02 - Renault et la pénétration africaine (1924-1925)

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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RENAULT et la pénétration africaine 1924-1925

A la première Assemblée générale des actionnaires de la Compagnie générale transatlantique qui suivit la Première Guerre mondiale, le président Dai Piaz annonça l'existence d'une grande artère de tourisme reliant Casablanca à Alger par Rabat, au moyen d'autocars 10/12 places Renault, choi­sis pour équiper les premiers circuits qui, au nombre de quatre, parcoururent 110 000 km pendant la saison 1919/1920. En novembre 1920, fut inauguré l'itinéraire devenu classique depuis : Alger à Constantine par la Kabylie puis, Timgad, Biskra, Bône et Tunis.

Précédemment, en 1920, le capitaine Vigneron, apparte­nant à la mission française dirigée par le général Weygand envoyée en Pologne lors de l'attaque de ce pays par ceux que l'on appelait alors les "bolcheviks ", observe le pro­pulseur à chenilles souples Kegresse, monté sur une auto­mitrailleuse prise aux troupes révolutionnaires russes.

A son retour en France, le capitaine Vigneron en fait un rap­port au général Estienne qui apprend, quelque temps après, le retour de Russie du français Kegresse dont l'invention vient d'être achetée, en exclusivité, par André Citroën le­quel entreprend la construction de plusieurs voitures à chenilles sur des modèles du type A.

D'abord Citroën

En juin 1920, le général Estienne assiste au champ de manœuvres, dans la forêt de Fontainebleau, à une démons­tration des voitures à chenilles Citroën-Kegresse, devant une délégation de l'armée. Il sait déjà qu'une tentative de traversée du Sahara, aura lieu pendant l'hiver 1922 avec ces véhicules. Il demande à André Citroën d'accepter le concours de ses fils : René et Georges; offre acceptée. On connait la suite : la tentative de 1922 est transformée en mission d'essais puis, après une période de préparation durant l'automne 1922, la première traversée du Sahara, en automobiles à chenilles Citroën-Kegresse, a lieu par le Hoggar, en décembre/janvier 1923, dans un sens par le Hoggar et retour, par le même itinéraire quelques semaines plus tard. Un grand pas avait été franchi dans la pénétra­tion africaine.

Le 5 janvier 1923, la mission Haardt-Audouin-Dubreuil, com­posée de cinq voitures à chenilles, partie de Touggourt le 17 décembre, après avoir traversé le Sahara pour la pre­mière fois en automobile, parvenait sur les bords du Niger, à Bourem et, peu de temps après, à Tombouctou. La veille, avait eu lieu à l'aéro-club de France une conférence ou avaient été envisagés des projets de traversées aenennes régulières du Sahara par avion, en liaison avec des auto­mobiles qui serviraient à assurer leur ravitaillement, leur dépannage et, au besoin, de repères terrestres.

Le 7 janvier 1923, la mission automobile à chenilles arrivait à Tombouctou et le journal «L'Auto» annonçait que le général Estienne, dont un des fils Georges faisait partie de la mission Citroën, projetait d'intéresser le sous-secrétaire d'État à l'Aéronautique à une ligne aérienne d'études qui joindrait l'Algérie à l'Afrique occidentale. Le 11 janvier, le général Estienne proposait un projet de cette ligne de 1 800 km passant par Colomb-Béchar, Ksabi, Adrar et de là, rejoindrait Bourem, sur le Niger.

Le processus était maintenant engagé, mais le général Estienne ne se doutait pas que plus de dix ans s'écoule­raient avant la réalisation de ce projet.

Ainsi qu'on vient de le voir, l'idée d'une liaison transsa­harienne par air naquit à une époque où les grandes recon­naissances automobiles n'en étaient qu'à leur début.

Fondation de la Compagnie Générale Transsaharienne

Le 6 mars 1923, les voitures Citroën à chenilles qui venaient pour la première fois de traverser le Sahara, de retour du Niger, arrivaient à Touggourt et les membres de la mission qui la composaient débarquaient quelques jours plus tard à Paris.

Un mois après, le 12 avril, eut lieu une conférence inter­ministérielle. M. Laurent-Eynac sous-secrétaire d'État à l'Aéronautique, y prit la parole : « ... on peut envisager, comme possible, la constitution d'une compagnie privée se chargeant d'effectuer les premières études, en vue d'une liaison transsaharienne ... ».

Répondant à cet appel, M. Gradis, directeur de la Société aéronautique Nieuport à Issy-les-Moulineaux (aujourd'hui disparue), fonda la Compagnie générale transsaharienne qui se donnait pour but essentiel, l'étude et la réalisation de liaisons directes, terrestres et aériennes, entre l'Algérie et le Niger. Elle avait à sa tête le général Estienne dont on connaissait les attaches avec la maison Renault.

Il fut aussitôt décidé qu'une mission mixte autos-avions serait chargée de découvrir un itinéraire praticable, le plus court possible, partant du Sud oranais et, par Adrar, des­cendrait vers Tessalit, à la frontière' entre l'Algérie et l'Afri­que occidentale. Cette mission devait commencer ses tra­vaux en automne 1923. L'avion accompagnant les voitures devait faire des reconnaissances photos de part et'd'autre du parcours suivi.

Ouvrons une parenthèse. Au cours du voyage retour, sur le même tracé qu'à l'aller, des voitures à chenilles Citroën ayant effectué la première traversée du Sahara, Georges Estienne, membre de la mission, s'entretint au fort de Kidal, les 11/12 février 1923, avec le fils aîné d'un grand chef Regueibat -en liberté surveillée -ayant au cours de raids aventureux à travers le Sahara, été amené à couper plusieurs fois la partie désertique, correspondant alors au blanc de la carte, et notamment, l'ancienne piste Amerenen­Ouallen, sUivie en 1912 par le capitaine Cortier.

Les renseignements fournis semblent indiquer que la partie du Tanezrouft alors inconnue, se déroulait sur un «reg» très favorable. Sur ces grands espaces, redoutés des cara­vaniers par suite de l'absence de points d'eau, le sol plat et résistant devait convenir aux autos et aux avions.

Le vieil itinéraire caravanier emprunté au départ de Toug­gourt par la piste automobile depuis 1917, jusqu'à In-Salah puis poussé jusqu'au Hoggar, lors de la préparation du raid aérien Laperrine-Vuillemin en février 1920, et enfin relié à Bourem jusqu'à Tombouctou par les voitures à chenilles Citroën par Tin-Zaouaten et Kidal, passait par une succes­sion de massifs montagneux : Mouydir, Hoggar, Adrar des Iforas. Le relief de ces régions aurait nécessité des tra­vaux de piste importants pour les rendre accessibles à l'automobile à quatre roues. A moyens de locomotion nou­veaux il fallait des routes nouvelles. C'est dans cet état d'esprit que fut préparée la mission Estienne, sous l'ardente impulsion du général Estienne.

La première mission de la Compagnie générale transsaha­rienne placée sous les ordres de Georges Estienne se compose de quatre voitures à chenilles 10 CV Citroën, aux­quelles étaient attelées des remorques. Sur l'une d'entre elles était placé un avion léger Nieuport à ailes repliables devant prendre des photos de part et d'autre de la route suivie. On fut obligé de le laisser à Adrar, à l'aller, par suite d'un accident survenu au crochet d'attelage; il fut repris au retour. En plus du chef de mission, quatre mécani­niciens de chez Citroën et quatre légionnaires participaient au voyage avec en plus un officier d'aviation et un officier topographe.

Partie le 9 novembre 1923 de Béni-Ounif-de-Figuig (Sud oranais), la mission atteignit Adrar, véritable point de départ, le 17. Trois jours après elle partait en direction de Ouallen où, à partir de là, elle se dirigea à la boussole sur Tessalit où elle arriva le 30. Elle revint à Colomb-Béchar le 22 décembre.

Cette mission rencontra des difficultés de terrain, sur des parcours qui ont été modifiés par la suite. Elle rapporta un levé des régions parcourues, permettant d'envisager favo­rablement la traversée du Sahara par des voitures à roues.

Voiture 6 roues de la mission Gradis.

Les 6 roues dans les dunes de Ksabi,

Le six roues Renault

Renault qui avait déjà utilisé la chenille pour ses matériels de guerre mit au point un engin nouveau: le six roues jume­lées.

Une parenthèse: des expériences faites en 1912, au champ de manœuvres de Fontainebleau, demandées par l'aviation en vue d'une utilisation au Maroc, avait montré que l'emploi de pneus jumelés aux roues avant facilitait les évolutions sur le sable mais que l'adhérence des roues arrières, même avec des pneus triples, était insuffisante. Le jumelage aux roues AV. et AR. a été employé couramment au Sahara, de 1917 à 1920, sur des camionnettes Fiat et Rochet-Schnei­der de la TM 1191, créée au Sahara en 1917 par le général Laperrine à Ouargla plus exactement, qui ont assuré, des transports entre Touggourt et In-Salah, pendant la guerre en 1917/1918, et jusqu'à Tamanrasset lors de la préparation du raid aérien Laperrine-Vuillemin en 1919/1920 et 1921 pour le retour des matériels à leurs bases. Ce même jume­lage des pneumatiques a été aussi utilisé pour les tracteurs­mitrailleurs de la mission « Sahara-Tidikelt » en janvier­février 1919.

Après la dissolution de la TM 1191, la première unité milI­taire saharienne de transport automobile de Ouargla était composée, en 1919, d'une vingtaine de camionnettes Rochet­Schneider et Fiat 15 ter. Quelques-unes de ces dernières ont été transformées avec essieux arrières en tandems et cin­golis facilement démontables. On obtenait ainsi une préfi­guration, à la fois du six roues et de la chenille. Une dispo­sition semblable -sans suite industrielle -est apparue sur un tracteur Chenard et Walcker, au salon des poids lourds, en octobre 1931.

Le général Estienne passa, en février 1923, à Ouargla avec le groupe de voitures à chenilles légères allant au-devant de la mission Haardt-Audoin-Dubreuil revenant du Niger après sa première traversée du Sahara avec des Citroën à chenilles. A Ouargla, le général Estienne s'entretint certai­nement avec les officiers de la TM 1191 qui le mirent au courant de leurs expériences et des transformations opérées, par les mécaniciens de la section automobile,' aux camionnettes Fiat 15 ter pour augmenter l'adhérence de leurs bandages sur le sol mouvant du désert.

Le général Estienne revenait pour la deuxième fois au Sahara dans la même région dont il connaissait les diffi­cultés de terrain, et il est à présumer qu'il en tira des ensei­gnements qui se concrétisèrent dans son imagination fer­tile par la création du six roues, idée qu'il soumit à Louis Renault -probablement quelque temps après son retour à Paris -lequel la mit aussitôt à exécution.

Il faut souligner que la réussite du six roues Renault à deux ponts arrière moteurs est due à l'emploi de pneumatiques basse pression qui venaient tout juste d'être lancés sur le marché automobile (1923). Dégonflés légèrement, en des­sous de la pression indiquée par le constructeur, les douze pneumatiques offraient un cœfficient de charge très faible au cm2• Le premier six roues fit des essais sur la plage de Casablanca où alternaient sables et roches.

Fin décembre 1923, la Compagnie générale transatlantique par l'intermédiaire de sa filiale, la Compagnie des autos­circuits nord-africains, qui, en 1922/1923 disposait de seize hôtels et dont les vingt-cinq autocars Renault avaient par­couru 275000 km, organisait un voyage de tourisme aux confins algériens et tunisiens du Sahara, entre Touggourt et Tozeur d'une part, et le M'Zab, d'autre part.

Deux six roues Renault 10 CV, pouvant transporter en plus du conducteur, cinq passagers, ayant parmi eux M. Dai Piaz, président de la Compagnie générale transatlantique, effec­tuaient du 25 décembre 1923 au 1" janvier 1924, le parcours

l or

Biskra-Touggourt-EI-Oued-Tozeur et du au 8 janvier : T ozeur-EI-Oued-T ouggou rt-EI-Goléa-Ouarg la-T ouggou rt. Sur ce trajet, où se rencontraient déjà des difficultés déser­tiques, les six roues Renault, dont c'était la première appari­tion publique, ont été utilisés avec pleine satisfaction.

La mission Gradis-Schwob-Estienne

La reconnaissance préliminaire de Georges Estienne, du 9 novembre au 22 décembre 1923, sur l'axe saharien Sud oranais jusqu'à Tessalit et retour pour le compte de la

Une pause à Reggane.

Compagnie générale transatlantique, n'était que le prélude de la mission de trois voitures Renault 10 CV à six roues, pesant en ordre de marche 3000 kg, sous la direction de

M. Gradis, secondé par M. Schwob, ingénieur chez Renault, plus spécialement chargé de la direction technique. Pre­naient part également à cette mission, les deux fils du géné­rai Estienne, René et Georges, ce dernier ayant déjà parti­cipé à la première traversée aller et retour du Sahara, ainsi que les mécaniciens Liaume, Liocourt et Furande.

La mission quitta Colomb-Béchar le 25 janvier 1924 à 0 heure. Elle atteignit Adrar, le 26 à 14 heures, et en repartit à 18 heu­res pour Ouallen touché le 27. Jusqu'à Tessalit où elles arrivèrent le 28 à 22 h, la vitesse de marche des voitures s'étaient maintenue sur ces bases. Du fait du manque de reconnaissance antérieure, les six roues repartirent de Tes­salit, le 29 à 3 h, dans une mauvaise direction et, pour cette raison, durent y revenir le 30 à 22 h. Nouveau départ de Tessalit, le 31 à une heure du matin. Au-delà, dans les step­pes soudanaises où les pistes n'étaient pas débarrassées des arbustes épineux, de multiples crevaisons ralentirent le convoi qui, après avoir quitté Tabankort arriva à Bourem le 31 janvier à 23 h. D'après certaines déclarations, un pont arrière se cassa en cours de route après Tessalit.

Les Renault ayant perdu un temps considérable à recon­naître l'itinéraire avant de repartir de Tessalit, firent ainsi inutilement 400 km. Déduction faite de cette reconnais­sance, elles avaient mis sept jours à traverser le désert.

De Bourem, les voitures continuèrent leur route le long du Niger jusqu'à Cezinga et revinrent à Gao, d'où elles repar­tirent, le 12 février, pour arriver à Colomb-Béchar le 1er mars. M. Schowb séjourna à Ain-Sefra et s'y livra, à des démonstrations très concluantes, avec l'une des voitures, sur les berges difficiles, sablonneuses et accidentées de l'oued.

De Colomb-Béchar les voitures rejoignirent Oran et Alger où elles arrivèrent le 10 mars. La consommation en terrains variés avait été de 24 litres aux cent kilomètres; quant à l'usure des bandages, il fut faible.

M. Gradis revint par les voies les plus rapides et débarqua à Paris, par le train, le 2 mars. Des brefs interviews accor­dées, à la gare de Lyon, on doit retenir cette déclaration: « Je suis particulièrement heureux d'avoir si parfaitement réussi et, pourtant, que d'heures tragiques nous avons vécues sous le ciel d'Afrique ».

La nouvelle voie inaugurée par la mission Gradis, outre l'intérêt considérable qu'elle représente, par suite de la nature peu accidentée de « reg » traversés, procure une économie de plus de 300 km sur tous les projets de traver­sée du Sahara qui avaient été envisagés ou réalisés à l'épo­que.

Premiers v,oyages touristiques

Au mois de mars 1924, le premier voyage entre Biskra et Tozeur fut effectué sur un six roues Renault 10 CV torpédo. Ce service devait devenir régulier sous l'égide d'une compagnie ayant son siège en Algérie.

Au mois d'avril 1924, on inaugura les voyages réguliers entre Touggourt-El-Oued et Tozeur, à l'aide de six roues Renault 10 CV. Ce circuit fut incorporé dans ceux des cir­cuits nord-africains.

D'après le journal «L'Auto» du 4 janvier 1924, l'exploita­tion du service touristique Touggourt-Tozeur a été confiée à la Société des transports industriels et commerciaux qui, au moment où le réseau routier algérien n'en était qu'à ses débuts, a assuré (avec des véhicules Renault) un service de transports de passagers entre le Maroc et l'Algérie. Par contre, dans « La Revue des deux mondes » de décem­bre 1924, on lisait: «En décembre 1923, la Compagnie générale transatlantique, par J'intermédiaire de sa filiale la Compagnie des autos-circuits nord-africains, organisait un service de tourisme aux confins algéro-tunisiens du Sahara avec des six roues Renault, entre Touggourt et Tozeur ». Par ailleurs, un texte émanant des archives de la Compa­gnie générale transatlantique indique: « L'ampleur prise par les autos-circuits nord-africains devient telle que la créa­tion d'une société s'impose pour en servir J'exploitation ».

En 1925 est fondée la Société des voyages et hôtels nord­africains, filiale de la Compagnie générale transatlantique. A titre indicatif, l'inscription «Autos-circuits nord-africains JO figure toujours sur la face latérale des carrosseries des six roues Renault photographiés lors de l'inauguration du circuit du Grand Erg (trois dernières semaines d'avril 1926) et de ceux photographiés, en 1927, dans le Sud tunisien.

Pendant le printemps et l'été 1924, M. de Laurencie parcou­rut, avec trois voitures six roues Renault, les régions les plus difficiles de l'Afrique du Nord, le Sud tunisien et les territoires du sud de l'Algérie, les villes du M'Zab, Temacine, Ouargla, Ghardaïa. Il poussait ensuite jusqu'au Maroc et emmenait l'état-major des troupes en campagne sur les terrains mêmes d'opérations en plein Atlas.

Partout les voitures Renault se comportèrent parfaitement e~ firent l'admiration des nombreux officiers qui en firent l'essai dans les terrains les plus difficiles.

Deuxième mission Gradis

Pour compléter les travaux de reconnaissance qu'il avait entrepris l'année précédente, M. Gradis décida l'organisa­tion d'une nouvelle mission devant déterminer le prolonge­ment de la future ligne transsaharienne, entre Niamey et le golfe de Guinée.

Cette mission partit de Colomb-Béchar, le 15 novem­bre 1924, à trois heures du matin. Elle comprenait: le chef de la mission M. Gaston Gradis, assisté de Georges et René Estienne, le maréchal Franchet d'Esperey, qui se proposait d'inspecter le Sud oranais, les postes avancés du Sahara et toute la région de la Côte-d'Ivoire, accompagné de son officier d'ordonnance, le commandant Ihier, M. de Kérillis, du journal «L'Écho de Paris» et trois mécaniciens des usines Renault qui pilotaient les trois voitures six roues, du même modèle que celle de la première mission.

Les escadrilles d'aviation de Colomb-Béchar accompagnè­rent la mission jusqu'au puits de Oua lien. Elles étaient équi­pées de Bréguet XIV à moteur Renault de 300 CV.

La mission atteignit Bourem le 24 novembre. De là, elle descendit le long du Niger jusqu'à Gao, Ansongo et Niamey.

Au départ de Colomb-Béchar, un officier de l'infanterie coloniale, le capitaine Delingette, chargé par le ministère des Colonies et par le ministère du Commerce, de faire une reconnaissance à travers l'Afrique, s'était joint à la mission Gradis pour la traversée du Sahara avec une Renault 10 CV six roues du même modèle que celle de la mission Gradis. Il était accompagné de Mme Delingette, la première femme qui ait eu l'occasion de traverser le Sahara de bout en bout. A Niamey, le capitaine Delingette quitta la mission Gradis et piqua vers l'est, dans la direction du Tchad.

Après avoir traversé le Niger à Say sur des chalands, la mission Gradis descendit le long de la frontière du Nigeria, tout le Dahomey, en passant par Gaya et Savé où elle prit le train pour Cotonou où elle arriva le 10 décembre. Là, elle s'embarqua pour la France. Les deux antennes du che­min de fer Oran-Colomb-Béchar et Savé-Cotonou avaient été réunies, pour la première fois grâce à l'automobile.

Le raid du capitaine Delingette

Après avoir quitté la mission Gradis, le capitaine Delingette traverse successivement le Soudan et la Nigeria anglaise, mais il est arrêté à cinq heures de la capitale de la Nigeria par une zone d'inondation infranchissable. Il fait alors demi­tour et rebrousse chemin jusqu'à Kano-Zinder. Il entreprend de contourner le lac Tchad par le nord. Dans cette région, les sables sont plus pénibles que ceux du Sahara. Ces sables forment des cuvettes qu'il faut traverser (ces cuvet­tes ont des rebords terribles qui atteignent parfois 48 %).

Le 14 janvier 1925, le capitaine Delingette est à Stanley­ville (Congo belge) où il est reçu avec un enthousiasme indescriptible après avoir traversé de part en part l'Afrique­Équatoriale française. C'est la première voiture qui ait tra­versé le Congo belge. Il remonte ensuite un peu au nord suivant la piste Nine Kilo et, dans une région totalement dépourvue de routes, atteint la rivière Semliki, à la frontière de l'Ouganda. De terribles difficultés l'attendent dans cette région. Mais il ne recule devant aucune et, à travers rochers et escarpements, il atteint le versant nord du massif Ruwenzori, réputé jusque-là inaccessible et qui comporte des altitudes de 3 000 mètres. Il a fallu, dans cette dernière partie du parcours, trois jours pour faire huit kilomètres de montée et pour traverser 35 rivières en pirogue. Enfin, il atteint Nairobi, en Afrique-Orientale anglaise. Mais ce n'est pas fini.

Non content de ses 15 ou 16 000 kilomètres de brousse, Delingette continue sa randonnée vers le sud. Empruntant une route aussi directe que peut le permettre l'état du sol, il atteint alors, après des difficultés inouïes, vers le 20 avril, le lac Nyassa qu'il contourne au sud puis traverse le grand lac à Fort-Roseberry et, après la traversée du Louapoula, atteint Elisabethville.

Depuis Nairobi l'infatigable capitaine a dû traverser les régions que la roue n'a point encore violées, construisant, réparant ou aménageant sur sa route 129 ponts, dont onze se sont écroulés au passage de la voiture qui fut ainsi plu­sieurs fois submergée. Il passe à Broken-Hill le 23 mai, rencontre à Zimba la mission anglaise « Le Cap-Le Caire» du commandant Court-Treatt puis enfin atteint Livingstone.

Après la traversée de la Rhodésie du Nord, le capitaine

Delingette poursuit maintenant sa randonnée à travers

l'Afrique-Australe anglaise, passe par Johannesburg et

atteint le cap de Bonne-Espérance le 4 juillet 1925. Depuis le départ d'Oran, 23 000 km avaient été parcourus.

Le capitaine et madame Delingette ainsi que le mécanicien Bonnaure sont revenus par la route du Havre à Paris, accla­més sur tout le parcours. Le 6 août 1925, la foule manifesta son enthousiasme lors de leur arrivée, devant le magasin Renault des Champs-Élysées où M. Hugé les recevait, ayant à ses côtés M. Bonnet, sous-secrétaire d'État, venu appor­ter, au capitaine et à sa femme, les félicitations officielles du gouvernement.

Jack TRIBO-LASPIÉRE

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