07 - Le réglement général de 1919

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Le règlement général de 1919

Fac-similé d'un contrat d'embauchage établi en 1920 (Fonds historique de la S,H.U,R.l.

Le 4 octobre 1919 paraît le troisième règlement général. Depuis le précé­dent édicté en 1906, bien des événe­ments se sont produits qui ont pro­fondément modifié la structure et l'organisation de l'usine.

A « Renault frères}) dissous en 1908, ont succédé « Les automobiles Re­nault }). A partir de ce moment, Louis Renault dispose des pouvoirs qu'il avait pendant quelques années par­tagés avec ses frères Marcel et Fer­nand disparus le premier en 1903, le second au début de 1909,

La guerre de 1914 a vu les différentes productions croître à un rythme effréné pendant que l'emprise industrielle sur Billancourt se faisait plus pressante. Les effectifs suivaient la même courbe ascendante, hommes femmes et en­fants, français et étrangers, ressor­tissants des territoires coloniaux se côtoyaient dans les ateliers.

Les dispositions du règlement de 1906 devenaient caduques d'autant que des textes législatifs imposaient aux employeurs certaines obligations, no­tamment en matière de durée du travail.

Le règlement de 1919 va donc tenir compte de ces changements inter­venus tant dans l'entreprise que dans le contexte dans lequel elle évolue. Une étude comparative permettrait de les relever. Nous n'en citerons que quelques-uns.

Les ateliers sont devenus l'Usine; en 1906, il était courant de dire « les ateliers de Messieurs Renault frères }), en 1919, il s'agit de l'usine Renault et ce n'est pas là une question de vocabulaire.

La discipline, à l'entrée comme à la sortie, est renforcée. S'il existe tou­jours des cartons de pointage, on constate désormais l'existence de portes extérieures barrant les ancien­nes rues récemment annexées.

Le premier signal se fait entendre vingt minutes avant l'heure de début du travail et autorise le franchissement des portes extérieures qui seront fermées cinq minutes avant l'heure fixée pour la prise du travail.

Les essais non suivis d'embauche sont payés s'ils excèdent trois heures alors qu'en 1906, les essais «mau­vais}) ne donnaient lieu à aucune indemnisation. Le travail peut être réparti, suivant les circonstances, en deux ou trois équipes. Quant aux retenues pour pièces loupées, elles ne peuvent être supérieures à une demi-journée de travail au taux d'affû­tage.

Pour communiquer avec la Direction, des boîtes spéciales sont réparties dans l'Usine et, fait intéressant, les suggestions visant à l'amélioration des outillages ou des machines peuvent être récompensées.

Quant à l'article VII, il constitue une invitation au perfectionnement indi­viduel « que chacun se mette en valeur afin d'accéder à un poste en rapport avec ses capacités}). C'est, avant la lettre, la promotion ouvrière. Ainsi se trouvent énoncés, dans ce règlement, un certain nombre d'idées qui, par la suite, feront leur chemin.

Georges FLORIS

Automobiles Renault

BILLANCOURT (Seine)

RÈGLEMENT GÉNÉRAL

Article premier

Tout ouvrier désirant être admis à travailler aux Usines Renault doit se présenter au Bureau d'em­bauchage avec ses références: certificats de travail, extrait de casier judiciaire, livret militaire, s'il est Français; ou pièces de même ordre s'il est étranger, Il deit indiquer son état civil, sa situation de famille et son adresse, S'il est définitivement embauché il doit faire connaître à son Chef de Service ou Contre­maître, toute modification survenue par la suite. Sur convocation, il exécute un essai dont la durée est aussi courte que possible; les essais non suivis d'embauchage ne sont payés que si leur durée a dépassé trois heures.

Tout ouvrier dont l'essai est reconnu satisfaisant signe un contrat d'embauchage par lequel il recon­naît avoir pris connaissance du présent règlement et l'accepter.

A titre exceptionnel, un ouvrier ne pouvant à l'embauchage présenter l'ensemble de ses références peut être admis à l'Usine pendant une période pro­visoire de 10 jours. Il n'est considéré comme régu­lièrement embauché que quand toutes les conditions prévues ci-dessus sont remplies.

Article Il

La durée de journée de travail, qui doit s'entendre durée de travail effectif est fixée conformément aux lois et règlements d'administration publique en vigueur.

Les heures de commencement et de fin du travail sont portées à la connaissance du personnel par voie affiche. Il est entendu que le travail en 2 ou 3 équipes peut être institué suivant les nécessités et les circonstances et que des heures supplémen­taires peuvent être effectuées en Gas de besoin dans les conditions prévues par les lois et règlements.

L'entrée du personnel matin et soir est réglée de la

manière suivante:

1e, signal: 3 coups de sifflet donnés 20 minutes avant l'heure fixée pour le début du travail; 2e signal: 2 coups de sifflet donnés 5 minutes avant l'heure fixée pour le début du travail. A ce signal, les portes extérieures de l'usine sont fermées. 3e signal: 1 coup de sifflet donné à l'heure précise du commencement du travail.

A ce signal tout ouvrier commence son travail et les

portes de chaque atelier sont fermées.

Les portes des ateliers ne sont ouvertes que 10 mi­

nutes après le 3e signal; les noms des retardataires

sont pris par MM. les Contremaîtres et chefs

d'équipe.

Les ouvriers ayant des retards répétés peuvent être

remerciés pour cette seule raison.

La cessation du travail est annoncée par un signal

unique. Les portes de chaque atelier sont fermées

10 minutes avant la fin du travail.

Les vestiaires et lavabos sont fermés pendant les

heures de travail, aucun ouvrier ou employé ne

peut y pénétrer pendant la demi-heure qui précède

la fin de chaque séance.

Pour le travail en 2 ou 3 équipes ou en dehors des

heures habituelles, des dispositions particulières

sont portées à la connaissance du personnel

intéressé étant entendu que les conditions d'entrée

et de sortie, de commencement et de cessation du

travail sont les mêmes que celles qui sont appliquées

pour le travail général de l'établissement.

Article III

Dès qu'un ouvrier est embauché, il reçoit un carton de pointage qui est placé au tableau de la pendule de contrôle, afin de lui permettre d'enregistrer lui­même ses heures d'entrée et de sortie. Il est formel­lement interdit à tout ouvrier ou employé de conser­ver son carton de pointage ou de penduler un carton autre que le sien, même si la personne dont il pointe le carton est régulièrement présente. Le Personnel doit se conformer strictement aux instructions particulières qui peuvent être données, soit qu'elles concernent l'exécution du travail, soit qu'elles intéressent le bon ordre, l'hygiène ou la sécurité du personnel.

Tout ouvrier est responsable de l'outillage qui lui est confié; il doit prendre soin de ne pas le daté· riorer. Les dégradations volontaires ou par négligence de l'outillage ou du matériel de l'Usine peuvent motiver des sanctions allant jusqu'au renvoi. Des mesures analogues peuvent être prises contre les ouvriers ou employés qui ne maintiendraient pas des rapports corrects soit entre eux, soit avec leurs chefs.

Article IV

Le mode de travail normal de l'Usine est le travail aux pièces. Le travail à l'heure avec ou sans prime n'est employé qu'autant que le travail aux pièces ou à la production n'a pu être établi.

Pour tout travail. l'ouvrier reçoit un bon lui faisant connaître le prix de l'unité et le nombre de pièces qu'il a à exécuter. Ce bon ne peut être payé qu'autant qu'il est régulièrement pendulé à l'ouverture et à la fermeture, qui doivent correspondre très exactement au commencement et à la fin du travail en vue duquel ce bon a été établi. Après exécution du travail, le bon ne doit sous aucun prétexte rester entre les mains de l'ouvrier.

Pour permettre à l'ouvrier de vérifier son compte il est mis en possession chaque quinzaine, d'un bulletin de paye, portant un onglet détachable remis à la payeuse en échange du montant du

salaire.

Le dommage causé par l'ouvrier du fait des pièces loupées est motif à retenue sur le montant de sa paye, étant entendu que pour un loupé, la retenue ne peut dépasser la valeur d'une demi-journée de travail au taux d'affûtage.

En cas de désaccord sur le montant de la paye, les réclamations sont faites par écrit sur des fiches spéciales fournies par le pointeau d'atelier. Des dispositions sont prises pour que les réponses soient fournies dans le plus bref délai possible.

Les dates des payes fixées conformément aux dispositions légales en vigueur, sont portées à la connaissance du Personnel par voie d'affiche.

Article V

Tout ouvrier peut formuler une réclamation en s'adressant directement à son Chef de service. Au cas où un ouvrier estimerait devoir être entendu par la Direction, il peut demander à être reçu par le Chef de service du Personnel après en avoir avisé son Contremaître.

Des boîtes placées dans plusieurs endroits de l'Usine

peuvent en outre recevoir les communications

écrites adressées à la Direction.

Des primes peuvent être allouées à toute personne appartenant à l'Usine, auteur d'une communication technique portant sur des améliorations d'outillage, de machines, etc. et jugée intéressante par la Direction.

Artîcle VI

Les ouvriers quittant l'Usine reçoivent immédiate­ment le solde de leur compte, sauf toutes oppositions légales et judiciaires qui pourraient être faites sur leur salaire.

Les employés ou ouvriers quittant l'Usine doivent restituer leurs cartes d'identité ou de circulation; de plus, leur compte ne peut être réglé qu'autant qu'il est établi qu'ils ont restitué en bon état d'entre­tien les outils qui leur avaient été confiés.

Article VII

La Direction estime qu'il est de J'intérêt général que chacun de ses collaborateurs, ouvriers ou employés, occupe le poste le plus en rapport avec ses aptitudes. Elle désire que chacun ait la possibilité de se mettre en valeur et puisse par son travail et ses capacités atteindre une situation meilleure.

La Direction recevra donc avec un bienveillant intérêt et instruira toute demande sérieuse faite dans ce sens par son Personnel. Elle croit devoir signaler que certains ouvriers ou employés entrés à l'Usine dans un poste secondaire y ont atteint par leur valeur des situations très importantes.

Article VIII

En dehors du Personnel coopérant directement aux fabrications, il existe à l'Usine des ouvriers d'entretien appartenant aux professions les plus diverses: maçons, terrassiers, charpentiers, peintres, etc. Ces diverses catégories d'ouvriers n'ont pas à l'Usine les inconvénients ordinaires de leur corpo­ration: instabilité, déplacements multiples, chômage

durant la mauvaise saison, etc.

Étant donné leur infime minorité, par rapport à l'effectif total de l'Usine, ayant, d'autre part les mêmes avantages que leurs camarades de la Métallurgie, il est juste que le règlement commun leur soit appliqué sans qu'ils puissent réclamer les conditions spéciales à leur corporation: casse­croûte, indemnités de déplacement. etc.

Les ouvriers susvisés doivent, pour entrer à l'Usine, accepter les conditions générales du travail de la Maison et s'y soumettre pendant la durée de leur séjour.

Article IX

Les ouvriers peuvent quitter la Maison une heure

après avoir prévenu leur Contremaître.

Réciproquement, la Maison se réserve le droit de remercier sans indemnité les ouvriers, en les faisant prévenir une heure d'avance par leur Contremaître.