01 - L'usine du Mans (1918-1945) (1)

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L'usine du Mans (1918-1945) (1)

Située à 200 kilomètres de Paris, la ville du Mans se trouve" au carrefour de voies naturelles de passage, et au centre d'un pays de transition entre des régions très différentes qui l'entourent" (1).

Avant l'apparition du chemin de fer, c'est essentiellement par la rivière, la Sarthe, que le trafic commercial s'effectue. Il s'atténuera ultérieurement; cependant, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il assurera encore annuellement le transport de 40 000 tonnes de fret.

La gare du Mans est inaugurée en 1853 ; elle devient alors pour un temps le terminus de la ligne Paris-Brest ; cette der­nière sera prolongée jusqu'à Laval en 1855. L'année suivante une première bifurcation reliera Alençon, Rouen et Dieppe, et une seconde en 1863, Sablé et Angers, qui permettra de joindre Nantes, Bordeaux, Tours et le centre de la France.

En 1907 un projet de gare de triage indépendante est mis au point. Les travaux débuteront en 1909 après le rachat par l'État du réseau de l'Ouest. La mise en service aura lieu en 1914.

Le trafic ferroviaire s'ajoutant au trafic fluvial permet au Mans "d'épanouir des aptitudes commerciales depuis longtemps révélées" (2).

La vieille ville (3) a reculé ses frontières; en 1855 elle englobe les communes de Sainte-Croix, Saint-Georges-du-Plain, Saint­Pavin-des-Champs et, en 1865, Pontlieue (4).

A l'aube du XXe siècle, Le Mans est encore un gros bourg rural qui compte 60 000 habitants. Première industrie sarthoise : le travail du chanvre. Elle connaîtra des difficultés d'adaptation

(1) Capitaine]. Marty: "Le Mans. nœud de voies ferrées ". Rennes -Impr. Oberthur -1939, p. 4.

(2)

Jean Gouhier : " Le Mans ". Éd. S.A.E.P. -Colmar -Ingelsheim -1973, p. 57.

(3)

Aujourd'hui" Le Vieux Mans ".

(4)

Décret du 5 mai 1855 (rattachement au Mans de trois communes) -Loi du 18 juillet

1865 (rattachement au Mans de la commune de Pontlieue).

Plan cadastral des terrains qu'occupera la future usine de Pontlieue.

et se reconvertira dans la fabrication des bâches et des sacs. Quant aux industries métallurgiques et mécaniques sarthoises, elles occupent, au début du siècle, 2 400 ouvriers. A Saint­Pavin et à Antoigné, on traite les fontes de seconde fusion. L'industrie automobile doit son origine sarthoise à Amédée Bollée et à ses fils Amédée et Léon (5). C'est à Amédée Bollée père qu'est attribuée, très justement d'ailleurs, l'invention de la " machine automobile" moderne.

Fils d'un fondeur de cloches établi au Mans depuis 1842, il fit son apprentissage à l'usine de Saint-Pavin. En 1873 il construit " l'Obéissante ", une véritable locomotive routière capable de transporter 12 personnes et d'atteindre 40 km/ho C'est avec elle que, deux années plus tard, il se rendra à Paris au prix de mille difficultés.

Puis il construit" la Mancelle ", plus légère que" l'Obéis­sante" mais toujours mue par la vapeur. En 1880 il installe un atelier spécial à côté de la fonderie paternelle. Son fils aîné, Amédée, mettra au point en 1886 une voiturette à pétrole; mais c'est Léon Bollée qui, en 1900, se lancera dans la construction industrielle en créant l'usine des Sablons.

A ce moment il existe au Mans, en dehors des frères Bollée, quatre constructeurs: Aubert (motocycles -place de l'Épe­ron), Chappée (moteurs à pétrole -place Saint-Pavin), Pineau (voiturettes à pétrole -rue Nationale) et Vallée (rue d'Australie). A Mayet, A. Bouttier construit des voiturettes légères.

Une mention particulière doit être faite pour le constructeur Vallée dont la société produisit de 1894 à 1904 des voitures de fortes puissances dont un modèle, " la Pantoufle" -surnom­mée ainsi en raison de son carénage profilé -, participa à de nombreuses épreuves.

La vente des automobiles et des motocycles est assurée par 5 négociants au Mans et 9 dans le reste du département. On dénombre 9 vendeurs d'essence au Mans et 18 à l'extérieur. Enfin 36 Manceaux sont propriétaires d'une automobile dont 19 de la marque Bollée; 29 autres propriétaires se répartissent dans les autres communes du département dont 10 pour la seule commune de La Flèche (6).

La vocation automobile du Mans est due pour une large part à la famille Bollée. Et, quand en 1905 Georges Durand, fonda­teur du Syndicat d'initiative des Alpes mancelles, présente son projet de circuit pour le premier grand prix de l'A.C.F. de 1906, c'est tout naturellement à Amédée Bollée père que sera offerte la présidence d'honneur du nouvel Automobile-Club de la Sarthe (7).

On sait que ce premier grand prix, disputé les 26 et 27 juin 1906, fut remporté par François Szisz sur une Renault de 100 ch (8).

On pourrait légitimement penser que si Renault s'est installé au Mans c'est en raison du passé automobile de la capitale du Maine. En réalité il n'en fut rien.

1. LA DÉFENSE NATIONALE EXIGE

Le 1er août 1914, c'est la mobilisation générale. Le lendemain, les Allemands envahissent le Luxembourg et la Belgique. Fin août, Paris étant gravement menacé, le gouvernement décide l'évacuation de quelques usines qui achèvent des marchés de défense nationale. Le 25 août, Renault quitte Billancourt pour s'installer à Lyon dans les usines d'automobiles Rochet­Schneider. Il y poursuivra ses fabrications de moteurs d'avion.

Dès la bataille de la Marne les faits avaient cruellement démenti les prévisions optimistes des augures militaires et civils, tant en ce qui concerne la durée des hostilités que la consommation des munitions. Les usines fermées lors de la mobilisation durent être rouvertes et se reconvertir en usines d'armement. La mobilisation industrielle, niée avant la guerre, devenait un impératif.

La conquête par l'ennemi des vastes territoires du nord et de l'est de la France eut pour conséquence une utilisation inten­sive des établissements industriels de la région parisienne, ce qui présentait un danger certain, l'ennemi ayant déjà mis Paris à portée de ses canons.

En 1916, conscient de ce danger, le ministre de l'Armement ordonna le transfert en province de certaines fabrications. Renault procéda alors à de nombreuses prospections qui abou­tirent en juillet 1918 à la création ou à la location d'ateliers à Saint-Pierre-des-Corps (près de Tours), à Angers (Fonderie et aciérie d'Anjou et La Possonnière), à Grenoble (usine Bartoye et Delamarche).

Cette dispersion ne pouvait qu'être préjudiciable aux produc­tions de l'entreprise. La nécessité s'imposait de procéder à un regroupement et peut-être même à la construction d'une nouvelle usine.

Les efforts de prospection furent dirigés parallèlement sur les régions d'Angers et du Mans. Pour Angers le résultat se révéla rapidement négatif, les prix des terrains étant très élevés. Pour Le Mans l'opération consista en la recherche d'usines: Léon­Bollée des Sablons, la fonderie Bollée, l'ancienne usine d'Amé­dée Bollée et enfin l'usine des Marbreries de Sablé. Aucune démarche ne put aboutir.

Louis Renault prit alors contact avec M. Chappée, proprié­

taire de la fonderie d'Antoigné. L'accord qui intervint ne don­

nant pas satisfaction à Louis Renault, il ne restait plus que

deux solutions :

" -ou s'entendre avec la Compagnie des Chemins de fer de

l'État pour l'occupation de grands ateliers de réparation qu'elle

a, à proximité de la gare de triage du Maroc au Mans, et dont

une partie seulement travaille avec 120 à 150 ouvriers, le sur­

plus étant employé comme magasin d'équipements militaires;

-ou faire l'acquisition de terrains qui seraient situés dans la même région et sur lesquels nous établirions des ateliers" (9).

Cette dernière solution fut retenue en accord avec l'autorité militaire" en raison des avantages importants qu'elle présente aux points de vue suivants :

- situation géographique du Mans grâce à la proximité d'une

(5) Sur l'évolution économique et sociale de la Sarthe le lecteur pourra se reporter à l'ouvrage publié sous la direction d'André Leroy: " La Sarthe des oT1:gines à nosjours "

-Éd. Bordessoules -Saint-Jean-d'Angély -1983.

(6) D'après" L'Annuaire Général de l'Automobile 1900". F. Thevin et Ch. Oury.

(7)

L'Automobile-Club de la Sarthe sera créé officiellement le 24 janvier 1906.

(8)

Cf Gilbert Hatry : " Renault et kz compétition: l'éPoque héroïque" -Éd. Lafour­cade -1979, p. 107 et suivantes.

(9) Cf Gilbert Hatry: " Renault usine de guerre 1914-1918 " -Éd. Lafourcade -1978,

p. 31132.

importante gare de chemin de fer, permettant le ravitaillement en matières premières sans encombrer les voies du Nord et de l'Est;

-proximité d'une ville importante permettant l'absorption et le ravitaillement en vivres de 20 000 à 30 000 personnes supplé­mentaires;

-contiguïté de l'usine avec le champ de manœuvres du Mans dont l'étendue et la configuration horizontale permettent le départ par leurs propres moyens d'avions, dès leur sortie de l'usine, sans qu'ils aient à subir des démontages et des trans­ports, sources d'incidents mécaniques, de retards et de frais" (10).

2. UN PROJET AMBITIEUX

Un impératif de la Défense nationale certes, mais peut·être aussi un désir secret de Louis Renault : abandonner Billan­court, mettre en œuvre les idées sociales qu'il manifestera notamment en 1919.

A Billancourt l'extension de l'usine n'est pas sans poser pro· blème. Implantée sur un tissu urbain particulièrement dense, chaque parcelle de terrain a dû être conquise de haute lutte.

La mainmise sur les rues enserrant les ateliers n'a été possible en 1917 qu'en arguant des nécessités de la guerre. L'opposition des habitants s'est alors manifestée, malgré la guerre, et elle laissait prévoir qu'à la fin des hostilités elle s'amplifierait jusqu:à rendre impossible toute nouvelle extension. " L'épou­ventatl du Mans ne nous inquiète pas ", disent les habitants de Boulogne (11) alors que Louis Renault les menace d'abandon­ner Billancourt.

(10) Arch. S.H.U.R. -Note remise à l'Inspecteur général Seguin par M. Arrachart ­

8 novembre 1928. (Il) Cf Gilbert Hatry : " L'Affaire des rues Renault" -"De Renault frères à Renault

régz'e natz'onale ", t. 2, p. 93 et suivantes.

Les acquisitions territoriales: en 1918 (noir) et en 1919 (hachures).

Ce que ne permet pas Billancourt, Le Mans peut le permettre. Car Louis Renault préconise pour les ouvriers" la création de maisons à bon compte avec l'adjonction d'un petit jardin, la création de centres de loisirs dans lesquels après leur journée de travailles ouvriers pourront venir se détendre". Pourtant il ne faut pas se méprendre, Louis Renault n'a rien d'un patron " paternaliste", au contraire c:est un libéral. Plus tard il affir­mera qu' " un chef d'industrie ne doit pas s'immiscer dans les affaires privées de son personnel. Aussitôt passé les portes de l'usine, celui-ci doit reprendre sa liberté. Le Chef d'établisse­ment n'a à connaître que ce qui concerne la production et le travail intérieur de l'usine" (12). Comme nous sommes loin de la conception d'André Citroën pour qui " l'ouvrier est un enfant qu'il faut guider".

L'avant-projet que Louis Renault fait établir le 4 décembre 1918 préfigure non seulement l'usine qu'il veut aménager ­une usine intégrée propre à fabriquer tous les produits de la Marque -mais également ses préoccupations sociales par la construction de logements et d'espaces de loisirs.

Pour la partie industrielle le projet prévoit la construction de :

-5 bâtiments de 250 m X 60 m ou 120 m destinés à l'expédi­tion (15 000 m2), au montage (20 000 m2), aux pièces finies (20 000 m2), aux machines-outils (30 000 m2), aux pièces brutes (20 000 m2) ;

-5 bâtiments de 100 m X 60 m ou 90 m X 60 m destinés à l'emboutissage (6 000 m 2), aux forges (6 000 m2), à la fonderie d'aluminium (6 000 m2), à l'aciérie (6 000 m2), à la fonderie de fonte (6 000 m2), aux gueuses (5 400 m2) ; et également un parc aux aciers (19 500 m2), une centrale (4800 m2), des bâti­ments pour la fabrication de l'oxygène, des docks, un bâtiment d'entretien (1 000 m2) et des bâtiments administratifs (4800 m2), une infirmerie, un garage, soit approximativement pour les ensembles industriels 255 520 m2.

Pour les aménagements futurs 126 600 m2 sont réservés, les allées et rues de dégagement représentant environ 126 000 m2, l'ensemble industriel s'élève à près de 51 hectares.

Le projet prévoit pour la partie logements et loisirs: 600 mai­sons d'ouvriers et de contremaîtres, une coopérative, un restau­rant ouvrier, un mess des employés et chefs de service, un club des employés, un club des employées, un club des chefs de ser­vice, un hôtel pour célibataires, un établissement de bains et piscine, une salle de gymnastique, des lavoirs, un théâtre et un cinéma, urie écol"e maternelle avec préau, une garderie d'enfants, une salle de consultations et un dispensaire, un ten­nis et un kiosque à musique, un terrain de jeux, une pelouse pour jeux d'enfants, un club d'enfants, une école de jardinage et des jardins pour culture maraîchère. .

Certes ce projet ambitieux ne sera pas réalisé tel qu'il était prévu mais un examen attentif de la structure actuelle de l'usine et de son environnement montre que Louis Renault a, dans la conception même, fait figure de précurseur.

3. CONQUÊTE ET DÉFENSE DU TERRITOIRE

La plaine d'Arnage, située au sud du Mans, hors des limites de l'ancienne commune de Pontlieue, termine une "étendue plate grossièrement triangulaire, large de 4 à 5 kilomètres"

(13) qui s'étend entre l'Huisne et la Sarthe, traversée par le che­min de Port Beleau au Mans.

C'est sur cette plaine sablonneuse avec ses landes boisées que Louis Renault projette de construire son usine en accord avec les autorités militaires. Un projet établi par l'administration préfectorale prenait, comme point de départ, le triangle formé par le chemin d'Arnage, la rue du Polygone et la route de Pontlieue à la Pointe, avec possibilité d'extension vers la Sarthe.

(12)

Arch. S.H.U.R. -Note du 5 décembre 1940.

(13)

Jean Gouhier, op. cil., p. 50.

L'espace définitivement retenu est limité au sud par la Sarthe; à l'ouest par l'allée de l'Angevinière et le chemin d'Arnage; au nord par la rue du Polygone, le champ de manœuvres et la réserve d'artillerie; à l'est par la ligne de chemin de fer de rac­cordement bordée par le chemin de la Vallée des Poules et le chemin de la Raterie.

L'ensemble qui couvre 122 ha 60 a 79 ca comprend 50 par­celles dont 35 libres de toute construction, réparties entre 34 propriétaires. Il s'agit donc de convaincre ces propriétaires.

Cette mission est confiée à Amédée Gabillon, un chef de contentieux exerçant à Paris.

Sa tâche ne va pas être facile. Certes il ne se heurte pas à une hostilité générale mais plutôt aux exigences pécuniaires des propriétaires. Un de ces derniers, Mme Bourguin, " est absolu­ment opposé à la vente"... pour une question de prix. " J'ai offert 0,50 F le mètre, puis 0,60, puis 0,70, puis 0,80 ", mais Mme Bourguin en veut 1 franc car" l'un de ses voisins a vendu 2 francs le mètre" (14). D'autres propriétaires sont" obtus et bornés" (15) et " certains se montrent gourmands" (16).

(14)

Arch. S.H.U.R. -Lettre de M. Gabillon à M. Duc -Juillet 1918.

(15)

Ibid., lettre du 17 juillet 1918.

(16)

Ibid., lettre du 24 juillet 1918.

Traité du 25 juillet 1924 entre les Chemins de fer de l'État et Louis Renault

poUl' l'établissement d'un embranchement particulier (fac-similé de la

première page).

Quoi qu'il en soit, les acquisitions, souvent précédées de loca­tion, sont menées tambour battant. En 1918,6 parcelles repré­

m2

sentant 195 983 sont 'achetées pour un montant de 114877,61 F, soit un prix moyen au mètre carré de 0,59 F. En 1919, on compte 39 acquisitions soit 1 039 375 m2 pour un montant de 1 778257,80 F : prix moyen au mètre carré 1,71 F. Les deux années suivantes ne verront que deux achats, soit 7 205 m2 pour 31 928 F (17). Nous pouvons constater qu'à la fin de 1919 les terrains convoités par Louis Renault sont devenus sa propriété. Mais ce domaine, il faudra le défendre à plusieurs reprises.

Les Américains au Mans

En mai 1918la 83e division de l'Ohio débarquant de Brest s'ins­talle au Mans et dans différentes communes du département. Bientôt la Sarthe deviendra un centre de rassemblement" dont l'activité ne sera sans doute comparable à nulle autre en France" (18).

Ce centre implanté dans le quartier du Maroc développe ses installations et se raccorde à la gare de triage par une voie dite " raccordement américain ". Dès juillet 1918 deux voies sup­plémentaires sont prévues.

Après l'armistice 180 000 militaires en instance de rapatrie­ment se retrouvent au Mans (caserne Chanzy) et à Arnage, Auvours, Château-du-Loir, Écommoy, Joué-l'Abbé, la Ferté­Bernard, La Milesse, Pont-de-Gennes, Pontvallain, etc. Le centre de rassemblement du Mans devient alors un " Centre d'embarquement ". Dirigé par le major-général G.W. Read, il emploie jusqu'à 1 000 ouvriers et ouvrières français. Pendant huit mois il connaîtra une intense activité (19).

Pour desservir sa future usine, Louis Renault avait besoin, lui aussi, d'une voie le reliant à la gare de triage. Et pourquoi ne pas utiliser ce " raccordement américain " ? La demande fut présentée en juillet 1918 au lieutenant Menon qui commandait alors le centre. Le lieutenant qui n'avait pas autorité pour prendre une telle décision s'adressa au superintendant Major

H. Taylor, responsable du réseau, qui résidait à Tours. Le Major refusa non seulement d'accéder à la demande de Louis Renault mais il s'installa sur des terrains pour lesquels Renault avait fait prendre des options et qu'il se hâta de louer afin d'éviter toute réquisition (20).

Cette occupation se développa après l'armistice malgré les achats opérés entre-temps par Louis Renault. Le 21 janvier 1919, on constata que les Américains coupaient des sapins pour monter des tentes destinées à abriter plusieurs milliers d'hommes. Par le lieutenant Spring, le mandataire de Renault apprend que les Américains avaient l'intention de prendre la totalité des terrains Renault, sauf une partie bordant le chemin d'Arnage. "Ce camp est prévu, relate M. Plousey, représentant de Renault, pour recevoir mensuellement 300 000 hommes qui, de là, seront expédiés sur Brest, Cherbourg et Saint-Nazaire". Il poursuit: " sur ma demande expresse, le lieutenant Spring a téléphoné à ses chefs directs à Tours qui ont répondu qu'il était impossible de surseoir à cette occupation, le rapatriement ayant lieu sur la demande expresse du gouvernement français pour faciliter le ravitaillement de la population civile, notamment les régions libérées. Il leur est impossible" malgré la reconnaissance qu'ils doivent à M. Renault-, en raison des services rendus à la cause commune, de surseoir à une occupation pour une construction ultérieure, tandis que leurs matériaux sont à pied d'œuvre H.

Ils m'ont montré notamment des rames de wagons arrivés de Toul contenant des hangars métalliques, destinés à être instal­lés sur le terrain Bourguin (21), pour le démontage, le grais­sage et l'emballage des camions véhicules automobiles devant ètre expédiés en Amérique. A 5 heures ils m'ont informé que l'ordre de réquisition était lancé, exécuté et qu'ils ne pouvaient plus revenir sur un ordre donné" (22).

Louis Renault se verra donc contraint d'attendre le départ des Américains pour que débute la construction des premiers ateliers.

(17)

Arch. S.H.U.R. -Le Mans, acquisitions territoriales.

(18)

Communiqué de l'État·Major américain -"La Sarthe" du 14 juin 1919.

(19) Les derniers contingents américains quitteront Le Mans le 16 août 1919 ­" La Sarthe" du 16 août 1919.

(20)

Arch. S.H.U.R. -Lettre de M. Gabillon -Juillet 1918.

(21)

Nom de l'ancien propriétaire.

(22)

Arch. S.H.U.R. -Compte rendu d'une démarche faite par M. Plousey au Mans le 21 janvier 1919.

Le champ de manœuvres

Le champ de manœuvres et de tir avait été créé par un décret du 12 mai 1874. La surface qu'il occupait intéressait au plus haut point Louis Renault, non pour y construire de nouveaux ateliers mais pour permettre l'envol des appareils que l'usine du Mans pourrait être appelée à fabriquer. Le maintien en l'état du terrain était impératif pour Louis Renault.

Or, dès 1924, les autorités militaires avaient décidé" de procé­der à la création d'une station-magasin (et) après de nom­breuses recherches dans la région, il a été reconnu que le seul terrain se prêtant à cette installation était constitué par les abords du terrain de Pontlieue, en raison de la proximité de la gare de triage (...). En temps de paix seront seuls édifiés les fours de boulangerie, les paneteries nécessaires à côté de ces massifs de fours et les voies ferrées nécessaires à la desserte de ces bâtiments" (23) ; cependant" cet ensemble ne présente qu'une emprise de deux hectares environ sur le terrain de manœuvres, sous la forme d'une bande de 70 mètres en bor­dure des magasins de l'artillerie. Il ne semble donc pas que ces constructions soient de nature à gêner en temps de paix l'utili­sation du terrain de manœuvres comme point de départ d'avions". Cependant" à la mobilisation il sera évidemment nécessaire d'empiéter un peu plus sur ce terrain en vue de la construction des voies ferrées supplémentaires nécessaires à la desserte de la station-magasin et de l'édification de certains stockages; il en résultera une nouvelle emprise qui enlèvera au terrain de manœuvres un nouvelle bande de 170 mètres de lar­geur environ. Le terrain n'en conservera pas moins une surface libre de 200 mètres de large environ,. surface qu'il semble pos­sible d'augmenter le moment venu en supprimant le stand exis­tant au nord-ouest de ce terrain et en étendant celui-ci par acquisition ou réquisition des terrains reconnus nécessaires" (24).

Pour Louis Renault ce projet n'est pas acceptable car, à terme, il rendrait le terrain impropre au décollage ou à l'atterrissage d'avions, le capitaine aviateur Ludovic Arrachart le lui confir­mera. Alors il faut traiter avec les ministères intéressés.

Après de nombreuses visites sur le terrain où se retrouvent avec les représentants de Renault les autorités militaires concernées, le général Pyot, inspecteur de la mobilisation industrielle, pré­sente un projet qui ne " toucher.ait pas à la partie actuellement encore libre du terrain de manœuvres" mais " nécessiterait une légère emprise sur les terrains de M. Renault" (25).

Mais ce n'est qu'en 1932 que la solution sera trouvée sous la forme d'un échange de parcelles.

4. LES DÉCENTRALISATIONS

En mars 1928, le ministère du Commerce et de l'Industrie (26) fait connaître à Louis Renault qu'une commande de 120 moteurs Renault de 550 ch destinés à l'aviation allait lui être passée par le département de la Guerre.

Il l'informait qu'il avait l'intention, pour la construction de 25 de ces moteurs, de reprendre" un projet dont je vous avais déjà entretenu il y a quelques années et qui n'a pu être mis en exé­cution, faute de crédits. L'intérêt que présente pour la Défense nationale cette expérience, pour laquelle des crédits spéciaux sont prévus sur l'exercice 1928, ne vous échappera pas".

Le projet dont il s'agissait consistait en la construction au Mans d'ateliers décentralisés; et le représentant du ministère chargé de la Direction générale de l'Aéronautique et des Transports aériens, le général Fortant, suggérait une rencontre pour en débattre. Cette rencontre eut lieu effectivement le 19 mars avec la participation du général Seguin.

Au cours de l'entretien les représentants de Renault firent valoir que l'état d'avancement des travaux ne donnait pas" la possibilité de les utiliser dès maintenant pour la construction de moteurs d'aviation. Il faudrait pour cela exécuter des adap­tations qui auraient le double inconvénient de n'être que provi­soires et de correspondre cependant à dès dépenses élevées que nous aurions à faire supporter par l'État et qui seraient hors de proportion, semble-t-il, avec le résultat à atteindre actuelle­ment". L'utilisation des ateliers serait prématurée, " il serait préférable d'attendre un certain temps, une année environ, que la construction soit terminée ou suffisamment avancée " (27). A cette objection s'en ajoutait une autre: celle de laisser libre le champ de manœuvres dont il a été question plus haut.

Il était donc souhaitable que les 120 moteurs en cause soient construits à Billancourt, ce qu'accepte le ministère tout en demandant à Renault de " ne pas perdre de vue l'expérience envisagée de façon que celle-ci puisse être entreprise dans le courant de l'année prochaine" (28).

Louis Renault ne prend aucun engagement malgré le rappel que lui adresse l'administration le 30 août 1929 " d'étudier une installation permettant de construire des moteurs d'aviation au Mans" et de prévoir en conséquence" un atelier de forge, un atelier de fonderie et de lui remettre le devis correspondant" (29).

En fait il semble bien que les désirs de Louis Renault aillent bien au-delà de la seule construction de moteurs d'aviation dont, par ailleurs, le volume de commandes n'est pas fixé.

Pour rentabiliser sa nouvelle usine il lui faut d'autres fabrica­tions, des chars de combat par exemple, et la certitude de rece­voir d'importants marchés. C'est ce qu'il écrit le 12 décembre 1934 au ministère de la Guerre. La réponse est rapide: " Le concours de l'État à une telle opération pourrait consister dans une participation directe aux frais d'installation ou dans l'attri­bution à votre société d'un certain volume de commandes de chars (ou de véhicules de combat)... et qui seraient échelon­nées sur un certain nombre d'années" (30).

Préalablement Louis Renault avait demandé à M. Jannin d'étudier un avant-projet pour l'installation au Mans d'une usine capable de produire 50 chars ZM par jour (31). D'après ce projet les investissements s'élevaient à 237 millions de francs, en supposant que la fabrication se fasse en une équipe, la fabri­cation des blindages n'étant pas comptée, ou à 165 millions si la fabrication était envisagée avec deux équipes.

(23) Arch. S.H.U.R. -Lettre du général Debeney à Louis Renault -24 avril 1928.

(24) Ibid.

(25)

Arch. S.H.U.R. -Visite au Mans du général Pyot -13 novembre 1928.

(26)

Arch. S.H.U.R. -Lettre du 5 mars 1928.

(27)

Arch. S.H.U.R. -Lettre à l'Inspecteur général Fartant -5 avril 1928.

(28)

Arch. S.H.U.R. -Lettre de l'Inspecteur général Fartant -19 avril 1928.

(29)

Arch. S.H.U.R. -Note pour M. Jannin -30 août 1929.

(30)

Arch. S.H.U.R. -Lettre de la Direction des fabrications d'armement -4 jan­vier 1935.

(31)

Arch. S.H.U.R. -Note du 2 janvier 1935.

De plus, selon le ministère de la Guerre, " le ministère de l'Air serait· disposé également à contribuer à la décentralisation de vos usines en vue de pouvoir compter dès le temps de paix'sur des ateliers Renault au Mans susceptibles de fabriquer des moteurs d'aviation (...). Le concours du ministère de l'Air consisterait dans une participation, pour sa quote-part, aux frais d'installation par le jeu de la Caisse de compensation pour la décentralisation des industries aéronautiques". Tel n'est cependant pas l'avis du ministre de l'Air qui s'oppose à la fabri­cation de moteurs d'aviation par Renault, " au moins en prin­cipe à moins que des précautions spéciales ne soient prises pour la mettre à l'abri d'une attaque aérienne" (32).

L'affaire Gnôme et Rhône

Cette dernière phrase allait déclencher une grande colère chez Louis Renault. " Quelle n'a pas été notre surprise d'apprendre dernièrement, écrit-il à P.-E. Flandin, président du Conseil (33), que la plus importante usine d'aviation allait s'installer à quelques centaines de mètres de notre propre installation. Or, Le Mans se trouve déjà être un gros centre industriel et, dans un rayon extrêmement restreint, on peut, dès maintenant, y trouver: la plus importante gare de triage des chemins de fer de l'Ouest, un atelier de réparation de matériel de chemins de fer, des magasins de manutention et d'approvisionnement de la zone de l'Ouest, un dépôt de munitions, une cartoucherie, etc. Si à ces installations viennent s'ajouter des usines de moteurs d'aviation, de chars d'assaut, de matériels de guerre, l'en­semble constituera un merveilleux objectif pour l'aviation de bombardement.

" Je ne crois pas que ce soit le but que l'on ait voulu poursuivre (...). Nous n'avons pas la compétence de juger, mais nous vou­lons néanmoins retenir l'assurance qui nous a été faite qu'à l'avenir nous devrions pouvoir transporter, dans nos usines du Mans, la fabrication du matériel de guerre, tout en conservant à Billancourt la fabrication du matériel d'aviation (cellules et moteurs) (...). Nous demanderions également que l'autorisa­tion donnée aux installations des nouvelles usines de moteurs d'aviation ne puisse avoir pour résultat de ne pas nous confier, dès le temps de paix, des commandes de moteur, sous prétexte qu'il y a lieu d'accorder un régime privilégié aux usines qui sont déjà transférées en province."

Dans une nouvelle lettre du 15 janvier 1935, Louis Renault insiste : " Nous vous serions très vivement reconnaissants de bien vouloir nous indiquer que la restriction comprise dans votre lettre du 7 janvier ne pourrait avoir pour conséquence l'attribution de commandes de moteurs à tel autre de nos concurrents soit, en temps de paix, en compensation des frais entraînés par la décentralisation de leurs usines soit, en cas d'hostilité, du fait de notre position géographique". Et Louis Renault de préciser" que dans l'état actuel des choses, il nous serait impossible d'entreprendre à Billancourt la fabrication en grande série des avions de grande puissance et que, par consé­quent, il nous sera nécessaire d'ouvrir, éventuellement au Mans, des ateliers d'usinage et de montage des cellules".

La plus importante usine de moteurs d'aviation qui désirait s'installer au Mans était Gnôme et Rhône. Appliquant les ins­tructions du ministère de la Guerre, elle cherchait la possibilité d'installer" dans l'une des villes ci-après: Le Mans, Angou­lême, Limoges, Angers, Tours, Rennes, une grande usine de fabrication de moteurs d'aviation (34) ". Pour que Gnôme et Rhône s'installe au Mans, le maire de la ville, Félix Geneslay, avait agi avec diligence. En octobre 1934 (35), il avait reçu la visite de MM. Weiler, administrateur de Gnôme et Rhône, et Verdier, directeur technique. " Ces Messieurs voulaient être renseignés sur la main-d'œuvre qu'ils pourraient rencontrer dans la région et sur les terrains qui pourraient s'offrir pour une telle installation (...). Étant donné l'importance de la question, je décidai de brusquer les choses et de faire mon pos­sible pour que Le Mans soit choisi par Gnôme et Rhône. Au lieu de rester dans l'expectative, je proposai immédiatement aux représentants de la société de tenter une démarche auprès du ministère en faveur de notre ville, en donnant toutes indica­tions utiles sur l'état d'esprit de la population, sur la main-d'œuvre, sur les tarifs syndicaux en vigueur, et en faisant connaître les terrains disponibles aux environs du Mans. Tout ce que j'exposai sembla intéresser mes auditeurs à telle enseigne qu'ils constituèrent un dossier pour les terrains, char­geant un mandataire de prendre une option sur 45 hectares de terrain situés sur la route d'Angers avec possibilité de raccorde­ment sur la ligne de chemin de fer Paris-Tours, et, pour l'ave­nir, une autre option sur des terrains d'environ 140 hectares au lieu-dit "Les Raineries" pour l'établissement d'un futur champ d'aviation. Dès ce moment l'affaire prenait corps et, à la suite d'une intervention de la société Gnôme et Rhône auprès du ministère, je priai les parlementaires de la Sarthe de s'intéresser particulièrement à la question ".

D'après M. Geneslay, "un premier élément d'usine serait d'abord construit, susceptible d'occuper immédiatement 1 200 à 1 500 ouvriers, spécialistes, manœuvres ou employés, pris exclusivement dans la main-d'œuvre locale (36). Pendant le temps de cette première exploitation les usines de Paris tourne­raient à la même cadence et peu à peu l'importance des usines du Mans irait en augmentant, pour absorber totalement la production au bout de quelques années et occuper alors plus de 4 000 ouvriers ".

En décembre 1934, le maire du Mans" envoya un très long rapport au général Denain, ministre de l'Air, touchant la population, l'activité commerciale et industrielle de la ville, la situation du chômage, les terrains, et contenant un avis très favorable du préfet et du général Étienne, commandant la 4" région". A ce moment le général Denain n'était guère favo­rable au projet, il " avançait la présence au Mans de l'usine Renault déjà installée et estimait que lorsqu'on décentralise on ne doit pas justement essayer de mettre deux industries impor­tantes dans la même ville ".

Une nouvelle intervention du maire appuyée par le général Duchêne, directeur de la défense contre avions, ébranla la conviction du ministre qui envisagea alors favorablement l'ins­tallation de Gnôme et Rhône.

Ce qui préoccupait Louis Renault c'était moins l'installation de Gnôme et Rhône au Mans que l'engagement par l'État de lui assurer des commandes lui permettant d'ouvrir ses ateliers. A

(32)

Arch. S.H.U.R. -Lettre du général Denain, ministre de l'Air, à Loùis Renault ­7 janvier 1935.

(33)

Arch. S.H.U.R. -Lettre du Il janvier 1935.

(34)

Arch. S.H.U.R. -Rapport de M. Frocourd sur les tractations Gnôme et Rhône et aéroport -16 mars 1935.

(35)

Les citations qui suivent sont extraites de la conférence de presse locale tenue par

Félix Geneslay le 10 mars 1935 -.. La Sarthe" du Il mars 1935.

(36) En mars 1935, Le Mans comptait 1 173 chômeurs secourus et 112 bénéficiant de secours du Bureau de Bienfaisance -.. La Sarthe" du 10 mars 1935.

une lettre du ministre de l'Air du 25 février l'informant" qu'en ce qui concerne les commandes qui pourraient vous être confiées dès le temps de paix, je ne saurais prendre aucun engagement. Je pourrais seulement vous redire qu'à conditions égales, j'envisagerai toujours plus favorablement des commandes réalisables en usines convenablement décentrali­sées", Louis Renault répond en s'insurgeant: " nous ne pou­vons admettre, écrit-il le 3 avril 1935, ce point de vue car d'une façon continuelle, depuis la guerre et plus spécialement depuis plusieurs mois, nous n'avons cessé de proposer, tant à votre administration qu'à celle de la Guerre, une décentralisation profonde de celles de nos fabrications intéressant la Défense nationale (...). Nous sommes toujours disposés à accomplir cette décentralisation en totalité ou par paliers si on estimait qu'il n'est pas possible, dans l'état actuel de la politique et de la trésorerie de l'État, d'envisager immédiatement des dépenses aussi élevées que celles nécessitées par un programme de décen­tralisation réellement efficace. Par ailleurs je ne vois pas quel­les sont les commandes de moteurs d'aviation qui, depuis plusieurs années, nous eussent permis de mettre en activité des

ateliers décentralisés. "

Et comme pour clore ce chassé-croisé entre commandes, usines, moteurs d'avions et chars d'assaut, le maire du Mans, au cours d'une rencontre le 4 avril 1935 avec un représentant de Renault, confirma que les achats de terrain avaient été effectués et que les travaux commenceraient incessamment pour l'installation de Gnôme et Rhône, ce qui" impliquait l'impossibilité pour M. Renault de construire des usines sem­blables dans la région en raison des programmes de décentrali­sation mis en œuvre par le général Denain" (37). Monsieur le Maire allait un peu vite !

Une usine d'aviation?

En fait les négociations se poursuivaient entre Renault et le ministère de la Guerre. Au cours d'un entretien entre François Lehideux, administrateur de Renault, et l'intendant Bernard, du ministère de la Guerre, les" principes de l'établissement de l'usine du Mans furent définis (38) :

1) location par Renault à l'État du terrain sur lequel serait éta­blie une usine de chars, moyennant une somme extrêmement faible, somme de principe fixée par exemple à 1 F par an et ceci pour une durée de 25 ans ou périodes de 5 ans renouve­lables ;

2) location par Renault à l'État au fur et à mesure des installa­tions de l'usine ainsi établie, location dont le loyer serait fixé à un certain pourcentage de la somme investie, ce pourcentage étant par exemple de 4 %de la somme investie, la somme indi­quée étant de 25 millions pour la première année ;

3) engagement par l'État de passer des commandes à cette usine pendant un certain temps. Si les commandes n'étaient pas passées, le loyer de l'installation faite par l'État ne serait pas payé par Renault à l'État, le principe bien établi étant que Renault paie un loyer qui ne constitue que l'amortissement de l'installation, amortissement faible puisqu'il ne serait que de 4%, et si l'usine travaille;

4) en contrepartie de l'engagement de commandes par l'État, engagement par Renault de garder l'usine en état pendant la période précitée de 25 ans. C'est en tenant compte de cet enga­gement que l'État ne réclame pas l'amortissement propre des sommes investies, mais seulement l'intérêt du capital engagé par lui;

5) si a~ bout d'une période préalable de 25 ans indiquée plus haut l'Etat décide de ne plus passer de commandes, Renault aura la faculté soit de racheter l'installation pour la somme intermédiaire entre celle déjà amortie par le paiement de la location annuelle et la somme déjà investie, soit d'obliger l'État à lui racheter son terrain pour se constituer une usine propre, ou mettre l'usine en licitation ;

6) obligation pour l'État, si Renault ne rachète pas l'usine, soit au bout de la période de 25 ans, soit au bout d'une période indéterminée et plus courte, de racheter le terrain à un prix fixé dès l'origine. "

Il semblait donc que l'affaire prenait un tour nouveau. Or, comme on le sait aujourd'hui, les options prises par les diffé­rents ministères étaient souvent contradictoires. A l'occasion d'une commande de 35 avions Bloch en date du 19 avril 1935, le ministère de l'Air, revenant sur une demande ancienne, exi­geait que 10 appareils fussent construits au Mans. D'où les objections de Renault (39) :

" Une décentralisation profonde de Renault vers Le Mans pré­sentait pour le constructeur des difficultés considérables, à saVOlr : a) il était indispensable qu'il existât une liaison continuelle avec l'usine-mère, pour la mise au point des dessins d'ensem­ble, mise au point très délicate; b) difficulté d'approvisionnement de matières premières au Mans. Une liaison constante devait exister avec les autres pro­ducteurs ; c) obligation pour le constructeur de prévoir une organisation intérieure parfaite, et un démarrage aussi brutal nécessitait des déplacements journaliers des ingénieurs et des dirigeants de cette fabrication entre Paris et Le Mans ; d) impossibilité de trouver au Mans une main-d'œuvre spécia­lisée et c'était là le plus gros écueil. Un déplacement de Paris vers la province d'une main-d'œuvre spécialisée, qui exigeait, du reste, un contrat de travail, rendait indispensable la construction de maisons ouvrières. Or, pour la fabrication de ces appareils il fallait un minimum de 3 000 ouvriers, ce qui représente une dépense moyenne de 60 millions de francs pour la construction d'une cité. Qui aurait payé cette somme? "

Alors, puisque Renault ne tient pas à décentraliser dans des conditions peu rentables, le ministère de l'Air posera comme condition, pour l'obtention de nouvelles commandes, la décen­tralisation complète des services d'aviation de Billancourt. Une nouvelle fois Renault va mettre les choses au point (40) :

" Il Y a trois ans (en 1933), le ministère de l'Air a incité les usines Renault à s'intéresser aux constructions de cellules, invo­quant, comme principale raison, qu'il serait intéressant d'appliquer à l'aviation la puissance des moyens utilisés pour la construction des autos, des moteurs, des appareils blindés, des

(37)

Arch. S.H.U.R. -Lettre à M. Liscoat -6 avril 1935.

(38)

Arch. S.H.U.R. -Conversation du 14 mai 1935.

(39)

Arch. S.H. U .R. -.. Note strictement personnelle" adressée par François Lehideux au général Denain, ministre de l'Air -13 décembre 1935.

(40)

AN 91 AQ54 -Note du 6 mars 1936.

automotrices, etc. ; il déclarait qu'on devait pouvoir obtenir des résultats nettement améliorés, aussi bien comme prix de revient que comme rapidité de production.

Le problème ainsi présenté a intéressé Monsieur Louis Renault qui, dans ces conditions, a accepté de prendre le contrôle des usines Caudron; mais il ne l'a pas traité comme une opération financière qui, en elle-même, n'aurait eu aucun intérêt, et il a effectivement fait contribuer tous les services et ateliers de l'usine aux diverses phases de la construction aéro­nautique ; les principes admis pour les autres productions de l'usine ont donc été appliqués à l'aviation qui partage avec elles la Direction, les bureaux d'étude, les laboratoires, la compta­bilité, le contrôle, la documentation et, enfin, les ateliers de fabrication.

Des ateliers qui, jusqu'alors, avaient été spécialisés dans la construction automobile, ont fabriqué en plus du matériel d'aviation que d'autres ateliers assemblaient; seul le montage final était effectué dans un hall spécialement aménagé, à l'imi­tation de ce qui se faisait pour les autos, le matériel blindé, les automotrices, etc.

Les résultats obtenus ont d'ailleurs été probants: la série des Bloch qui avait été confiée à Caudron-Renault avance à une cadence nettement supérieure à celle constatée chez les autres constructeurs. Les constructions d'appareils légers sont obte­nues à des prix nettement inférieurs à ceux signalés par les autres avionneurs.

Les usines Renault estimaient donc être dans la bonne voie et espéraient encore pouvoir améliorer les résultats déjà consta­tés. La condition qu'on veut imposer à Caudron-Renault, c'est­à-dire le transfert du " service aviation" au Mans, aurait pour résultat de désarticuler ce qui vient à peine d'être assemblé; la conséquence en serait qu'il faudrait extirper, de chaque ate­lier, de chaque service et de la direction même de Billancourt, les machines, les hommes, les ingénieurs qui travaillent pour l'aviation; ce serait chose relativement facile si ces hommes et ces machines ne travaillaient que pour l'aviation, mais malheu­reusement il n'en est pas ainsi car l'aviation n'absorbe que par­tiellement le temps des uns et des autres; c'était d'ailleurs la condition indispensable pour obtenir un prix de revient amé­lioré et une cadence plus rapide.

Cela reviendrait donc à reconstituer une usine d'aviation sur des bases identiques à celles qui avaient été reconnues comme donnant des résultats insuffisants. D'autre part, les usines Renault ne s'étaient intéressés à la copstruction aéronautique qu'à condition de pouvoir la traiter cbmme ses autres construc­tions, c'est-à-dire avec des moyens communs permettant du travail en série et des prix bas; si on supprime ces conditions spéciales de travail et si on sort de l'orbite le "Service aviation ", la formule n'a plus d'intérêt pour les usines Renault qui ne peuvent espérer avoir de meilleurs résultats que ceux obtenus par les autres maisons spécialisées.

A cela il pourrait être répondu que rien n'empêche d'organiser au Mans des usines complètes, bien outillées et comparables aux usines américaines, Douglas ou Martin. La chose est évi­demment possible techniquement, mais elle ne l'est pas finan­cièrement ; en effet, une usine d'aviation moderne nécessite, en constructions, en ateliers, en machines-outils, laboratoires, etc., l'investissement de dizaines de millions; est-il possible d'espérer un rythme de commandes suffisamment important et régulier pour permettre l'amortissement -et même l'utilisa­tion rationnelle de cet outillage? Ce serait une erreur que de le croire, et les usines d'aviation qui viennent, grâce aux commandes des deux dernières années, de se constituer sur des bases industrielles élargies, sont désormais trop intimement liées au rythme des commandes de l'État pour ne pas avoir, de ce fait même, une existence précaire.

En ce qui concerne les usines Renault, un dilemme se pose donc: -ou bien maintenir le " service aviation" à Billancourt et, dans ce cas, être privé des commandes de l'État, -ou bien construire une usine d'aviation au Mans, permet­tant un rythme et un prix de revient comparables à ceux qui peuvent être obtenus dans les conditions actuelles, mais pour cela obligation d'investir des sommes importantes dont on ne peut espérer, ni la rémunération, ni même l'amortissement.

Enfin, un autre problème, non moins important, serait posé par la question de la main-d'œuvre; l'aviation exige un per­sonnel spécialisé qui existe actuellement à Paris mais qui n'existe pas au Mans; il faudrait donc transporter ces ouvriers et leurs familles et pour cela leur garantir des logements et du travail assuré; encore n'est-il pas bien sûr que, même si ces garanties leur sont données, ils ne préfèrent rechercher à Paris, dans l'automobile ou même dans d'autres industries, un travail que leur qualité d'ouvrier spécialisé leur permettrait facile­ment de trouver.

Mais pourquoi imposer aux usines Renault la décentralisa­tion ? Pour éviter qu'en un bombardement heureux, l'ennemi puisse détruire un pourcentage important d'usines d'aviation groupées dans le même secteur.

Si la plupart des usines d'aviation se trouvaient dans la région parisienne, il serait en effet indispensable de répartir les risques, donc de les décentraliser. Mais si un pourcentage important de ces usines se trouve déjà en dehors de cette région, y a-t-il vraiment un inconvénient à laisser sur place cel­les qui, du fait de cette position géographique, pourraient avoir, quand le besoin s'en ferait sentir -encore plus d'ailleurs en période de tension diplomatique qu'en période de guerre ­un rendement double ou triple? Nombreux d'ailleurs sont les services et les industries qui devront rester dans la région pari­sienne, et c'est pour cela qu'un système de défense antiaé­rienne a été organisé avec un soin particulier, qui limitera sans aucun doute les risques de destruction systématique.

Pourquoi les "services d'aviation" des usines Renault ne pourraient-ils faire partie de ces exceptions? Il faut, en toute chose, faire la balance des risques et du rendement; dans le cas dont nous nous occupons, le risque couru s'avère moins grand que l'avantage de conserver la situation actuelle.

On pourrait encore objecter qu'il n'y a pas de raison spéciale pour que le privilège de rester à Paris soit précisément accordé à Renault. La réponse est facile; il n'y a qu'à rappeler les raisons qui ont motivé la venue de Renault à l'aviation et les raisons qui ont été invoquées pour l'y décider, c'est-à-dire le fait même qu'il puisse appliquer à la construction aéronau­tique l'ensemble de ses moyens.

Existe-t-il un autre constructeur qui puisse, à Paris, revendi­quer la même situation de fait? Nous ne le pensons pas et, par conséquent, il n'y aurait pas plus d'injustice à maintenir sur place les usines Renault qu'il n'yen avait à conserver à l'arrière l'ingénieur spécialisé qui pouvait y rendre plus de services que sur le front.

En résumé il serait regrettable d'être obligé de démolir ce qui vient à grand-peine d'être construit et il est à craindre que la décentralisation au Mans du " service aviation" des usines Renault ne soit plus qu'un membre amputé incapable, sans l'appoint de l'organisme central, de vivre une existence régu­lière et normale "_

Il n'y aura donc pas d'usine d'aviation au Mans_ Mais voici qu'intervient le ministère de la Guerre.

Une usine d'armement?

En mars 1937 le ministre de la Guerre informe Renault que les nécessités de la décentralisation obligent que des commandes de chenillettes soient passées à Fouga et Berliet, Renault res­tant sous-traitant pour son propre matériel mais recevant un pourcentage de l'État (41). Information confirmée par le géné­ral Duteil, le 2 décembre, qui au nom du ministre" nous demande de limiter d'abord, de supprimer ensuite cette rede­vance afin d'éviter de laisser à l'Autorité militaire un motif de donner la préférence à un matériel autre que le matériel Renault" (42).

Au début de 1938, la direction des Forges engage des pourpar­lers avec Alsthom-Tarbes et Firminy. Réaction de Renault,

M. de Peyrecave, directeur général de Renault, entame aussi­tôt des pourparlers avec le général Duteil pour la construction éventuelle au Mans d'un atelier de fabrication des carcasses de chars. Comme sur les terrains de Renault les ateliers ne sont pas prêts, une tentative d'achat ou de location des usines Bollée est faite, sans résultat.

Le 23 février Louis Renault est reçu par le général Happich. Un projet est ébauché: l'État achèterait les machines, Renault fournirait le terrain et construirait des bâtiments. La mise en route et l'exploitation seraient assurées par Renault qui pren­drait en location les machines achetées par l'État. Et le 14 mars le général Happich demande qu'on lui établisse un projet d'ins­tallation.

Le 4 avril Louis Renault est au Mans accompagné par René de Peyrecave, Heurtaux et Peltier. Il y rencontre deux officiers délégués par le ministre. En raison des grèves les pourparlers ne reprendront qu'à fin avril. Début mai un " contrat de démar­rage" est mis au point. Et c'est le 22 juin 1938 qu'il est projeté de créer " une société spéciale ".

5. L'USINE SE CONSTRUIT LENTEMENT

Dès 1919 le nivellement des terrains acquis est en cours. L'ensemble formera par la suite 7 îlots. L'îlot l, l'usine d'Arnage, voit achever l'année suivante 8 bâtiments dont plu­sieurs d~ type Caproni (43), destinés" au montage en série de

(41) AN 91 AQ 38 -Note du 23 juin 1938.

(42) Ibid.

(43) Caproni Gianni (1886·1957). Constructeur des avions italiens Caproni qui avaient équipé pendant la guerre deux détachements de l'aviation française de Ca 33 construits sous licence par la Société Esnault-Pelterie, 149, rue de Silly à Boulogne­Billancourt. Ces avions de bombardement, dotés de 3 moteurs Isotta-Fraschini de 150 ch chacun, avaient une envergure de 22,20 m, une longueur de 10,90 fi et une hauteur de 3,70 m. Pour les monter, des hangars spéciaux furent édifiés qui portèrent le nom du constructeur. L'un de ces hangars subsiste à l'usine du Mans, il est occupé actuelle­ment en partie par l'affûtage.

CONSTRUCTION DES BÂTIMENTS DES ORIGINES A 1943

Îlot Bâtiment Usage Année Surface totale en 1943 (m') Total Cumul

Construction Agrandissementssuccessifs

A Atelier de réparation de la succursale du Mans 1920 2100

B Ancienne centrale auxiliaire utilisée comme magasin pour la centrale et le service incendie 1920 120,24

C Centrale à vapeur 1920 1941·1942 528,50

D Ateliers d'entretien; magasins pour services travaux et dépôt de matériel 1920 3 291,30

E Forges 1940 1943 2567,13

F Atelier d'usinage 1920 9 752,00

G Aciérie 1940 1943 10 678,27

H Vestiaires· douches 1940 310,06

1 1 J Bureaux d'administration Étuves à bois 1940/1941 1940/1941 541,20 620,00

K Gazogènes 1941 207.22

L Scierie 1920 1941/1943 1 763,00

M Réfectoire 1941/1942 720,06

N Moteur à gaz 1920 168,00

0 Centrale station diesel 1920 1935 190,28

P Atelier 1941/1942 10 062,00

Q Dépôt de locomotives 1942 153,05

R Atelier 1942/1943 10060,00

S Atelier 1942/1943 5 000,00

Maison du directeur 1943 172,00 59 004,31

A Atelier 1938/1939 3 710,35

B Chaufferie 1939 470,45

C Atelier 1939/1940 2 578,40

D Poste générateur d'acétylène 1939 17,70

7 E Logement de gardien 1939 57,60

F Bureaux 1939/1940 152,00

G Fabrication des gazogènes 1939/1941 3097,15

H Montage des tracteurs agricoles 1939/1941 1023,10

1 Réparation des camions 1939/1941 3 097,15

J Atelier 1940 2 578,40 18 150.30 77 154,61

Sources: Archives S.H.U.R. -Dossier nO 6 -Note du 15 octobre 1943 de M. Tinturier.

ces avions (les Caproni) afin que si, pour une raison quel­conque, on envisageait à nouveau cette fabrication dans cette région, nous soyons à même d'y faire face" (44).

Les nombreuses discussions décrites plus haut furent un frein à la poursuite des travaux. Le tableau ci-dessous montre l'étale­ment dans le temps de l'édification des bàtiments.

En 1925, certains travaux furent entrepris. Une équipe placée sous la direction de Domenico Cargnelli, le maçon tant appré­cié de Louis Renault (45), est sur place. Des cimentiers venus d'Albert et d'Angers viennent la renforcer (46). Selon toute vraisemblance il s'agit de construire l'estacade destinée à puiser dans la Sarthe l'eau nécessaire à l'usine (47). L'année suivante on commence à aménager la centrale à vapeur en installant deux chaudières Babcock. En 1928, " sont prêts à être utilisés: une centrale à vapeur de 3 000 kW, des ateliers couvrant plus de 3 hectares, toutes les canalisations électriques et les transfor­mateurs, les amenées d'eau" (48) et une scierie.

Une note du 20 décembre 1934 (49) dresse un état de l'usine: Caractéristiques de la centrale à vapeur : -2 chaudières Babcock de 333 m2 de surface de chauffe avec économiseurs Green et cheminée Prat ; -1 groupe turbo-alternateur Sté Alsacienne, 1 200 kW, 5 000 V 50 pps, triphasé, -1 groupe turbo-alternateur Cie Électro-mécanique, 1 500 kW, 5 000 V 50 pps, triphasé, avec les condensateurs à circulation; -1 tableau complètement installé avec pupitre, cellule de transformation, etc.,

-1 prise d'eau sur estacade en Sarthe avec 2 pompes verti­

cales de 1 200 m3/heure.

Manutention du charbon:

-1 transporteur roulant pour mise en silo,

'--1 grue à benne preneuse pour alimentation des trémies de

chaudière.

Distribution d'eau:

Les bâtiments existants sont alimentés en eau de Sarthe et en

eau de puits par :

-Eau de Sarthe: 2 pompes de 30 m3/heure, branchées sur la

conduite des condenseurs, refoulant dans un réservoir de

100 m3 sur pylône de 20 m. Collecteur de 150 mm avec bou­

ches d'incendie;

-Eau de puits: 2 pompes de 15 m3/heure, aspirant dans le

puits situé dans le bâtiment B et refoulant dans un réservoir de

100 m3 sur pylône de 20 m. Collecteur de 150 mm.

Distribution du courant:

Les bâtiments B, F, L, sont alimentés en courant haute tension

et munis de cabines de transformation en 220 V. Les bâtiments

N et A sont alimentés en courant 220 V par la cabine du bâti­

ment L.

Centrales auxiliaires : a) dans le bâtiment N sont installés: -1 gazogène à bois utilisant les déchets de la scierie et alimen­tant: 1 moteur à gaz de 130 ch faisant tourner un alternateur 220 V triphasé. b) dans le bâtiment C sont installés : -1 alternateur 220 V triphasé 200 ch 375 T -1 cabine de transformation 220/5 000 V qui ont fonctionné avec un moteur semi-diesel à huile lourde. Celui-ci serait seul à fournir pour remettre la centrale auxi­liaire C en route.

14

Bâtiments existants : -Bâtiment D -surface couverte: 3 300 m 2 environ. Char­pente métallique " Caproni ", couverture en tôle ondulée et vitrage; fermeture en tôle ondulée; sol terre battue. Utilisa­tion actuelle : dépôt de matériel de chantier.

-Bâtiment F -surface couverte: 10 000 m2 environ. Char­pente métallique et sheeds en bois de 10 X 10 mm ; couverture en ardoises et vitrage avec sous-toiture plâtre ; fermetures en briques de II ; sol en ciment. Utilisation actuelle: néant, dépôt de voitures, garage de caravanes à l'occasion.

-Bâtiment A -surface couverte: 2 100 m2 environ. Char­pente en bois en sheeds de 5 X 6 m ; couverture en Eternit sur parquet et vitrage ; fermeture en parpaings de ciment; sol en ciment. Utilisation actuelle: atelier de réparation annexe de la succursale.

-Bâtiment L -surface couverte : 1 650 m2 environ. Char­pente métallique" Caproni " ; couverture en tôle ondulée et vitrage; fermeture en tôle ondulée; sol en terre battue. Utili­sation actuelle: scierie installée, pas en service.

Comme on peut le constater, en 1934 l'usine n'était pas en état de produire étant donné l'absence de machines. Seule la scierie fonctionnait épisodiquement pour " débiter les arbres que nous sommes obligés d'acheter pour donner un peu d'air" (50).

Jusqu'en janvier 1931 la responsabilité de l'usine du Mans, ou plutôt de l'usine de la Duboisière et, par la suite, des chantiers d'exploitation du Mans, incombait au directeur de la succur­sale Renault; à cette date elle releva directement de l'usine­mère (51).

La présence de bâtiments libres, à l'exception du bâtiment A affecté à la succursale comme atelier de réparation dès 1925, intéressait vivement les autorités locales. C'est ainsi qu'en 1934 le préfet de la Sarthe intervint auprès de Louis Renault au sujet de " l'écoulement difficile du blé excédentaire de la récolte de 1933 ". Un stockage était indispensable et pourquoi ne pas uti­liser le " grand hall" ? (certainement le bâtiment D). Louis Renault refusa, arguant" confidentiellement" que" les usines peuvent être appelées d'un moment à l'autre à faire face à des fabrications d'avions ou d'autres matériels" (52).

(à suivre)

Gilbert HATRY

(44)

Arch. S.H.U.R. -Lettre de Louis Renault au général Debeney -13 avril 1928.

(45)

Né le 27 septembre 1878 à Sequals (Italie), il était entré aux usines Renault le 8 août 1916. En 1918, Louis Renault le prit à son service. D. Cargnelli s'entoura alors d'une

équipe de maçons, cimentiers et mosaïstes italiens qui participa activement à toutes les constructions privées de Louis Renault notamment à Herqueville, Chausey et Giens.

(46)

Arch. S.H.U.R. -Lettres du 22 juillet et du 7 décembre 1925.

(47)

Louis Renault adressera le 18 février 1926 à l'Administration une demande l'autori· sant à .. établir une estacade sur la rivière la Sarthe et d'installer une prise d'eau". Il devra acquitter une redevance annuelle de 7 017 F. -(Arch. S.H.U.R. -Engage· ment du 18 février 1926).

(48)

Arch. S.H.U.R. -Note du 7 novembre 1928.

(49)

Arch. S.H.U.R. -Note de P. Peltier à F. Lehideux.

(50)

Arch. S.H.U.R. -Lettre à M. Rochefort du 20 février 1935.

(51)

Arch. S.H.U.R. -Lettre à M. Duvernoy du 4 avril 1932.

(52)

Arch. S.H.U.R. -Lettre du préfet de la Sarthe à Louis Renault du 27 avril 1934.