08 - La première réunion du Comité d'Entreprise

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LA PREMIÈRE RÉUNION DU COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA RÉGIE NATIONALE DES USINES RENAULT

L'ordonnance du 16 janvier 1945 avait disposé que le président-directeur général était assisté d'un conseil d'adminis­tration et d'un comité d'entreprise. Le décret du 7 mars dans son titre III précisait la composition et les attributions du comité central d'entreprise et créait au Mans un comité local d'entreprise.

La première séance du comité central d'entreprise eut lieu le 24 mai 1945. Les séances suivantes se déroulèrent chaque mois. Les délibérations furent consignées manuellement sur un livre qui échappa à la destruction par un hasard heureux.

Il nous a semblé intéressant de publier ci-après le compte rendu de la première séance, comme contribution à une his­toire des différents comités d'entreprise de la Régie Renault.

Procès-Verbaux du Comité Central d'Entreprise Année 1945

Séance du 24 mai 1945

Étaient présents: M. Lefaucheux MM. Blanchart, Buisson, Échard, Caze­nabe, Chaussende, représentants du personnel "Ouvriers" MM. Chartier, Blay, représentants du personnel "Agents de maîtrise et techniciens"

M. Fourquet, représentant du personnel "Employés"

MM. Perrin, Nion représentants du personnel "Cadres et Ingénieurs"

M. Person, représentants du personnel de l'Usine du Mans

MM. Louis, Grillot, Ansay, Ploix et Vernier-Palliez

Après avoir souhaité la bienvenue aux Membres du Comité

Central d'Entreprise, le Président insiste sur l'importance de

l'installation du Comité d'Entreprise de la Régie, et définit les

buts poursuivis de la façon suivante :

a) rendement supérieur, c'est-à-dire meilleure utilisation,

dans l'intérêt supérieur de la Nation, des matières mises en

œuvre et de la main-d'œuvre employée,

b) meilleure qualité des produits, ce qui implique une meil­

leure adaptation des matériels construits, non seulement au

désir de la clientèle, mais surtout aux besoins véritables de la

Nation,

c) abaissement des prix de vente,

d) amélioration constante des conditions de vie du personnel

de la Régie.

Pour arriver à ce but, il insiste sur la participation de tous à

l'effort commun dans le cadre nouveau et sur la double nécessité:

1 -de maintenir à la Direction et à ses mandants la plénitude

de son Autorité pour qu'elle puisse conserver la plénitude de sa

responsabilité ;

2 -de permettre au personnel de participer au travail de conception de la Direction.

L'Ordonnance du 16 janvier et le décret du 7 mars 1945 ont défini la composition et le rôle du Conseil d'Administration compétent en matière de politique générale et financière, et du Comité Central d'Entreprise.

C'est de ce dernier organisme qu'il s'agit aujourd'hui.

Organisme élu, le Comité Central d'Entreprise représente donc le personnel qui coopère, par son intermédiaire, à labonne marche des usines.

Le Président définit ensuite les tâches du Comité d'Entreprise

qui sont:

1 -d'assurer une liaison intime entre la Direction et le

Personnel au moyen des informations qu'il peut être amené à

donner aux Membres du Comité, sous réserve du secret profes­

sionnel ;

2 -de contribuer à accroître la production "en étudiant les suggestions du personnel tendant à accroître la production et à améliorer le rendement de la Régie, et en proposant l'applica­tion des suggestions qui lui paraissent réalisables".

L'utilité de ces suggestions ne fait aucun doute car, d'une part, elles ont le plus souvent une valeur par elles-mêmes, et d'autre part, elles intéressent le personnel à la vie de l'Entreprise.

Il est nécessaire toutefois de préciser que la transmission de ces suggestions ne doit en aucun cas gêner le fonctionnement des organes de commandement et pour ce faire le Président pro­pose le processus suivant :

L'Usine serait divisée en secteurs, par exemple : 4 secteurs,

Forges et Fonderies, Mécanique, Tôlerie Carrosserie, Divers.

Un ou plusieurs représentants du Comité d'Entreprise dont la liste sera communiquée au Personnel par voie d'affiche seront chargés de recueillir les suggestions et de les transmettre au Comité pour étude et proposition.

Ne pouvant procéder lui-même au premier examen des sugges­tions, le Président désigne M. Ploix pour le remplacer dans cette tâche, car il est indépendant des Directions générales et lui est rattaché directement.

L'organisation du travail pourra être précisée ultérieurement entre les membres du Comité désignés et M. Ploix.

En ce qui concerne le rôle social du Comité, le Président rap­

pelle que celui-ci doit:

1 -coopérer avec le Président-directeur général à l'améliora­

tion des conditions collectives de travail et de vie du personnel,.

2 -assurer, en accord avec le Président-directeur général, la gestion de toutes les œuvres sociales.

Il précise que toutes les questions concernant les salaires doi­vent, à son avis, rester du ressort des délégations syndicales, dont la fonction est strictement revendicative. Le Comité d'Entreprise, dont l'action sera spécifiquement constructive, doit donc s'en dessaisir à leur profit.

Le Président fait ensuite part de son désir d'accorder une grande initiative au Comité d'Entreprise, en ce qui concerne l'exercice de ses pouvoirs, tout en se réservant le droit de contrôle qui lui revient en tant que responsable de la marche de la Régie.

Il demande d'autre part à conserver la gestion de certaines activités sociales, celles notamment qui ont trait aux questions médicales, et à tous les problèmes relatifs à la sécurité; ces questions en effet engagent directement sa responsabilité, non seulement pécuniaire mais pénale.

Le Président passe alors en revue les Commissions qui pour­

raient être constituées :

1 -Commission des cantines : qui serait totalement sous la

dépendance du Comité d'Entreprise ;

2 -Commission des cultures collectives: qui pourrait, au choix des membres du Comité, soit gérer les cultures soit, revê­tant la forme consultative, travailler en liaison avec

M. Moulinier qui garderait la responsabilité du service; 3 -Commission des sports et loisirs: elle devrait trancher les questions de principe concernant la politique de la Régie en matière de sport. Elle participerait à l'élaboration des projets

d'équipement sportif. Elle s'occuperait également des groupe­

ments artistiques et culturels ;

4 -Commission de sécurité et d'hygiène: qui devrait suivre

le fonctionnement du service médical et englober les orga­nismes de sécurité qui existent déjà ;

5 -Commission d'aide sociale: celle-ci s'attacherait d'abord au développement des institutions déjà existantes en cette matière; assistantes sociales que le Président croit préférable de laisser à la Direction car elles doivent conserver leur autono­mie actuelle, service d'accueil et d'hébergement des enfants, camps de vacances dont la préparation pourrait être organisée par la Direction en collaboration avec le Comité d'Entreprise qui prendrait une part active à leur gestion, maison de conva­lescence de Saint-Louis, enseignement ménager, aide aux pri­sonniers, déportés, sinistrés.

Mais cette commission s'occuperait également de la renais­sance d'œuvres détruites par les bombardements, et étudierait les projets nouveaux qui sont envisagés: pouponnière, crèche, centre social, sanatorium de la Régie, Maison des mères.

La commission s'occuperait enfin de la question si importante du logement du personnel de la Régie. Elle pourrait envisager, pour commencer, une étude des conditions actuelles de loge­ment qui servirait de base pour déterminer l'ampleur de l'effort à faire.

Le Président compte s'intéresser de très près à toutes ces ques­tions sociales et M. Vernier-Palliez sera son représentant au Comité d'Entreprise pour suivre ces travaux plus dans le détail et opérer la liaison avec les services de l'usine.

Le Président aborde alors la deuxième partie de l'ordre du jour et met rapidement les membres du Comité au courant de la marche de la Régie. Il fait distribuer aux membres du Comité des programmes de l'activité des prochains mois. Il évoque les difficultés à venir (pénurie de charbon, pénurie d'acier) et fait part des inquiétudes qu'il éprouve à cet égard.

Aucune objection n'étant faite au programme général proposé par le Président, la discussion est ouverte sur les différents points de l'exposé précédent, et en premier lieu sur l'organisa­tion du travail du Comité.

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Le principe des quatre secteurs, dont la répartition technique cadre d'ailleurs assez bien avec la répartition géographique, est accepté. Au quatrième secteur seront ajoutés les services généraux.

Sur une intervention de M. Nion, la question de principe de savoir si les délégués pourront se faire aider dans leur tâche, pour éviter un surcroît de travail à ceux qui feront partie de plusieurs commissions, est soulevée. Elle est résolue par l'affir­mative étant entendu que l'organisation des démultiplications nécessaires devra rester simple et ne pas comprendre de commissions supplémentaires.

Le rôle des intermédiaires est de transmettre les suggestions directement au Comité d'entreprise, de telle sorte que M. Ploix, aussitôt saisi, puisse en faire l'étude en liaison avec les délégués,

M. Ploix et ces derniers pouvant d'ailleurs, en retour, se faire aider par des organismes démultipliés.

Le Président ramène ensuite les débats sur le rôle social du Comité. Le problème de la constitution des Commissions est examiné. Le Président pense que chacune devrait avoir un noyau, composé de membres du Comité qui pourraient s'adjoindre des personnes ayant des connaissances particulières sur les questions à traiter. M. Nion craint que le travail demandé aux membres du Comité, à l'intérieur d'une ou même de plusieurs commissions, ne constitue un fardeau trop lourd, il suggère que les membres suppléants fassent partie des commissions qui seraient au besoin complétées par d'autres membres pris en dehors du Comité. M. Ansay estime, au contraire, que les membres du Comité doivent prendre part au travail des commissions.

A la demande de M. Nion, une Commission de prévoyance est ajoutée à la liste des Commissions proposées par le Président. Celles-ci seront donc au nombre de six.

La Commission des Cultures collectives aura pour l'instant un rôle purement consultatif. On adjoindra à ses attributions les questions concernant la distribution des produits agricoles.

Les Membres du Comité se mettent d'accord sur le nombre de membres qui composeront les commissions. Le chiffre de sept est finalement retenu. Le Président de chaque commission sera un membre du Comité, le secrétaire, un membre suppléant.

Le Comité décide alors de procéder à l'élection de son secrétaire. A l'unanimité M. Cazenabe est élu secrétaire, M. Fourquet est élu secrétaire-adjoint.

Différentes questions sont ensuite agitées :

-celle des rapports de la Commission des cantines et de la

Régie. La commission n'a pas, pour l'instant, la personnalité civile. On peut envisager de la lui faire acquérir dans l'avenir; -celle des dates des séances du Comité d'Entreprise. Celles-ci

auront lieu le quatrième jeudi du mois à 17 heures ; -celle des locaux. Le Comité s'installera dans la salle précé­demment occupée par la Commission d'épuration.

M. Person demande alors que le délégué suppléant du Mans assiste à titre d'auditeur aux séances du Comité Central d'Entreprise. Ce vœu est accepté à l'unanimité, sous réserve qu'il soit bien entendu que cette mesure revêt un caractère exceptionnel, étant donné la situation particulière du Mans.

A 19 heures 15 la séance est levée.

Le Secrétaire du Comité d'Entreprise, Le Président du Comité d'Entreprise

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