09 - Le montage à la chaîne de la 10 HP Renault en 1922

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Le montage à la chaîne de la 10 HP Renault en 1922

Vue partielle de:l'atelier des 10 HP à l'usine 0 (30-9-1922)

Dans la construction moderne d'une automobile utilitaire, le travail en série doit être seul admis_ Par une étude judicieuse du modèle, par une bonne répartition du travail, on arrive à des prodiges d'économie, ainsi qu'à une grande précision. " est à noter que l'automobile est, parmi les produits industriels, celui qui se res­sent le moins de l'élévation générale des prix_ Cela, elle le doit au savoir faire de nos usiniers qui ont su géné­raliser l'emploi des méthodes mo­dernes de travail.

Pour l'usinage des pièces mécaniques, la question est entendue. Mais il reste un gros problème à résoudre, qui est le montage des châssis. Pour faciliter cette opération, il existe bien certains outils perfectionnés, mais, en réalité, elle repose entièrement sur la main-d'œuvre, ruine de toute industrie à l'heure actuelle. Avec les salaires élevés que réclament les spécialistes, il ne peut être question de leur confier aujourd'hui ce travail de montage, surtout si l'on y emploie

les anciens procédés.

Les constructeurs d'automobiles se sont donc vus contraints d'imaginer des méthodes nouvelles pour le mon­tage, méthodes faisant une part mi­nime à l'habileté professionnelle de l'ouvrier, réduisant les pertes de temps au minimum, mais ne laissant rien à désirer au point de vue de la perfection du travail.

Nous croyons vivement intéresser nos lecteurs en les faisant pénétrer au cœur des usines Renault, pour leur montrer de près les méthodes de montage appliquées au châssis 10 HP que ces usines construisent en grande série.

LE PROCÉDÉ DE LA « CHAINE»

Le principe auquel on a fait appel pour le montage de la 10 HP Renault est celui de la chaîne. Il consiste à faire monter successivement les dif­férents organes sur le châssis par des équipes d'ouvriers, devant lesquelles les châssis en cours de montage se présentent successivement. Les châs­sis sont transportés mécaniquement d'une équipe à l'autre et passent entre les mains des monteurs à la manière des seaux des pompiers, lorsque l'on fait la chaîne pour alimenter les pompes à incendie. D'où, fort pro­bablement, le nom du procédé.

Chacune des équipes, bien entendu, ne procède qu'à une petite série de montages, toujours la même. Ceci a permis d'éliminer, pour la plupart, les spécialistes. Chaque ouvrier, fai­sant toujours le même travail, facilité par un outillage approprié, a vite fait d'acquérir la dextérité qui pourrait lui manquer au début. Il arrive à tra­vailler en quelque sorte par réflexe, automatiquement, et à donner ainsi le rendement maximum.

Mais la méthode de la chaîne pour être appliquée en pratique demande une étude très serrée et une mise au point des plus délicates. Voici pour­quoi:

Lorsqu'une équipe de monteurs a fini son travail, nous avons dit que le châssis passe entre les mains de l'équipe suivante, tandis qu'un nou­veau châssis est amené à la première. Il est donc de nécessité absolue que le travail de chacune des équipes s'exé­cute dans le même temps. Sans cela, ou bien une équipe restera inoccupée pendant un certain temps, ou bien il se produira en un point de la chaîne une accumulation de châssis qui arrêtera tout le travail.

Cette considération montre que l'étude de chaque opération de montage doit être poussée très loin et n'est pas du ressort du premier venu. Mais, pour des usines aussi bien organisées que celles de Renault, pareille difficulté n'est pas pour arrêter longtemps les ingénieurs. Nous allons montrer com­ment ils l'ont résolue.

LA MISE EN PRATIQUE

DU MONTAGE

Après une étude approfondie, le temps accordé pour chaque opération a été fixé à 40 minutes, qui doivent être exclusivement employées en travail utile. Pour cela, les différentes pièces à monter sur le châssis telles que le moteur, le pont arrière etc. et qui constituent des ensembles lourds et volumineux, sont disposés préalable­ment de telle façon que chacune soit à bonne portée de l'équipe qui doit la manier. Donc, de ce côté, pas de dérangement.

De plus, l'ouvrier ne doit pas avoir à courir après les outils et les petites pièces telles que les boulons, écrous, rondelles et goupilles qui lui sont nécessaires pour son travail. A cet effet, tout ce matériel est méthodique­ment disposé dans les casiers d'une boîte, qui peut pivoter autour d'un support vertical, fixé au plancher. Cette disposition permet d'amener la boîte et son contenu à portée de la main de l'ouvrier, dans quelque posi­tion qu'il se trouve. Il n'a donc qu'à étendre la main pour trouver ce dont il a besoin.

Chaque boîte contient le matériel nécessaire pour le montage de vingt châssis; un employé manutention­naire la garnit à nouveau chaque fois que le vingtième châssis va être ter­miné.

Le moment le plus curieux, le plus vivant pour ainsi dire de tout ce tra­vail, est le décalage, c'est-à-dire le passage du châssis d'une équipe à la suivante. Les ouvriers sont avertis au moyen d'une sonnerie; ils déclen­chent alors un verrouillage qui fait reprendre à chaque boîte à outils sa position parallèle au châssis, de ma­nière à ne pas gêner le cheminement de ce dernier. Chacune des équipes, qui a terminé son travail se tient alors prête à recommencer sur le châssis suivant, et le changement s'exécute avec une précision curieuse à observer.

LE DÉTAIL DES OPÉRATIONS

Ces considérations théoriques bien établies, nous pouvons passer à la description des différentes opérations de montage du châssis 10 HP Renault. Elles sont au nombre de douze, que font parfaitement comprendre les des­sins ci-contre, et peuvent se résumer ainsi:

A châssis -B chaine d'accrochage -C palan ­D pont roulant -E cabine de commande ­F chemin de roulement -G boite d'outillage et de boulonnerie -H H' tréteaux de montage ­1 pancarte indiquant les opérations à effectuer.

1re opération:

Les châssis nus, placés en stock à "une des extrémités de la chaîne, sont amenés à l'aide d'un pont rou­lant, sur les tréteaux de montage. La première équipe procède à la mise en place des carters de tôle, et de l'essieu avant avec ses ressorts, ses roues et ses jumelles.

A propos de cette opération, il est une remarque à faire, qui s'applique également aux montages suivants : il

A palan -B carter en tôle -C C' roues ­

2n]e OPÉRATION

o traverses assises du ressort arrière -E ressort

arrière -F support de boîte de vitesses

est nécessaire, pour que le temps accordé à chaque équipe ne soit pas dépassé, que les ensembles, destinés au montage sur le châssis, puissent être placés sans aucune difficulté. Ainsi, pour les tôles de protection, il faut que les trous des tôles, qui ont été percés préalablement correspondent exactement à ceux du châssis. La moindre retouche à la lime, au cours de l'une des opérations, compromettrait toute la suite du travail.

2e

opération:

La traverse support de la boîte de vitesse est fixée au châssis, ainsi que les supports avant de marche­pieds. A l'aide du pont roulant, le châssis qui, jusqu'alors, était à l'envers, est retourné, de manière à reposer sur ses roues avant. L'arrière du châssis, à ce moment, repose sur le ressort (transversal) de l'essieu arrière monté en préparation, et amené à l'endroit voulu.

Comme on le sait, la boîte de vitesses de la 10 HP Renault, fait partie du tube de poussée et de réaction, lui­même monté à rotule sur le châssis. Il n'y a donc qu'à soulever la boîte de vitesses, et à monter la rotule, puis à fixer les brides du ressort arrière pour que l'ensemble de la transmission soit mise en place.

L'opération se termine par le montage du support de roue de rechange sur la traverse arrière du châssis, puis de l'installation électrique pour le démar­rage et l'éclairage. Un grand pas dans le montage est fait à ce moment : le châssis repose en effet sur ses roues, ce qui permet de supprimer les tréteaux, toujours encombrants dans un atelier.

3e

opération:

Elle comprend le montage de la direction et de sa bielle de commande, ainsi que des supports arrière de marchepieds.

4e

opération:

Le moteur, avec son embrayage préa­lablement monté, est amené à l'aide d'un pont roulant sur les traverses destinées à le recevoir: il est bou­lonné, après centrage du volant, exactement en ligne avec la boîte de vitesses. Après quoi, le châssis reçoit les deux bas-côtés servant de supports au tablier de bois.

5e 6e

opération: opération:

Le tablier de bois, ainsi que la plan­la commande de l'accélérateur est Le radiateur dont les supports ont été chette des instruments de bord, sont fixé au tablier de bois et aux bas­préalablement fixés au tablier, est mis en place. Le tablier de bois a côtés. mis en place. Il est ensuite recouvert reçu préalablement le réservoir d'es­de la calandre, sorte de carter formant sence et ses supports. Le support de A canalisation électrique -B collerette du venti­enveloppe autour du radiateur. La

lateur -C planche du tablier.

direction est fixé à la planchette. Le tuyauterie d'essence est également

montage des fils électriques sur cette montée.

même planchette peut être achevé;

A radiateur -B calandre -C réservoir d'essenceenfin, le plancher en tôle qui supporte et la planchette-support d'appareillage électrique.

7e 8e

· opération: opération:

A levier de changement de vitesses -B levier

Elle comprend l'ajustage des pédales Le devant de bois sur lequel repose

de frein à main -C cône d'embrayage.

· de débrayage, de frein et d'accélé­le capot, est fixé au châssis. Le capot rateur, puis des leviers de frein et de lui-même est fixé au radiateur, et ·changement de vitesses. Le moteur ses attaches à l'avant-bois. est ensuite définitivement accouplé

A cadre avant en bois -B capot. Il est fixé

à la boîte de vitesses. aussitôt au radiateur.

~8

ge

opération:

Les palonniers et les tiges de com­mande des freins sont mis en place, et les commandes de frein sont réglées_

1Oe opération:

Le silencieux et le tuyau d'échappe­ment sont posés, puis a lieu la fixa­tion et le réglage des tiges de com­mande du carburateur et de la dynas­tart. Enfin, le tableau électrique est placé sur la planchette des instru­ments de bord.

11 e opération:

Les quelques petits accessoires qui manquent encore, tels que graisseurs et boules de leviers, sont mis en place. Le châssis est à ce moment entière­ment terminé de montage mécanique; il est alors mis en peinture.

12e opération:

Le châssis passe enfin à la vérification. Tous les organes sont examinés, ainsi que les numéros d'ordre dont ils sont marqués. Les numéros sont réunis sur une fiche de fabrication, qui constitue en quelque sorte l'état­civil du châssis. Le châssis ayant reçu la note « bon» est alors conduit aux essais. Il ne reviendra plus dans le hall du montage à la « chaîne ».

Pierre MAILLARD

Ingénieur E.C.P.

Cet article a paru dans le numéro 28 de « Omnia » revue pratique de l'au­tomobile dirigée par Baudry de Sau­nier.

s'apercevoir de la manœuvre de son ami Maillard qui s'était faufilé jus­qu'à lui.

C'est alors que ce dernier lui passa subitement, autour du cou, un superbe