette disposition permet un ser­rage aussi fort en avant qu'en arrière. La tension de la bande sur le tambour s'obtient par pression sur la pédale de débrayage; la disposition de cette pédale est telle que l'action du frein ne s'opère qu'après avoir retiré l'action motrice, c'est-à-dire débrayé. Tous ces leviers sont en acier coulé. L'angle d'enroulement de ce frein est de 350°.

Le rapport des bras de leviers de la pédale à la bande de frein est de 10 à 1. Ce frein agit suffisamment en marche arrière pour empêcher la dérive en rampe.

1/ résulte des constatations effectuées le 24 avril 1900 sur la voiture nO 30 appartenant au type ci-dessus décrit que ce type satisfait aux articles 2, 3, 4, 5 et 6 du décret du 10 mars 1899.

Paris, le 2 mai 1900

Vu:Vu:

L'Ingénieur en ChefL'Ingénieur des Mines, des Mines, Signé: Walckenaër

Signé: Bochet

Les succès de la «C»

La petitesse du changement de vitesse, dont beaucoup de spécialistes de l'époque craignaient les susceptibilités, donna tort à tous ses détracteurs.

Les succès de la C, dans les diffé­rentes épreuves auxquelles elle prit part, établissent définitivement la répu­tation de la marque qui doubla, cette année-là, la superficie de ses ateliers, desquels sortirent 350 voiturettes (d'après les journaux), alors que les statistiques Renault révèlent 179 véhi­cules fabriqués par les mains d'une centaine d'ouvriers. En réalité, je crois que le chiffre de 350 doit être consi­déré comme le nombre de commandes résultant de la victoire dans Paris­Toulouse.

Ce fut cette voiture que Louis Renault présenta lors des grandes manœuvres de 1900, équipée d'un fanal. Elle y obtint un très grand succès, surtout auprès des étrangers. Capable de fran­chir toutes les distances sur toute route, cette voiturette, portant à l'ar­rière un projecteur suffisamment puis­sant pour envoyer un faisceau lumi­neux à trois kilomètres devenait, aussi­tôt arrêtée, une petite usine électrique par une combinaison ingénieuse de la transmission qui pouvait s'accoupler instantanément sur une dynamo ali­mentant le projecteur.

Roger DESHUISSARD