13 - Le règlement général de 1906

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LE REGLEMENT GENERAL DE 1906

Dans le numéro 1 de notre Bulletin nous avons publié le « Règlement général des ateliers " édicté en 1905. Il peut être considéré comme le pre­mier des règlements intérieurs quoi­qu'il n'énonce que des règles de disci­pline générale que les contremaîtres sont chargés d'appliquer.

Avec le « Règlement général » du 1 0 avril 1906, il s'agit de prescriptions beaucoup plus précises puisqu'elles définissent: les conditions d'embau­chage et de débauchage, le contrôle de la présence, la durée du travail, la rémunération, .etc... Par la suite d'autres règlement interviendront qui tiendront compte des modifications intervenues, soit légalement, soit à la suite d'accords contractuels. Les dis­positions particulières applicables aux employés et aux agents de maîtrise feront l'objet d'annexes particulières. L'étude de l'ensemble de ces textes présente une image révélatrice des conditions de travail.

Les différents règlements ont paru aux dates suivantes: 10 avril 1906, 4 octobre 1919, 1er janvier 1923, 1er novembre 1936, 25 avril 1946. Les annexes portent les dates: du j'er juil­let 1920 (N'o 1 pour les employés, modifiée le 1'er janvier 1924), du 1er janvier 1923 (N'o 3 pour les chefs d'atelier et de section), du 1,er juin 1930 (N'o 4 pour les employés caté­

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gorie E). A partir du novembre 1936 toutes les annexes ont été inclu­ses dans le règlement général.

Nous présentons, ci-après, le texte intégral du règlement du 10 nvril 1906 persuadés que nous sommes qu'il ne sera pas sans intérêt pour nos lec­teurs.

Georges Floris.

Article 1

Embauchage et affûtage

Pour être admis à travailler dans les ateliers, tout ouvrier devra se présenter à l'inscription avec ses réfé­rences (certificats de travail, extrait de casier judiciaire, et s'il y D lieu le livret militaire), il devra donner bien exactement son état-civil et son adres­se. Tous ces renseignements seront consignés sur un livre spécial.

Après convocation verbale, ou par écrit, il sera admis à faire un essai dont la durée ne devra pas dépasser une journée de travail. Si l'essai est

Annonce publicitaire parue dans LE VELO du 9 Octobre 1E9)

reconnu «bon» par le contremaître, ce dernier lui fixera immédiatement le taux de son salaire à l'heure.

S'il accepte le taux fixé par le contremaître ce dernier le fera con­duire aussitôt au bureau du personnel pour signer le contrat d'embauchage.

En cas de non-acceptation, l'ouvrier sera réglé immédiatement des heures passées sur son essai, en appliquant la taxe moyenne payée aux ouvriers de sa profession.

Si l'essai est reconnu «mauvais» l'ouvrier devra quitter l'atelier sur l'ordre qui lui en sera donné sans aucune indemnité.

Article Il

Contrôle

Dès qu'un ouvrier sera embauché, un carton portant son numéro d'ordre Gera mis au tableau du contrôle, pour qu'il puisse enregistrer lui-même ses entrées et sorties au pointeur automa­tique qui lui sera désigné à cet effet, de manière à indiquer son temps de présence dans l'atelier.

La feuille de paie est établie d'après le relevé de ce pointage et l'ouvrier qui aura négligé de pointer son en­trée et sa sortie sera passible de la perte de son temps s'il ne peut prou­ver d'une manière absolue sa présence DU travail.

La Maison fournit à l'ouvrier tous les outils nécessaires pour ses tra­vaux. Il reçoit en consigne à son en­U·ée dans l'atelier un livret, qu'il doit signer, sur lequel est dressé un inventaire des outils qui lui sont con­fiés et dont il reste seule responsable.

L'ouvrier devra rendre un compte exact de son temps, pendant Iles heures de présence à l'atelier, toute f~usse déclaratLon pourra entraîner son renvoi.

L'ouvier devra signaler au bureau du personnel, chaque changement de domicile pendant son séjour dans les ateliers.

Article III

Durée du travail

Suivant les circonstances et les sai­sons, les heures de travail et le temps de repos seront affichés près de l'entrée des ateliers.

Les entrées réglementaires seront annoncées par le §lifflet de la machine, et la porte sera fE?rmée au deuxième coup de sifflet à l'heure juste, ainsi que les tableaux de contrôle. Le pre­mier coup de sifflet annonçant l'entrée sera prolongé, le deuxième annonçant la fermeture de la porte, prolongé et un coup non prolongé. Pour l'entrée supplémentaire du matin, un seul coup non prolongé.

La cessation du travail est annoncée par le sifflet de la machine; aucun préparatif de sortie n'est toléré avant ce signal.

Il est expressément défendu de se laver les mains dans l'atelier.

Article IV

Paye

Un tableau indiquant les dates de paye pour toute l'année sera affiché dans les ateliers. En principe, la paye a lieu par quinzaine le samedi soir, et comprend le total des heures de cette qUin zaine, arrêtée le mercredi soir précédant la paye.

Le règlement des bons s'opèrera de façon suivante:

Les bons devront être arrêtés au plus tard le troisième mercredi pré­cédant la paye, et remis au bureau le lundi suivant ce jour; passé ce délai, le règlement de ces bons sera remis à la paye suivante. Il ne sera donné aucun acompte.

c' Les ouvriers quittant volontairement l'atelier et ceux congédiés seront ré­glés immédiatement des sommes qui leur seront dues à l'heure, sauf toutes oppositions légales et judiciaires qui pourraient être faites sur leurs salaires. Les gratifications qui pourraient leur revenir sur les travaux à forfait leur seront payées huit jours après leur départ.

Le jour de paye, tout ouvrier sera mis en possession d'un bon de paye qu'il devra signer, il devra le rendre aussitôt au pointeau, après avoir déta­ché l'onglet sur lequel sera inscrit la somme qu'il aura à toucher, et ne pourra avoir sa boîte de paye que contre la présentation de cet onglet.

En cas de désaccord sur le montant, les réclamations seront faites le lundi de onze heures à midi, avec contrôle de l'ouvrier.

La paye sera faite dans les ateliers.

Article V

Travaux aux pièces

Bien que le taux du salaire soit éta­bli à l'heure, les travaux seront géné­ralement remis à forfait à un ouvrier ou à plusieurs ouvriers réunis en équi­pe à des prix établis par M. L. Renault ou ses représentants.

Le délai des travaux sera consigné sur le Bon de travail signé du contre­maître et de l'ouvrier.

Lorsque le chef d'équipe aura lui­même signé un bon de travail, il aura comme les hommes de son équipe droit au boni résultant de ses bons.

Lorsque le travail est confié à une équipe dirigée par un ouvrier chef d'équipe, n'ayant pas signé de bon de travail, le boni fait par les ouvriers de l'équi pe appartient exclusivement à ceux-ci; le chef d'équipe recevant dans ce cas, indépendamment de son salaire, une gratification spéciale.

Le règlement des travaux exécutés par l'ouvrier ou par l'équipe sera fait comme il est dit à l'article IV mais à la condition expresse que le travail aura été contrôlé et reçu.

L'ouvrier qui loupera des pièces devra res retoucher à son compte si les pièces peuvent être réparées.

Si les pièces loupées ne peuvent être retouchées, le prix du travail loupé ainsi que la moitié du prix de la ma­tière employée, seront déduits du compte de l'ouvrier au moment du règlement du bon en cas d'insuffisance, sur le bénéfice des bons précédents ou les suivants.

Dans le cas de travail confié à une équipe le prix du travail loupé et la moitié du prix de la matière seront déduits à l'équipe dans la proportion suivante:

Un cinquième au chef d'équipe et quatre cinquièmes aux ouvriers de l'équipe.

En outre, s'il se produisait dans le travail confié à un ouvrier isolé ou à une équipe un déficit sur le prix du bon de travail aux pièces, ce déficit sera déduit sur le bénéfice des bons précédents et, en cas d'insuffisance cur celui des bons suivants.

Article VI

Dispositions générales

Tout le personnel des ateliers est astreint à observer les mesures pri­ses par M. L. Renault et qu'il faut connaître par voie d'affiches. Les ou­vriers sont responsables de la con­servation et du bon entretien des outils qui leur sont confiés. Lorsqu'il quit­tent le service leur compte n'est réglé qu'après décharges et dépôts desdits outils remis en bon état.

Pour tout travail susceptible d'occa­sionner des blessures aux yeux, les ouvriers doivent se procurer à l'outil­lage des lunettes qui leur sont déli­vrées contre remise d'un jeton.

Il est strictement défendu aux ou­vriers, sous peine de renvoi:

la d'entrer dans les ateliers en état

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d'ivresse; 2'0 d'introduire des liqueurs 0 40

fortes; de s'y quereller; de manquer de respect au personnel diri­geant ou surveillant; go d'emporter hors des ateliers des outils, plans, ou autres objets appartenant à la mai­son; 6° de toucher aux courroies, pou­lies ou engrenages en mouvement; de graisser les transmissions et de met­tre en route les dynamos réceptrices commandant les transmissions; 7° de replacer sur les outils en marche des

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courroies tombées; de s'absenter de leur travail ou de quitter leur ma­chine sans motifs sérieux; 9° de se servir des machines ou autres outils que ceux qui leur auront été spéciale­ment affectés par leur contremaître; 100 de rester dans les ateliers pen­dant les heures fixées pour le repos.

Chaque fois qu'il surviendra, au cours du travail, un accident quel­conque déclaration immédiate en sera faite au bureau du personnel, soit par le blessé, soit par deux témoins de l'accident, de façon à permettre la déclaration légale qui doit être faite par la Maison dans les 48 heures (Loi du 9 avril 1898).

Si la déclaration n'était pas faite dans ce délai, soit que l'ouvrier ait jugé que sa blessure était insignifiante et ne l'obligeait pas à interrompre son travail, soit pour toute autre cause, l'ouvrier ne pourrait exercer aucun recours contre la Maison même si la blessure venait à s'aggraver par la suite.

Article VII

Debauchage

Les ouvriers pourront quitter la Maison une heure après avoir pré­venu le contremaître.

Réciproquement la Maison se réser­ve le droit de remercier sans indem­nité les ouvriers en les faisant pré­venir par le contremaître une heure d'avance,

Billancourt, le 10 avril 1906. Signé: L. RENAULT.

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