06 - Naissance de la Régie : les idéologies planistes avant et pendant la seconde guerre mondiale

========================================================================================================================

Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

========================================================================================================================

Naissance de la Régie : les idéologies planistes avant et pendant la seconde guerre mondiale

Dans l'histoire industrielle française, la naissance de la Régie Nationale des Usines Renault est un événement singulier, presque accidentel, écrit P. Dreyfus (1977, p. 13). Et cepen­dant, par toutes ses singularités mêmes, elle est étroitement liée au contexte politique et idéologique de la Libération. Analyser ce contexte est indispensable pour comprendre la réussite initiale exceptionnelle de la Régie, fondée sur la mutation technique des machines·transferts, sur l'innovation commer­ciale de la 4 CV, voiture populaire, produit unique en grande série, enfin sur une conjonction idéologique singulière, un état d'esprit particulier qui reflétait ce contexte particulier dans l'entreprise et anima les efforts de ses membres (Fridenson, 1979, Dreyfus, 1977, 1981, Poperen, 1983, p. 48).

Il convient d'étudier les idéologies de transformation ou de réforme de l'entreprise capitaliste, élaborées avant et pendant la guerre, dont s'inspirèrent les responsables de l'industrie et de l'économie à la Libération. On examinera également les enjeux politiques établis sur l'idée de nationalisation à travers les expériences effectives de gestion des entreprises réquisition· nées. Plus particulièrement, on s'intéressera aux positions des principales organisations qui, à des titres divers, eurent un rôle déterminant dans les premiers temps de la Régie, l'O.C.M. d'une part, la C.G.T. et le P.C.F. de l'autre.

Il Yavait certes un mouvement d'idées en faveur d'un élargisse­ment du secteur public. Mais elles n'étaient pas également sou­tenues ni entendues de la même façon par toutes les forces de la Résistance. Elles n'étaient du reste pas le fait exclusif des résis­tants. Avant donc d'examiner les idées de la Résistance en matière de transformation de l'entreprise (section II), il convient de s'intéresser aussi aux conceptions qui les ont précé­dées et nourries dans l'entre-deux-guerres (section 1).

Nous nous attarderons enfin (section III) sur les positions de l'Organisation civile et militaire. Plus que d'autres organisa­tions de la Résistance, l'O.C.M. s'est appliquée à rédiger et publier durant l'occupation un programme complet de réformes d'après-guerre (Blocq-Mascart, 1945) comportant notamment des propositions d'organisation économique et de transformation des entreprises. Divers membres de l'O.C.M. :

J. Piette, A. Lepercq, et P. Lefaucheux, qui jouèrent plus tard un rôle dans la nationalisation de Renault, furent chargés de la rédaction de ce " Troisième Cahier de l'O.C.M. ", en mai 1943 (Calmette, 1961, p. 60) qui concerne ces questions. Cette revue des idées de la Résistance sur les nationalisations nous aidera à comprendre l'apparence inattendue ou accidentelle, pour reprendre les termes de P. Dreyfus, de la constitution de la Régie. En effet, Louis Renault ne fut pas le seul patron convaincu de collaboration, les usines Renault ne furent pas les seules réquisitionnées ou mises sous séquestre. Il y eut d'autres formes, et plus radicales, de participation ouvrière. Pourquoi, hormis Gnome et Rhône, Renault fut-elle, de toutes ces entre­prises du secteur concurrentiel, la seule nationalisée? Pourquoi celle-là? Pourquoi pas les autres? La section II, relative aux diverses expériences de gestion ouvrière à la Libération, per­mettra de répondre.

I. Crise économique et idéologies pIanistes

1.1. Planisme et nationalisation avant 1939

La crise économique de 1929 est le temps des révisionnismes, à droite comme à gauche, avec un objectif commun avoué ou non: abandonner le libéralisme sans renoncer au capitalisme, voire afin de le conserver. Un premier frein à une concurrence libre réside dans une concertation entre les pouvoirs publics et les entrepreneurs.

" Ce qu'on appellera alors le " directionnisme " a de nombreux degrés. La forme la plus souple est le planisme concerté : un plan, élaboré par la coopération d'experts d'État et de repré­sentants des ~ntrepreneurs... La forme la plus rude est un socialisme d'Etat prévoyant la gestion nationalisée d'un vaste secteur public, la surveillance des circuits et des prix dans un " secteur contrôlé", le maintien d'un secteur libre plus ou moins limité" (Bouvier-Ajam, 1969, p. 347). L'idée de l'inter­vention d'experts, commis de l'État, garants d'une orientation concertée d'une industrie relevant en plus grande part de la propriété privée, cheminera en divers courants. Des" mais­triens " à droite depuis Bertrand deJouvenel qui trace dès 1928 un programme d'économie dirigée (Bouvier-Ajam, 1969,

p. 347), jusqu'aux plus ou moins mystérieux synarques en pas­~ant par les polytechniciens du Centre Polytechnicien d'Études Economiques, éditeurs de X crise (ihz'dem, p. 352 sq). A gauche elle se nourrira de l'apport des" organisateurs" améri­cains, Burnham (1941) dont Léon Blum préfacera la traduc­tion française en 1947. Les experts, managers et organisateurs, se trouveraient placés au-dessus des classes sociales antago­nistes, distincts par leur compétence et leur fonction des autres

(1) Cet article condense un chapitre d'un ouvrage sous presse consacré à l'his­toire des bureaux d'étude de la Régie Renault: "Le Cerveau de l'Usine ".

salariés qu'ils dirigent, et distincts par leur statut même de salariés des propriétaires de l'entreprise". (Laurat, cité par Amoyal, 1974, p. 148).

Que" l'ère des organisateurs" annonce ou consacre la fin du capitalisme dans un " régime directorial" à quoi ne manque· rait que la démocratie (Blum, 1947, p. 15) ou sa transforma­tion en une" forme nouvelle du capitalisme" (Moch, 1927, p. 58, cité par Amoyal, 1974, p. 143), elle exclut toute forme de gestion directe de l'entreprise par les salariés eux-mêmes. Le Plan adopté par la C.G.T. en 1935 lui-même prévoit à l'éche­lon de l'usine tout au plus un contrôle ouvrier, au reste peu développé, et des conventions collectives qui n'ont pas à connaître de la gestion de l'entreprise (Amoyal, 1974, p. 163). La gestion économique demeure à tous les niveaux affaire de spécialistes (cf Amoyal, 1974, p. 162). Le planisme ou le diri­gisme se situent donc non seulement au-delà du syndicalisme libertaire autogestionnaire, mais aussi "au-delà du marxisme". C'est sous ce titre révélateur qu'est traduit en français, en 1927, l'ouvrage de Henri de Man" Zur Psychologie des Sozialismus ", qui stimule les réflexions des socialistes réfor­mistes sur le projet d'une économie dirigée, notamment les néo­socialistes, tels Déat, Marquet, Montagnon, et à la S.F.I.O., le groupe" Révolution constructive" de G. Lefranc, L. Laurat et Pierre Brossolette. Leurs idées trouvent un écho important au sein de la C.G.T. Le bureau d'études économiques de cette dernière élabore un Plan·qui est adopté en 1935, puis remanié en 1939. La réunification de 1936 conduit à une mise en som­meil des idées pIanistes, malgré les efforts de Léon Jouhaux, et en raison de l'opposition des ex-unitaires de la C.G.T.U., pro­ches du parti communiste. Les réformes de structure sont le moyen que les pIanistes proposent pour transformer l'organisa­tion de l'économie sans remettre en cause le régime économique.

La question du mode de production n'est plus centrale pour les émules d'Henri de Man, puisque le capitalisme se transforme de lui-même à travers le taylorisme et le fordisme. Les pIanistes sont aussi des" organisateurs" : Jules Moch, 1927, André Philip, 1928, Hyacinthe Dubreuil, 1929. Une" association française pour le progrès social " rassemble en 1927 syndica­listes réformistes comme Jouhaux et Dubreuil et patrons comme Henri de Peyerimhoff, Ernest Mercier ou Louis Renault (Fine, 1976). L'exemple des États-Unis montre qu'il est possible, par une organisation rationnelle de l'entreprise et du travail, de créer une" mystique de la production" (Philip, 1928, p. 22), et d'améliorer considérablement la condition ouvrière. Mais, au contraire des États-Unis, il est en France nécessaire que l'État dirige et contrôle la rationalisation (ibidem, p. 41).

Interventions de l'État, mais pas d'étatisation d'ensemble de l'économie, qui sera structurée en secteurs, comme on l'a vu, où un secteur public coexistera avec un secteur libre. Les natio­nalisations seront le levier qui permettra à l'État d'orienter la production. Car on ne nationalisera bien sûr pas tout. Ni toutes les branches industrielles ni toutes les entreprises d'une branche (en 1977, Pierre Dreyfus écrira: " Il peut être oppor­tun de nationaliser une entreprise d'un domaine industriel donné, mais non pas deux, et, moins encore, toutes ", p. 10).

Les usines de matériel de guerre furent nationalisées en août 1936, et les chemins de fer un an plus tard. Avec la guerre, les divers membres du courant pIaniste réformiste vont se répartir en trois branches. Les uns rallieront Vichy, en particulier Georges Lefranc, un des animateurs du groupe" Révolution constructive ". D'autres, et principalement les néo-socialistes Déat et Marquet, iront à Paris, collaborer avec les nazis.

D'autres, enfin, entreront dans la résistance, comme P. Brosso­lette (qui entretiendra des relations assez étroites avec l'O.C.M., cf Calmette, 1961, p. 35, notamment).

Le parti communiste modifia son attitude à l'égard· des natio­nalisations à partir de 1937, tout en prenant soin de distinguer entre nationalisation et socialisation. Aux yeux des commu­nistes, les menaces du fascisme international contre l'indépen­dance du pays et contre l'État républicain imposaient les natio­nalisations des monopoles de fait pour assurer une production accrue et une défense nationale efficace (Wolikow, 1981, p. 188). On retrouvera ultérieurement chez les communistes ce lien entre défense et indépendance nationales d'une part, et nationalisations de l'autre (Solomon, 1939).

La dispersion politique des pIanistes de même que les exigences de l'économie de guerre, et les retards particuliers au capita­lisme français, conduiront à une première organisation diri­giste de l'économie par le régime de Vichy, avec la constitution des comités d'organisation (Madjarian, 1980, p. 237) dont l'action se poursuivit au-delà de la Libération. Ainsi, dans l'automobile, le plan Pons de 1945 reprit certaines idées du comité d'organisation de l'automobile (Fridenson, 1977, p. 194). Mais de l'autre côté, la question du plan et des nationali­sations est aussi longuement agitée. Pierre Lefaucheux prendra une part notable à ce débat interne à la Résistance, auquel nous allons maintenant nous intéresser.

1.2. La Résistance face à la planification

" Inscrite autrefois en tête des programmes socialistes, la natio­nalisation des entreprises est devenue l'un des points essentiels des revendications politiques de tous les partis à l'exception de la droite conservatrice et des modérés. Il faut noter tout d'abord que le parti socialiste, le premier, a précisé peu à peu qu'il n'entendait nationaliser que les industries-clés, réduisant ainsi singulièrement son programme originel aujourd'hui repris par les communistes". L'Encyclopédie politique (Che­vallier et al, 1946, p. 212) résume ainsi assez fidèlement l'évolu­tion des forces politiques françaises à l'égard de l'idée de natio­nalisation durant les cinq années de guerre. Elle demande cependant des précisions supplémentaires.

La question des réformes de structure demeure une des préoc­cupations importantes des socialistes, mais elle apparaît aussi celle d'une droite technocratique, qui, on le verra, côtoie cer­tains hommes de gauche au sein de l'O.C.M. (cf § 1.3.). Aux yeux de bien des résistants non communistes, ces réformes per­mettraient de remédier aux insuffisances et aux injustices du système économique français, sans bouleversements révolution­naires de la propriété. Le programme du parti socialiste clan­destin rédigé par Daniel Mayer, en décembre 1943, formule une longue liste de mesùres immédiates de nationalisations : services publics, assurances, mines et grandes entreprises des industries-clés (Michel et Mirkine-Guetzévitch, 1954, p. 202 sq.). La" participation. des intéressés" à l'élaboration des pro­grammes est prévue, ainsi qu'une participation aux bénéfices, accompagnées du retour aux conventions collectives, du réta­blissement des délégués d'entreprises et " d'une amélioration effective des conditions du travail, stimulée et contrôlée par un corps rajeuni d'inspecteurs du travail" (ibidem, p. 208). Nulle précision sur la gestion de l'entreprise, nationalisée ou non. On fait appel, contre le dirigisme de Vichy, soumis à " l'influence des grandes féodalités économiques" (p. 205) à la direction de l'État éclairée par une démocratie économique et profession­nelle propre à assurer" la solution des grands problèmes éco­

nomiques et sociaux ", dans leur globalité tout au moins. Le programme de 1943 demeure vague sur les moyens, en particu­lier financiers, de cette direction économique : contrôle du crédit, politique d'investissement, stabilisation de la monnaie.

Dans ses" Observations sur le projet de programme commun présenté par le parti socialiste à la Résistance" (Michel et Mirkine-Guetzévitch, 1954, p. 218), le parti communiste ne manquera pas de relever cette imprécision: dans sa " Réponse aux observations..... (ibidem, p. 238, sq.), le parti socialiste rétorque : " ... la nationalisation des institutions de crédit est une des revendications maîtresses du Parti Socialiste ". Toute­fois, il semble permis de se demander si cette nationalisation pourra être faite dès le lendemain de la Libération, aussi le parti socialiste avait·il jugé superflu ou inopportun de rappeler cette revendication dans un programme commun. De fait, on le verra, les banques d'affaires ne seront pas nationalisées. On retrouve trace des différences entre socialistes et communistes dans les textes proposés par les deux tendances, ex-unitaire et ex-confédérée, au sein de la C.G.T. réunifiée, en contribution au programme du C.N.R. Alors que les membres de la pre­mière tendance demandent la suppression des comités d'orga­nisation' instruments de direction économique de Vichy, les amis de Léon Jouhaux préconisent leur maintien, après évic­tion des représentants des trusts, et la nomination démocrati­que de nouveaux membres. Le dirigisme divise donc les deux tendances, alors qu'elles sont d'accord sur la confiscation des entreprises dont les patrons ont collaboré.

On notera aussi que les ex-unitaires sont plus stricts et précis que les ex-confédérés dans les conditions de la sanction de confiscation. Tandis que ceux-ci la demandent seulement pour les" industriels, banquiers, commerçants, qui auront négocié avec l'ennemi dans un but lucratif" (ibidem), ceux-là préci­sent: " ... qui ont pactisé avec l'ennemi, commercé avec lui ou assuré des fabrications pour son compte dans un but lucratif ..

(p. 201). Les nationalisations, et le dirigisme, ne paraissent pas une préoccupation primordiale du parti communiste dans cette période. Encore moins une ligne directrice de sa réflexion. Convaincus de la trahison de la classe dirigeante, les communistes avaient, lors de leur congrès d'Arles, en 1939, proposé la nationalisation des monopoles de fait comme mesure d'indépendance et de défense nationales (cf § 1.3.). Ils invoquent ces mêmes motifs, sanction de la trahison et condi­tion de l'indépendance, dans leurs observations de 1944 sur le programme du parti socialiste (Michel et Mirkine-Guetzévitch, 1954, p. 225). Il est clair, toutefois, à leurs yeux, que la garan­tie des confiscations serait illusoire sans la nationalisation des banques. Comme le remarquent Michel et Mirkine­Guetzévitch (1954, p. 219), les écrits du Parti Communiste Français pendant la guerre ne comportent guère de débats doctrinaux sur les institutions et leur réforme. Ils sont avant tout des écrits de combat. Les communistes accordent la prio­rité à la lutte pour la Libération, comme, après 1944, à la poursuite de la guerre, et enfin à la bataille de la production. On a pu leur en faire grief (Madjarian, 1980, p. 182 et 241). Le fait demeure, et se traduit notamment par leur attitude vis-à­vis du programme du Conseil national de la Résistance (sur le C.N.R., cf Hostache, 1958). Au cours de l'été 1943, André Philip charge Émile Laffon de proposer au C.N.R. un manifeste pour l'après-guerre. P. Vil­lon, du Front National, propose un contre-projet. L'accord des communistes et du Front National est entier sur la nationalisa­tion des grands moyens de production, des compagnies d'assu­rances et des grandes banques. Villon précise que J Duclos rédige lui-même cette partie (Villon, 1983, p. 78).

Dans le domaine économique le programme du C.N.R. prévoit:

-" L'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale impliquant l'éviction des grandes féodalités écono­miques et financières de la direction de l'économie. -Une organisation rationnelle de l'économie assurant la

subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l'image des États fascistes.

-L'intensification de la production nationale selon les lignes d'un plan arrêté par l'État après consultation des représen­tants de tous les éléments de cette production.

-Le retour à la nation de tous les grands moyens de produc­tion monopolisée, . fruits du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assu­rances et des grandes banques.

-Le développement et le soutien des coopératives de produc­

tion, d'achat et de vente, agricoles et artisanales.

-Le droit d'accès, dans le cadre de l'entreprise, aux fonc­

tions de direction et d'administration pour les ouvriers

possédant les qualités nécessaires et la participation des tra­

vailleurs à la direction de l'économie". (Michel et Mirkine­

Guetzévitch, 1954, p. 216) (les termes sont soulignés par moi,

J-P.P.).

Texte de compromis, avec une volonté assez évidente d'élargis­sement de l'étendue de l'accord. Les thèmes de rationalisation de l'économie et de planification par l'État, mais après concer­tation, sont en vedette. Mais l'accent est nettement mis sur la nécessité de maîtriser les puissances financières, et pas seule­ment industrielles. On relèvera aussi deux propositions rela­tives à la participation des travailleurs à la direction de l'écono­mie, voire à celle de l'entreprise, encore que l'on demeure loin de l'idée d'une gestion ouvrière.

Le programme du C.N.R. marque l'adhésion résolue des communistes à la nationalisation des grands moyens de pro­duction. Ils se tiendront fermement à ce programme, exigeant sa pleine réalisation, mais ne tentant nullement à l'outrepasser. Comme le souligne Scot (1981, p. 237), les dirigeants du

P.C.F. n'ont jamais, de la Libération à la fin de la guerre, perçu la situation comme révolutionnaire. Les priorités demeurent: achever la guerre, liquider le fascisme, le régime de Vichy, créer des conditions économiques et sociales qui en préviennent tout retour. Les mesures proposées par le C.N.R., modérées mais par cela même objets d'un large accord, leur semblent bien adaptées à ces fins. Ils en conçoivent cependant fort clairement les limites. L'application de ce programme, pourtant, allait se heurter à l'obstacle décisif de" l'éviction des grandes féodalités financières de la direction de l'économie", autrement dit, la nationalisation des banques d'affaires.

De Gaulle s'était prononcé en faveur de réformes économiques: " (La France) veut que cesse le régime économique dans lequel de grandes sources de richesse nationale échappaient à la nation, où .les activités principales de la production et de la répartition se dérobaient à son contrôle, où la conduite des entreprises excluait la participation de travailleurs et de tech­niciens dont cependant elle dépendait" (cité par Michel et Mirkine-Guetzévitch, 1954, p. 151). Sous les termes généraux de ce discours inaugural de l'assemblée consultative provisoire, à Alger en novembre 1943, on retrouve les traits principaux des programmes que nous venons d'examiner, mais rien sur la finance. En revanche, le 15 mars 1944, il précise qu'il faudra assurer à la nation" le contrôle du crédit, afin que son activité ne soit pas à la merci des monopoles financiers ; frayer à la classe ouvrière, par les comités d'entreprise, la voie de l'associa­tion " (De Gaulle, 1956, p. 223). A l'égard de la finance, les limites sont bien circonscrites, concernant les comités d'entre­prise, la perspective est large, et partant peu définie.

1.3. L'Organisation civile et militaire (O.C.M.)

Constituée entre fin 1940 et début 1941, l'O.C.M. est d'abord un petit groupe de quelques dizaines de patriotes. "Tous appartiennent à ce qu'on est convenu d'appeler la bourgeoisie: industriels et commerçants, membres des professions libérales (avocats, notaires, architectes), universitaires de l'enseigne­ment secondaire ou supérieur, fonctionnaires de l'administra­tion centrale et ingénieurs des Travaux Publics", écrit leur historien Calmette (1961, p. 33). Les effectifs croissent rapide­ment, et l'organisation devient une des composantes importan­tes de la Résistance. Maxime Blocq-Mascart, un de ses fonda­teurs, et responsable civil, siègera au bureau permanent du

C.N.R.

Fondamentalement, comme le note F. Picard (1979,

p.

347), c'est un mouvement de cadres, voire, selon Ehrmann (1958), l'expression de la résistance patronale. Nombreux, en tout cas, sont les industriels parmi ses responsables. Beaucoup, sans doute la majorité, ont appartenu à des formations poli­tiques de droite, voire d'extrême droite. Les autres proviennent de la S.F.I.O., ou de formations voisines (Calmette, 1961,

p.

33, Picard, 1979, p. 347). Les problèmes économiques tiendront une place importante dans les réflexions des membres de l' O. C. M., et dans leur action à la Libération. En 1942, l'O.C.M. recrute notamment Jacques Piette, militant syndicaliste et socialiste, qui devient le spécialiste économique du réseau (Calmette, 1961, p. 39). Il sera, à la Libération, secrétaire général du ministère de la Pro­

duction industrielle, après avoir en février 1944 remplacé au Comité parisien de Libération Aimé Lepercq (Picard, 1976,

p. 255). Ce dernier, président du Comité d'organisation des Houillères, sera ministre des Finances dans le premier minis­tère de De Gaulle (Calmette, 1961, p. 210). Il avait été recruté, fin 1942, par Pierre Lefaucheux. Constituée principalement d'industriels, de cadres supérieurs et de hauts fonctionnaires, l'O.C.M. a un projet économique et politique. Son principal animateur et théoricien, Blocq-Mascart " croit plutôt à l'action de l'État, directeur et guide, arbitre et chef, il aime prévoir et codifier, quelquefois jusqu'au détail. On le rattacherait volon­tiers à la tradition saint-simonienne ou fouriériste du socialisme dit utopique. C'est peut-être à cette tournure d'esprit que l'O.C.M. devra plus tard son renom de technocratie" (p. 24).

Dès janvier 1941, dans une première chronique intitulée " Naissance de la Résistance, la lutte pour la Libération" publiée en juin 1942 dans le premier des Cahiers de l'O.C.M., Blocq-Mascart définit un projet politique d'une nouvelle révo­lution française. Il s'agit de se situer entre communisme et capitalisme. Le libéralisme et le capitalisme sont morts, mais l'étatisme n'est pas désirable; il faut" une forme plus subtile d'organisation de la production" (Blocq-Mascart, 1945, p. 17). La fusion des classes est une chimère, la lutte des classes une erreur ; il faut" trouver la base de relations harmonieuses". Il faut donc une révolution ordonnée et rapide, dont la Libéra­tion n'est que la première étape (p. 19). Mais" ce n'est pas aux masses à établir ce que sera l'ordre nouveau. C'est aux chefs à sortir l'opinion publique du désarroi de pensée... Il lui faut une mystique constructive" (p. 18). Cette mystique constructive proposée aux masses, c'est" un sens nouveau du socialisme français", une" position nouvelle", entre le réformisme et le communisme", précise en septembre 1943 une chronique inti­tulée " la Résistance atteint sa majorité" publiée en octobre dans le quatrième et dernier cahier (Blocq-Mascart, 1945,

p. 85). Car, alors que tous les autres partis anciens ne corres­pondent plus à rien (p. 53), le parti communiste" résiste en tant que parti". La résistance qui n'est pas communiste doit refuser l'anticommunisme, et opposer des doctrines construc­tives à la doctrine communiste (au-delà de la Résistance, mai 1942, Blocq-Mascart, 1945, p. 55). Lepercq dira à F. Picard (1976, p. 252), en 1944 : " Surtout pas d'anticommunisme, ce serait au moment présent la pire des erreurs... ". Pour contre­balancer l'influence communiste, il faut un grand parti issu de la Résistance (Blocq-Mascart, 1945, p. 87). Ce projet rejoint celui de P. Brossolette d'un vaste parti travailliste (Calmette, 1961, p. 211, Villon, 1983, p. 71). Après la mort de Brosso­lette, ce sera, en juillet 1945, la création de l'Union démocra­tique et socialiste de la Résistance (U.D.S.R.).

Les" Études pour une nouvelle révolution française" exposent en détail les doctrines constructives du nouveau socialisme français. En ce qui concerne la réforme économique, la prépa­ration fut assurée, pour les parties générales, par Blocq­Mascart, Piette, Rebeyrol et Lepercq, et pour la production industrielle, par Deschamps et Lefaucheux (Calmette, 1961,

p. 60). Ce cahier" dirigiste et pIaniste" eut, selon Blocq­Mascart, un excellent accueil. " Les milieux patronaux, bien représentés au sein de l'O.C.M., étaient, au fond, à peu près d'accord -tout prêts à accepter s'ils sentaient qu'un gouverne­ment fort le leur imposait. .. Le patronat était prêt à se mettre aux ordres" (Calmette, 1961, p 60).

A la Libération, " un immense effort de reconstruction écono­mique sera nécessaire. S'il est fait en regardant en arrière... on mettra, dans l'hypothèse la plus favorable, la France dans la situation où elle était en 1939. S'il est fait en regardant vers l'avenir, intelligemment, révolutionnairement, il peut créer une économie française plus forte qu'elle n'a jamais été" (Blocq-Mascart, 1945, p. 313). Lefaucheux dira plus tard à Picard (1975, p. 131) : " Je ne veux plus qu'on me parle de la référence 1938 ". Tel est l'objectif de la réforme économique dont traitent les Cahiers III (mai 1943) et IV (octobre 1943) de l'O.C.M. Le moyen, c'est une méthode dirigiste, d'économie pIaniste où les forces de la production et du commerce se diri­gent seules sur la voie qui leur a été tracée (Blocq-Mascart, 1945, p. 312) par un plan, moyen d'orientation a priori, et de contrôle a posteriori (p. 313). L'agent de cette orientation est un vaste ministère de la Vie économique. Ses instruments: le Bureau du Plan et le Centre national d'organisation scienti­fique du travail. Le premier" sera un véritable laboratoire de l'économie nationale, centre d'analyse et de synthèse de tous les projets établis par les administrations, les organisations écono­miques ou les groupes d'études". Le second étudiera " la normalisation du travail dans l'industrie, le commerce et l'administration" (p. 327). Le dirigisme sera restreint, délibé­rément, à ses formes les plus souples. Il n'y aura nul secteur qui échappe aux directives de l'État. Mais dans quelques-uns seule­ment" l'État imposera ses directeurs en plus de ses directives"

(p. 318). Encore ces directeurs, dans la plupart des cas, di~oseront-ils de la plus large autonomie. Le "monopole d'Etat unifié et fonctionnarisé" est la forme d'entreprise diri­gée la moins souhaitable, et devra être la plus rare. L'économie pIaniste sera contractuelle. " La notion de contrat doit prendre dans l'économie nouvelle une importance considérable et multiple... L'entreprise sera liée à son personnel par le contrat collectif de travail, à son Chef par le contrat de direction, à ses bailleurs de fonds par le contrat de financement" (p. 320).

C'est encore un contrat qui liera l'État, représentant l'intérêt général, d'une part, et le groupement professionnel de l'autre.

Le nouveau socialisme français ne saurait éluder la question de la propriété des moyens de production. Il l'aborde, mais à sa façon. Il faut préciser soigneusement cette " forme subtile d'organisation de la production" (p. 17) qui constituera" un socialisme non étatiste" (p. 323). La collectivitéyour laquelle les entreprises travaillent, c'est la nation, et l'Etat la repré­sente. Mais les nationalisations déjà faites, où l'État s'est assuré une majorité dans les conseils d'administration par l'achat d'actions, réduisent le rôle de l'État à peu de chose, et font de lui au plus un capitaliste d'un genre particulier. C'est de l'éta­tisme non socialiste. L'État doit imposer aux entreprises les obligations du Plan, mais leur laisser par ailleurs la plus grande autonomie. L'État ne sera donc pas le directeur de l'entreprise. Mais -on retrouve ici le thème de la " révolution directoriale" -le directeur depuis longtemps n'est plus le propriétaire. Ces directeurs appointés sont soucieux de gérer librement. Que cette liberté leur soit assurée, qu'ils ne soient pas soumis comme des fonctionnaires à une autorité rigide, ils ne verront nul inconvénient à être les directeurs d'un bien collectif, dans le cadre d'un Plan concerté entre l'État et les groupes professionnels. L'initiative privée est ainsi préservée dans le domaine technique. Elle l'est aussi en matière finan­cière. Refuser l'étatisme, c'est aussi maintenir à l'initiative pri­vée le droit d'entreprendre, et au capital celui de fructifier. Le capitaliste n'étant plus ni directeur, ni propriétaire, et ces deux fonctions étant disjointes l'une de l'autre, le capital" ne peut plus être considéré que comme prêté à l'entreprise pour son exploitation ou son développement". Par conséquent, il rece­vra, " outre l'intérêt ou la part de bénéfice auxquels il a droit, le remboursement de son investissement" (p. 324). Sur le capi­tal prêté par le capitaliste privé, l'entreprise ne capitalise pas les bénéfices. On remarquera que le maintien des banques d'affaires hors du secteur nationalisé est tout à fait cohérent avec cette position. Puisque l'État, expression de la nation, ne s'approprie ni le capital, ni la direction des entreprises, que collectivise-t-on ? Le fonds de commerce, c'est-à-dire l'univer­salité juridique composée des droits (nom commercial, brevets

d'invention, marques de fabrique, clientèle, etc.), et des biens immobiliers (matériel et marchandise). Ainsi, l'État détient le droit des entreprises existantes à se maintenir ou se développer, ou la création de nouvelles entreprises. Le capitaliste demeure libre d'investir dans les entreprises autorisées, et sûr de récupé­rer toujours un capital complètement rémunéré. La direction au jour le jour de l'entreprise lui échappe. Mais on peut penser qu'il gardera, par la menace du retrait de son capital, un cer­tain poids sur les décisions du directeur, qui lui est d'ailleurs lié par un contrat de financement. Donc, bien que le groupement professionnel, qui négocie les contrats de Plan avec l'Etat, ne comprenne nul délégué du capital, les capitalistes ne conserveraient-ils pas une influence importante sur les gérants, et grâce à elle, sur le plan lui-même?

Le directeur général de l'entreprise sera nommé par les pou­voirs publics. Ensuite, il dirige seul: " l'entreprise, pour être bien menée, exige que la direction soit le fait d'un seul homme... il paraît souhaitable que le principe de la monoges­tian ne soit pas mis en cause" (p. 466). Le conseil d'adminis­tration est remplacé par un conseil de surveillance, compre­nant des représentants des travailleurs et des actionnaires, associant ainsi étroitement le capital et le travail. Ce conseil désigne les directeurs, et approuve, après examen, les décisions du directeur général. Cette participation des travailleurs pré­sente des risques nombreux, si ces ouvriers sQnt élus au conseil " plutôt pour leurs qualités politiques que pour leurs qualités d'intelligence et de bon sens nécessaires à l'exercice d'une mis­sion aussi délicate que l'administration d'une grande affaire", mais" il est fort à penser que les satisfactions données par le présent texte aux travailleurs les conduiront à en user saine­ment" (p. 467). Les expériences de la Libération apportent quelques éléments de réponse à ces interrogations.

II. Des soviets partout ?

Gestion collective et nationalisations à la Libération

Le 28 septembre, Fernand Picard, membre de l'O.C.M., rend visite à Aimé Lepercq (alias Landry), ministre des Finances du gouvernement provisoire, lui aussi de l'O.C.M. Il déclare à Picard que" ... l'agitation ouvrière inquiétait le gouvernement et qu'~l s'en préoccupait afin de revenir au plus vite aux condi­tions normales de production... de véritables soviets s'étaient institués dans les usines du Centre... " (Picard, 1976, p. 252).

ILL Les entreprises réquisitionnées

Des soviets ? En fait, pour des raisons diverses, et principale­ment dans le Midi, le Centre et la région lyonnaise, des entre­prises ont été placées sous séquestre, ou réquisitionnées par certains commissaires de la République, notamment Yves Farge à Lyon, Raymond Aubrac, à Marseille, Jacques Bounin à Montpellier. Ainsi, dans environ une centaine d'entreprises françaises (Madjarian, 1980, p. 167), se constituent des comi­tés de gestion dont la composition, les responsabilités et les réalisations furent très diverses. A Toulouse, dans les grandes usines d'aviation, représentants de l'État et représentants syndicaux sont associés à la gestion, conformément à un décret du gouvernement provisoire pris à Alger le 22 mai 1944. Dans la plupart des autres cas, les mesures de réquisition ou de séquestre furent prises soit au titre de sanction contre des patrons collaborateurs, soit en réponse à des carences ou à des manœuvres patronales d'opposition ou d'obstruction à la reprise de l'activité économique.

Ces réquisitions sont fondées sur la loi du Il juillet 1938 sur l'organisation de la nation en temps de guerre, et sur l'ordon­nance du 10 janvier 1944 relative aux pouvoirs des commis­saires régionaux de la République. L'institution des comités de gestion résulte de décisions locales, particulières et diverses. Les fonctions de ces comités sont tantôt limitées à un rôle consultatif, tantôt vont jusqu'à la direction complète de l'entreprise. Leurs structures sont elles-mêmes fort variées (Domenichino, 1973, Bourderon, 1974, Madjarian, 1980, Chenu, 1981). Parfois, la constitution d'un comité de gestion négociée avec les travailleurs fut un moyen pour les patrons d'éviter pire, c'est-à-dire la mise sous séquestre. Ainsi aux usines Fouga, à Béziers, ou aux Forges de Tamaris, à Alès (Bourderon, 1974, p. 17 et 223, Madjarian, 1980, p. 175).

Ni projet concerté, ni visée politique précise chez les commis­saires de la République qui procédèrent à des réquisitions -et dont nul n'est communiste. Mais, plus ou moins définies, des positions idéologiques : " Les réquisitions de Marseille résul­tent de deux illusions. Commissaire régional à Marseille, j'avais cru d'abord à l'épuration, ensuite aux réformes de structure ", dit Aubrac (cité par Guiral, 1974, p. 130). L'inspiration géné­rale de ces tentatives provient des pIanistes, non des commu­nistes. Ceux-ci sont du reste d'abord réservés (Bourderon, 1974, p. 228), même lorsque localement des membres du

P.C.F. s'engageront avec un enthousiasme fervent dans ces entreprises de gestion. Initialement, et dans sa diversité, le mouvement de gestion ouvrière trouve son inspiration dans les idéologies réformistes, et s'inscrit dans l'analyse social­démocrate de la Libération comme période de transition vers le socialisme. Cependant, ce n'est pas une décision d'État, mais des initiatives locales. Il touche non" les structures ", mais des entreprises de tous ordres, et de toutes tailles, sans considéra­tion de l'opinion des puissances alliées, dont les troupes sont sur le sol national (Aubrac, 1973, p. 205). Aussi inquiète·t·il ceux mêmes qui devraient lui être sympathiques, et à plus forte rai­son ceux dont il atteint les intérêts. Dans les rangs socialistes, on formule des réserves. Robert Lacoste, surtout, ministre de la Production, est loin de ces vues autogestionnaires: le 22 sep· tembre 1944, il interdit toute mise sous séquestre (Peyrenet, 1980, p. 36). Aux réserves des hommes politiques s'ajoutent les entraves de l'administration qui, dans la sphère économique notamment, n'a pas été bouleversée par la Libération (Peyre­net, 1980, p. 138, p. 162). Plus résolue encore, l'opposition du patronat et des banques. A Marseille, celles· ci se refusent" au moindre appui, à la moindre transaction avec les établisse­ments qui ont un séquestre" relève en mars 1945 la commis­sion permanente d'épuration (Guiral, 1974, p. 142).

Malgré ces traverses, la gestion des entreprises réquisitionnées obtint des succès marquants (Guiral, 1974, p. 131).

Ni chez Berliet, ni ailleurs, il n'y eut une gestion exclusivement ouvrière, ni une autogestion excluant toute hiérarchie. Au contraire, les cadres conservèrent leurs positions et leurs fonc· tions. Ceux qui adhéraient le plus résolument à l'entreprise n'étaient pas les moins décidés à maintenir leur rang et leur responsabilité. Ainsi, aux Aciéries du Nord, à Marseille, Georges Comin accepta la direction de l'entreprise réquisition­née à condition de proscrire toute considération politique, et de demeurer sur le plan industriel. Il était convaincu que l'exemple moral est le fondement de l'autorité, " qu'il fallait que le chef montre qu'il était le chef", déclare-t-il à Chenu (1981, p. 193, note 2). Il dirige sans faiblesse, ni compromis, assisté par un comité consultatif provisoire, formé d'un ingé­nieur, d'un technicien et d'un ouvrier, tous de la C.G.T. Il n'y a donc pas gestion directe par les travailleurs des diverses caté­gories, mais intervention de ceux-ci, dans une gestion et une organisation qui demeurent conformes au modèle et aux prin­cipes antérieurs. Elle procède, comme l'observe Chenu (1981,

p. 174), par une double délégation: d'abord des syndiqués aux responsables syndicaux, ensuite des directions syndicales à des cadres de gestion. On peut dire que ces expériences furent anti­hiérarchiques. Les cadres qui n'étaient compromis ni dans la collaboration, ni dans la répression patronale conservèrent leur autorité. Comin avait été licencié des Aciéries du Nord en 1943 par des patrons collaborateurs pour manque de zèle contre les" freinages" ouvriers de la production. Il fut rappelé à la tête de l'entreprise par le comité de gestion. Ni gestion ouvrière, parce que la gestion dans les cas les plus avancés n'intéresse pas les seuls ouvriers; ni gestion directe, parce qu'il ya toujours, à divers degrés, délégation d'autorité; ni autoges­tion, parce que l'encadrement conserve le même rôle, et que les autorités extérieures, notamment les commissaires de la Répu­blique, suivent les affaires de près, parce qu'enfin l'expropria­tion des capitalistes ne fut jamais acquise. Il s'agit en fait de gestion collective, dont les résultats montrèrent tout ce qu'elle aurait pu apporter au redressement national.

Les craintes que ces transformations de la gestion inspirent aux cadres sont donc, lorsqu'ils ne sont pas compromis, exces­sives. Les aviver est une politique, à quoi le patronat s'emploie. Les apaiser en est une autre, qui peut contribuer fortement au maintien d'une certaine unité nationale constituée dans la Résistance. A trop aller dans ce sens ne risque-t-on pas cepen­dant de minimiser, voire d'ignorer des initiatives porteuses d'avenir dans le domaine de la gestion?

11.2. Attitudes du P.C.F. et de la C.G.T. envers la gestion collective et les nationalisations

"Achever victorieusement la guerre. Reconstruire notre économie". Tels sont les objectifs énoncés en septembre 1944 par Benoît Frachon devant une assemblée de cadres syndicaux de la C.G.T. Il ajoute: " Notre peuple qui a montré tant de qualités au cours de ces quatre dernières années est capable de fournir l'effort nécessaire pour la reconstruction. Il serait cependant inadmissible que cet effort fût demandé dans l'inté­rêt des trusts" (Frachon, 1946, p. 26).

En octobre, les usines Renault viennent d'être réquisitionnées. S'adressant aux métallurgistes parisiens, Frachon, faisant réfé­rence au discours de De Gaulle à Lille, réclame la confiscation des entreprises des traîtres et des collaborateurs (ibidem,

p. 42). Mesure de justice, mesure aussi d'intérêt national, mesure conforme au programme du C.N.R. La confiscation est l'instrument des nationalisations, et celles-ci sont le moyen de la planification : " Il faut que les entreprises nationalisées comme celles qui seront confisquées deviennent réellement la propriété de la nation entière. Ainsi l'État pourra les utiliser de façon rationnelle, établir des plans de production basés sur les nécessités nationales et les besoins de la population... " déclare-t-ille 22 novembre 1944 (p. 97). On remarquera que Frachon parle de futures confiscations. Il y a bien le désir de voir ainsi s'étendre le domaine des entreprises nationalisées. Sait-il que deux mois plus tôt, dès le 22 septembre, Robert Lacoste avait interdit aux commissaires de la République toute nouvelle mise d'usine sous séquestre (Peyrenet, 1980, p. 36) ? Sans doute pas, puisqu'il demande que l'on fasse pour d'autres ce qu'on vient de faire pour Renault. Sans doute pas, puisqu'il enchaîne du thème de la planification nationale à celui de la gestion des entreprises. Il y a en effet, dans la direction et la gestion des entreprises, un enjeu à la fois national et social. Une gestion efficace est nécessaire à la victoire et à la recons­truction nationales, que les trusts demeurent prêts à compro­mettre pour conserver ou reprendre leurs propriétés : enjeu national. Un_e direction efficace est le moyen de déjouer cette manœuvre. Eviter grâce à une direction efficace le retour des usines aux mains des trusts est un enjeu de classe qui concourt au redressement national. Les comités de gestion institués en province dans les entreprises réquisitionnées sont un moyen de mettre en place des directions qui ne failliront pas. Grâce à ces " nouvelles directions oû sont représentés les ouvriers et les techniciens... la production a pu reprendre presque immédia­tement ". On trouve ici le principe de délégation de pouvoir, dont Chenu observait la pratique dans les usines marseillaises (1981, p. 74) : les comités de la Libération consultent les ouvriers de l'entreprise pour désigner un directeur qui sera assisté de représentants du personnel. Les fonctions de la direc­tion ne sont pas transformées dans leur principe. L'institution du directeur, l'exercice de son autorité, le contrôle de son acti­vité sont soumis à des conditions démocratiques.

Mais ces mesures n'ont pas de caractère révolutionnaire. Ni la nationalisation de Renault, ni la gestion de Berliet, que Frachon cite en exemple dans un rapport de septembre 1945, ni les autres réquisitions n'ont le moindre caractère d'audace " révolutionnaire". La réquisition ne signifie" ni la nationali­sation, ni la confiscation... " et " la nationalisation... n'a rien à voir avec le socialisme" (p. 178).

Ni le P. C. F., ni la C.G.T. ne mettent en vedette les expériences des usines réquisitionnées, qui sont tenues pour un instrument parmi d'autres de la lutte pour le renouveau de l'économie française, une forme particulière de démocratie dans l'entre­prise. Mais il n'en est pas toujours fait état: on laisse ainsi cours à toutes les interprétations délibérément excessives propres à alarmer certaines catégories sociales qu'on aurait souhaité apaiser, voire rallier, au risque de décourager les enthou­siasmes que ces expériences avaient suscités, et de perdre les enseignements qu'elles avaient portés. " Il est significatif à cet égard que François Billoux, dans l'article des Cahiers du communisme qu'il consacre en décembre 1947 à " la leçon des événements de Marseille"... , passe totalement sous silence le fait que des usines comptant parmi les plus importantes de la ville ont été réquisitionnées et gérées sous le contrôle de diri­geants communistes et de la C.G.T. Puisque la problématique qui permettrait de... penser en termes d'avancées autogestion­naires fait défaut, l'expérience marseillaise ne peut guère être lue que comme une tentative aventuriste de soviétisation, comme l'amorce locale avortée d'un processus révolutionnaire" (Chenu, 1981, p. 244).

II.3. La nationalisation de Renault

Réquisitionnée le 27 septembre 1944, la Société anonyme des usines Renault fait l'objet, le 16 janvier 1945, d'une ordon­nance de nationalisation, qui la constitue en Régie Nationale. Procédure rapide, pour une nationalisation singulière.

Elle est" prononcée, il est vrai, non par principe, mais comme une sanction ", dira de Gaulle (1959, p. 114). Si, au fond, elle s'inscrit fort bien dans le programme du C.N.R., si elle répond aux vœux des résistants et de bien des ouvriers, c'est une déci­sion venue d'en haut. Dans son journal, Picard (1976b, p. 300) Y insiste. Dès le 6 octobre, deux jours après la nomination d'un administrateur provisoire, Reybeyrol (alias Robin), socialiste, membre de l'Assemblée consultative provisoire, membre de l'équipe de direction du Parisien libéré, secrétaire général de l'O.C.M., expose à la section de l'O.C.M. de Renault" com­ment on voyait en haut lieu la réquisition des usines et leur nationalisation" (cette dernière ne sera prononcée qu'en jan­vier). Il souligne que l'expérience est observée par les milieux économiques et politiques mondiaux. Le 20 octobre, Lefau­cheux s'adresse à la maîtrise de l'usine, reprend ces mêmes ter­I}les et souligne" l'attention passionnée qu'on lui portait aux Etats-Unis et en Angleterre. L'espoir de libération dans l'ordre qu'elle apportait aux ouvriers des deux continents". Libéra­tion dans l'ordre parce que surveillée.

Renault constitue un exemple, une démonstration décidée au niveaux supérieurs de l'État, et destinée notamment aux alliés occidentaux. Concertée en haut lieu, expédiée promptement, la procédure ignore les consultations à la base. Nennig, secré­taire du syndicat des métaux C.G.T. de la région parisienne, critique l'empressement de Robert Lacoste (cité par Peyrenet, 1980, p. 36). D'ailleurs, et contrairement à ce qu'avance Madjarian (1980, p. 251), les ouvriers de l'usine, y compris les militants, ne sont pas immédiatement convaincus que la natio­nalisation constitue pour eux un changement. Avec un certain temps, ils y ont adhéré comme à une réforme positive. Elle ne leur parut pas d'emblée le résultat de leur action politique ou de leurs revendications (Poperen, 1983, p. 41). Décision d'État, la nationalisation de Renault n'est pas, en elle-même, directement le résultat de la " pression des forces ouvrières et démocratiques unies" (Treppo, 1966, p. 17), encore moins d'une poussée postinsurectionnelle dans une phase de double pouvoir (Madjarian, 1980, p. 240).

Ce n'est pas non plus exclusivement une mesure de politique industrielle (Poperen, 1983, p. 41). Ce fut bien, plutôt, une mesure politique dans le domaine industriel. Il y a, bien sûr, des considérations d'intérêt national en matière industrielle. Tout d'abord, un motif peu souligné d'ordinaire, l'effort de guerre et la défense nationale. Les fabrications automobiles peuvent, "plus aisément et plus directement que toutes les autres, être utilisées à des fins purement militaires" (cité par Hatry, 1982, p. 413). De Gaulle attache personnellement une grande importance aux industries mécaniques dans la défense nationale (Picard, 1979b, p. 301). Motif que de son côté Frachon (1946) invoque dans la " Vie ouvrière ", organe de la C.G.T., le 5 octobre 1944. Outre la réparation de matériel américain, et la production de camions, on envisagea aussi, fin 1944, l'étude et la fabrication d'un car lourd (Picard, 1976,

p. 272).

Ces raisons, qui rendaient la nationalisation de Renault aussi importante que celle des usines d'aviation comme Gnome et Rhône, prononcée en même temps, n'étaient pas moins impé­ratives pour d'autres entreprises de l'automobile comme Berliet, qui ne fut pas nationalisé alors. Au-delà des exigences de l'effort de guerre, au-delà du programme du C.N.R., il y a chez les cadres des entreprises, de Renault en particulier, sur­tout chez ceux qui n'ont pas participé à la Résistance, des craintes de " glissement " vers le " communisme intégral ", craintes qui font écho à celles de la petite et moyenne bourgeoi­sie, bien notées par Picard (1976, p. 262). Craintes avivées par les bruits de " soviets" dans les usines de province. Pour les apaiser, il faut au plus vite nationaliser, pour donner droit au programme du C.N.R., mais dans l'ordre, ce qui veut dire " par en haut". Il faut une nationalisation qui soit un exem­ple. Sanction exemplaire pour la trahison d'un industriel connu de tous : Louis Renault était à l'industrie française ce que Philippe Pétain était à l'armée. Réorganisation et remise en route exemplaires, parce que tout se fera dans l'ordre. Nationalisation exemplaire, enfin, parce qu'elle demeurera unique en son genre. Car si la planification et la nationalisa­tion sont accueillies favorablement par la partie novatrice du patronat, elles rencontrent aussi une opposition puissante et résolue, notamment au sein de la Chambre syndicale de l'auto­mobile (Picard, 1975, p. 126). Les idées, les plans et les hommes existent pour mener à bien cette démonstration : ce sont les résistants de l'O.C.M. qui, plus minutieusement que d'autres, ont médité, voire programmé les conditions de la reprise industrielle à la Libération. Ils ont l'oreille du patronat moderniste. Leur mouvement recrute principalement chez les cadres. Ils sont en bonne place : Lepercq ministre des Finances, Piette, secrétaire général du ministère de la Produc­tion industrielle, Lefaucheux, chargé de mission par Lacoste. Tous trois notamment se connaissent, ont milité, réfléchi ensemble, et contribué à la rédaction de " la réforme économi­que de l'O.C.M. ". Ils peuvent agir vite et résolument. Les ordonnances de 1945 portent clairement l'empreinte de l'O.C.M. Le principe de la responsabilité et de l'autorité indi­viduelles du directeur qui implique son indépendance, sous un contrôle a posteriori, en est le trait le plus marquant. Le comité central d'établissement figure aussi, sous le terme de comité de surveillance, dans les projets de l'O.C.M., quoi qu'il ne leur soit pas exclusif. Malgré ses limitations, le C.C.E. jouera, aux débuts de la Régie, aussi pleinement que possible son rôle économique (Poperen, 1983, p. 45), à mesure que les travailleurs saisissaient la portée précise de la nationalisation.

La nationalisation de Renault, et " l'esprit Régie" qui s'en dégage, résultent du concours de nombreuses forces qui s'équi­librent. La Régie elle-même peut être considérée comme le point de fixation de cet équilibre d'antagonismes. Sanction exemplaire contre un patron illustre, sinon le plus illustre pour la plupart des Français, elle marque la condamnation immé­diate de la collaboration industrielle. Elle est une éclatante satisfaction donnée à la volonté populaire de châtier les traîtres patronaux. Aussi doit-elle être sans appel. Pour les autres, le temps pourra en atténuer la rigueur, voire les annuler tout à fait. Elle doit aussi être une satisfaction exemplaire aux désirs de transformer le.s rapports dans l'entreprise. Elle devancera les autres usines dans la mise en place des comités d'établisse­ments. Mais" usine-pilote" sous la " coupe de l'État", par son exemple même elle fixera les limites de ces transformations au-delà de quoi les travailleurs ne sauraient s'avancer dans la gestion directe: monogestion, souveraineté du directeur, et nomination de celui-ci par l'État, rôle consultatif du comité d'établissement. Tout justifiait que Marius Berliet soit sanc­tionné comme Louis Renault. La nationalisation des usines était aussi importante pour l'effort de reconstruction et aussi profitable pour la nation, dans l'un et l'autre cas. Mais outre que l'administrateur provisoire de BerHet était communiste, sa désignation n'était pas le fait de l'État, la gestion laissait une grande place aux organisations de travailleurs. Nationaliser Berliet et d'autres entreprises réquisitionnées, c'était amorcer un" glissement". Réussir la nationalisation de Renault, c'était réussir une " libération dans l'ordre ", démontrer, notamment aux alliés américains, qu'on pouvait se tenir entre" le capita­lisme de droit divin " et " le communisme intégral ". Pour les travailleurs qui découvraient progressivement la portée et les limites de la nationalisation, pour leurs organisations qui pen­saient peut-être déjà plus l'obtenir tout entier, la nationalisa­tion n'était en rien révolutionnaire, mais c'était une transfor­mation non négligeable, c'était aussi un outil remarquable pour la reconstruction. L'institution de la Régie établit ainsi un accord, qui se montrera fécond, entre différentes forces nationales, et entre les diverses catégories sociales qui les repré­sentent au sein de l'entreprise. On ne pouvait accorder moins aux ouvriers, sans laisser subsister dans l'usine et au-dehors le sentiment que rien n'avait changé depuis 1939. On voulait ne rien accorder au-delà, afin de rassurer les cadres, et plus géné­ralement, le patronat.

Sur la base de cet accord a minima, l'enthousiasme naîtra cependant. Grâce, on l'a beaucoup et justement dit, à un pro­duit nouveau et populaire, la 4 CV. Grâce aussi à une muta­tion technologique réussie, qui donnait carrière à des techni­ciens et ingénieurs novateurs et s'inscrivait de façon éclatante dans la " bataille de la production ".

Jean-Pierre POITOU

BIBLIOGRAPHIE

AMOYAL, J. ; 1974, Les origines socialistes et syndicalistes de la planification en France, Le Mouvement Social, 1974, 87, 137·169. BLOCQ·MASCART, M.; 1945, Chroniques de la Résistance suivies d'études pour une nouvelle révolution française par les groupes de l'O. C.M., Paris, Corrêa, 1945. BLUM, L. ; 1947, Révolution socialiste ou révolution directoriale? Paris, Spartacus, 1947. BOURDERON, R. ; 1974, La libération du Languedoc méditerranéen, Paris, Hachette, 1974. BOUVIER·AJAM, M. ; 1969, Histoire du travail en France depuis la Révolu· tion, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1969. BURNHAM, J. ; 1941, The managerial revolution, Harmonds worth, Penguin Books, 1962. CALMETTE, A.; 1961, "L'D.C.M. ", Organisation Civile et Militaire, Histoire d'un mouvement de résistance de 1940 à 1946, Paris, Presses Universi· taires de France, 1961. CHENU, A. ; 1981, Industrialisation, urbanisation et pratiques de classes. Le cas des ouvriers de la région marseillaise. Thèse de Doctorat d'État, Université de Toulouse le Mirail, 1981. CHEVALLIER, J.-.J., et al. ; 1946, EncycloPédie politique de la France et du Monde. Tome premier. La France. Paris, Éditions de l'Encyclopédie de l'Empire Français, 1946. DECLAS, G. ; 1979, Les usines Berliet, 1895·1949. Bulletin de la section d'histoire des Usines Renault, 1979,3, 18,264·271, 1979,3, 19, 326·333. DE GAULLE, Ch. ; 1956, Mémoires de guerre: l'Unité 1942·1944. Paris, Plon, Le Livre de poche, 1958. DE GAULLE, Ch. ; 1959, Mémoires de guerre. Le Salut, 1944·1946. Paris, Plon, Le Livre de poche, 1964. DOMENICHINO, J.; 1973, Marseille: Les usines réquisitionnées, Chaires d'histoire de l'Institut Maurice-Thorez, 1973, 4, 161-179. DREYFUS, P. ; 1977, La liberté de réussir, Paris, Simoen, 1977. DREYFUS, P. ; 1981, Une nationalisation réussie: Renault, Paris, Fayard, 1981. DUBREUIL, H. ; 1929, Standards. Le travail américain vu par un ouvrier

français. Paris, Grasset, 1929. EHRMANN ; La politique du patronat français, Paris, Colin, 1958. FINE, M. ; 1976, L'association française pour le progrès social (1927·1929). Le Mouvement Social, 1976, 94. FRACHON, B. ; 1946, La bataüle de la production. Paris, Éditions sociales, 1946. FRIDENSON, P. ; 1977, Diffusion de la Révolution, zn J.·P. Bardou, J.·C, Chanaron, P. Fridenson, J.·M. Laux, La Révolution Automobile, Paris, Albin Michel, 1977. FRIDENSON, P. ; 1979, La bataille de la 4 CV. Bulletin de la section d'his­toire des Usines Renault, 1979, 3, 18, 257·263. GUIRAL, P. ; 1974, La Libération de Marseille, Paris, Hachette, 1974. MADJARIAN, G. ; 1980, Conflits, pouvoirs et société à la Libération. Paris, Union Générale d'Éditions, 1980. MICHEL, H. ; MIRKINE-GUETZÉVITCH, B. ; 1954, Les idées politiques et sociales de la Résistance. Paris, Presses Universitaires de France, 1954. MOCH, J. ; 1927, Socialisme et rationalisation, Bruxelles, 1927. PEYRENET, M. ; 1980, Nous prendrons les usznes. Berliet, la gestion ouvrière (1944-1949). Genève, Slatkine Garance, 1980. PHILIP, A. ; 1928, Henri de Man et la crise doctrinale du socialisme. Paris, 1928. PICARD, F. ; 1975, Naissance de la 4 CV. Bulletin de la section d'histoire des Usines Renault. 1975, 2, 10, 118-148. PICARD, F. ; 1976, L'éPoPée de Renault. Paris, Albin Michel, 1976. PICARD, F. ; 1976 (b), Journal clandestin. Carnet de route et journal secret. Bulletin de la sectz'on d'histoire des Usines Renault, 1976, 2, 13, 273-283 ; 1977,3,14,30-42; 1977, 3,15,99-110; 1978,3,16,161·175; 1978,3,17, 227-237 ; 1979, 3, 18, 293·303. PICARD, F. ; 1979, Action de résistance du groupe O.C.M. des usines Renault au cours de l'occupation. Présentation. Bulletin de la section d'his­toire des Usines Renault. 1979,3, 19, 347-349. POPEREN, C. ; 1983, Renault, regards de l'intérieur. Paris, Éditions sociales, 1983. SCOT, J.·P. ; 1981, Stratégie et pratiques du P.C.F., 1944.194?, in R. Bour­deron et al., Le P. C.F., .étapes et problèmes, 1920-1972, Paris, Editions socia· les, 1981. SOLOMON, J. ; 1939, Contribution au programme de redressement du P.C.F., Cahiers du bolchévisme, 1939, nO 4. VILLON, P. ; 1983, Résistant de la première heure. Paris, Éditions sociales, 1983. WINTENBERGER, R. ; 1944, Action de résistance du groupe O.C.M. des usines Renault au cours de l'occupation. Bulletin de la section d'histoire des Usznes Renault. 1979, 3, 19, 350·357; 1980, 4, 20, 52·56. WOLIKOW, S. ; 1981, Le P.C.F. et le Front populaire, in R. Bourderon et al., Le P.C.F., étapes et problèmes. 1920·1972. Paris, Éditions Sociales, 1981.