02 - Les usines Berliet

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Les usines BERLIET

1895 -1949

Sortir de la crise

Dès l'été 1921, la situation va s'améliorer: en effet,grâce au formidable potentiel de Vénissieux, l'actif reste très supé­rieur au passif; il suffit que la demande reparte pour que les stocks s'écoulent, pour que l'usine soit utilisée à plein. Et l'horizon va s'éclaircir très vite: la reprise s'explique par la baisse réalisée par tous les constructeurs, succédant à une abstention prolongée de l'acheteur, par la baisse du prix des carburants et du caoutchouc. Il est vrai qu'elle concerne presque uniquement les véhicules de tourisme, et pas les poids lourds et qu'elle est fragile, particulièrement pour un établissement comme Berliet, suréquipé et dont le succès est surtout lié à celui du véhicule industriel.

La solution pour la S.A.B. est de diversifier au maximum ses activités; elle va le faire avec une grande souplesse : dans un premier temps, elle va accepter n'importe quelle commande, même si elle n'a rien à voir avec les activités officielles de la société (par exemple, des pièces de fonderie de 150 t).

En ce qui concerne l'automobile de tourisme, Berliet cherche à effacer au plus vite l'échec de la Dodge copiée. Après un premier modèle improvisé (une VB améliorée, plus solide, plus puissante et plus chère, « l'Étoile d'Argent»), quelques nouveautés apparaissent: un modèle économique de 12 CV et un modèle de luxe de 22 CV; mais ce sont des demi­échecs commerciaux. Ce n'est pas le cas des poids lourds, dont la production est considérablement diversifiée dès la fin de 1921 : Berliet construit deux camionnettes (700 et 1 500 kg) et de nombreux camions (2 t, 3,5 t, 4 t, 5 t et modè­les spéciaux).

Il produ it en outre, dans les années 1921-1923, toutes sortes de véhicules à usage très particulier, du tracteur agricole à la camionnette électrique, en passant par le matériel d'in­cendie et les ambulances pour l'armée. La S.A.B. va jus­qu'à réparer les locomotives pour la compagnie P.L.M. Enfin, l'atelier CMO fabrique de nombreuses machines-outils, dont la France a tant besoin après la guerre.

Les financiers qui dirigent la firme font confiance à la publi­cité -Marius Berliet, lui, préférait privilégier les concours militaires et la multiplication de succursales sur le terrain -. Résultat de tout cela: l'activité reprend : l'effectif ouvrier, tombé à 2200 en avril 1921, atteint 4 160 en octobre 1922 ; on est encore loin du chiffre de l'immédiat après-guerre (environ 13000); mais, indiscutablement, la situation se redresse.

Sûreté et modération

Après ces deux années où tous les moyens ont été bons pour sortir de la phase la plus critique, non sans réussite mais au prix d'une politique industrielle désordonnée, la

S.A.B. peut s'accorder une pause et considérer l'avenir.

La profusion de commandes, le renouveau de l'activité signi­fient-ils que la crise de 1921 n'aura pas de conséquences? En fait, pendant la période 1922-1930, alors que les concur­rents de Berliet adoptent une politique de production en grande série, de stocks importants et de publicité à grands moyens, la firme de Vénissieux doit se limiter à une produc­tion en courte série : la marque, durement ébranlée par l'échec de la VB, ne peut retrouver, surtout dans le domaine des voitures de tourisme, les faveurs du public en se mon­trant aussi hardie que ses concurrents, puisque les finan­ciers qui la contrôlent ont pour objectif prioritaire le redres­sement de l'affaire et l'extinction de la dette.

Ainsi, les trois générations de voitures proposées au cours de la période 1922-1929 (les anciennes: les différents modè­les 12 CV hérités de la VB et la voiture de luxe 18 HP; le modèle 7 CV à culbuteurs, inscrit au catalogue de 1923: et même les premières «6 cylindres» françaises, de 1 0 et 11 CV, proposées en 1926) ne rencontrent qu'un succès limité; alors que les usines de Vénissieux avaient été conçues avant tout pour la fabrication en grande série des automobiles de tourisme, ce potentiel reste sous-utilisé.

Mais décidément, l'avenir, pour Berliet, c'est le véhicule uti­litaire. Les dirigeants de la firme conseillent aux conces­sionnaires de « travailler particulièrement la clientèle poids lourds », domaine où l'entreprise est «pour ainsi dire sans concurrence ». De fait, l'utilitaire est un secteur où la pro­duction en très grande série, à laquelle la firme de Vénis­sieux ne peut prétendre, est impossible, et où la recherche n'est pas au-dessus des possibilités d'un constructeur d'im­portance désormais moyenne. Et Berliet accordera à cette recherche une part de plus en plus considérable. Encore faut-il que la curiosité ne conduise pas à l'espionnage indus­triel, comme au moment d'une malencontreuse affaire Citroën-Berliet, en mai 1923 ... Il est vrai que l'envoi « d'ob­servateurs» chez les concurrents est chose courante à l'époque.

La gamme des véhicules industriels Berliet comprendra donc une infinité de modèles (on peut s'en faire une idée en consultant une publicité de 1928) allant des poids lourds ordinaires de 2 à 10 t, sur lesquels on n'insistera pas, aux véhicules utilitaires les plus spécialisés et les plus perfec­tionnés : en 1923, une camionnette de livraison à accumula­teurs (qui ne rencontre qu'un succès limité); en 1925, un

En 1920, la direction de Berliet, autour de Marius Berliet (au centre en blouse blanche) fête le 1 000· camion sorti dans le mois.

Cette photo rayée est le seul document existant.

camion équipé du gazogène Imbert, révolutionnera, puis­qu'il fonctionne au bois et non au charbon de bois (il inté­resse le ministère de la Guerre, et remporte de nombreux succès dans les concours, mais le public lui préfère les gazo­gènes classiques au charbon de bois) ; en 1925, un véhicule tout terrain avec essieux porteurs et moteur à l'arrière, comme les modèles Renault, alors que Citroën reste fidèle aux chenilles (il termine en tête de la troisième traversée du Sahara en automobile, en novembre 1926); de plus, dès 1928, Berliet, le premier en France, commence à s'engager dans la fabrication des moteurs Diesel. En outre, la firme fabrique des locotracteurs, et même une automotrice à essence ou à benzol, mise en service en 1923, sur la ligne Lyon-Saint-Jean-de-Bourray.

Dans le même temps, la S.A.B. réorganise sa politique commerciale. Les dirigeants de Vénissieux abandonnent sans regret des immobilisations productives, comme les usi­nes C et D de Monplaisir, mais accomplissent un gros effort de développement commercial, en reconstituant le réseau de succursales et d'agents (après les multiples défections provoquées par la crise), et surtout en faisant déborder la firme de son cadre trop étroit, dont la région lyonnaise re­présentait l'essentiel: toute la France est couverte par des succursales, et de nombreuses autres apparaissent à l'étran­ger, de Londres (la plus importante, qui étend son activité à tous les pays de langue anglaise) à Constantinople. Enfin, Berliet, décide de créer sa propre marque d'huiles, comme l'avait fait Renault, en 1911.

Cette stratégie se révèle payante: l'activité de l'entreprise se maintient à un bon rythme; les effectifs se stabilisent autour de 5800 travailleurs (malgré une nette diminution à 5000, vers 1928, conséquence de la rationalisation); la production augmente, le chiffre d'affaires progresse très vite (bien plus vite que la production, ce que la presse commu­niste locale ne manque pas de relever). Conséquence de ces bons résultats -mais aussi de la dépréciation du franc depuis 1925 et de la vente pour 18 millions de francs par Marius Berliet de ses propriétés de Cannes -les conditions imposées par le règlement transactionnel sont progressive­ment remplies. Un dernier remboursement, opéré le 1er avril 1929, permet de mettre fin au régime provisoire de la société, beaucoup plus tôt que le texte ne le prévoyait: c'est chose faite le 3 mai 1929. Marius Berliet retrouve' ainsi la disposi­tion de ses biens. Et, pour en faire profiter sa famille -nom­breuse : 4 garçons et 3 filles -, sans doute aussi pour assurer l'avenir et éviter des problème de succession, il crée aussi­tôt la « Société civile Berliet » groupant les sept enfants, le père et son beau-frère et mettant en commun toutes les actions du fondateur.

Désormais, celui-ci n'a plus les mains liées; dès le 20 juil­let 1929, une assemblée générale extraordinaire décide d'augmenter le capital de 25 à 30 millions et de lancer un emprunt obligataire de 30 millions, pour la réalisation d'un programme de construction et d'acquisition de matériel.

La société est parvenue très vite à se libérer des contraintes où l'avait placé la crise de 1920-1921. Mais, celle-ci lui a fait prendre un retard qu'elle ne rattrapera jamais. Alors que ses concurrents profitaient des années d'expansion de l'après­guerre pour satisfaire une demande française en progression constante, la société Berliet devait éteindre sa dette...

La firme lyonnaise, moderne, au potentiel gigantesque, qui pouvait, en 1919, rivaliser avec les plus grands, n'est plus, 10 ans après, que le plus important des moyens construc­teurs. Sa vitalité, qu'elle a manifestée au cours de son redressement, peut-elle lui permettre de rattraper son retard? Non : la S.A.B. se débarrasse de son carcan au moment où l'ensemble de l'industrie automobile est victime de la grande dépression.

Le marasme

Berliet va se trouver au point de convergence des difficultés économiques; la crise atteint durement les fabricants de voitures: l'auto est un produit que l'on peut conserver long­temps, que l'on peut réparer, que l'on peut acheter d'occa­sion; un produit cher; un produit qui n'est pas encore consi­déré comme de première nécessité.

L'industrie automobile française est particulièrement tou­chée : l'importante clientèle rurale est celle qui diffère le plus ses achats; les constructeurs refusent de se lancer dans une politique de voiture populaire; l'État recourt à une fiscalité excessive.

SOMMAIRE,

Confhcltto ',cbJ(>maJai((~ iNoti<':>n sur !es M~taul(, pu

M. Hautin), Un p~u Paf/ouI, -Le Rmdcmcn/ lt-Ia:;j· /)1((/11 de' 0,,/;11. --S(>d";i~ SPOr/iH Enlier. CaL,~ Je Sc(<)~,n d FOl/ds d~ Cucrre. Sp",t!$. -Sl',Wn;cJ'ExplnÜl.lii<m JC3 Idéel. -Au jordir..

l,cs li Ef~bliss(!mc7l1s Br.'flid » ont pris. au cours (/(: ce~ dcrnièfi?s atmées. UI1 dévdoppo:menf si ('()!lÛ~ déroblc qu'il.1 so1l1 dcW!ma une vêritClE-Ie cité manu· jacll1fi&rc, aux rouages nombreux cl comple'([!s, am, scn>icl's e:drl'nW'1:cnt variés el d'importance [oujours croi~$'tt'ik, cl flOUS en sommes anil'Js alm; Ù lin point où il c p(1f1t judispemable J'établir entre (i!$ dÎ\)('fs scn,ices UM anioll intellectuelle d morale pins intime, Je cré(1' parmi le pCTM17lf1l!'1 un liell plm étmi! Je so­lidarité, Cil même lemjJs fqll'UfI Simlimenl de foi ct J'enthousiasme pour une cntrefJfi~e qui 5cra en par­

lie la ,<iCHnc,

Nous n'avons pas l'illlenlicm de faire ici de la lît­téra/lln', Je ( tirer à la ligne .J. simplement p()ur remplir ae5 pages : nous ((oÎrions fair!! injure à la mmlalité de\>,fe de ceux entre les mains dcsqw:ls (eUe HCl'ue doit se lrOUller.

NolIS complollS meUre sous lt:,ç yeux de ChOClIN ce qui l'inUresse Jans sa ~pédalité : sitUrurgie, mécani~ qU(~. oulillage. pr()(;édés d'a/dia, de., et mel/rt: aussi toUS k~ :yr.'UX de tom les qlH's/ÎtJf!S d'in/irêt général .­économie indus/fÎl!lle. orgallisalùm de l'U:;Înc (rda­lÎon~ lhs (lilh'rs éléments (le production, nlélflOdes rie d(I~.~cmwl, sugg.:.;lion J'idées, de... )

CCII ainsi que nous H<prot1l1iro/U Irs idées ct les ellscignclJ/l,!llfs cxposô dan\ les grutlJes Hcvucs d'Amh'Îquc et J'Anglelf:rrc, (wJllitcs CI /'U~ine. (/Ile nous plllAi\'rell$ lcs arlirles !ec/mÎlJlwj d éconol/!iql1l.!~ Je 1I0S divers Cher~ de Sen'icc el (lUe nom JOHIlCfaTIS le ("om/Ile rendu (in-/?.Yl(.'tl.\o) tll's Cours-Corlfércnn's hehdoflwJaÎfes quÎ ont licl! Ù rlhine.

Afi" de mêler l'agréable à rutile, 1IOUS nous pro~ peNns de donocr â 110$ Ie-deurs l'écho des fails~di· vers d'Europe cl d'Am~riqlJc Îtlléressanl notre bran­che. cl aussi de les rcn;eÎgllcr sur /oul ce 'lui cû sus~ ccPliblc de les JL\traire~àc [l'ur dur travail quotidien: tourisme, $ports. ml.'llaJ lral1aux de jardinage, écono­mie d<UllCstique, de,

Enfin, sous fa rubrique (( Communicariolf-s di\Jer~ ses )) nous grouperons 1e5 renseignements ,( officiels II intéressant /'ememble du personnel 'caù'>t: de ~c­cours, f()nd,~ de guern', 110fl:S de serviœ d'ordfe gé~ néral. ele,

Nom c$pérons ainsi tlifeinJrc le hui qu.! tlOU$ nolIS somnles proposé. établir (( chu nous >J lHle alm{):;~ phère dïntimi/é franche cl ûmplt:. tin ('spril de soli~ darÎlé loufour;, plus prolO/d, el toujours plus fécond.

CONFÉRENCES

lIUI[)()~l,\I),\IRES

Dan~ le but de d~velopper Ic~ connaitsnnc€s scien­

tifiques ct technique~ de son personnel dirigeant en

fonction ou en formati0T1, la Maison a demandé à

quelqtJes~uns de ses Chefs de Services d'exposer ~ou~

forme de II Cours-Conférences )1, les notions lc.<; plu~

importalltes de Tra.itenwnt Thermique. de Cinémàti­

que, d'Outillage, cl'FJcclricit{~, etc., etc,. d'Organi~

salien indl1~triene.

Ces conférences. pr';sidées par M. Bcr!irl. onl

pour auditeurs, en outre des tlagiaires, auxqueb ellc5

sont particulièrement de~til\~eF, les Chefs de !'lcrvkes

et cl'atdicrs, 1("$ Contremaîtres et tom tes membres du

personne! qllÎ en font la demande.

Les stagiaires. quÎ sont tenus d'y assÎ5Ler, doivent

y prendre, sûr de5 cahiers spécÎaux. des Jlote:; qui

sen·iron! de hase il un de\oir crril (rapport. méfl\Oite,

Fac-similé du premier numéro de « L'Effort", bulletin hebdomadaire des usines Berliet (29 octobre

1916).

C'est le véhicule utilitaire qui fait le plus les frais de la crise: celle-ci restreint le volume des transports, et l'É:tat accentue cette tendance : la déflation lui fait réduire ses commandes, et le chemin de fer est favorisé aux dépens de la route.

Enfin, la région lyonnaise est mal placée, avec des tarifs de transports élevés pour ses matières premières, et une main­d'œuvre chère. Tout cela explique que la totalité des concur­rents lyonnais de Berliet disparaissent (Cottin-Desgouttes), se reconvertissent dans la mécanique générale (Allard­Latour, Luc Court, La Buire, Charles Bernard) ou limitent considérablement leur branche «automobile» (Rochet­Schneider).

Pour faire face à toutes ces difficultés, Berliet va conserver les options de rigueur et de sûreté qu'elle avait adoptées pendant le règlement transactionnel; elle visera toujours à la diversité dans les productions lourdes de qualité.

La firme continue à produire des véhicules spéciaux, du matériel de chemin de fer (apparition d'une section «auto­rails») et des machines-outils. Elle fabrique de plus en plus de matériel de guerre (le fameux «six roues», tant décrié

par la presse communiste).

Fac-similé du premier numéro de c L'Effort », bulletin hebdomadaire des usines Berliet (29 octobre

1916).

cakuls, etc.,,) îndiqué par le cotlr;rCncÎer à la tin de la séance. cl (Iu'ils doivent lui remettre d.;I!1$ 101 sc;:· maine.

En outre, le (::tmtenu de o!'s conlérenc.cs est sténo­graphié ct tiré à un celiain nombre d'exemplaires. ou reproduit dans le présent Bulletin,

Ces réunions a,'atent lieu à j'origine dans la Salle des. Servic.es de F abricatÎon. mais en raÎson de leur impQrtance tO~ljours plus Brande. ct du nombre crois­sant d·auditeurs. on a dû chercher dans J'usine un la· cal mieux approprié à son but. et l'on a. Jans la par· tic des UsÎne!' qui donne sur J'avenue Berthelot, .umé~ nagé une vaste salle bien éclairée et bien aérée où peuvent prendre place plus-de 500 pen;onnes.

C'est le 20 juillet qu'ont été inaugurées ces confé~ renees. qui. depuis, ont lieu régulièrement tous les jeudis de 18 à 19 heures,

, La séance d'inauguration ouverte solenne!lemc:OI par M. Berliet. qui a pton;nc6 quelque~ paro!es énergiques et affedueuses à la fOlS, a été remplie pàr la premi~re conférence de M. Raulin, sur b Métalt':, précédée d'une allocution de M. Egertc:m Banks. ingé­nieur chargé du ServÎce des Stagiaires.

Voici le cont,e[lu de cette aUocuîÎon :

Quoique peu habitué 1t faire du ditcQUr5 en friln~a;s, j'", ree\! de M. Berrl'd la mi"jo-!' -"-hml <.harv.lÎ dl! sn",ni' des S:alliairc$ -de vous dire qudqllC$ rools pour expliq.vn la rairen d'êl;" .1" la &érie de cQnfhence~ qu~ llOUfi in.:luljuro·\$ aujolÎld'hui.

N~, vo\!dd(lfl~ d'ahord VQ\\$ donner un aperçu cl: la sitUa­!ion à laqu~!le vous pouvet JégilÎmemcnl a5f'iru si "oÙ' vous <lppliquu ~Iiçu~ement à suine rimp.utûon qlj!'. nO\l& C'S5ayon. ùe donner ÎI vos ,,!Todr.. Noua aVOM a~tud!cment Ilnt de$ pha grande$ \l~incs de FUilet: nom; av"n. k~ meillcums ma~h:n~. outil, du monde. Si nous réalisons lm p!aoh dont rêbm:u:w!' <:.,1 déjà c;ornm.entte, flOUS aurons b'entôt non pas ufle de1J plus Qu.ndn u$int$ de F r:lnce. mais III pltl4 grand~ u4im:.

Ce qu'll nous hui avant 10«1. ee ,ont les nommtll èapab!e, de devenir Mi eo1!aboraleun, tl\pnh!~~ de devenÎr <:k~ dleh de ~efv!ee. d!:"i t:oJ1lr~maitru, eh:." ç'~t pour tes ral&ons '1U~ M, B~rlie:l alla che 111H' ITb! grande importanc.. à r.;ducalwn de no~ JeunO!.!! stagIaires t«hniques.. d nOUl demanclon~ â cha­cun de vous de garder touj(lIlrS devant ~e' yeux l'importance que Il Maiwn dêùc donner il. Voire in~lruc\ion.

Je voU!' ai d,t .:.eci pOUT -Vous encoutall~r à travllllle: llvee bcaucoup de $Oins et de couu,gr., cependant. il laudrnit of.,,;· ter luut esprit d'or~llc.a; vou~ avel. pOUf la plupart. hit des élude$ danl d~.s &ol~s profeuionneHe,. R"ppde~.valu bi<!f1 Gue III Maison ne vaU$ ll.lge l'U suivant VO$ diplômt'& ou ~i· va.nt le5 études ! lIitu, mllh suivant It'~ rê$ultat& donné~ 11ar vous, dan~ votre bavail chez nOU$.

11 esl vrai que e~ études doiVtnt \'01.1$ I~rm..tlt" Je ré~ou· dre Irh rapidement le. problèmes journaHeT1l qUI "It'nn~nt d ... · val1t \'OUI, mail noul jUllrùlls un hommn var ct' qu'il tst pli

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Elle continue à produire, surtout des véhicules utilitaires, et les diversifie de plus en plus: Berliet peut, dans ses trois gammes (essence, diesel, gazobois), produire dans diffé­rentes options (chaine ou cardan, plusieurs longueurs de châssis, nombreuses carrosseries, cabine à l'arrière ou au­dessus du moteur, etc.) des camions de 450 kg à 1 t de charge utile et des autobus de 8-10 à 48-50 places. Pour tout le matériel lourd, la S.A.B. bénéficie de son important potentiel, de sa réputation de solidité et de sa confiance dans le diesel.

Dans ce dernier domaine, Berliet ouvre la voie à ses concur­rents : après les tâtonnements des deux premières années, il achète en mars 1930, la licence « Acro » ; au bout de seu­lement 1 0 mois, il propose son moteur Diesel au public; trop vite: toutes les culasses cassent après quelques cen­taines de kilomètres. Pour éviter une nouvelle affaire « va ", les subordonnés de Marius Berliet prennent l'initiative de remplacer gratuitement toutes les pièces défectueuses; l'in­dustriel, beau joueur, consacre la méthode et c'est le succès. Mais pendant quatre ans, le brevet «Acro» ne connait que peu de perfectionnements, et Berliet est en passe de se faire distancer, lorsque l'effondrement de Citroën lui permet

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te tjl(il lail. f\lm l'ilS pa.r çe qu'il doit Nrf 1.uj'\lanl Mm ri;· pI3mt',

Un dernier mot: IR 'Cfoyez. pM que I~ Màisoll tle $"i\l(' pd'.i vo' P~T~$, ct (lite vous êlès pnJui. ~ur 'l'QIn' Jour. JIU fond cl'un atelier que!c:onqU&.. N<lu~ luiv<;>n~ !oujOlln de lrês Ir Itllvail lnil Jalls 11<15 aldkn, e( $[ v<>IH ~tlti d",ns '\IOlre Ir .. vaiL VOU$ ;lHi~~ret Jin~d~t1Illni aux ruu1tàl'"

....ô!i.lus,

BomN·vmll Ij'abord à oolmer 531!~r.,çI;ul\ u. où v.",; iitC$, el soyel prêl~ JI.' joux où r()<:,cil~,on $1:' rmhrnterll. de r(poodre .l. 111" demande qui V<lIU-5era fail~, de monter il un poste phIl éle...é,

Soyez l':.lppeL V:lu!. WV<:.t tlue, <!'JMld on preste b beu!>:>" -~; 10 halltl!1:' e~t [;tn thnrs-ie <'l le5 lib th ecnncl(iun 1':0 l'mIre ln ."nnerte 1;e t:.tl entendre imm.\· cb,km~nt .lieUe fI dll.\t... Il '1 a d.,.. hOll.meJl comme cd" 1 Wù.-;ht%.l« .ft nÎmp(ll"e quel propOh il~ répondent ildaotil­nement Il l'a.ppel 5"»"'= Je c~ux-Jâ. Il y en /1; J'aul"',.); Gu'i1 faut houspiUer, polluer, b,;mleyer~er, P(lUt obtenJr el'lhn lU'I" réponse peu 5i\Ü$fajS/u'Ile. Evita. dt tomber d,,:ts eelle cal<1gorie.

Par 111. fnrte même de, ;;hO!e:S, ilprh les événe:ments formi_

dablu que nous trav~rwn5, la Gén.Jr.otitlll à l"qu"lJe YOU$

III)parknH va êlre m,se au premi"r rang dt 1 .. Jullc, p<>ur b

tcnai~sance ;nda.tslricUe h"nçaise.

Votre unIque de"'<.>lf ,,~l donc de '010\.\6 préparer ..... iqOUfcu

~mtnl Cll vu.. de ccl e'$Or auquel V9\l~ ê:1~s dutinf! à I"n;:.~'

men! jJ..r!H:if~r, VCU$ ht$ d'ai!lctlu j,,ul'w!lerement lavon­

sü; vou, avez 1.. Û~MKf d'apparki!lf à ull!! U~inc 011 l<;nu

1~1. moy!:n$, liluf I~$ txempl~1 u,m ",b"nd"mmen\ réunis .:t

cboiû1; pour peu qlle VOUt ayez rt"prit d'ob$ep'lItion, lu re­

marques $tulcs, â fair/; tnc",~ammenl eIl rcgardll.l1\ auluur de

VOU1, fourniront difà pour votre praliqu~, du malé­

riau~ inf,niroen! pr';1r;~Il!!:, SI VOUt ave:!. toura'Je dt noler ce$

remarquel, J~ J«s itucrir~ ~u, Je-l (:<J(()d, p/1t~(>fwd., de 1"'$

ilhutrn par un çfcqui1 Mll!Î.u.OI. pu;, .le tù da$~ef "."te

win, ."..,1U lIequerfcz ;u~t% rap;q:rmeol un im}lorlll.nl hllga6"

lechnique, tout I!n développrml SOl5 falh,ue tet e$prit de rot:­

thode in&spensahje Ji1n$ felH'r~iee de no; I,rùfcUIOn$,

Am.; vous VQ';~ h"bituer~l i npprtmdre tO'l11 $eul,. el ...ou~

a\'ez déjà remlHtjué que çe ~o-nt les choses qu'n'''

a (QroptlSes tout qU'(lh uÙ le mieùx.

Ml'li~ surtout, que vo$ M.te!, vt>$ r.1l'Mh il,~nl un cilracl(,fC

peHonnel, une val~ur pM "ux·mêmes; .,1Ie~ n~ doivent ~1'­

cerner qUé des d'Hues d'akhU 1anlliblel, vécue$, pour ain11

dire, N" perdez p,'s Je lemp' a c<ll'ier un f<lrmulaire, Rien

n'est aU'iÎ imptoduclif. pui$que 10U$ lu rCluI!igntm.enls qne

vous VOU) ad'"rn"l à reprod\lire, VOU5 ks avez $01.1$ III main.

condr::lls;,_ pour (l\le!(IUe~ francs, dlin5 un J"rmlliaire. Q\,and

VOUl "VCl. ço!,!é un coun pr':té. par un ami, en dêformanl.

gra.... eml':n!. $QUHI'1 par ln<lltt:nlicn, lei fmlUule, el leJ éllur,:,t

'l'()Il$aVeL p<lînê et vous tI'avez rien f"it.

Au (.<:>I\lralre. run de "Oll' t$t oMcn'aleur, il pllse prh

d'un ~emi'lIulom1\lique, rema.rque un cOpt':lU fumant $"U$

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d'acquérir la licence « Ricardo» que la firme de Javel avait achetée; cette fois-ci, la bataille du diesel, engagée par Berliet, est gagnée par Berliet.

Néanmoins, la S.A.B. n'abandonne pas tout à fait le secteur tourisme : après la « 944» 9 CV (1930) et la 15 CV (1932) un dernier modèle, jugé «sans éclat» par les spécialistes, la «Dauphine» 9, 11 et 14 CV, d'ailleurs copiée sur la

« 402» Peugeot, est construite en très petite série (16 à 20 par jour), uniquement pour satisfaire les concessionnaires.

Dans l'ensemble, d'ailleurs, les innovations se ralentissent: dans le domaine technique (même le diesel est l'héritier d'une tradition antérieure à la crise), dans la politique commerciale (à part une timide expansion en Afrique du Nord, en cette période de protectionnisme, le réseau de concessionnaires ne se modifie guère), dans la gestion enfin (on renonce aux emprunts pour se contenter des «moyens ordinaires de trésorerie»). Les résultats de cette politique ne sont certes pas désastreux, mais la direction se contente d'un maintien du chiffre d'affaires, alors que certains de ses concurrents, comme Renault, adoptent une politique conqué­rante. Faut-il voir là seulement de la prudence, ou une cer­taine sclérose? Marius Berliet est un homme âgé, entouré d'une équipe peu renouvelée, qui lui obéit le plus souvent aveuglément. Berliet se replie sur lui-même, et ne se déter­mine pour la croissance que lorsque celle-ci lui paraît abso­

lument sûre.

Les conflits sociaux d'avant-guerre

Cette politique n'a d'ailleurs pas que des implications éco­nomiques, mais aussi d'importantes conséquences sociales. Les effectifs connaissent une évolution en dents de scie, et tous les moyens semblent bons (diminution des salaires horaires, baisses répétées du prix des pièces, amendes, etc.) pour réduire les rémunérations: Berliet n'hésite pas à sacri­fier les intérêts de son personnel à la rigueur de sa gestion, rigueur qui n'empêche pas les actionnaires de s'attribuer, parfois, en ayant recours à des camouflages procéduriers, de substantiels dividendes.

Le personnel ne pardonnera pas à la S.A.B. cette politique : entre 1914 et 1936, la direction était parvenue à maintenir dans ses usines une discipline de fer, grâce à une véritable police intérieure (dirigée par le général en retraite Valantin), grâce à un réseau de mouchards, grâce à une propagande bien orchestrée, grâce enfin à un encadrement permanent de la vie quotidienne des ouvriers (Vénissieux a sa cité, sa ferme, sa fanfare, ses équipes sportives, son propre système d'assurances et d'allocations, etc.) : à part un conflit ample et violent, mais inorganisé et vite maté en janvier 1918, à propos de l'instauration de délégués du personnel (que seul le gouvernement a pu imposer à Marius Berliet), les usines de Vénissieux apparaissaient comme un îlot de «paix sociale" : quelques tentatives de grèves, en 1920 et 1924, n'avaient eu aucun succès; il n'y avait à Vénissieux pas d'autre organisation représentative qu'un «syndicat chré­tien» à la solde de la direction, et les abondants articles publiés dans la presse par les rares correspondants commu­nistes de l'usine ne rencontraient aucun écho.

Mais peu à peu, la révolte gronde : aux élections mUniCI­pales de 1935, Vénissieux s'est donné un maire communiste. Imbroff, secrétaire socialiste de la nouvelle section syndicale

C.G.T. réunifiée, veut faire enfin bouger le grand corps inerte de Berliet. L'occasion est fournie par une phase de réembau­chage en période de pénurie de main-d'œuvre, en mars 1936 : s'opposant à la décision d'accorder aux nouveaux venus un salaire supérieur à celui des professionnels de l'usine, tous les ateliers se mettent en grève; le conflit, très dur, se poursuit pendant plus d'un mois et prend valeur de test dans la région. La direction décrète le lock-out, ne cède pas, et finalement triomphe : les grévistes reprennent le travail sans avoir rien obtenu, et les quelques membres communistes du comité de grève ne sont pas réembauchés. Mais, après les élections du Front populaire, les usines sont occupées le 10 juin 1936 ; cette fois-ci, la direction, évaluant très exactement, comme en mars, le rapport de forces, accepte de signer la convention collective de la métallurgie et de réembaucher les ouvriers licenciés. Désormais, Berliet n'est plus l'îlot de «paix sociale" dont Marius Berliet était si fier : de nouveaux conflits, plus limités, qui éclatent en 1936-1937 le prouvent; la politisation et la syndicalisation du personnel se maintiennent à un haut niveau.

Néanmoins, l'approche de la guerre tend peu à peu à limiter l'ardeur du personnel: les arbitrages prévus dans les conven_ tions collectives obtiennent des résultats, l'inquiétude prend le pas sur l'esprit revendicatif, et surtout l'expansion reprend de façon spectaculaire en raison des commandes de l'Ëtat, en armement et en véhicules. Berliet ne sort finalement du marasme que grâce à la guerre.

La guerre place les Berliet dans une situation délicate

«Dès le début septembre, nous avons mis la totalité de nos moyens à la disposition de la Défense nationale. Nous nous efforçons d'apporter à cette dernière notre concours le plus entier sous toutes ses formes". Ce satisfecit du conseil d'administration n'empêche pas que, contrairement à ce qui s'était passé en 1914, Berliet s'est montré quelque peu réti­cent à satisfaire aux exigences de l'armée : cette fois-ci, il n'y a pas eu de rencontre entre les intérêts de l'Ëtat et ceux de la firme.

Pourtant, dès 1935, un plan de mobilisation de l'usine de Vénissieux avait été préparé par les collaborateurs de Marius Berliet, mais il n'avait pas été tenu à jour, et les contacts avec le gouvernement avaient traîné en longueur.

En 1939, il devient urgent d'agir. Raoul Dautry, ministre de l'Armement, charge Berliet de fabriquer surtout des obus. La firme de Vénissieux s'y oppose, faisant remarquer qu'elle a reçu du ministère la quasi-assurance de ne jamais avoir à fabriquer de projectiles, qu'elle est bien plus compétente pour construire des camions et des chars (onze prototypes de «six roues" ont été mis au point de 1928 à 1939) que des obus (pour lesquels elle ne possède que six vieilles presses de 1914-1918), enfin que le matériel nouveau à met­tre en place serait inutilisable au moment de la paix. Le dialogue de sourds entre Paris et Vénissieux se poursuit pendant plusieurs mois, sans que l'usine sorte le moindre projectile.

Devant cette situation, Dautry, ingénieur, «technocrate" pourrait-on dire, qui ne peut comprendre un patron « de droit divin" comme Marius Berliet, déCide d'écarter celui-ci de la direction. Le 30 septembre 1939, l'usine est réquisitionnée, et placée sous les ordres du général Carré, qui la réorganise en accord avec le fondateur; le 1 er novembre, un délégué du ministère, Roy, prend la tête de l'entreprise; le 24 novem­bre, il intime à Marius Berliet, l'ordre de quitter l'usine; on maintient en place les directeurs nommés par lui, parmi les­quels ses quatre fils, mais trois de ces derniers sont mobi­lisés.

Malgré ce départ, la firme est toujours incapable de pro­duire d'autres obus que ceux fabriqués par les vieilles presses de la Première Guerre mondiale; les nouvelles machines, commandées aux Ëtats-Unis, ne sont pas encore arrivées en juin 1940. Si les usines travaillent à plein ren­dement, c'est uniquement pour la production de matériel automobile. La firme, à la veille de la débâcle, est prospère. Mais, le 16 juin 1940, l'armée ennemie menace Vénissieux; c'est le moment de se replier, le plus méthodiquement pos­sible, vers la succursale de Toulouse; mais le temps n'est pas à l'organisation, et certains véhicules achevés ou en cours de finition tombent, dans la confusion générale, entre les mains des Allemands.

Le 19 juin, les envahisseurs occupent l'usine, et y installent un commissaire allemand, le colonel Thoenissen. Les délé­gués de Raoul Dautry l'ont quittée depuis longtemps: Marius Berliet reprend possession de son affaire. C'est le début d'une période peu glorieuse pour la famille Berliet, anti­communiste de tradition, vichyste convaincue et surtout pour Marius (qui continue malgré son âge -74 ans en 1940 -à prendre les décisions suprêmes) et pour ses fils Jean (chef du personnel) et Paul (chef des fabrications) -les directions commerciales et des études, respectivement occupées par Henri et Maurice, n'ayant pratiquement, du fait des circons­tances, aucun pouvoir -. A partir du moment où les Berliet restent en place, ils ne peuvent éviter complètement de collaborer; et comment le chef de famille, qui ne vit que pour son usine, pourrait-il l'abandonner?

Les années 1940-1944 verront alterner chez Berliet, en fonc­tion de la dureté du contrôle allemand (Lyon ne sera offi­ciellement occupée qu'en novembre 1942) plusieurs atti­tudes, allant de la semi-résistance (camouflage de stocks d'étain et de machines dans l'usine, non-exécution de certai­nes commandes de la Wermacht, embauche de prisonniers évadés et d'Alsaciens) à la véritable collaboration (départ volontaire de Maurice et Henri Berliet pour le S.T.O. à la tête d'un contingent d'ouvriers réquisitionnés, mise en place d'une bibliothèque germanophile, maintien en fonction du milicien Cointe, comme « chef des gardes". Plus générale­ment, les Berliet mèneront « double jeu ", essayant d'obtenir des concessions, comme l'envoi de tous les réquisitionnés dans une seule usine «jumelée" avec Vénissieux (l'entre­prise Büssing Nag de Brunswick), ou la limitation de leur nombre. Cette politique de « double jeu» n'est d'ailleurs pas toujours bien vue par l'occupant: les Berliet sont menacés à plusieurs reprises par la gestapo (Paul Berliet est même arrêté quelques heures, en novembre 1942).

La détérioration de la situation

Au début de l'Occupation, Berliet peut, pendant quelques mois, travailler en quasi-liberté, dans un contexte privilégié: la société a beaucoup d'expérience dans le domaine du gazogène à bois; elle est, avec Rochet-Schneider, le seul constructeur de camions de la zone libre, très rationnée en pétrole. Ainsi, aussi bien en construisant des véhicules neufs, qu'en en transformant des anciens, Berliet connait la prospé­rité : la firme emploie 7500 ouvriers en 1940, contre 6500 en 1939. Et elle n'a aucun problème de conscience, puisqu'elle travaille exclusivement pour la population civile, alors que les constructeurs du Nord de la France doivent livrer du matériel aux Allemands.

Mais cette situation idéale ne peut durer: les sous-traitants sont généralement concentrés dans la zone occupée, ce qui crée des difficultés d'approvisionnement; il faut accepter une coordination de la production entre les deux zones: ce sera l'œuvre du Comité d'organisation de l'Automobile, dirigé par F. Lehideux ; une « règle de compensation ", permettant d'échanger matières premières et obligation de travailler pour l'occupant, est définitivement mise en place en février 1941.

Une seconde période commence alors pour la firme; elle durera jusqu'en novembre 1942. Malgré les nouvelles condi­tions où la S.A.B. se trouve placée, elle réussit à limiter à 25 % de son chiffre d'affaires les livraisons à l'occupant, et surtout à les restreindre aux seuls camions (pas de maté­riel de guerre). Mais les autorités, françaises ou allemandes, savent lui imposer leurs décisions (par exemple celle d'ache­ver pour la Wermacht un camion porte-char commandé par l'armée française) ; le Rüstungkommando de Lyon demande à Berliet un rapport hebdomadaire; des commissions alle­mandes de contrôle visitent périodiquement les usines; les « commissaires» allemands sont tout-puissants dans les suc­cursales de la zone occupée.

Dans le même temps, bien que les besoins restent très importants, la production diminue de moitié : matières pre­mières et énergie sont rationnées; la main-d'œuvre, en grande partie victime du S.T.O., se raréfie (6800 personnes employées en 1941, 5800 en 1942) ; enfin, les coûts de pro­duction ne cessent de monter, alors que les prix de vente fixés réglementairement, stagnent. D'où une détérioration sensible des résultats d'exploitation.

A partir de novembre-décembre 1942, la situation s'aggrave encore. Ënergie, matières premières et main-d'oeuvre (le maquis succède au S.T.O.) se font de plus en plus rares. Les événements d'Afrique du Nord privent la société d'un important marché. L'outillage s'essouffle: sa moyenne d'âge en 1944 est de 25 ans (!) et il est très mal entretenu. Les études et recherches sont complètement sacrifiées. Les livraisons aux Allemands sont de plus en plus importantes (60 % du chiffre d'affaires de la dernière année). Enfin, Berliet est victime d'attentats et de bombardements; le principal est celUi du 2 mai 1944, qui détruit une grande par­tie des usines (les Berliet, discrètement contactés par la Résistance, ayant refusé de « fermer les yeux» sur un sabo­tage ne portant que sur quelques organes vitaux). La produc­tion s'effondre; les effectifs en 1943 sont de 4 500, et, au moment de la Libération, de 3 000, disséminés dans les équipes de déblaiement.

Marius Berliet, qui assiste à ce naufrage, tient par-dessus tout à assurer l'avenir: pour éviter d'être écarté de la direc­tion par les occupants ou les libérateurs, il met en place un arsenal juridique très complexe, associant tous ses enfants et ses gendres à la propriété de l'entreprise et en empêchant toute vacance de la direction par la nomination de ses qua­tre fils comme co-gérants (le «gérant principal» devant être, en cas de décès du fondateur, Paul Berliet). On va voir que toutes ces précautions n'étaient pas inutiles.

Berliet sans Berliet

Début septembre 1944, Lyon est libéré. Un commissaire de la République, Yves Farge, «progressiste », c'est-à-dire pro­che des communistes bien que non-membre du parti, s'ins­talle à la préfecture du Rhône. Profitant du fait que les usines ont travaillé pour l'ennemi, il décide d'y tenter une expé­rience révolutionnaire. Il arrête et fait interner Marius Berliet pour collaboration, puis place l'entreprise, qu'il estime privée de ses dirigeants, sous administration-séquestre et nomme à sa tête un camarade de maquis, âgé de 38 ans, le commu­niste Marcel Mosnier ; enfin, il arrête et fait emprisonner les quatre fils Berliet.

C'est le point de départ de ce que l'on va appeler « l'expé­rience Berliet ». Des institutions simples et démocratiques se mettent en place: l'administration s'entoure d'un conseil de 4 membres nommés par l'Ëtat et représentant le person­nel et les organisations syndicales, des «comités du bâti­ment» sont élus dans chaque secteur de l'usine, et un «comité patriotique» réunit leurs délégués au niveau de l'entreprise. Le but de Mosnier est de faire travailler désor­mais Berliet non plus pour le Capital, mais pour la Nation, et d'en faire un exemple pour l'ensemble des entreprises françaises. Un mensuel, «Contact», est distribué gratuite­ment dans le personnel, pour rendre compte de l'activité industrielle et sociale de la firme, mais aussi pour publier des éditoriaux et de la propagande, exprimant le point de vue de la direction. Le comité d'entreprise, très actif, a de très nombreuses activités sociales (ferme, cantine, service médical, service d'assistance sociale, maison de conva­lescence, colonie de vacances, équipes sportives, etc.), mais il a aussi la responsabilité de l'apprentissage, et il concourt au développement de la production, en présentant toutes sortes de suggestions sur la marche de l'entreprise. Le per­sonnel, à peu près unanime (du moins pendant les trois

premières années) adhère sincèrement à «l'expérience »,

il ne mesure pas son travail et sa passion pour qu'elle réus­

sisse, d'autant plus qu'il a encore en mémoire la guerre et le

climat détestable entretenu par les gardes et les mouchards

dans les usines; d'ailleurs, il est syndiqué en quasi-totalité,

et très largement politisé. Tout cela explique les excellents

résultats obtenus par « l'expérience Berliet ».

Les conditions sont difficiles : les dégâts, aux usines de Vénissieux, sont considérables; les machines sont vétustes, la stratégie à long terme de la firme est hypothéquée par son régime précaire; la pénurie continue de régner pour les matières premières; le dirigisme draconien entrave les ini­tiatives; de nombreux fournisseurs et clients n'ont aucune sympathie pour « l'expérience»; enfin, la politique sociale de Mosnier coûte cher.

Pourtant, grâce au soutien des autorités, mais surtout à l'incroyable énergie du personnel (qui n'hésite pas à tra­vailler bénévolement, le dimanche, pendant l'hiver parti­culièrement dur de 1944-1945, pour remettre les bâtiments de Vénissieux en état), la production repart vite et ne cesse de progresser. Les effectifs, tombés à 3000 à la Libération, passent de 5 500 en décembre 1944, à 7 900 en 1947. La production mensuelle de véhicules, partie de 20 châssis en septembre 1944, s'élève à 350 en janvier 1947; les sorties dépassent largement les programmes imposés; l'essentiel des fabrications porte d'abord sur les camions 5 t (GDG) et 7 t (GDR) ; en 1945, on entreprend la construction d'autocars, en 1946, de camions 10 t (FDM), en 1947, d'autobus et de trolleybus. Les pièces détachées, très demandées en raison de la reconversion des gazogènes en diesel, progressent selon une courbe parallèle; ce sont d'ailleurs elles qui per­mettent de réaliser l'essentiel des bénéfices (qui passent, soit en réserves, soit en primes au personnel).

L'expérience Berliet, sur les plans économique et financier, est donc une réussite. Son bilan social, jusqu'en 1947, est remarquable; mais, entre 1947 et 1949 la situation va se détériorer.

Les batailles autour de l'expérience

La gestion de Mosnier n'est pas acceptée par tout le monde. Sur trois fronts, au Parlement, à l'intérieur même de l'entre­prise et devant les tribunaux, ses adversaires ne vont pas tarder à se manifester.

La situation de Berliet étant provisoire, il faut lui donner un nouveau statut. Pour les forces de gauche, la nationalisation s'impose, et l'exemple de Renault les confirme dans leur opinion. Mais on décidera du sort de Berliet bien après celui de Renault : tant que la famille Berliet, propriétaire de la firme, n'est pas jugée, il est impossible de donner un nou­veau statut à une société qui n'est en elle-même l'objet d'aucune poursuite; et une mesure à la limite de la légalité, vu l'importance de Berliet, est moins utile que dans le cas de Renault. Après le procès, il sera juridiquement possible d'agir. Mais, à cette date, le rapport de forces entre partisans et adversaires de la nationalisation aura bien changé. En juin 1946, Marius, Jean, Paul, Henri et Maurice Berliet sont condamnés à des peines de prison allant de 2 à 5 ans, à la confiscation de tout ou partie de leurs biens, à l'indignité nationale à vie, et à une interdiction de séjour dans les régions parisienne et lyonnaise. L'entreprise n'est plus « pri­vée de dirigeants », puisque le reste des propriétaires n'est pas condamné. Plus rien ne justifie le maintien de Mosnier à la tête de l'entreprise. Les actionnaires présentent aussitôt un premier projet, qui accepte une participation ouvrière pour un quart du capital. Cette proposition est refu­sée par le personnel réuni en assemblée générale. Mosnier obtient du gouvernement, le 1 er août 1946, d'être «nommé administrateur provisoire»; mais il est urgent que l'Assemblée nationale, élue en novembre 1946, se prononce sur le statut de Berliet. Or, chaque parti a son projet. Les communistes souhaitent faire de Berliet une «société nationale» sur le modèle d'E.D.F.-G.D.F., les socialistes, une «régie nationale» sur le modèle de Renault; le M.R.P. « une société d'écono­mie mixte» à participation ouvrière. Tandis que les négocia­tions s'enlisent en commission, la crise de la gauche ne

cesse de s'aggraver. Elle aboutit à la rupture entre commu­nistes et socialistes en mars 1947, avant même que les pro­jets aient été discutés devant les députés. La nationalisation parait désormais impossible.

C'est d'autant plus vrai que la rupture du front commun de la gauche a des répercussions au sein même de l'entre­prise: entre les ouvriers, qui trouvent en Mosnier leur porte­parole, et les cadres, menés par le socialiste Bardin, mem­bre du comité de direction, la suspicion s'installe, les pre­miers accusant les seconds de vouloir saboter «l'expé­rience» et ceux-ci reprochant à Mosnier sa gestion politisée et totalitaire. La publication d'un article hostile à Bardin dans l'organe du parti communiste «Mécano» met le feu aux poudres. Mosnier est sommé de désavouer l'article; il refuse; un "comité de défense" des cadres se constitue; les ouvriers se mettent en grève; Mosnier démissionne Bardin, l'ensemble des cadres cesse alors le travail. Les ouvriers décident de faire fonctionner les usines sans eux, avec d'excellents résultats. Certains techniciens obtiennent alors de Mosnier un vote du personnel sur le renvoi de Bardin; celui-ci est largement approuvé, mais seulement grâce aux ouvriers; les techniciens le condamnent, et un quart d'entre eux entre à leur tour en grève. C'est alors que se produisent les grandes grèves de novembre 1947, organi­sées dans tout le pays par les cégétistes communistes; leur échec consolide la position des socialistes : le ministre Lacoste peut réintégrer Bardin, suspendre Mosnier et Bardin, et nommer un nouvel administrateur, le socialiste Ansay, qui, inconnu du personnel, dirigera la firme depuis Paris, en s'efforçant de ne faire de l'entreprise «qu'un lieu de tra­vail ".

« L'expérience Berliet" est déjà privée d'une grande partie de sa substance. La dernière bataille, judiciaire celle-là, va lui porter un coup fatal. Au lendemain du procès Berliet, Winckler, gendre de Marius Berliet et président du conseil de surveillance de la société, avait déposé devant le Conseil d'État un recours visant à annuler la nomination de Mosnier comme administrateur-séquestre, puisque la firme, grâce aux précautions prises par son fondateur en 1944, n'était pas privée de dirigeants; il avait renouvelé sa démarche après que Mosnier eut été désigné administrateur provisoire. Après trois ans de délai, le Conseil d'État rend son verdict: s'il estime que Farge était compétent pour nommer Mosnier en 1944, validant ainsi «l'expérience Berliet» pour toute la période antérieure au procès, il juge par contre que l'arrêté ministériel du 1er août 1946 est «entaché d'excès de pou­voir », une assemblée générale des actionnaires s'étant réu­nie pour nommer un nouveau gérant, aussitôt après le pro­cès. Après un baroud d'honneur du ministère Queuille, qui signe un arrêté confirmant Ansay à la tête de l'entreprise, annulé à son tour par le Conseil d'État, la société est rendue à ses actionnaires. L'assemblée générale du 17 août 1949, nomme Émile Parfait, ancien directeur de l'importante suc­cursale de Courbevoie, président du conseil d'administration.

Marius Berliet est mort, d'un cancer de l'intestin à l'âge de 83 ans, le 17 mai 1949, en pleine action et en pleine luci­dité, conscient de sa victoire prochaine. Mais son fils Paul, celUi en qui il avait le plus confiance, a déjà bénéficié en 1948 d'une mesure de grâce; bientôt, il rentrera au conseil d'administration de la société ...

Gérard DÉCLAS

Note de l'auteur:

Pour les premières années, période que je n'ai pas étudiée, je me suis inspiré très directement des ouvrages de Michel Lafferrère « Lyon, ville industrielle" (Paris 1960) et de James

M. Laux «In first gear» (Liverpool 1976).

Ensuite, j'ai résumé la première partie de mon travail «Recherches sur les usines Ber/iet 1914-1949", intitulée « Histoire de la firme", en lui apportant quelques complé­ments provenant de la 2e partie intitulée « Vie des usines ».

G.D.