07 - J'ai travaillé aux Chars

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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J'AI TRAVAILLÉ "AUX CHARS"

Il faut vous dire qu'en section mé­canique il est impossible de ne pas connaître c le grand Lulu ». Aussi, si vous êtes en tôlerie ou en fonderie ou bien ailleurs, sachez

que depuis quarante ans Lucien Dufour est chez Renault.

Il a travaillé aux chars avant la Drôle de Guerre et, par la suite à U 5 pour terminer sa carrière comme contre­maître principal. Depuis douze ans il est à l'usine de Cléon.

«En 1932, dit-il, je suis entré chez Renault. Les petites bOÎtes fermaient à Billancourt et, puisque j'étais serrurier, on m'a mis aux chars. Au pont de Sèvres, il Y avait l'atelier 171, le bâti­ment Fiat où les pianos Gaveau avaient été fabriqués, et puis l'atelier 193 dit chez « Astra », près de la rue de Belle­vue, derrière le café Marius. C'est là que je suis entré après le régiment.

c l'assemblais les tôles de blindage de plusieurs centimètres; au retour du traitement de la trempe, on rivait et on boulonnait le char ZM (R 35) de 12 tonnes. Le chef d'atelier M. Prince avec le commandant Heurteau menait quatre cents gars, du montage seule­ment. On faisait les essais sur Sèvres, Meudon et Satory et on livrait les engins à l'arsenal de Rueil.

« Et puis il y a eu le U E, petit engin de 2 places pour le ravitaillement, 1 mètre de haut. Il faut dire que j'avais du mal à caser mon 1,85 m là-dedans. A l'intérieur, il y avait une manivelle qui permettait de déposer les muni­tions à l'engin à chenilles qu'il tractait en première ligne et cela sans sortir du poste de conduite. Et puis on a fait le BI, avec un moteur d'avions de 300 CV, char de trente tonnes, et après le BIbis de 35 tonnes. Nous fabri­quions beaucoup de ZM.

« A cette époque, c'était un char dont le blindage supérieur était coulé d'une pièce; la tourelle également était en acier coulé. Elle portait un canon de 47 mm et une mitrailleuse. Nous fabri­quions aussi les voitures de comman­dement YS blindées en acier de Il mm, tractées sur chenilles; la version ZF avait une tourelle armée.

c En 1935 on faisait des chars pour toutes les armées du monde. En Chine, certains de nous sont partis; c'était pour l'armée de Tchang Kaï-Chek. En Hongrie, pour l'amiral Horthy. De ce pays j'ai vu revenir des chars pour réparation en 1941, je reconnaissais bien les poinçons de contrôle de l'époque.

c Quand je suis revenu de la guerre en novembre 1940, j'ai retrouvé mon atelier; mais il était sous la coupe de Daimler Benz. l'étais parti dans les premiers en 1939, Cherbourg, la marine et puis l'Afrique d'où je suis revenu après Mers el-Kébir. l'ai été alors rapatrié avec beaucoup d'autres réser­

vistes.

« Le matériel qui avait été en partie évacué sur Royan à l'exode avait réin­tégré Billancourt. l'ai eu un nouveau contrat d'embauche, sans qu'on prenne mon avis. Les Allemands étaient patrons, en civils. Von Schreiber et puis Frédérik avec Hermann et Naida qui m'a mis son pétard sur le ventre lorsque je lui ai dit qu'avec un tel nom iln.e pouvait pas être c aryen ».

c Il y avait un commissaire civil SS allemand qui surveillait plus ses compa­triotes que nous-mêmes: on était bien trois cents en tout. Dans la maÎtrise, il y avait des Allemands qui avaient travaillé en France, tel ce «Mimile» chef d'équipe, vrai titi dont je me suis toujours méfié. On travaillait ... le moins possible; aussi ils essayaient de nous faire collaborer. Un jour on a eu un gueuleton dans l'atelier et sur la fin du repas un major est venu, sanglé dans son uniforme, grand, cheveux blancs, pour une harangue. Alors, à côté de moi, un gars a dit : c Claude (c'était le gérant de la cantine) est-ce qu'il y a encore à boire? -Non, a-t-il répondu ». Alors, on est tous partis et le major est resté avec son dis­cours.

c On ne faisait plus que la réparation: chars russes, anglais pris à Tobrouk, allemands et français. Fini le montage du ZM à la chaÎne; on bricolait beau­coup. Un jour, sur 22 chars en attente de livraison, 17 avaient leur bOÎte de vitesses fendue... Sabotage? On s'est retrouvé à cinquante, au fort de Mont­rouge, pour être fusillés le lendemain matin. Le commissaire SS est venu témoigner que nous n'étions pas en cause puisque les plombs étaient en­core en place sur les portes des chars depuis la réception de conformité; aussi on a été relâchés. On ne lui a jamais dit que nous avions des pinces à sertir les plombs.

« Et puis les équipages allemands venaient et suivaient les travaux de remise en état de leurs chars. Ils payaient le coup pour que ce soit bien fait et surtout pour qu'on n'aille pas trop vite.

«Au cours d'une visite de Von Rundstedt, l'atelier a d'abord été cerné par les SS armés jusqu'aux dents; et puis l'état-major a visité, mqréchal en tête. Nous, curieux, on regardait. Alors un Français est descendu du char où il travaillait pour lui demander du feu; il avait bien quatre mitraillettes sur le ventre. Le maréchal lui a donné du feu avec sa cigarette; tout ça sous la pancarte «ra uchen verb oten ». «Impossibles Français" disaient les Fritz, le lendemain. Pendant toute cette période il y avait beaucoup de résis­tance, des cas isolés. Je me rappelle de Borghi qui graissait les cylindres d'une drôle de manière.

c Mais nous avions trop de réputation, aussi il y eu le bombardement du 3 mars 1942. L'atelier 171 a été rasé par la R.A.F. On l'a remonté, pas vite et, de nouveau, il a été détruit le 4 avril 1943. Alors on est partis à Issy-Ies­Moulineaux à l'atelier AMX. Là, c'était plus surveillé; surtout que, lors d'es­sais d'une automitrailleuse Panhard, l'un d'entre nous a oublié de rentrer du terrain de Meudon : il avait embar­qué son engin jusqu'au maquis de la Corrèze. En ouvrant le passage de quelques barrages avec sa mitrail­leuse ! Son réseau avait prévu le ravi­taillement : 400 litres d'essence. Le lieutenant Deredon, c'était lui, est revenu à la fin de la guerre raconter son exploit. Les Fritz n'ont pas pipé : cela leur aurait coûté aussi cher qu'à nous et la Gestapo n'aimait pas ce genre.

« Et puis il y a eu la Libération. Alors, on a travaillé à remettre en état quel­ques B 1. Les F.F.1. s'en sont bien ser­vis et nous avons eu droit à une cita­tion chez Renault lorsqu'ils ont dégagé la poche de Royan et un étendard nous a été remis par M. Lefaucheux dans l'atelier même. »

(Témoignage de Lucien Dufour recueilli par L. Dion).

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Fig. 1. -Fixation du bidon d'huile sur le porte-bidon.

Notre ami Georges Claudon, direc­teur de la Société des huiles Renault, est un vieux touriste. Il sait par conséquent combien il est agréable d'avoir des installations de détail qui soient pratiques. Or, frappé de la gêne où nous nous trouvons tous de loger le classique bidon d'huile que jus­qu'ici nous emportions dans nos coffres, il a imagine un système extrêmement sûr et pratique pour loger sous le capot ledit bidon.

Voyez d'ici tous les avantages : le bidon n'est plus abîmé dans le coffre par des secousses continuelles, il ne risque plus d'être crevé par un outil voisin, il ne fuit plus sur les chiffons ou la trousse à outils et, placé sous le capot, il donne du large dans un coffre qui est presque toujours trop petit pour tout ce que l'on veut y placer.

Les deux photographies que nous publions suffisent à indiquer très net­tement ce qu'est le porte-bidon des huiles Renault.

Le support est constitué par une tôle d'acier coudée en forme d'U et maintenant le bidon par le fond et ses deux faces antérieure et posté­rieure. Sur cette tôle est fixé à angle droit un feuillard coudé également en U afin d'envelopper le fond du bidon sur ses deux faces latérales. Sur les branches de ce feuillard sont accrochés deux ressorts assurant un système très pratique de fixation du bidon lorsque celui-ci est posé sur le sup­port (fig. 1).

Le support est lui-même attaché très solidement sous les boulons de ser­rage de la culasse du moteur.

Il y a là, on le voit, une petite inno­vation, mais qui est certainement bien pratique et qui nous débarrassera du cauchemar du bidon dans le coffre.

Pour ma part, je l'ai immédiatement fait adapter sur ma Vivasix Renault.

Car, il faut l'ajouter, le porte-bidon huiles Renault est prévu de façon à ce qu'il puisse être fixé en quelques instants sans percer un trou et en uti­lisant les écrous de culasse sur la gamme des voitures Renault : 6 CV, Monasix, 10 CV, Vivasix, 18 et 40 CV.

G. L.

(Photo Bibl. nat.)

(La Vie Automobile du 25-4-1928)