05 - L'aventure de l'île Seguin

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L'aventure de l'île Seguin

Estampes, peintures et plans.

Les « Plans de la Rivière de Seine », coloriés par l'arpenteur La Noüe en 1757-1758, montrent distinctement trois îlots minuscules près de l'île de Monsieur, non loin de la pointe aval de l'île Seguin (1). Bien auparavant, le « Plan de la Rivière de Seine et Prévôté de la Cuisine », levé en 1695 par Claude Lescuyer, voyer de Saint-Denis, avait aussi reproduit ces trois îlots (2). Mais dans les deux cas, notre île de Sèvres n'est simplement qu'esquissée.

Tous ces îlots ont disparu progressivement au cours des ans; l'île Rochelet (île de Monsieur) elle-même a dû être impor­tante: en 1679, on l'estime à 28 arpents; en 1758, on ne trouve plus que 22 arpents! Une note explique : «Il est cer­tain, suz'vant d'ancz'ens Plans, que cette Isle avoit beaucoup Plus d'étendue qu'elle n'en a aujourd'huy, la rz'vz'ère la diminuant toutes les années dans les tem[pJs de ses crües (3) ».

Mais dès 1702, une charmante estampe, un peu naïve, nous montre les ponts de Sèvres et la pointe de l'île ; les détails, que Manesson-Mallet a dessinés pour sa Géométrie pratz'que (4), sont d'une fantaisie qui correspond pourtant à la réalité : la maison de l'île est bien reproduite, comme celle des péagers, située à l'extrémité du pont, sur la rive de Sèvres, où le passage a lieu sous une voûte. Certes, la colline de Bellevue semble d'une hauteur démesurée, mais dans le fond de Sèvres, le clocher de l'église domine la vallée. On distingue la pointe amont de l'île de Monsieur et la Seine est couverte de bateaux, certains tirés par des chevaux sur le chemin de halage de Billancourt. Cette gravure sert à justifier de prétendus calculs de trigonométrie, mais elle reste surtout utile à qui veut se représenter les lieux en ce début du XVIIIe siècle.

Une toile de grandes dimensions existe au château de Nymphenburg, près de Munich; l'auteur en est J.-B. Feret, né à Évreux en 1664. On y voit la rive de la Seine, le pont de Saint-Cloud, les coteaux et Boulogne en 1712 (5).

Les plans de cette époque sont par contre trop sommaires pour que l'on puisse glaner quelques détails: celui de Nicolas de

(1) Arch. Yvelines. D 736.

(2) Idem, D 734.

(3)

Arch. nat., QI 1 485 (<< Réponse au projet de Déclaration censuelle demandée à

M. le duc d'Orléans, de la part de Mgr l'archevéque de Paris" décembre 1758).

(4)

Tome III, pl. XXX, p. 93. Nous avons reproduit cette gravure dans des articles publiés dans La Vie paroissiale de Sèvres, 15 déc. 1945, et l'Aube nouvelle, 28 décembre 1977.

(5)

Soc. histor. et art. de Boulogne-Billancourt, procès-verbaux des 25 mai et 26 octobre 1956.

Fer (6), paru en 1717, se borne à esquisser les îles et les îlots; ceux dédiés à Mgr le duc d'OrJéans reproduisent surtout le châ­teau et le parc de Saint-Cloud (7). Il en est de même pour les «Environs de Paris », de 1740, et du « Plan de Saint-Cloud », de 1744, levés tous deux par l'abbé de la Grive (8).

Par contre, la peinture de Charles-Léopold de Grevenbroeck, conservée au musée Carnavalet, est vraiment la première qui « PhotograPhie» littéralement en gros plan l'île de Sèvres (9). Le tableau fut exécuté pour la chambre du roi et placé au-dessus d'une porte du château de la Muette. Peint sur cui­vre, il fut exposé au Salon de 1738, dont le livret le mentionne sous la dénomination suivante: « Vûë de Saint-Cloud et du pont de Sève ». Estimée 1 200 livres, l'œuvre fut. payée à l'artiste le 22 juillet 1738. Passants et cavaliers longent la rive gauche; trois bateaux, dont la célèbre galiote, apparaissent au premier plan. L'île est toujours dénudée et des vaches paissent tranquillement. Sur les deux ponts, plusieurs équipages prouvent la fréquentation des lieux.

Le facétieux Néel de Rouen, en 1748, dans son Voyage de Paris à Saint-Cloud par mer... , ne parle pas, hélas 1de notre île Seguin : il se borne à relever les nombreux moutons du Berry qui paissent dans la plaine de Billancourt et note le pont de Sèvres «sur lequel passaient différentes voz"tures» ; le voya­geur, qui avait été incommodé par l'odeur du soufre et de bitume (c'est lui qui l'affirme 1) de la verrerie du Bas-Meudon, assiste à la messe dans la chapelle du pont (10)...

Les plans sont ensuite de plus en plus précis et surtout les vues iconographiques vont faire connaître l'aspect réel des lieux. Partout, ce ne sont que prairies et vergers, entourés de haies vives, avec, le long des rives basses du fleuve, une double ran­gée de peupliers. Les Parisiens, à la belle saison, viennent volontiers sous leur feuillage, goûter l'ombre et le frais. Sur le chemin de halage, des mariniers, les uns à la bricole, les autres montés sur des chevaux qu'ils excitent du fouet, tirent, au moyen de longues cordes, attachées aux mâts ou aux bordages, les bateaux qui descendent la Seine.

Un paysage enchanteur.

La plaine de Billancourt et l'île restent dénudées, parsemées de rares buissons. Sur la rive gauche, de la «montagne de Meudon JJ, la vue est fort belle, car rien ne cache la Seine, dont la grande boucle, tracée à la sortie de Paris, vient baigner la colline et la berge. Éboulis de pierres calcaires, très friables, provenant des carrières et des glacières du plateau, sont les seules taches blanches qui tranchent dans la verdure et les bruyères...

Comment ne veut-on pas que Mme de Pompadour ne soit pas enthousiasmée par ces lieux? « Belle-Vuë JJ, si bien nommée, a de suite sa légende, accréditée par le Guide des environs de Paris, publié en 1844 sous la direction de Nodier. Le passage d'un romantisme achevé est probablement vrai : « En 1749, par une belle matinée de mai, la marquise de Pompadour ...

résolut d'élever une habz"tation royale ... (11). Le château de

JJ

Bellevue est né, il domine l'île de Sèvres et bientôt des pelouses fleuries escaladent le coteau, symétriquement disposées par rapport à une immense ellipse de gazon, autour de laquelle un large chemin bordé d'arbres conduit à des escaliers de pierre, puis à une terrasse oû s'alignent des orangers en caisses...

Nous ne rêvons pas: il faut voir la gravure de l-A. Portail (12) ou celle intitulée « Veve du paysage de Meudon du côté de Paris », pour comprendre l'étonnant panorama qui a séduit pendant plus d'un siècle les peintres et graveurs français et étrangers...

Lxv; IlL Ddap[ani

p r.: k~CH a x: X

L'ancien pont de Sèvres, , ' "'" ' '

édifié en 1684, en bois, traversait la Seine à l'extrémité de l'île Seguin (là où est la centrale électrique de la R.N.U.R.), dans le prolongement de l'actuelle rue du Vieux-Pont-de-Sèvres. On y percevait un péage sur toutes les voitures à chevaux et sur les troupeaux. Cette gravure est parue en 1702 dans un livre consacré à « La Géométrie pratique ». Au bout du pont, la demeure des péagers sous laquelle on passe par une voûte. La Seine est sillonnée par des barques ; à gauche et à droite, la colline de Bellevue (appelée à l'époque

«butte de Châtillon »)

et le parc de Saint-Cloud (clos de

murs), grandis démesurément. Au

fond de la vallée, le clocher de

l'église de Sèvres, qui sera abattu

en 1788 et jamais reconstruit.

Un agrandissement de la gravure

permet de distinguer,

sur le pont, à gauche, un calvaire

en bois, face à Paris.

A l'extrême droite, sur la Seine,

la pointe amont de l'île Monsieur,

aujourd'hui rattachée à la

rive de Saint-Cloud.

(6)

Il existe au moins trois plans de N. de Fer: celui de 1703 représente le parc de Saint­Cloud (FLEURY, Saint-Cloud, p. 44); ceux de 1717 et 1727 (MITTON et L'ÉGLISE, Châteaux galants du bois de Boulogne, p. 23 ; FERNAND-LAURENT, Auteuil, p. 46) représentent la plaine de Billancourt. Tous indiquent la Seine et ses îles.

(7)

Cf. Amis de Saint-Cloud, févr. 1955.

(8)

Chalcographie du Louvre, nOS 3 747 (flle 6) et 3 439.

(9)

Musée Carnavalet, salle 19 ; Caisse nat. des Monum. hist., clichés 14 839-BAP et D-2 628 ; Rev. hist. de Vers. et S-et-O., 1907, p. 24, nO 1 ; Bull. de la Soc. d'iconogr. paris., t. V, 1930, p. 49-52 ; Amis de Saint-Cloud, nO 6 ; Amis de Meudon, 1973, p. 2 041-2 043. -Le tableau est inventorié, le 28 mars 1746, au châ­teau de la Muette: FRANQUEVILLE, Château de la Muette, 1915, p. 227-231. Notre Bulletin, juin 1980, p. 30, a reproduit ce tableau.

(10)

NÉEL (Louis-Balthazar), dit de Rouen, Le Voyage de Saint-Cloud. Par Mer et par Terre, La Haye, 1" éd. 1748. Autres édit. de 1752, 1754, 1762, 1788, 1824, 1828, 1839, 1843, 1864, 1878, 1884 (par LEGRAND, avec plan et gravures, repr. l'éd. de 1754), 1891, 1892, etc. -Cf. aussi Amis de Meudon, nO 56, p. 979; B.M.O. de Boulogne-Billancourt, nO 94, juin 1959 ; Aube nouvelle, 5 janv. 1977.

(11)

Cité par BIVER, Bellevue, p. 7.

(12)

GANAY (Em. de), Les jardins à lafrançaise, 1943, pl. XIV.

Mais la meilleure des estampes est celle dessinée par le cheva­lier de Lespinasse et gravée par Masquelier (13). Les pentes de Bellevue et la rive gauche de la Seine jusqu'à Suresnes et le mont Valérien dominent toujours le vert paysage de Boulogne. L'île de Monsieur semble déjà rattachée au bas du parc de Saint-Cloud. Dans l'île de Sèvres, un important dépôt de madriers rappelle que les deux ponts sont souvent abîmés et, sur la rive droite, un navire débarque ses passagers. Dames en robes à paniers et hommes en culottes courtes et à perruques à catogans devisent en contemplant la Seine et ses îles vertes. La gravure n'est pas datée, mais elle est parue dans le Voyage pz"ttoresque de la France, publié en 1784.

Nous connaissons encore une tabatière, boîte d'or précieuse, ovale et ciselée à ravir. Elle est décorée de miniatures ravis­santes par Van Blarenberghe (14). Dans l'île Seguin paissent des vaches et sèche du linge, tandis que les deux bras du fleuve sont parcourus par des chalands et des barques chargés de marchandises. Au-delà, s'étend la rive herbue de Billancourt, où la plaine est traversée par deux routes bordées d'arbres: la première est le chemin du pont de Sèvres (actuellement rue du Vieux-Pont-de-Sèvres), la seconde rejoint la ferme de Billancourt.

Un guide des environs de Paris, publié en 1765, donne une bonne description de l'actuelle île Seguin, probablement conforme à la réalité. Il est à noter que l'auteur, anonyme (sans doute l'abbé Perau ou Lafont de Saint-Yenne), précise que la partie de l'île proche de Sèvres sert de port :

« La Sezne est partagée en deux bras par une assez grande isle qui, du côté de Sevre, est devenue un port où se déposent toutes sortent de marchandises,. l'autre partie est couverte de' bestiaux,. ce qui rend cette isle très-agréable et très-vivante.

« En tout temps on voz"t sur les deux bras de la Seine une grande quantz"té de bateaux, quz' remontent la rivière et vont porter le tribut de la mer et les richesses des plages maritimes dans la CaPitale et dans les Provz'nces voisines. On voz"t, surtout dans la belle saison, une multitude étonnante de petits bateaux qui conduisent un peuPle immense aux belles promenades de Saz'nt-Cloud, prznczpalement les jours de Fête.

« Sur la rz've de la Sezne se présente le chemz'n de VersazUes, sans cesse couvert de voitures et de citoyens, que la curiosité, ou leurs affaires attirent au Palais du Prince. Ce concours habi­tuel forme un spectacle toujours zntéressant et toujours anz'mé» (15).

En 1767, on acquiert un bateau sur la Seine, moyennant 762 livres, qui servira dorénavant à la blanchisserie du linge de Bellevue (16). Ce bateau restera en plaèe très longtemps, car nous connaissons des documents du 9 aoùt 1775, prouvant sa réparation par Anet, charpentier, demeurant à Sèvres, pour un montant de 900 livres (17). Le linge, une fois lavé, il fallait le faire sécher: sans doute est-il étendu sur les bords de l'île de Sèvres, comme nous l'avons noté sur la tabatière citée précédemment.

Chasses à courre...

Il n'est donc pas surprenant d'apprendre que Mesdames de France ont dans une pièce de leur château de Bellevue lunettes et télescopes, qu'elles installent sur un billard. Les voituriers qui défilent sur les ponts de Sèvres, les pèlerins qui débarquent de la galiote, les baigneurs de l'île attirent leurs regards 1C'est ce que confirme le libraire Hardy dans ses Loisirs, à la date du lundi 5 septembre 1774, où Louis XVI chasse tout l'après-midi dans la plaine de Billancourt, avec ses deux frères, Monsieur et le comte d'Artois (18). De la terrasse de Bellevue, Mmes Clotilde et Élisabeth suivent les allées et venues des chas­seurs et les manœuvres de la maréchaussée et du guet à cheval qui protègent les personnages royaux.

Mesdames auront souvent l'occasion de se distraire en regar­dant à la lorgnette le cours du fleuve ; mais leur dernière vision, lors de leur fuite de Bellevue du 19 février 1791, a dû les remplir de terreur 1Âgées, affolées, « dans la nuit noire reten­tissent les chants sinistres des sectionnaz'res ,. les torches brzUent sur le pont de Sèvres ... ». Un mémorialiste écrit encore: « On apercevaz"t de loz'n ,. sur la route de Parzs, une forêt de torches mouvantes dont la dz"rectz"on était dans l'axe de Bellevue ... »,

c'est-à-dire juste sur l'île de Sèvres 1(19)

A la même époque (mai 1770), nous connaissons un immense plan, peint par Blessebois de La Garenne, voyer des Tuileries,

« de toutes les Terres et Isles déPendans de la ferme et sezgneu­rz'e de Blzgnancourt» (sic), d'un total de 324 arpents 1/2 et 43 perches 3/4 (20). « L'Isle du Pont» (île Seguin) est évaluée à 34 arpents 3/4 ; «L'Isle DauPhz'ne» (île Saint-Germain) à 38 arpents 1/2.

Peu d'années après -le 2 juillet 1787 -un document (21) signale que le fief de Billancourt, y compris chemins et remises à gibier, a 384 arpents (et non plus 324) : erreur du scribe ou mauvaise lecture ? Quoi qu'il en soit, il faut faire un effort

(13) Notre Bulletin, juin 1980, p. 32, a reproduit cette estampe. L'original est dans LA BORDE, BEGUILLET, GUETTARD et autres, Voy. pittor. de la France, «gou­vernement de l'Isle-de-France », 1784, vue nO 3 (Bibl. nat., Réserve LiS 24). Cf. aussi GONCOURT (E. et]. de), Mme de Pompadour, 1888, h.-t. p. 92-93.

(14)

BIVER, op. cit., pl. 30 ; HÉRON DE VILLEFOSSE, Couronnes de Paris, 1952,

p. 121.

(15)

Description histor. de la ville de Paris et de ses environs, par feu PIGANIOL DE LA FORCE, nouv, éd. (due à l'abbé PÉRAUou à LAFONT DE SAINT-YENNE), t. 9, 1765, p. 41. L'éd. orig. (t. 8, 1742) ne comporte pas ce passage. -BIVER, op. cit.,

p. 10, donne cette citation, malheureusement modifiée.

(16)

Documentation GERARD et BIVER, op. cit., p. 218.

(17)

Arch. nat., 01 1531, pièces 535-536.

(18)

Bibl. nat., ms, fonds franç. 6 680-6 682.

(19) DUVAL, Souvenirs de la TeTTeur, t. l, 1841, p. 255-280; CAÎN, Env. de Paris,

p. 158; BIVER, op. cit., p. 375-384 ; Amis de Meudon, nO 61, avr. 1951, p. 1040.

(20)

Arch. nat., S 2 137.

(21)

Arch. Paris, DQI6 968, pièce 760-B.

Dessin de Jacques-André Portail, montrant le château de Bellevue et la vallée de la Seine.

On distingue nettement l'île de Sèvres et le pont en bois aux vingt-et-une arches.

Le château de Bellevue ayant été inauguré à la fin de 1750 et Portail étant décédé en 1759, le dessin se situe entre ces deux dates.

L'artiste était garde des plans et des tableaux du roi; il fut chargé de la décoration des salles du Louvre lors des expositions.

Ses dessins, dits « aux trois crayons », sont très recherchés.

d'imagination pour se représenter qu'à la place des bâtiments actuels de la Régie, la vaste plaine était le théâtre de chasses fréquentes (22).

Le «Plan des Jardins de Bellevue », par Boucher, daté de 1778, n'offre guère de détails intéressants sur l'île de Sèvres (23). Par contre, celui du chevalier de Lespinasse, offi­cier des grenadiers royaux, levé en 1779, est un modèle du genre : sorte de vue aérienne, les moindres détails y sont préci­sés (24). L'île est évidemment toujours dénudée, sauf des arbustes sur les rives ; les maisons et les hangars de la pointe aval sont parfaitement dessinés, ainsi que les écuries du comte d'Artois sur la rive droite. Sur la Seine, autour de l'île et sur­tout dans le port de Sèvres, il n'y a pas moins de quarante bateaux ou barques.

En 1780, le « Plan du Château Royal de Belle-Vüe et de ses Environs », levé et dessiné par Ruel-de-La-Motte (25), repré­sentera l'île, toujours aussi nue : elle est dite «Isle de Belle-Vue, cy-devant Bz'llancour » (sic). Un autre plan (26) du 14 février 1781 montre la pointe aval de l'île, avec les chantiers des entrepreneurs du pont de Sèvres. On y relève, notamment, qu'il faut, tout autour de l'île, un « chemz'n pour le Servz'ce de la navigation de 10 pz[edsJ de largeur ».

Merveilleux paysage qui restera tel une grande partie du XIX' siècle ... La Gazette d'Avz'gnon, du 11 avril 1760, qui

décrit le « Palais de la Santé» du docteur Cl. Chevalier se trou­vant « sur le bord de la Sezne en face du pont de Sève », vante «la salubrz'té de l'az'r ouzo y règne» (27). Évidemment, il s'agit d'un placard publicitaire, mais pour ce point précis nous n'avons aucune raison de mettre en doute cette affirmation 1 En effet, ce paysage « passeroit pour le séjour des Dieux, si on croyoit aux métamorphoses ». Rien de plus, mais rien de moins 1

(22) Une étude pourrait être faite sur les chasses ayant lieu dans la plaine de Billancourt: on connait le dessin d'Israël Sylvestre (vers 1690) sur la « Chasse du Grand Dauphin dans la plaine de Boulogne ». Les documents du fonds de la « Capitainerie de la

varenne des Tuileries» mentionnent souvent des remises à gibier de Billancourt, avec

rôle d·arpentages. procès· verbaux et plans (cf. Arch. nat.. 01 1 311, pièce 87 ; 01 1 322, pièces 105·106, 122·130 ; Arch. Yvelines, A 573-574). Le 14 sept. 1768, le roi chassait dans la plaine quand les habitants de Saint-Cloud et de Boulogne tentè­

rent de lui remettre des « placets» sur la cherté du pain. Les officiers des chasses les en empêchèrent. La veille, douze femmes de Meudon se mirent à genoux lors du pas­sage de Louis XV et lui montrèrent « un morceau de pain noir comme de l'encre»

(HARDY, Mes loisirs, p_ 108).

(23)

GANAY,op. cit., pL XLVI.

(24)

BibL nat., est., Va 448-a_ Cette vue est reproduite par BIVER, op. cit., pL 2, h_-t.

p.

14-15 et dans notre Bulletin, juin 1980, p. 36.

(25)

BibL nat., Ge A 152 et AA 2 051.

(26)

Arch. nat., FI4 194 et 201-A.

(27)

Bull. de la Soc. des Amis de Meudon, nO 82, juilL-sept. 1958, p_l 308-1 310.

...et navigation fluviale

La Seine a-t-elle été la grande artère commerciale ravitaillant Paris, comme beaucoup l'ont suggéré? Aujourd'hui, ce pro­blème est discuté_ Peut-être faut-il y voir le fruit de l'imagina­tion des peintres et des graveurs, montrant le fleuve couvert d'une infinité de barques et de bateaux? Essayons d'apporter quelques précisions à ce sujet, toujours utiles au point de vue économique.

Ainsi, les 8 et 9 décembre 1708, Michel Chantereau­Demondoré, commissionnaire de Toulouppe, chef de fourrière du Roi, fait arriver à Sèvres 188 cordes de« bois flotté », en six trains : tout est déposé sur la berge en attendant le transport à Versailles. C'est alors que la marchandise est saisie par les offi­ciers cOIJ.trôleurs des bois à brûler, probablement pour exiger une quelconque taxe... Mais nous sommes en hiver et, la nuit, des particuliers n'hésitent pas à venir voler ce précieux bois de chauffage. Naturellement, il y a procès et plainte est déposée devant le prévôt des marchands de Paris. Une « informatz'on » -nous dirions une «enquête» -est ouverte le vendredi 1"' février 1709 devant les officiers de la justice seigneuriale de Sèvres, en présence de François Bonnet, lieutenant-juge de la prévôté pour le duc d'Orléans; parmi les témoins, il y a : Frédéric-Anthoine Du Bourg, commis au péage du pont de

Sèvres; Pierre Renault, receveur du péage, et sa femme, Catherine Germain; François Casse, marchand cabaretier au port de Sèvres; enfin Pierre Martet, dit Bouquet, manouvrier porte-faix, demeurant également au port (28).

Car c'est à l'occasion de procès que l'historien peut glaner quel­ques indications précises. Ainsi, on apprend que le sieur Bouton, marchand de charbon de terre, est condamné à payer 420 livres: il a, en effet, déchargé au port de Sèvres soixante­dix bateaux de charbon de terre, pour la verrerie du Bas-Meudon, entre le 12 août 1747 et le 6 août 1748, et cela sans payer de droits. C'est du reste un récidiviste, puisqu'on le voit condamné à un nouveau paiement de 748 livres 16 sols, en raison de cent quatre bateaux arrivés entre le 3 décembre 1748 et le 9 juillet 1749 (29).

On saisit, le 11 janvier 1750, sur Jean Lemire, voiturier par eau, soixante-quinze milliers de soude, amenés de Rouen à Sèvres et déchargés frauduleusement; de même, une sentence du 26 mai 1750, condamne la veuve Dusault, voiturière par eau, et Pasquet, son contremaitre, pour une infraction iden­tique. Par contre, une sentence du 12 juin 1750, déclare «nulle, injurieuse, tortionnaire (sz'c) et déraisonnable» la saisie de 90 voies de charbon faite sur Champion, marchand à Sèvres. A la fin de 1752, Jean Lemire, déjà cité, est impliqué dans un nouveau procès avec les entrepreneurs de la verrerie du Bas-Meudon, pour du varech déchargé au port de Sèvres (30).

En 1765, J.-Fr. Belot, directeur de la verrerie du Bas-Meudon., dit qu'il a reçu 1 339 voies 8 minots de charbon de Saint­Étienne-en-Forest (31). Cela représente probablement l'arrivée de cent trente-quatre bateaux de charbon. Le 10 juillet 1771, le marquis de Marigny, frère de Mme de Pompadour et posses­seur de la verrerie, signe un contrat avec les frères J.-P. et A. La Barre: ceux-ci s'engagent à fournir 3 000 voies de charbon chaque année, en partant de Roanne. Comme on précise que chaque bateau ne contient que 10 voies, il y aura donc environ trois cents bateaux chaque année qui se rendront au port de Sèvres, longeant notre île 1 (32) Ces trois cents bateaux, appelés toues, uniquement destinés pour la verrerie, ne repartiront pas évidemment dans le centre de la France : ils seront détruits, « déchirés» sur place. Nous avons connaisance d'un marché antérieur, en date du 2 septembre 1762 : il avait été prévu une livraison de 3 600 voies, soit trois cent soixante bateaux par an.

Mais outre le charbon, la verrerie reçoit aussi du sable, des pierres, du bois, différentes matières premières. Nicolas Feuardent, négociant à Cherbourg, livre par exemple, le 11 juillet 1776, vingt tonneaux de soude de varech; le 21 novembre suivant, autre livraison de trente tonneaux; le 3 mars 1777, nouvelle livraison de vingt-cinq tonneaux (33). Tout cela provient de Basse-Normandie et le fret a été payé à Rouen. Tout le verre cassé de Paris, appelé groisû, doit être livré à la verrerie; conformément à une ordonnance de police du 23 janvier 1778 (34) : là encore, on peut penser que les livraisons sont faites par bateau.

Cette verrerie fabrique des « boutez1tes ou pintes à cachet », des « pintes» et des « choPines ». Pour les premières, la production n'est guère importante. Mais celles des pintes atteint une moyenne journalière de trois mille cinq cents unités. Quant aux chopines, on en fabrique chaque jour entre mille et mille cinq cents. Ces chiffres concerne les années 1767-1768 (35).

Une autre statistique indique que la verrerie produit un million deux cent mille bouteilles par an vers 1789 (36). Quoi qu'il en soit, on peut penser que si les livraisons de la manufacture sont effectuées par tombereaux, il y a aussi des expéditions faites par bateaux.

Et que le lecteur ne croit pas que nous nous éloignons de notre sujet en évoquant la verrerie du Bas-Meudon: cet établisse­ment a disparu en 1933, mais les usines Renault -toujours elles­ont construit à la place un important bâtiment (45, route de Vaugirard).

(28)

Arch. Yvelines, B Sèvres 20 (Inventaire, par P. M., fol. 174).

(29)

Arch. nat., V7 491, doss. l.

(30)

Idem, doss. 1 et 3. Un jugement du 31 juill. 1760 mentionne en outre, de 1739 à 1746, de nombreux faits concernant le «déchirage» des bateaux, effectué sans autorisation et sans paiement de droit.

(31)

Arch. Yvelines, minutes notariales de M' Brisse, relevées par M. Gardebois.

(32)

Arch. nat., 01 2 061-9.

(33)

Arch. du musée de Meudon, document du 4 mars 1777. Le varech (ou algue brune) était ramassé sur les plages du Cotentin et ses cendres, dites « charries de soude»J étaient utilisées dans la fabrication du verre à bouteilles. Dorival Feu'Ardent réclame, le 10 nov. 1778, le paiement de 5100 Iiv., pour livraisons de tonneaux de« soude de varech", faites en 1776-1777 (coll. P. M.).

(34)

Bibl. nat., F 23 717, pièce 380.

(35)

Arch. nat., 01 2061-9.

(36)

Arch. Yvelines, IV M 16 ; XII Ml; ms 352, fol. 264-265; Annua.re de S.-et-O., an XII, p. 206 ; an XIII, p. 269.

Mais le transport des produits pondéreux concerne aussi la manufacture de porcelaine de Sèvres : les matières premières viennent en grande partie par la Seine, d'où une nouvelle acti­vité sur le fleuve (37). Par ailleurs, on voit Philippes Borde, voiturier par eau, demeurant à Bezons, qui est condamné le 27 novembre 1761 à 500 livres d'amende, pour n'avoir pas fait la déclaration des pierres à plâtre qu'il livre à Boutillier, au bas de Meudon (38).

Les statistiques sont pratiquement inexistantes; mais des documents indiquent que les trains de bois flottés sont nom­breux à descendre le fleuve ; souvent, il arrive que des bùches ne sont plus retenues et viennent se disperser au gré de l'eau. Cela risque de provoquer des accidents et « compagnons de rivière », pêcheurs et autres particuliers essayent évidemment de s'en emparer. Le prévôt de Paris ordonne donc, le 18 avril 1758, aux marchands de prévoir des aides sur les trains de bois pour effectuer eux-mêmes le repêchage, non seulement pen­dant la traversée de la capitale, mais aussi en aval, jusqu'au pont de l'île de Sèvres (39).

(37)

Des arrêts du Conseil d'État du Roi, des Il avril 1763 et 31 mai 1764, fixent les droits à payer pour « les Bateaux chargés des bois et autres marchandises destinées pour la Manufacture royale de Porcelaine de France» (Arch. nat., AD·XI 45, 01 2059 ; Bibl. Paris, imprimés nOS 131 456, 131 457 et 138450). Sur le bois à brûler consommé par la manufacture de Sèvres, cf. Arch. nat., G2 173.

(38)

Bibl. nat., F 23 721, pièce 301.

(39) Idem, pièce 126.

Plan de Roussel, de 1731.

La plaine de Billancourt et celle de Boulogne sont cultivées et ne comportent aucune habitation, sauf la ferme de Billancourt,

Remarquez les trois îlots face au Bas-Meudon. La rive de Sèvres, face au pont, commence à se construire;

des fours à chaux sont signalés sur la rive gauche. L'île de Monsieur, face au parc de Saint-Cloud, est reliée à la terre par un pont:

En outre, il est dû 12 sous 6 deniers par train de bois et autres, par « courbe» de chevaux, employée au tirage des bateaux, au passage sous le pont de Sèvres, « tant en montant qu'en ava­lant» (40). On voit ainsi le nommé Doelle qui fait passer vingt­cinq trains de bois sous le pont de Sèvres en 1788 ; de son côté, le sieur Gallée refuse de verser tout péage pour deux cent trente trois trains de bois, entre mars 1781 et novembre 1788 (41) 1Et ces deux marchands d~ bois ne sont évidemment pas les seuls mariniers qui longent notre île Seguin 1 Tous ces bateaux remontent le fleuve par chevaux; par contre, beaucoup d'autres descendent le courant "à la perche. Les grands bateaux demandent parfois une attelée de douze chevaux.

Activité économique

Plusieurs marchands ont sur la rive gauche un dépôt de bois à brûler et un magasin à charbon, « pour la provision de Versailles» (42) ; cela est confirmé par un bail du 20 décem­bre 1766 qui prescrit de tenir « ce chantier touJours garni de bois, cordes, fagots cotterets, pour la provision de Versailles et de Sèvres» (43).

Un registre des droits de péage du pont de Sèvres, qui s'éche­lonne d'octobre 1754 à avril 1755, ne comprend que douze pages (44). Les renseignements qu'il contient ne sont guère probants :bateaux de plâtre, de pierre pour la construction de l'École militaire, de foin, de bois, de planches, de noix, de haricots, de pommes, etc. Barques à huîtres, d'oranges, de vin. Les recettes comportent des droits de passage sur le pont (voi­tures et troupeaux) et sous le pont (bateaux). La différence est importante : par exemple, 1 457 livres de recettes pour le dessus et 83 livres pour le dessous (décembre 1754).

(40)

Arch. nat., H4 3 049 ; ANXIONNAT, Les coches d'eau; GUILMOTO (G.), Étude SUT les droits de navigation de la Seine, 1889, p. 15. L'adjudication des droits de péage est du 16 mars 1781 et l'ordonnance du 10 avril suivant (Arch. nat." AD-XIII 9, pièce 45).

(41)

Arch. nat., H43 049.

(42)

Idem, QI 1 483.

(43)

Idem, 01 3 865, doss. 4, pièce 1.

(44) Idem, V7490.

« Le Voyage de Saint-Cloud, par Mer et retour par Terre », est un récit humoristique de Néel-de-Rouen, paru en 1748 à La Haye.

Souvent réédité, son succès à été considérable. L'auteur conte spirituellement sa promenade à Saint-Cloud par la galiote et son retour par

la route. Les moindres détails (description des rives de la Seine, etc.) sont confirmés par les documents d'archives.

Conversations bruyantes et disputes avec les lavandières du bord de l'eau (qui se tournent et relèvent leurs jupes !) sont rapportées dans

un langage pittoresque.

Dimensions et formes varient: toues, diligences, marnois, flû­tes, margotins, soufflets, etc. Tous ces types sont difficiles à définir. La toue est un bateau qui sert à traverser les rivières ; le marnois vient de Champagne, de Brie ou de Saint-Dizier. Toues et marnois ne font que le trajet de la descente : après déchargement au port de Sèvres, ils sont « déchirés », c'est-à­dire détruits.

Un pointage nous permet de relever, en octobre 1754, le pas­sage sous le pont de Sèvres de quarante bateaux: un de plâtre, un de charbon, treize de pierre, huit de marchandises, dix ava­lants, un de foin, cinq de bois et un de planches. En novembre, nous trouvons trente-sept bateaux : deux de pavés, deux de plâtre, cinq de pierre, dix-sept de marchandises, six avalans et cinq de bois. Cela ferait une moyenne de cinq cents bateaux par an : c'est peu, même pas deux par jour...

Mais par contre il faut bien admettre qu'un grand nombre de bateaux n'étaient pas imposés, puisqu'ils s'arrêtaient avant le pont, au port de Sèvres. Certaines de ces embarcations ont des noms que l'Histoire a conservés: Adada, Va Bellement, Haye au mât qui apparaissent sur le plan de Jouvin de Rochefort de 1675 (45). D'autres bateaux ont des noms historiques : La Pucelle d'Orléans, la Dauphine; beaucoup ont des noms de femmes: la Claz're, la Cécz1e, la Thérèse, la belle Hélène. On trouve aussi des noms de religieux : Saz'nt-Antoine, l'ange Gabrz'el, ou bien des titres d'enseignes de restaurants : l'aimable Boulangère, la perle Madelez·ne.

En mai 1773, on voit le Saint-Ouen, capitaine Martin, amener du café du Havre à Paris; à la date du 24 avril 1788, on trouvp. l'Armada, à Dubourg, conducteur Samson Roussel, débar­quant 191 muids de sel pour Sèvres; le 23 mai suivant, on signale la SoPhz'e, à Tellier fils, transportant 90 muids de sel pour Marly... (46).

Galiotes et bachots.

Mais un bateau, véritable transport public de voyageurs, a laissé une documentation extraordinaire aux Archives natio­nales (47) : c'est la galz'ote. Il en est fait mention dès le Moyen Âge, dans un bail du 6 janvier 1539 (on est sûr qu'il a existé des titres plus anciens) : c'est J. de Longueil, seigneur de Sèvres, qui a le droit d'avoir un grand bateau, «sur le Port de Sevre, pour aller à Paris et en revenz'r le mesme jour, pour conduire et raconduire (sic) les Manans et habitants de Sevre, les Bourgeois qui y ont des Maisons, et autres gens qui se présenterons, mesme de porter des paquets, lz'nges, hardes, etc. » (48).

Le service en était régulier, car il a lieu trois fois par semaine ­Paris est alors peu peuplé, mais les villages voisins utilisent cette «voz'ture ». Il est regrettable que l'histoire n'en ait pas encore été faite, car elle serait émaillée d'incidents tragiques (collisions ou naufrages) ou comiques (disputes et bagarres à l'escale de Sèvres). Et puis on s'aperçut rapidement qu'il était plus avantageux de faire circuler la galiote, avec départ de Paris et arrivée à Sèvres (les Parisiens formant une clientèle «potentz'elle ») au lieu de Sèvres à Paris, comme à l'origine. C'est ainsi que le bateau des « manans » de Sèvres est devenu la célèbre galiote des Parisiens, mais toujours affermée ou adjugée, au cours des ans, par les seigneurs de Sèvres.

Et l'histoire de ce mode de navigation ne manque pas de piquant lorsqu'on voit le seigneur de Saint-Cloud faire exacte­ment comme le seigneur de Sèvres : deux galiotes circulent alors sur la Seine, avec tout ce que cela comporte -on le devine ­de concurrence, de « raccolage » des voyageurs, de contesta­tions entre les conducteurs et les fermiers, de conflits et de procès 1

La galiote a eu les honneurs du pinceau (49), du burin (50), de la plume (51) ; on en a même fait une maquette (52).

Enfin, il a les bachots, petites barques ne devant pas contenir plus de seize personnes: les ordonnances de police à ce sujet sont encore conservées à la Bibliothèque nationale, formant une collection presque ininterrompue pour tout le XVIIIe siè­cle (53). Là encore, disputes entre les voyageurs de la galiote et ceux des bachots sont journalières au pont de Sèvres, piquetées d'un langage cru et imagé...

Le 21 juin 1791, un bateau parti de Paris et contenant cent cinquante barils de poudre et quatre cent trente-deux barils de biscaïens, est arrêté à l'île de Sèvres; les municipalités environ­nantes, toujours en quête d'armes et de munitions pour leurs milices, s'en emparent 1 La commune de Boulogne, pour sa part, enlève treize barils de poudre et deux barils de biscaïens, déposés chez le commandant de la garde nationale du village ; la municipalité d'Auteuil, de son côté, saisit six barils de poudre (54).

(45)

Cf.• Notes sur le plan de Paris de Jouvin de Rochefort " dans Bull. de kL Soc. des Amis de kL Bibl. hist. de Paris, nov. 1975, p. 21-53. Ce plan a été édité par la librairie Taride en 1908. en neuf feuilles.

(46)

CAHEN (Léon), «Ce qu'enseigne un péage au XVIII' s. : la Seine entre Rouen et Paris », dans Ann. d'hist. écon. et soc., 15 octobre 1931.

(47)

Cf. Arch. nat., 01 3 867, H43 049, S 1133, Zl h 656, etc. ; Arch. Yvelines, Suppl. A 8 ; Bibl. nat., F 23 674, pièce 433 ; F 23 721, pièce 241, etc.

(48)

Arch. Yvelines, B Sèvres 1 ; Arch_ nat., QI 1 487 (. Addition de contredits... impr., 8 p., gd in-4°, s. d., vers 1718) et Bibl. nat., fol. Fm 18 767 (<< A Nosseigneurs de Par­lement... " impr., 6 p. gd in-4°, 1718). Un autre bail, du 21 décembre 1561, donne des détails pittoresques (Arch. Yvelines, série B, Inventaire par P. M.).

(49)

Tableaux de Grevenbroeck et de Ragnenet au musée Carnavalet.

(50)

Estampes du chevalier de Lespinasse, etc.

(51) La galiote de Saint-Cloud, ou voyage extraordinaire de M. Lucas à kL Cour (Bibl. Paris, impr. nO Il 948, t. l, nO 13).

(52)

Cf. Le Figaro, 8 mai 1957.

(53)

Ces ordonnances sont publiées chaque année, en mars ou avril. Leur texte est conservé pour 1728-1745,1747-1751,1753-1762,1764,1771 et 1779: cf. Bibl. nat., factums, prévôté des marchands F 23 719-23 721. Règlements sévèrement appliqués, comme Louis Jeulain, bachoteur, en fait l'expérience: il est condamné, le 21 août 1759, à JO liv. d'amende et à l'interdiction de bachotage pendant trois mois, pour avoir refusé de conduire jusqu'à Saint-Cloud les personnes qu'il conduisait, les avoir forcé à descendre à Sèvres et avoir exigé 5 sols par personne au lieu de 4 (idem, F 23 721, pièce 197). Le tarif de 5 sols fut appliqué à partir de l'ordonnance du' 21 mars 1760.

(54)

Arch. Yvelines; séries L, Inv. somm., p. 32-34 (séance du 22 juin) et p. 37 (séance du 24) ; Arch. nat., F 3 041, nO 527 (lettre du ministre de la Marine du 22 juin) ; DASSÉ, Chaville historique, p. 94-95 ; Conseil général de kL Commune de Paris,

p.

133, 147-148.

Un fait semblable se produisit en JUIn 1793, où l'on voit la municipalité de Sèvres s'emparer de deux bateaux de sel, ce qui amène l'intervention du directoire de Versailles (55).

Vers un nouveau destin ...

Ainsi, la charmante île Seguin, au milieu d'un paysage enchan­teur, a été pendant tout le XVIII' siècle, témoin d'une activité économique indéniable. La nature, à cette époque, était par­faitement intégrée à la vie humaine. En réalité, le destin de l'île ne fait que commencer. Car si elle est restée inhabitée, on croit deviner pourquoi: aucune demeure bourgeoise ne commet l'erreur de venir s'y installer, sans doute parce que les inon­dations y sont trop fréquentes. Mais dans cet environnement humain et économique, les eaux qui protègent l'île seront un rempart facile à franchir. C'est d'abord une blanchisserie industrielle qui va y planter ses bâtiments. Là, il n'y a pas de conséquence et, nous l'avons montré dans un article (56), la tentative va tourner court. ..

Alors l'homme repart à l'assaut de l'île: une tannerie célèbre, indispensable aux armées républicaines, va apporter ses puan­teurs, ses émanations, ses miasmes... Le tanneur Armand Seguin en partira au bout d'une dizaine d'années -nous l'avons vu (57) -Y laissant seulement son nom. Et la nature, décidé­ment plus forte, reprendra le dessus: l'île se couvrira, ultime protection, de feuillages, de fourrés, de peupliers (58). Tous ces grands arbres, laissant filtrer un dôme de lumière comme dans une cathédrale, séduiront de nombreux artistes, de Paul Huet à Lebourg (59).

Mais l'homme, avec sa malice (ou son génie) de vouloir tout abîmer (ou de vouloir le «progrès ») n'abdique pas: a-t-on soupçonné le destin industriel de l'île? On ne sait, en tout cas, en l'an de grâce 1877 personne n'a remarqué que Louis Renault venait de naître...

Pierre MERCIER

(55)

Arch. Yvelines, 2 Lk 6, fol. 19 (séance du 12 juin 1793).

(56)

Notre Bulletin, juin 1975, p. 110·115.

(57)

Notre Bulletin, juin 1976, p. 218-233.

(58) Sauf l'intermède du siège de Paris où, le 28 septembre 1870, le capitaine de vaisseau Thomasset, commandant de la flotille des canonnières de la Seine, fait appuyer par une batterie et deux chaloupes-vedettes les troupes du général Blanchard, qui procè­dent au déboisement des Iles de Billancourt et Seguin. Les tirailleurs français échangent une vive fusillade avec les Prussiens établis dans les jardins du Bas·Meudon (communiqué militaire français du 29 sept., Il h du matin). Les gravures de l'époque nous montrent l'île Seguin totalement dénudée, au milieu d'un paysage désertique. Quelques pages seraient nécessaires pour conter l'histoire des lieux actuels pendant les six mois du siège de Paris 1

(59)

M. le docteur Bezançon a étudié longuement « Les peintres de la Belle Boucle •.