02 - L'expansion territoriale de 1902 à 1914

========================================================================================================================

L'EXPANSION TERRITORIALE DE 1902 à 1914

A la fin du XIXe siècle le village de Billancourt jouit d'un site exception­nel: une boucle de la Seine et les coteaux verdoyants de Meudon qui surplombent la localité en font un lieu d'agrément aux portes de Paris.

Déjà, à cette époque, des règlements d'urbanisme, sans être aussi draco­niens qu'aujourd'hui, s'appliquaient à des secteurs bien définis.

C'est' ainsi qu'une partie du territoire de Billancourt, urbanisé par la Société V;C. Bonnard et Cie qui, selon les règlements alors en vigueur, avait établi un cahier des charges fixant les conditions d'utilisation des sols et garanti~s,ait ainsi ,. JElcâract~re rési­dentiel de cette banlieue.

\_, _, .• " l "w, _., j l'.' l"l ,","

3,~

Les

Il va sans dire que bon nombre de Parisiens sont attirés vers Billancourt, où ils trouvent repos et détente: les résidences luxueuses se multiplient sur ces bords de Seine si attachants.

Parmi ces citadins, un commerçant en draperie et boutons de la rue Laborde, Alfred Renault acquiert cours Eugénie (devenu avenue du Cours puis avenue Émile-Zola) une propriété apparte­nant aux consorts Houppe dans le but d'y établir une résidence secondaire, nous sommes le 6 décembre 1875. Huit autres acquisitions suivront por­tant la surface de la propriété à 11.973,19 m2, dont une réalisée le 16 avril 1878 provenant de la succes­sion du docteur Chouippe et dont nous aurons l'occasion de parler plus loin.

usines Renault en 1914.

Le 8 octobre 1883 Alfred Renault réalise sa dernière acquisition et dis­pose d'une propriété bordée par le cours Eugénie et les rues Gabrielle, Théodore, du Point-du-Jour et Tra­versière.

Alfred Renault y résida avec sa famille en dehors de ses occupations profes­sionnelles et y mourut le 7 juin 1892. Louis Renault son fils cadet avait alors 15 ans.

La mécanique prenait son essor et Louis Renault n'échappa pas à son influence et l'automobile le passionna. Il installa un petit atelier dans le

m2potager familial' qui couvrait 38 d'oÙ sortit sa première voiturette. ".

Devant le succès de ses recherches, et poussé par ses frères Fernand et Marcel, il accepta de fonder avec eux une Société au capital social de

60.000 francs qui prit le nom de Société « Renault-Frères ». Ceci eut lieu avant 1900 pendant les «Années Folles ».

Les frères Renault avaient limité leur activité à cet atelier qui tenait de l'abri de jardin et qui subsiste encore dans le jardin d'honneur de l'Usine aettiefte. et il fallut attendre le 12 mars 1902 pour que la Société toute jeune crée son propre patri­moine immobilier par l'acquisition de

m2

680,79 de terrain, le 18 juillet d'une autre parcelle de 6.334,21 m2, puis le 17 novembre d'une troisième de 440,12 m2, le tout pour une somme de 217.580,30 francs-or.

La Société poursuit sa fabrication et l'atelier du potager de Billancourt est devenu bien désuet, aussi une usine commence-t-elle à s'installer et le résultat ne se fit pas attendre. Le 16 mai 1902 le Comptoir Central de Crédit J. Naud et Cie, successeur de la Société V.C. Bonnard et Cie adresse une lettre à MM. Renault-

I.~".(I(I(/

,II.U.UQ(J j·J'U'(J(/

Il'U.~~,,

l'u.t'ut'

..

1(I(1.Q/1(1

~

ok'.t't'(I

~

~t!OQ(J

7Mt1Q

~

67l.1J()(J

~~ .~

.fp.at1

~

1IP'(fQ(J

Frères, Constructeurs d'Automobiles ­

139, rue du Point-du-Jour à Billan­

court:

(( Messieurs,

(( Par acte reçu par Me Planchat

(( notaire à Paris le 26 avril 1860,

(( notre Société, alors sous la raison

(( sociale V.C. Bonnard et Compagnie,

(( a vendu à M. le Docteur Chouippe,

(( un terrain sis à Billancourt d'une

(( contenance approximative de

m2

(( 6.496,76 entouré par les rues (( du Point-du-Jour, Théodore, Ga­(( brielle et le cours Eugénie. Dans (( cet acte, entre autres clauses figure (( la suivante: L'acquéreur ne pourra (( sur l'étendue du terrain à lui vendu, (( établir aucune carrière, four à chaux (( ou à plâtre, briqueterie, sablière, (( usine, manufacture, lavoir, abattoir (( et tuerie, qu'aucun établissement (( bruyant, insalubre ou incommode de (( nature à nécessiter une enquête de (( commodo et incommodo.

(( Contrairement à cette clause, vous (( avez établi sur partie de cet Îlot, une (( usine pour la fabrication des auto­(( mobiles, avec machine à vapeur et (( grande cheminée. Nous nous (( croyons fondés, tant comme ven­

EViJ/ut/tI" du ;:!"trln,()//14.;:#I'I"'"''

(i.l'~. 1.114)

(( deurs ayant imposé la clause pré­(( citée à notre acquéreur que comme (( propriétaires de terrains dans l'ancien (( village de Billancourt, à demander (( la suppression et la démolition de (( cette usine, et la présente a pour but (( de faire à ce sujet la plus expresse (( réserve de nos droits que nous (( entendons exercer quand et comme (( il nous apparaÎtra convenable.

(( Nous vous demandons aujourd'hui, (( de ne pas aggraver le dommage (( déjà causé à cette partie de Billan­(( court, par un agrandissement de (( votre établissement ce qui nous (( obligerait à vous intenter immédia­(( tement une action devant les tribu­(( naux, et de notre côté, nous vous (( laisserons un délai moral suffisant (( pour vous conformer à la clause (( acceptée par vos auteurs.

(( Mais il va sans dire que notre manière (( d'agir ne lie en rien les autres pro­(( priétaires qui conservent intégra­(( lement leur droit de vous demander (( la suppression de votre usine. (( Veuillez agréer, Messieurs, nos salu­(( tations distinguées. »

Formule de politesse aussi sèche et nette que le restant de cette corres­

JtJ.I()(1

NoM'

1d,P(/(/

pondance et lorsqu'en 1971 on lit de telles choses, on croit rêver!...

Quelle fut la réaction des frères Renault devant une telle mise en demeure? on le devine: ils passèrent outre, mais leur politique foncière fut d'acquérir au plus vite tous les terrains frappés de la servitude Naud.

m2

C'est ainsi que 865 furent acquis le 23 juin 1903 puis le 4 juillet

m2

440 et la Société Renault-Frères, étend son patrimoine foncier de

m2

1.305 pour un investissement de 69.285,85 francs.

A la mort d'Alfred Renault les biens familiaux étaient restés indivis entre Madame Renault née Louise Berthe Magnien et ses fils. C'est alors qu'aux termes d'un acte en date du 23 juil­let 1904 reçu par Maîtres Bachelez et Couturier notaires à Paris, le partage des biens attribue définitivement à Louis et Fernand Renault une par­celle de terrain de 5.623,86 m2 estimée à 37.750 francs ce qui porte la propriété tous frais confondus à

39.509 francs.

Le même jour Fernand et Louis apportent la totalité de l'unité fon­cière qui aujourd'hui constitue l'Îlot A de l'Usine et la Société se voit à la tête d'un patrimoine foncier de 14.383,98 m2•

Entre-temps, la famille Renault est frappée d'un deuil cruel. Au cours du rallye Paris-Madrid, Marcel Renault victime d'un accident, trouve la mort le 26 mai 1903 à Payre dans la Vienne, dans une ferme où il a été transporté grièvement blessé.

Louis et Fernand seuls survivants poursuivent l'œuvre entreprise et vont continuer à eux deux d'investir des capitaux pour accroître le potentiel immobilier de la Société.

En 1905 le 15 février c'est l'acqui­

m2

sition de 13.346,10 pour

260.000 francs et en 1906 le 2 mars et le 30 mai 17.890,70 m2 sont acquis au prix de 606.465,20 francs.

Après la dissolution de la Société Renault-Frères, les immeubles en dépendant et situés sur le territoire de Boulogne-Billancourt ont tous été attribués en pleine propriété à Louis Renault suivant un acte reçu par Maîtres Bachelez et Couturier le 29 janvier 1909.

40

C'est-à-dire qu'à cette date le jeune industriel de 32 ans est seul maître d'une entreprise qui couvre 45.620,78 m2 de terrain à Billancourt et pour lesquels un investissement total de 1.192.840,35 francs a été engagé depuis la création de la Société Renault-Frères.

Le 31 juillet 1909 Louis Renault acquiert pour 72.578,18 francs une propriété toujours frappée de la ser­vitude Naud qui semble bien ne plus avoir grand effet et qui couvre 4.008,90 m2• Cette propriété appar­tenait à un fabricant d'horlogerie dont le nom est devenu familier de tous ceux qui ont travaillé ou qui tra­vaillent encore chez Renault: en effet il s'agit de Gustave Sandoz qui a donné son nom à une portion de la rue du Point-du-Jour et qui relie la place Nationale aux fonderies actuelles.

Après les innondations de jan­vier 1910, 4 terrains furent acquis:

- le 1 6 mars 304,40 m2

pour 8.288,20 F

->--­ le 16 mars 239,90 m2

pour 7.889,20 F

- le 2 juillet : 1.014,00 m2

pour 82.612,10 F

m2

-le 1 0 septembre: 4.782,54 pour 111.467,95 F

A la fin de cette année 1910, l'en­semble des bâtiments des Usines de Billancourt couvrait une surface

m2

de 44.722 pour une surface de terrain de 55.970,52 m2•

L'année 1911 vit se réaliser 6 nou­velles acquisitions:

m2

-le 14 juin 2.234 pour 51.992,45 F

m2

-le 29 juillet 7.834 pour 300.000,00 F

-le 11 août : 12.085 m2 pour 436.153,85 F

-le 4 octobre 652 m2 pour 21.735,05 F

-le 21 octobre 1.100 m2 pour 19.580,60 F -le 28 novembre: 1.534 m2 pour 43.220,95 F

Malheureusement, les différents docu­ments qui ont été retrouvés et qui traitent de l'évolution territoriale de Billancourt, ne font pas état des diffé­rentes locations que Louis Renault a contractées tout au long de son activité, sauf peut-être à partir des années 1920.

Cependant on croit pouvoir affirmer que certaines des acquisitions qui sont énumérées dans ce texte ont fait l'objet de locations préalables.

C'est en 1912 que furent acquises le plus grand nombre de parcelles puis­que nous enregistrons 19 acquisitions dont la première effectuée le 20 janvier et la dernière le 14 décembre, appor­tant 34.605,62 m2 au patrimoine fon­cier pour un investissement de 995.051,85 francs.

Jusqu'alors les extensions se sont localisées autour de la propriété ini­tiale d'Alfred Renault et ce n'est qu'en 1913, que 3 acquisitions sur 9 réalisées au cours de l'année, on voit apparaître un embryon d'usine à la limite de Paris sur le quai du Point-du-Jour et qui deviendra par la suite l'Usine O.

Ces 3 acquisitions ont été faites les 21 et 22 mai et le 10 juin ce qui représentait 14.859,55 m2, les 6 autres apportaient toujours une extension à l'Usine principale et à la fin de

m2

l'année 1913, 20.217,47 étaient devenus propriété de Louis Renault pour la somme de 1.020.066,50 francs. En 1914, 10 nouvelles acquisitions apportent 7.802,32 m2 pour un inves­tissement de 241.472,10 francs.

Ces 10 nouveaux terrains ont été acquis entre le 5 mai et le 11 juillet.

A cette époque la superficie fon­cière des Usines Renault était de 144.035,70 m2, l'investissement total réparti sur les 12 premières années de l'entreprise se monte à 4.604.949,93 francs et la surface construite est de 76.365 m2 et puis ... ce fut la guerre.

Jean DElCOURT

==============================