05 - Souvenirs d'un outilleur (2)

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Souvenirs d'un outilleur (2)

Après la 4 CV, la Dauphine

Problèmes

Parmi les pièces mécaniques de la Dauphine qui devaient être fabriquées à Billancourt, beaucoup nous posaient de nom­breux problèmes.

La première difficulté résultait de l'augmentation de la cadence qui devait être au moins double, et sans doute triple, de celle que nous avions atteinte avec l'équipement de 1946. D'autre part, le Bureau des Études avait, depuis 1947, aug­menté peu à peu la puissance du moteur, et nous n'avions pas toujours pu améliorer la précision de certaines pièces autant qu'il l'aurait souhaité; en effet, cela aurait exigé des travaux qu'il n'aurait pas été possible d'accomplir sans ralentir, ne fût­ce que pendant quelques semaines, la cadence des chaînes de fabrication, ce qui était absolument hors de question; il fallait donc que les nouveaux équipements donnent satisfaction aux désirs du Bureau des Études (fig. 1).

Les enseignements tirés de huit ans de pratique étaient notre atout majeur car l'expérience, disait Socrate, ne consiste pas tant à se souvenir de ce que l'on a fait qu'à savoir pourquoi on n'aurait pas dû le faire.

Beaucoup des pièces principales possèdent leur histoire propre, dont l'évocation rajeunira de trois décennies les survivants de ceux qui en furent les acteurs.

Carter-cylindres

Structure de la chaîne

L'atelier mis en service en 1947 comportait une vingtaine de postes dont six étaient constitués par des machines-transferts; auprès de chacun, il fallait disposer une réserve de pièces afin de ne pas bloquer tout l'ensemble au moindre incident.

Chaque pièce était donc au moins vingt fois posée sur le sol et reprise; cela correspondait à six mille manœuvres quoti­diennes, au cours desquelles une dizaine de pièces se trouvaient endommagées de façon irréparable, en particulier par la rup­ture de la barrette très mince qui ferme le carter d'embrayage (fig. 2). Pour regrettable que cela ait pu être, il fallut bien admettre que cette proportion ne pourrait être réduite que par l'installation d'appareils automatiques de manutention; cette décision était d'autant plus inévitable que la nouvelle cadence aurait infligé aux opérateurs une fatigue excessive et causé un accroissement du taux des rebuts et des dépenses correspondantes.

De toutes les machines-transferts de 1947, une seule atteignait douze mètres de long car nous n'avions pas voulu prendre le risque de les équiper d'un trop grand nombre d'outils, crai­gnant de subir trop d'arrêts pour cause de rupture d'un foret ou d'un taraud. Mais l'expérience acquise pendant la fabrica­tion de la Frégate nous avait montré que nous pourrions sans grand danger doubler au moins cette longueur... (fig. 3).

ILEBREQUIN

E PISTON

USINAGE

LOG.VILEBREQUIN LOG.T UETS

PORTEE

MANETON EXTREMIT. PIGNON ALESAGE TETE

S. BAGUE PIED

EXTERIEUR JUPE LOGEMENT AXE

DIAM. EXTERIEUR

ALESAGE

44 mm

19 Il

40 Il

38 Il

25 ..

41 Il

14 Il

58 Il

14 Il

14 Il

58 Il

TOLERANCE

11 ~

13 Il

16 Il

16 Il

9 Il

11 Il

8 Il

20 Il

1 0 Il

11 Il

20 Il

Fig. 1 -Tableau des principales dimensions et tolérances.

Fig. 2 -Carter-cylindres. Fig. 3 -Chaîne-transfert de la Frégate; long. : 25 mètres.

Tableaux de bord

A quelques exceptions près, le rôle des opérateurs se ramène­rait à surveiller un groupe de machines et à procéder, en cas d'usure prématurée ou de rupture, au remplacement d'un outil. Dans ces conditions, la main-d'œuvre serait clairsemée et ne pourrait voir ni entendre les phénomènes annonciateurs de défaillance.

Il faudrait donc munir chaque poste d'un tableau de bord sur lequel des voyants lumineux indiqueraient la position des organes-verrous, guides, unités d'usinage ou de contrôle, jauges de mesure, etc. -intervenant dans les conditions de sécurité liées au fonctionnement général. Ainsi, la cause d'un arrêt serait vite localisée et l'on pourrait y remédier sans délai.

Sécurité

Les chaînes installées en 1947 avaient fonctionné dans de satis­faisantes conditions de sécurité mais le nouvel équipement devait, sur ce point,-être muni de dispositifs beaucoup plus perfectionnés. On allait y trouver quatre cents moteurs élec­triques et des dizaines de vérins capables de démarrer sponta­nément dès que les conditions nécessaires seraient remplies ; les vitesses de déplacement des organes mobiles atteindraient parfois un mètre par seco"nde. Il ne suffirait pas d'afficher de strictes consignes, mais il faudrait aussi éviter que l'on puisse pénétrer entre les machines et dans le réseau des convoyeurs sans que la section correspondante ait été mise hors circuit ; on installa des barrières munies d'interrupteurs autour de la chaîne et comme, en matière de sécurité, il faut prévoir même l'imprévisible, on fit courir, le long de chaque machine, un fil tendu auquel il suffisait de toucher pour couper l'alimentation électrique. La sécurité ne peut jamais être absolue, mais je crois que le taux des accidents corporels dans cet atelier est resté très faible.

Fig. 4 -Schéma de l'atelier; la machine d'assemblage des chapeaux de paliers ne figure pas sur ce tracé préliminaire.

Fig. 5 -Magasins-transporteurs pour les pièces (à gauche) allant de la 4< à la 5< machine-transfert et pour les montages (à droite) porte-pièces revenant vides de la 4< à la 2< machine-transfert.

Transporteurs

L'atelier fut constitué par douze chaînes-transferts et une dizaine de machines élémentaires (fig. 4) ; il fallut donc inter­caler une quinzaine de transporteurs à rouleaux commandés (fig. 5 et 6) contenant les réserves nécessaires. La capacité de chacun devait être proportionnée à la durée probable des arrêts imprévus de la machine qui le précédait. Il était entendu que le nettoyage, l'entretien préventif et l'échange systémati­que des outils auraient lieu pendant le temps d'arrêt des repas ou durant les heures de nuit. Pour décider quelle serait la capacité de chaque transporteur, nous ne pouvions nous fon­der que sur un raisonnement simple: une heure d'arrêt d'une chaîne d'usinage peut entraîner des dépenses élevées si cela paralyse une ligne d'assemblage du moteur et plus encore celle des véhicules.

Ce prix est beaucoup plus élevé que l'intérêt du capital que représente une réserve de pièces. D'ailleurs, rien n'empêche­rait, plus tard, d'arrêter automatiquement le fonctionnement d'une machine, ou d'un groupe, lorsque la réserve suivante contiendrait une quantité de pièces jugée satisfaisante.

On doit observer cependant que les frais d'amortissement d'une machine sont les mêmes, qu'elle tourne ou qu'elle soit à l'arrêt, et qu'ils sont bien plus élevés que les dépenses relatives à l'usure des outils et à l'énergie consommée; dans ces condi­tions, il semble préférable de faire débiter les machines à leur rythme maximal, et d'arrêter toute la chaîne lorsque la pro­duction prescrite est atteinte, afin d'affecter le personnel à une autre tâche pendant le temps résiduel.

Fig. 6 -Magasin-transporteur conduisant les ensembles pièce-montage de la 3' à la 4' machine-transfert.

Recherche opérationnelle

Il fut donc proposé, en première analyse, que chaque transpor­teur pourrait contenir environ deux cents pièces, ce qui corres­pondait à une autonomie de deux heures_ Or, pendant la guerre, une théorie mathématique s'était développée, sous le nom de Recherche Opérationnelle, afin d'optimaliser, par exemple, le rendement d'un système de transport ; elle jouis­sait d'une certaine faveur, à tel point qu'un service avait été créé pour traiter de cette sorte de questions.

Respectueux de l'ordre établi, je le sollicitai pour qu'il nous conseille; j'avais signalé la nature et le nombre approximatif des outils que porterait chaque machine, ainsi que la nature des opérations de précision qu'elle exécuterait; n'ayant reçu aucune réponse au bout de plusieurs semaines, je me permis de rappeler discrètement ma requête ; renversant adroitement la situation, l'on me demanda quelle était la solution que nous avions imaginée par nous-mêmes en attendant le verdict des spécialistes; c'est elle que l'on nous conseilla d'adopter, et je ne saurai jamais si les résultats de savants calculs avaient coïncidé avec ceux de notre intuition ou si l'on nous avait tout simple­ment laissé la responsabilité de la décision.

Enquête

Un peu plus tard, alors que la chaîne avait, au prix de quel­ques efforts, atteint le rythme prévu, la Direction des Fabrica­tions découpla ses limiers pour qu'ils examinent si l'ampleur des réserves n'était pas excessive, et les transporteurs plus longs qu'il n'était indispensable.

L'enquête avait été lancée sans que l'on ait cru utile de m'en informer, ni que l'on m'en communiquât ensuite les conclu­sions. M'eût-on fait l'honneur de me tenir au courant, j'aurais fait respectueusement observer que le prix des pièces en réserve ne pouvait pas même atteindre le centième de la valeur de l'investissement en machines et que sa variation pouvait agir, au mieux, sur le troisième chiffre du prix de revient. Peut-être même me serais-je enhardi à demander si l'on avait observé que les rebuts occasionnés par la rupture de la barrette du car­ter d'embrayage avaient totalement disparu et qu'une estima­tion prudente de cette économie montrait qu'en moins d'un semestre elle avait payé la to.talité des transporteurs. On peut remarquer aussi que, cinq ou six ans après Billancourt, cette solution s'est répandue parmi les chaînes des U.S.A.

Peut-être y avait-il meilleur usage à faire du temps et des appointements consacrés à cette vérification a posteriori. Mais ne fallait-il pas aussi donner de l'occupation aux aides de camp qui traînaient leurs sabretaches et leurs aiguillettes dans les antichambres des Grands Bureaux? L'Inspection des Travaux Terminés est un emploi, ou une vocation, dont les risques sont limités.

Points de départ

La première opération d'usinage consistait à fraiser sept points d'appui afin de situer correctement les surfaces précises par rapport aux formes brutes de fonderie. Nous n'avions pu, à cause de la relative flexibilité de la pièce, nous conformer aux règles théoriques de l'isostatisme qui interdisent de dépasser six conditions. .

Les machines qui accomplissaient ce travail étaient placées dans l'atelier d'ébarbage, c'est-à-dire sous l'autorité des fon­deurs. En effet, les boîtes à noyaux et les modèles n'étant pas parfaitement identiques, il fallait que les pièces soient classées par lots homogènes issus d'un même outillage et que le réglage des machines soit adapté à chaque changement de lot, ce qui ne pouvait évidemment s'effectuer que par les soins des fondeurs.

Même en réduisant au minimum le nombre des étapes inter­médiaires, on ne pouvait espérer empêcher de mélanger par­fois les lots, et cela promettait de sérieuses difficultés quand les cadences seraient accrues. Henri Perchat, directeur des Forges et Fonderies, aidé de Roger Millot, patron du modelage et de Jean Fauquembergue, responsable de l'atelier de fonte, fit ajuster les modèles et les boîtes et perfectionner les matériels de remmoulage, si bien que, d'une pièce à l'autre, les variations ne dépassèrent pas quelques dixièmes de millimètre. La néces­sité du réglage ayant disparu, les machines purent être instal­lées en tête de la chaîne d'usinage, dont l'ambiance était, pour leur santé, bien préférable à l'atmosphère quelque peu abra­sive de l'atelier d'ébarbage.

Fraiseuses-tambour

La deuxième opération, le fraisage des faces supérieures et inférieures, s'exécutait sur trois grosses fraiseuses du type " tambour", étudiées jadis par Paul Legrand, Joseph Roustan et Ulysse Bancel ; elles étaient si solides qu'elles avaient résisté à huit années de travail intensif ininterrompu, mais elles avaient l'inconvénient de se prêter mal au montage et à l'éva­cuation automatique des pièces; j'aurais été bien content si elles avaient été usées jusqu'à la corde, ce qui nous aurait lais­sés libres de les remplacer par une machine entièrement auto­matique ; mais elles avaient, hélas 1 une santé insolente et il fal­lut nous résigner à prolonger leur carrière.

A l'heure où j'écris, vingt-huit ans plus tard, je crois qu'elles ont toujours, si l'on ose ainsi dire, bon pied bon œil, et l'on pourrait, à première vue, se féliciter de les avoir aussi large­ment amorties. Mais en y réfléchissant d'un peu plus près, on doit observer qu'elles ont exigé chacune la présence d'un opé­rateur, ce qui représente, pour un travail en double équipe, cent soixante-huit années de salaires et de charges sociales, alors que la machine accomplissant le même travail dans la chaîne du moteur de neuf cent cinquante centimètres cubes, à Cléon, fonctionne sans surveillance.

Si l'on avait osé prévoir que le moteur de la " 4 CV " serait fabriqué pendant une quarantaine d'années, la réforme des trois machines, qui auraient peut-être même trouvé acquéreur, aurait été en 1955 une opération hautement profitable, alors que leur maintien est à classer parmi les économies dispendieuses.

Sans faire un grand effort d'imagination, je crois entendre les clameurs d'indignation qui auraient accueilli, en ce temps, la proposition de sacrifier ces pauvres fraiseuses sur l'autel d'un progrès pour lequel on n'avait pas encore inventé le mot " productique". Le retard a été rattrapé, au moins en ce qui concerne le vocabulaire.

Fig. 7 -Machine-transfert nO 3 ; au premier plan, poste de basculement et de lavage de l'ensemble pièce et montage.

Fig. 8 -Vue partielle des machines-transferts nOS 2, 3 et 4. En raison des difficultés de circulation pOur les régleurs, cette zone avait été baptisée " la jungle ".

Fig. 9 -L'Araignée, au poste de chargement des pièces à l'entrée de la machine-transfert nO 2.

Suite de la gamme

Le reste de la gamme d'usinage se composait principalement d'opérations de perçage, de taraudage et d'alésage. La solution évidente résidait en l'emploi de machines-transferts (fig. 7 et 8) et d'unités d'usinage à commande électromécanique dont les preuves étaient faites depuis longtemps. Les pièces furent fixées sur des plateaux normalisés, ce qui, à la fois, simplifiait le travail du Bureau d'Études des Outillages Mécaniques (B.E.O.M.) et assurait la récupérabilité des éléments de chaî· nes puisqu'ils étaient strictement interchangeables ; pour les opérations de fraisage des grandes faces dont le temps d'exécu­tion dépassait la limite assignée, on utilisa une machine à double pas.

Chargeurs automatiques

Pour déposer et fixer les pièces sur les plateaux, pour les éva­cuer et pour les engager sur les transporteurs, on étudia des appareils de manutention entièrement automatiques.

Fig. 10 -L'Araignée, vue de détail.

Fig. Il -Poste de sortie de la machine-transfert nO 4; la seconde Araignée a extrait la pièce du montage (à gauche) et va la déposer à l'entrée du magasin-transporteur qui relie les machines-transferts nOS 4 et 5.

L'ingéniosité et le savoir de l'équipe, conduite par Marcel Vitoux, secondé par Witold Winiewski et Jean Figour se don­nèrent libre cours ; en raison du mouvement accompli par un des appareils, les gens de l'atelier l'appelèrent" l'araignée" (fig. 9, 10 et 11) ; un autre fut baptisé" le coup de pied à la lune ", qui est le nom familier, dans l'argot des plongeurs, donné au saut avant renversé carpé ; personne n'avait songé à employer le mot de " robot", ce qui nous a certainement pri­vés d'inscrire notre nom au palmarès des inventeurs; les tech­niciens s'intéressent plus à innover dans le domaine de leur métier que dans celui de la linguistique ; il suffisait à notre plaisir et aussi, pourquoi ne pas le dire?, à notre amour-propre de professionnels, de constater qu'à cette époque Pierre Debos recevait chaque année la visite de quelques hauts dirigeants de la General Motors Corporation qui jugeaient que " cela méri­tait le détour" de venir jeter un long coup d'œil sur les nou­veautés de Billancourt où l'on réussissait, quant aux méthodes d'usinage, à conserver quelques années d'avance sur Detroit; un autre de nos visiteurs assidus était Ralph Cross, vice­président de la Cross Gear Company, spécialisée dans la fabri­cation des machines-transferts, et que le général Eisenhower, alors président des États-Unis, avait appelé près de lui comme conseiller technique.

Forets fragiles

Sur la cinquième machine-transfert (fig. 12), il fallait percer, tout au fond de trous fort profonds, des ajutages de deux milli­mètres destinés en principe à doser le débit de l'huile de grais­sage des portées de l'arbre à cames; il était à craindre que le foret se rompe parfois, mais il ne fallait pas songer à employer une jauge de vérification aussi petite, qui se serait tordue au moindre effort ; la broche de perçage fut munie d'une lamelle métallique flexible articulée qui, à la fin de chaque cycle, venait tâter la pointe du foret, ce qui déclenchait un signal électrique en vérifiant que l'outil était toujours en bon état.

Le Tombeau égyptien

Le fraisage de finition de la face inférieure devait s'effectuer sur la huitième machine-transfert ; Gaston Boulet fut chargé de dessiner un coulisseau muni de deux broches verticales et se déplaçant sous une poutre placée en travers de la chaîne (fig. 13).

En raison de la durée de l'opération, il fallait usiner deux pièces à la fois et, de plus, il fallait éviter d'effectuer le retour du chariot, ce qui aurait augmenté le temps mort; la machine devait donc travailler alternativement dans un sens puis dans l'autre.

Cela posait un problème que connaissent bien les fraiseurs : une machine à broche verticale ne doit, sauf exception, travail­ler que dans une seule direction; pour que l'outil ne " talonne" pas, la broche est inclinée de quelques secondes d'angle (*) par rapport à la verticale; dans notre cas particu­lier, puisque la machine devait fonctionner aussi bien à l'aller qu'au retour, il devenait impératif d'éviter toute usure ou flexion dans le guidage du chariot; le respect de cette condi­tion se vérifiait d'un seul coup d'œil: les traits d'usinage devaient se croiser.

Il existe une différence fondamentale entre certaines obliga­tions imposées au Bureau des Études et celles auxquelles est soumis celui qui conçoit les outillages : le premier doit alléger ses pièces autant qu'il est possible, mais il a le droit d'effectuer des essais et même de casser quelques prototypes ; pour le second, il lui faut réussir du premier coup; en revanche, la légèreté n'est pas une condition très stricte sauf pour les pièces, rares il est vrai, soumises à de fortes accélérations.

La poutre supérieure portant les glissières fut donc généreuse­ment dimensionnée, ce qui valut à la machine d'être surnom­mée, par la malice des opérateurs, le Tombeau égyptien; mais, égyptienne ou pas, elle tint la cadence et croisa les traits.

(*) Un angle d'une seconde correspond à une pente d'un demi centième de millimètre par

mètre ou, si l'on préfère, de cinq millimètres par kilomètre.

Sa robustesse apparence n'avait pas échappé au regard de gens dont le directeur général des Fabrications faisait ses conseillers personnels et dont certains avaient plus d'expérience pratique que de connaissances techniques et scientifiques. Leur dévoue­ment à la prospérité de la Régie leur fit un devoir d'attirer, de façon aussi discrète que charitable, l'attention de notre direc­teur général sur ce point et, à toute occasion, il m'en faisait le reproche ; lassé par la monotonie de cette observation, je lui proposai respectueusement de retenir sur mes appointements le prix de l'excédent de fonte, dont je lui laissai le soin d'évaluer la masse, ce qui le dispenserait de m'en parler à l'avenir. Je crains bien que cela ait été pris pour une manifestation de mauvais caractère plutôt que pour une marque de la contrition parfaite dont l'Église fait un prélude à l'absolution.

Le 30 septembre 1975, jour de mon départ en retraite, je suis allé seul, une dernière fois, revoir les machines qui avaient tenu une si grande place dans ma vie ; lorsque je suis passé à côté du Tombeau égyptien, j'ai constaté que, vingt ans après sa mise en service, pendant lesquels il avait subi une seule révision, il croi­sait encore les traits.

Variantes

Plusieurs variantes du moteur firent leur apparition au cours de son existence: embrayage magnétique, filtre à huile spécial, circuit d'eau pour petit véhicule utilitaire, etc., et cela nécessi­tait l'exécution de perçages, de lamages et de taraudages sup­plémentaires. Alors que-la chaîne était déjà en service, il fallut installer des unités d'usinage à des emplacements que nous avions, par prudence, laissés vacants çà et là ; elles étaient automatiquement mises en action lorsque la pièce située devant elles possédait les caractéristiques requises. La chaîne pouvait donc produire indifféremment quatre sortes de pièces; quinze ans plus tard, on l'eût considérée comme l'exemple d'un atelier dit" flexible", notion qui est devenue une tarte à la crème au sujet de laquelle beaucoup de prophè­tes à retardement ont écrit et prononcé un nombre incalcula­ble d'affirmations passablement aventurées et de généralisa­tions hâtives.

Chapeaux de palier

Au milieu de la chaîne fut enclavée celle des chapeaux de palier, qui les livrait directement à une machine chargée de les assembler automatiquement sur les carters-cylindres. Cette étude (fig. 14) entrait dans le cadre d'une politique de dévelop­pement des opérations automatiques d'assemblage, où Marcel Vitoux, Jean Figour et Gilbert Charbotel allaient réaliser de prestigieuses premières; dans ce cas particulier, l'intérêt n'était pas seulement de montrer que l'on pouvait, sans recou­rir à une main-d'œuvre que la monotonie rebutait, mettre en place les douilles de centrage, les chapeaux, les rondelles et les vis de fixation; il était aussi, et surtout, d'assurer la constance du couple développé par les visseuses pneumatiques ; cette régularité améliorait la précision des alésages des logements de vilebrequin, dont la tolérance, de classe cinq, est extrêmement serrée.

Fig. 14 -Machine automatique de montage des chapeaux de paliers.

Fig. 15 -Poste de chargement d'une des quatre machines d'alésage des lignes d'arbres.

Ce problème, qui n'était pas des plus faciles à traiter, fut résolu de manière satisfaisante. Néanmoins, l'on me notifia de façon formelle, quelque temps après, l'interdiction de continuer à travailler dans cette direction. J'en suis réduit à supposer que les spécialistes de calculs de rentabilité n'avaient pas trouvé de justification à cette tentative, et j'ignore encore s'ils avaient pris en compte les dépenses occasionnées par les retouches et les rebuts qu'entraînait un serrage irrégulier, ou s'ils ont su éva­luer le coût des troubles sociaux inhérents aux travaux mono­tones. Il a fallu attendre une quinzaine d'années avant que ces études soient reprises. Better late...

Alésage des lignes

Pour respecter les tolérances sur leurs entraxes respectifs, les lignes du vilebrequin et de l'arbre à cames doivent être alésées simultanément, ainsi que le logement de l'axe du pignon inter­médiaire et des pions de centrage du carter de distribution et de la boîte-pont ; ces deux derniers, en particulier, assurent l'alignement de l'axe du vilebrequin et de celui de l'arbre pri­maire de la boîte. Il était donc indispensable que toutes ces opérations soient effectuées sur le même poste; leur durée exi­geait l'emploi de quatre machines travaillant en parallèle (fig. 15).

La tolérance attribuée au diamètre des logements des coussi­nets de vilebrequins est extrêmement serrée, soit onze milliè­mes de millimètre pour une cote nominale de quarante­quatre; de plus, l'alignement des trois paliers est vérifié de façon très sévère, à l'aide d'une broche dont la face ne comporte ni chanfrein ni congé qui faciliterait sa pénétra­tion dans le dernier logement. Et les contrôleurs ont, pour cette vérification, une main tout particulièrement légère et sensible à la fois.

Pour caractériser la difficulté du problème, qu'il suffise de rap­peler que la dispersion diamétrale intrinsèque de la machine est d'environ cinq millièmes de millimètre; la marge sur la position radiale de la pointe des grains d'alésage est donc de trois millièmes, dont on doit retrancher un pour raison de sécu­rité ; le réglage doit donc intervenir chaque fois que l'usure du grain atteint deux millièmes. Il faut, en conséquence, vérifier automatiquement chaque pièce après l'opération afin d'alerter le régleur lorsque la dérive approche de la cote minimale (fig. 16).

La recherche de la précision exige encore une autre précaution: une machine comporte deux postes car la pièce, ébauchée au préalable, subit successivement une passe de demi-finition puis une de finition. Or, l'exécution de la première occasionne une élévation de température dont il faut tenir compte dans le réglage final, car il suffit d'un échauffement d'une dizaine de degrés pour engendrer une dilatation de trois ou quatre milliè­mes, c'est-à-dire presque la totalité de la marge de réglage. En conséquence, lorsque l'on interrompt le fonctionnement de la machine, que ce soit en fin de journée ou pour un réglage, il ne faut pas laisser stationner une pièce demi-finie car, après refroidissement, son alésage aurait perdu plusieurs millièmes et elle aurait de grandes chances d'être hors tolérance lprs de la remise en marche.

Cumul des dispersions

Nous étions menacés de voir nos difficultés s'aggraver car mon vieil ami, André Burguière, patron des études de moteurs, par­lait de resserrer encore la tolérance sur le diamètre des loge­ments de coussinets; il espérait ainsi réduire les bruits émis par le moteur, car le Service Commercial prétendait que c'était un des reproches exprimés par la clientèle ; il est généralement difficile de mesurer des vibrations émises par un mécanisme complexe, d'en débrouiller le mélange et de donner du phéno­mène une représentation chiffrée et, sans données numériques, il est malaisé d'élaborer une solution: l'abondance et la variété du vocabulaire employé pour le décrire montre combien les opinions étaient subjectives; pour les uns, c'était un ronfle­ment et pour d'autres un grognement, un grelottement, un chuintement; on en inventait même, généralement à base d'onomatopées; pour comble d'infortune, les franglicisants avaient découvert dans les revues anglo-saxonnes le terme de " rumble ", ce qui contribuait à persuader le Contrôle de l'existence d'un défaut grave. Évidemment, si les Américains eux-mêmes... Car, à cette époque, la prière se faisait en cour­bant le front vers Detroit; l'heure de Tokyo n'était pas encore venue.

En totalisant les tolérances attribuées à l'alésage du carter, aux portées du vilebrequin et à l'épaisseur des demi-coussinets, on obtenait une valeur de trente-deux millièmes de millimètre (*), ce que l'ami Burguière jugeait excessif. J'essayai de lui faire valoir que le calcul des probabilités montrait que le maximum ne devait pas dépasser pratiquement dix-sept millièmes; mes arguments, pourtant fondés sur des bases mathématiques soli­des, n'ébranlaient pas sa détermination, en dépit de la validité

(*) Soit 11~"" pour le carter et pour le vilebrequin et 51'111 pour chaque demi·coussinet.

de la loi du cumul quadratique des dispersions; à bout d'argu­ments, je lui proposai un pari: nous placerions un observateur au poste de montage, en le chargeant de noter la cote exacte des alésages des carters et des portées des vilebrequins corres­pondants ; ainsi, nous verrions bien quelle serait la différence maximale enregistrée. Ainsi fut fait et, quinze jours plus tard, l'expérience portant sur une dizaine de milliers de moteurs avait confirmé la théorie.

J'avais eu peur car je ne voyais vraiment pas comment nous aurions pu resserrer les tolérances qui étaient déjà de la classe cinq ; notre seul recours aurait été de faire fabriquer des cous­sinets de différentes épaisseurs et de procéder par apparie­ment. C'est ce que faisaient les Américains, mais leur cadences étaient assez fortes pour que le prix n'en soit pas majoré, ce qui n'aurait pas été le cas pour nous. D'ailleurs, leur tolérances étaient plus du double des nôtres (exactement vingt-cinq mil­lièmes de millimètre), mais il faut reconnaître que leurs moteurs étaient moins surchargés que les nôtres, car ils tour­naient moins vite et leur cylindrée dépassait cinq ou six fois la nôtre.

Logements des poussoirs

Il restait aussi un problème à résoudre : la précision des loge­ments de poussoirs était médiocrement respectée, en dépit d'une opération de mandrinage à la bille qu'il avait fallu ajou­ter à la gamme. Cela provenait d'un mauvais alignement entre les axes des trous semi-finis et ceux des alésoirs de finition; cet excentrage soumettait les outils à des efforts latéraux qui ep.gendraient une ovalisation. La cause résidait dans de légères différences d'entraxes des broches des têtes multiples porte­outil et dans un jeu inévitable des verrous de mise en place des pièces.

Fig. 17 -"Girafes".

La solution fut trouvée par Léon Scheppers, chargé du perçage-alésage dans le service de préparation-chronométrage: elle consistait dans l'emploi de machines monobroches, les pièces étant légèrement flottantes afin qu'elles se centrent d'elles-mêmes devant les outils. Nous fûmes bien étonnés lors­que la vérification automatique par des jauges pneumatiques de haute précision montra que la dispersion n'atteignait pas quatre millièmes, ce qui était à peu près le tiers de la tolé­rance ; je dois convenir que si André Burguière avait manifesté pareille exigence, je n'aurais auparavant jamais cru possible de lui donner satisfaction.

Pour atteindre la cadence prescrite, il fallut trois machines, munies de dispositifs de manutention automatique très origi­naux, étudiés par Marcel Vitoux et qui, en raison de leur silhouette, furent désignées sous le nom de " girafes" (fig. 17).

Poussières

L'usinage de la fonte ne produit pas seulement des copeaux ; il s'y mêle une fine poussière de métal que l'oxydation transforme en une poudre abrasive; elle est d'autant plus redoutable qu'elle est assez ténue pour franchir le filtre de la pompe à huile et aller endommager les portées et les manetons du vile­brequin en s'incrustant dans le régule des coussinets des paliers et des bielles.

La chaîne fut donc munie d'une puissante machine à laver; pour vérifier l'efficacité des précautions prises, plusieurs moteurs étaient chaque jour essayés pendant quelques heures, à l'issue desquelles ont filtrait avec grand soin leur huile afin de peser les poussières qu'elle contenait. On s'aperçut vite qu'il ne suffisait pas de procéder au lavage final, mais qu'il ne fallait surtout pas laisser la poussière métallique séjourner dans les canalisations de graissage percées sur la cinquième machine­transfert; en effet, les particules d'oxyde adhéraient aux parois et le lavage final ne suffisait pas à les décrocher, mais le fonctionnement du moteur les libérait à long terme, pour le plus grand dommage des coussinets.

C'est pourquoi on plaça, au poste de sortie de la cinquième machine-transfert, un dispositif envoyant dans les canalisations un violent jet d'air comprimé; cette précaution, cependant, ne parut pas suffisante car, en fin de semaine, il s'écoulait plus de trente-cinq heures entre le moment où les pièces étaient per­çées dans l'après-midi du samedi et celui, lundi matin, où elles parvenaient au poste de soufflage. Il fut donc décidé, que, en fin de semaine, la cinquième machine-transfert serait vidée et que les pièces seraient nettoyées puis emmagasinées sur le convoyeur desservant la sixième machine-transfert.

On voit que pour assurer la qualité d'un moteur il faut mettre en œuvre des techniques perfectionnées, mais que l'on ne doit pas pour autant négliger des précautions qui, a posteriori, paraissent simples et évidentes, mais dont l'intérêt n'apparaît qu'à la lumière d'une expérience longuement et péniblement acquise.

Magasin de livraison

Il était indispensable de disposer, en fin de chaîne, d'une réserve d'environ deux cents pièces. Elles appartenaient à quatre types différents et, comme elles se trouvaient mélangées au hasard des transports, elles parvenaient au poste de sortie en ordre dispersé.

Le magasin (fig. 18) comptait une vingtaine de casiers capables de contenir dix pièces. Il fallait donc trier celles-ci, affecter chaque casier à un type particulier et tenir un inventaire per­manent afin d'organiser en conséquence la livraison à la chaîne de montage par lots homogènes.

Aujourd'hui, le problème serait prestement résolu avec un microprocesseur, quelques capteurs et des cristaux liquides, mais, en 1955, il fallait trouver autre chose.

Le système, inventé par Marcel Vitoux, comportait d'abord un ensemble de distributeurs identifiant chaque pièce (fig. 19) ; il lui faisait correspondre une bille versée dans un compteur et qui commandait à la fois les mouvements d'un ascenseur (fig. 21) et l'action d'un compteur-décompteur (fig. 20) qui assurait la tenue d'un inventaire permanent.

Poste central de surveillance

La chaîne ainsi conçue allait comporter douze machines­transferts, treize machines à poste fixe, neuf dispositifs de contrôle précis, cent cinquante mètres de transporteurs à deux ou trois étages et un magasin final de deux cents places ; l'ensemble serait animé de façon totalement automatique, à l'aide de deux cent cinquante distributeurs électriques, sept cent cinquante relais et quatre cents moteurs asynchrones, sans compter les vérins et les valves pneumatiques.

Sans aucun doute, cet ensemble dépassait largement, en importance comme en complexité, tout ce dont nous avions l'expérience, et nous étions biens conscients des difficultés aux­quelles se heurterait sa mise en service, car les pannes possibles seraient nombreuses et il faudrait en distinguer exactement les causes afin de les éliminer sans délai.

Pour en détecter les origines, il était indispensable de les enre­gistrer de façon complète et fidèle, sans tenir compte des impressions subjectives, des opérateurs ou des cadres; l'homme, on le sait, a souvent tendance à garder en mémoire les événements qui corroborent ses opinions; ainsi, le blâme serait jeté sur tel outil ou tel appareil, catalogué comme" bête à chagrin ", pendant que l'on ignorerait les caprices à répéti­tion d'un capteur qu'un choc discrètement asséné remettrait dans le droit chemin. Marcel Blonde, directeur du Service Électrique, proposa d'installer, au cœur de la chaîne, un poste où convergeraient les informations sur l'état de fonctionne­ment de chaque machine et de chaque magasin-transporteur (fig. 22).

Fig. 18 -Casiers du magasin-réserve des pièces finies.

Fig. 19 -Entrée du magasin, avec son ascenseur-gerbeur.

La cabine fut reliée par téléphone aux postes de commande des machines; le surveillant obtenait de l'opérateur concerné la cause exacte de l'arrêt: outil endommagé, tolérance non res­pectée, panne mécanique, manque de pièces, engorgement du transporteur, faux contact d'un distributeur, etc. A chaque arrêt, une fiche était émise, portant la cause, l'heure du début et celle de la fin de l'interruption.

Fig. 22 -Cabine vitrée du poste central de surveillance situé à côté du magasin-transporteur raccordant les machines-transferts nOS 4 et 5.

Paul Pommier et Maurice Gautier, qui dirigeaient le départe­ment, recevaient chaque matin le compte rendu détaillé des pannes de la veille, et l'on put ainsi apercevoir nes causes assez inattendues et qu'il aurait été difficile de déceler sans la concordance des statistiques portant sur une période significa­tive ; je me souviens en particulier d'un distributeur électrique que rien ne distinguait des autres, mais qui recevait en perma­nence les éclaboussures du liquide réfrigérant de coupe des outils, qui s'introduisait par un joint mal étanche. Il suffit d'un écran pour faire disparaître cette cause de panne.

C'est ainsi que, peu à peu, furent éliminés la plupart des arrêts qui faisaient chuter le rendement de la chaîne.

Proportion des rebuts

Il ne faut pas oublier que le carter-cylindres est une pièce parti­culièrement difficile à fabriquer. Il comporte cinq cent cin­quante opérations, parmi lesquelles on compte une trentaine d'alésages dont les diamètres s'échelonnent entre dix et soixante-cinq millimètres, et les précisions entre les classes cinq et huit.

Une autre tolérance particulièrement difficile à respecter est relative aux distances entre la face supérieure et l'appui des chemises et l'axe du vilebrequin; de la première dépend l'étan­chéité des circuits d'huile et d'eau; le taux de compression est influencé, en grande partie, par la seconde.

En dépit des difficultés, je crois que la proportion des rebuts occasionnés par les défauts d'usinage n'a jamais atteint cinq pour mille, et ce chiffre a étonné plus d'un visiteur, fût-il Américain.

Fig. 20 ­Appareil d'attribution des casiers.

Fig. 21 ­Appareil de répartition et de comptabilisation des pièces dans le magasin-réserve des pièces finies.

Rétrospection

Un technicien ne doit jamais être satisfait de ce qu'il a réalisé. Oubliant vite le plaisir de voir fonctionner un mécanisme dont il porte avec d'autres la responsabilité, il doit surtout réfléchir à ce qu'il reste d'imparfait et songer aux progrès qu'une tâche future lui donnera l'occasion de réaliser.

En examinant cette chaîne, j'éprouvais plusieurs regrets; d'abord, j'aurais voulu remplacer par des machines automati­ques les trois fraiseuses-tambour et les trois machines qui usi­naient les points de départ; ensuite, j'aurais souhaité automa­tiser le chargement de la douzième machine-transfert qui, en dépit d'un palan pneumatique, imposait à l'opérateur une tâche monotone; enfin, il aurait surtout fallu pouvoir exécu­ter, au même poste, l'alésage des lignes d'arbres et celui du logement de l'allumeur et de la pompe à huile car, en dépit de grandes précautions, la distance des axes des pignons hélicoï­daux souffrait d'une dispersion qui faisait froncer les sourcils du Bureau des Études et du Contrôle.

Aussi, dès que la surcharge de travail du Bureau d'Études d'Outillage s'allégea un peu, je demandai à Ulysse Bancel et à Gaston Boulet d'étudier ces problèmes, tout en sachant fort bien que ce serait un exercice d'école et qu'il n'y avait aucune chance pour que leur solution voie le jour; mais lorsque, trois ans plus tard, nous eûmes à étudier l'outillage pour le moteur de neuf cent cinquante centimètre cubes qui devait être cons­truit à Cléon, il n'y eut plus qu'à extraire les plans de leurs car­tons et à les adapter à la résolution du nouveau problème, ce qui se fit sans grande difficulté.

(à suivre)

Pierre BÉZIER