07 - Le 2ème salon de l'auto

========================================================================================================================

Le 2ème salon de l'auto

C'est en 1897, au Salon du cycle et de l'industrie, que l'automobile fit sa première apparition dans une Exposi­tion. Devant le succès obtenu, l'Auto­mobile-club de France décida d'orga­niser lui-même, l'année suivante, une exposition spéciale d'automobiles.

Le lieu choisi fut le jardin des Tuileries, allée des Orangers et terrasse du Jeu de Paume, le long de la rue de' Rivoli. « Nos collègues trouvèrent à l'Exposi­tion des salles de réunion et de confé­rences; le Touring-Club et la Presse eurent, de leur côté, un salon qui leur était respectivement réservé. Nous possédions également une galerie des machines, moins grande que celle du Champ-de-Mars, mais aussi bruyante et assurément plus achalandée. La surface couverte fut de 4934 m2; les voitures automobiles occupèrent 3233 m2 ; les moteurs, 182 m'2; les accessoires, 953 m'2; les machines­outils, 564 m2; le nombre des expo­sants s'élevant à 269 (1) ".

Pour pouvoir être exposées, les voi­turesautomobiles devaient effectuer, sous le contrôle d'un commissaire, le trajet Paris-Versailles et retour par leurs propres moyens, afin d'éviter de voir dans les stands des voitures sans moteur.

Ce premier Salon se tint en juillet 1898 et obtint un très grand succès. Le Président de la République, Félix Faure, s'y rendit et, après une courte visite officielle, déclara aux organi­sateurs : «Messieurs, vos efforts sont louables, mais vos voitures sentent

184

vraiment mauvais! ". Cependant le comité d'organisation avait « cherché à donner à cette Exposition le caractère de gaÎté et de distinction que /'A.C.F. apporte dans toutes ses manifesta­tions. Les décorations fleuries de Jambon, les artistiques installations de

M. Jansen, le brillant aménagement des stands où les exposants avaient rivalisé de goût, les plantes', les fleurs

donnèrent /'impression générale d'un

luxe de bon aloi (2) ».

Par le grand nombre des visiteurs,

comme par les commentaires élogieux de la presse, l'AC.F. pût mesurer la portée considérable de cette manifes­tation. Il décida que l'exposition serait désormais annuelle.

2e

Le Salon se déroula du 15 juin au 9 juillet 1899, toujours sur l'espla­nade des Tuileries, Mais l'espace pri­mitif étant trop petit, l'Administration accorda, non sans rechigner, la partie située en face de la rue de Castiglione. Afin de conserver la rue de Rivoli à la circulation, une passerelle, véritable arc de triomphe, relia cette partie à l'esplanade.

Les surfaces occupées atteignirent

m2

8500 dont 6000 pour les voitures automobiles, 400 pour les moteurs, 800 pour les machines-outils et 1 300 pour les accessoires. Quant au nom­bre des exposants il fut de 440.

L'inauguration eut lieu le jeudi 15 juin à 10 heures du matin, en présence d'une nombreuse assistance. «1/ faut d'ailleurs un fier courage aux élégants et aux élégantes pour s'aventurer au travers des planches et des enseignes que /'on continue à poser. 1/ y a pour­tant pas mal de gens chics. Voici entre autres le baron de Zuylen, la duchesse d'Uzès, Arthur Meyer, le duc d'Or­léans... (3) ", mais pas de ministres : le Ministère ayant démissionné et le ministre du commerce, M. Delombre, n'étant pas certain de retrouver son maroquin, avait préféré s'abstenir.

Qu'apporta cette exposition? «De

nombreux et grands progrès peuvent être constatés, écrivait «Le Matin" du 28 juin, et ce qui frappe le plus souvent le visiteur, ce sont les efforts souvent couronnés de succès de nos constructeurs pour établir la voiture légère, coquette et puissante à la fois, qui donnera satisfaction à tout le monde, aussi bien à /' excursionniste qu'au docteur de ville ou de campagne, au commis-voyageur, à toute une clientèle en un mot, qui a besoin de se transporter par tous temps, en maints endroits divers sans que, toute­fois, le prix du véhicule soit un obsta­cle à ses ressources ».

Quant au «Vélo,. du 5 juillet il s'ex­clamait «Et toujours on nous demande où est la véritable petite voiture automobile, le vrai moteur pratique pour la propulser. Ah! cette petite voiture des milliers et des mil­liers de personnes /'attendent».

(1) Gustave Rives octobre 1901). (<< la Locomotion» du le

(2) Gustave Rives octobre 1901). (<< la Locomotion» du 12

(3) Gustave Rives octobre 1901). (<< la Locomotion» du 19

Le plus extraordinaire est que cette petite voiture tant souhaitée était là. Précisément au stand Renault Frères. Mais elle était comme submergée par le flot des 440 exposants, ignorée de tous. Les journalistes ne parlaient que des Darracq, des Panhard-Levassor, des Cambier et autres de Dion-Bouton, et ils ne disaient mot de la jeune Renault. Il est vrai qu'elle n'avait que quelques mois d'existence. Elle était pourtant là, avec son innovation tech­nique, la prise directe qui allait quel­ques années pius tard s'imposer à tous les constructeurs; elle était là, légère, coquette, d'un prix abordable­à peine 4000 francs -avec ses 2 CV 3/4, presque identique à sa petite sœur de 1898.

Pour se faire connaître et admettre, il aurait fallu de la publicité et, à l'épo­que, la seule publicité efficace était la compétition. Encore quelques mois et la jeune Renault sera au départ de la

La voiturette Renault 1899 vue en plan

(d'après " la France automobile" du 12 novembre 1899).

plupart des épreuves. Qu'on en juge le 27 août dans la Coupe des Chauf­feurs; les 7 et 8 septembre, Paris­Ostende; les 18 et 19 octobre, Paris­Rambouillet; enfin, le 12 novembre, dans la course de côte de ChC)nteloup, et partout des places d'honneur sinon la première.

Alors la Presse automobile ouvrira ses colonnes à l'inconnue d'hier et, parmi elle, «La France Automobile» du 12 novembre qui présentera en ces ter­mes la VOITURETTE RENAULT.

La voiturette Renault

Le principe de cette voiture est de fonctionner avec un moteur de force relativement faible.

Pour obtenir dans ces conditions une bonne vitesse, le constructeur s'est efforcé de diminuer autant que possi­ble les frottements et les transmis­sions intermédiaires. Cette voiture n'a ni chaînes, ni courroies : la transmis­sion se fait directement par engre­nages. Elle possède trois vitesses, une marche arrière, commandées par un embrayage à friction.

Comme le montre la photographie (fig. 1) la voiture est suspendue sur quatre ressorts à pincettes fixés sur un cadre en tubes, sur lequel se trou­vent fixés le moteur, les changements de vitesse et la caisse; cette dernière est facilement démontable, car elle n'est maintenue sur le cadre que par quatre boulons, ce qui facilite le net­toyage et la visite du mécanisme. Le moteur de Dion et Bouton, à refroidis­sement à ailettes, est placé à l'avant de la voiture et son axe perpendicu­laire à celui des roues, il se trouve dans les meilleures conditions-de refroidissement.

La particularité de cette voiture est dans son changement de vitesse. En grande vitesse, la force se transmet directement à l'embrayage 2 (fig. 2) à un pignon d'angle 41 fixé sur le diffé­rentiel par l'intermédiaire de l'arbre 39 muni de deux points à la Cardan, d'un clavetage libre afin de permettre toutes les oscillations des ressorts.

Dans ces conditions, il n'y a que les deux pignons d'angle 41 -et une seule ligne d'arbre qui travaillent et la voiture se trouve sensiblement dans les condi­tions d'un motocycle.

La boîte des changements de vitesses, représentée (fig. 3) se compose d'un arbre 14, solidaire avec le cône d'em­brayage 2, sur lequel se trouve claveté un pignon 15, pouvant coulisser sur l'arbre 14, et portant un embrayage à crans permettant de le rendre soli­daire ou fou avec l'ensemble des deux pignons 16, de telle sorte que, dans la position du dessin, l'arbre 14 se trouve rendu solidaire avec la pièce 10 et 16 qui, reliée à l'arbre 39 par l'in­termédiaire du joint à la Cardan 40, ce qui explique ce que nous venons de dire précédemment. Pour obtenir

186

la moyenne vitesse, par exemple, il suffit de tourner la poignée 49, placée à gauche du conducteur, de gauche à droite, ce qui écarte le pignon 15 du pignon 16, fait tourner l'arbre excentré 22 autour de son axe, ce qui fait engrener le pignon fou sur l'arbre 22 avec les pignons 15 et 16 par l'in­termédiaire du pignon 21, ce qui effec­tue une double démultiplication.

Si nous tournons la poignée 49 de droite à gauche, nous ferons tourner l'arbre 25 au lieu de l'arbre 22 et le

mouvement se transmettra du pignon 15 au pignon 16 par l'intermédiaire de l'arbre 26 dans les mêmes conditions que pour la moyenne vitesse.

Pour obtenir, étant dans ces condi­tions, une marche arrière, il suffit d'in­tercaler un pignon d'angle entre les pignons d'angle de l'arbre 26 (fig. 3), ce qui renversera le mouvement. On intercalera ce pignon en l'appuyant avec une pédale. Le débrayage du cône 2 dans le volant 1 se fait à l'aide d'une pédale 12, cette dernière sert au débrayage et au frein simulta­nément, lorsqu'on la pousse à fond de course elle tend la bande 9 autour du tambour 10 ; ce frein est très puis­sant, vu la grande vitesse à laquelle tourne ce tambour. Un autre frein à main, situé à droite de la voiture, agit directement sur deux tambours placés sur les roues motrices. La direction se fait à l'aide d'un guidon ou d'une roue; sur la tige portant le guidon se trouvent placées les deux manettes du carburateur et celle de l'avance à l'allumage. L'élancement du moteur se fait à l'aide d'une manivelle placée sur le tablier de la voiture.

En un mot, tous les appareils servant à la commande de la voiture se trou­vent placés autour du conducteur.

La vitesse de cette voiture est de 35 kilomètres en palier et en grande vitesse, 16 ki lomètres à la moyenne et 8 kilomètres à la petite vitesse.

Le 2e Salon de l'automobile se termina le 9 juillet 1899 par une fête « aérosta­tique» et un grand banquet. La Renault 1899 rentra à Billancourt mais elle n'allait pas tarder à sortir de l'ombre.

Gilbert HATRY

En cette première année de l'après­guerre de nombreuses fêtes et manifes­tations tant sportives que culturelles sont organisées à Billancourt. Nous en présentons quelques-unes à nos lec­teurs dans les termes mêmes où le «Bulletin des Usines Renault» en a rendu compte dans ses colonnes.

Première fête estivale dans l'Ile Seguin . dimanche 17 mai

Cette réunion de famille, on peut l'ap­peler ainsi sans crainte d'être démenti par ceux qui ont eu l'heureuse fortune d'y assister, n'était en réalité qu'une prise de possession de la délicieuse ile que la générosité de M. Renault vient de mettre à la disposition de son Personnel afin qu'il puisse s'y livrer à des délassements sportifs, artistiques et champêtres.

Beaucoup d'ouvriers et employés s'y étaient rendus, bien que nous n'ayons pu la faire précéder de toute la publi­cité désirable, par suite de la pénurie des moyens de transport, qui eussent été insuffisants en cas de trop grande affluence. Nous avons lieu d'espérer qu'il sera bientôt remédié à cet état de choses.

La traversée fut effectuée à l'aide de larges barques habilement conduites par des rameurs vigoureux, ce qui embellissait encore d'une note tout à fait vivante et pittoresque ce bras de la Seine ordinairement si paisible.

Le soleil, prodigue de ses rayons, intensifiait l'intérêt qui poussait les spectateurs à cette manifestation spor­tive, placée sous la direction autorisée de M. Desmurs.

Nous avons assisté à des performances excessivement intéressantes dans tou­tes les branches du sport : éducation physique, courses à pied, escrime, gymnastique rationnelle, etc...

L'Harmonie et la Symphonie des Usines prêtaient leur concours et, en même temps qu'elles rehaussaient par leur présence l'éclat de cette charmante réunion, elles ne dédaignèrent pas de faire danser sur l'herbe les jeunes sportmens.

Les tambours et clairons, jetant dans l'espace leurs roulements et leurs