03 - L'inondation de 1910

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La rue du Cours (avenue Émile-Zola) sub­mergée par les eaux.

l'inondation de 1910

Les débordements des cours d'eau ont, de tout temps, préoccupé les hommes. Les crues, malgré leur im­portance, ne comportaient pas les dé­sastreuses conséquences qui en ont fait, au fur et à mesure de la civili­sation et de l'urbanisme, et de nos ,jours en particulier, un redoutable

fléau.

1er

Depuis le janvier 1658, 27 fortes crues de la Seine ont été enregis­trées, la plus importante, celle du 27 janvier 1658 ayant atteint 8,81 m à l'échelle du pont de la Tournelle, à Paris, c'est-à-dire 34,45 mau-dessus du niveau moyen des mers. Au mois de février 1658, une violente crue pro­voque dans Paris d'importants rava­ges. Le pont Marie est en partie dé­truit, entraînant dans sa chute les mai­sons qu'il supporte, dont les habitants sont noyés. L'eau recouvre la moitié de Paris; les faubourgs et les envi­rons de Paris sont entièrement sub­mergés. Les eaux. face à Boulogne, montent de 5,52 m. Cette crue de 1658 dépal'se de 0,35 m celle de 1910.

Quelques dates des principales crues et leurs niveaux Monographie de la crue de 1910

Échelle du pont de la Tournelle Altitude N, G. F, 33,29

Janvier 1649 7,65

Janvier 1651 7,80 33,44

Mars 1658 8,81 34,45

29 janvier 1910 8,48 34,12

Novembre 1910 5,80 31,44

10 janvier 1919 5,95 31,59

4 janvier 1920 6,32 31,96

6 janvier 1924 7,17 32,81

8 janvier 1926 6,00 31,64

1945 6,70 32,34

1955 7,00 32,64

1959 6,10 31,74

" faut noter que l'été 1909 a été parti­culièrement pluvieux, tel que les points de ruissellement pour les terrains im­perméables et le point de saturation étaient presque atteints. Les pluies de novembre et décembre font monter la crue de 3 m au pont d'Austerlitz. Le niveau descendait à peine, quand, le 9 janvier 1910 les pluies reprennent et du 18 au 21 sont si abondantes qu'elles provoquent une crue subite de l'Yonne, du Loing et du Grand Mo­rin. Les pluies du 21 et 22 entraînent une crue anormale de la Haute Seine et de la Marne. Les quartiers bas de Paris sont inondés, la plaine de Nan­terre submergée, la population de la région parisienne vit des heures d'an­goisse.

En 1876, il Y avait à Boulogne 21 556 habitants, contre 49969 en 1906, soit 28413 de plus en 30 ans. La cherté des loyers de Paris et les moyens nouveaux de communication en sont la cause. Les industriels pour des be­soins d'implantation ou d'expansion, trouvent, en dehors des fortifications des possibilités qu'ils n'ont plus à Paris. La banlieue, la nôtre surtout, tout en étant lieu de villégiature, de­vient industrielle.

Revenons au fleuve, la Seine a atteint 8,81 m au pont de la Tournelle, chaque jour elle monte de 0,62 m, soit 5,64 m en 9 jours. Elle ne sera étale que le 29 janvier et ne rentrera dans son lit que le 8 mars 1910.

les quais de Boulogne

Boulogne a, environ, 10 kilomètres de périmètre, enclavée dans une boucle de la Seine, elle comprend sur son ter­ritoire, à la limite de Paris le quai du Point du Jour, il se prolonge sur 970 mètres pour arriver au chemin de grande communication nO 50, au pont d'Issy, puis sur 980 mètres pour attein­dre la route départementale nO 1 au pont de Billancourt, soit 1950 mètres pour le quai du Point du Jour qui a une altitude de 30,53 m. Vient ensuite le quai de Billancourt sur lequel vien­nent se greffer les rues Nationale, de Meudon, la rue de l'Ile, l'Allée des Myosotis, la rue du Vieux-Pont-de­Sèvres puis, au pont de Sèvres, la route Nationale nO 10. " mesure 1 710 mètres et a une altitude de

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30,17 m. Vient ensuite le quai de Bou­logne, long de 1 470 m, il se termine à la route départementale nO 2 au pont de Saint-Cloud (altitude 29,85 ml. Puis le quai du 4-Septembre, jusqu'à la Porte de Boulogne à la passerelle de l'Avre, il a une longueur de 1 330 mètres pour une altitude variant de 29,75 m à 30,05 m.

Ce sont donc 6 460 mètres de quais, 6,460 km. inondés, mais à des hauteurs différentes pendant cette crue de 1910. La cote atteint 32,43 m au viaduc d'Auteuil (contre 31 m lors de la crue de 1876), 32,20 m au pont d'Issy, 32 m au pont de Billancourt, 31,75 m au pont de Sèvres, 31,58 m au pont de Saint-Cloud, 31,39 m à la passerelle de l'Avre. Sur tout ce parcours, la chaussée est établie au-dessus du ni­veau de la crue de 1876, à des hau­teurs d'ailleurs très variables.

Seul au milieu du Cours, le buste de Marcel Renault domine le désastre.

Les quais ont agi comme digue, jus­qu'au moment où ils ont été submer­gés par les eaux. Il y a donc, pour chacun d'eux, deux phases d'inonda­tion, la première correspond en géné­rai à l'envahissement par refoulement par les bouches d'égout, la seconde par le débordement propre des eaux de la Seine.

Le quai du Point-du-Jour est envahi par les eaux le mardi 25 janvier vers midi, jusqu'à cette date deux points seulement se trouvaient inondés par refoulement des eaux par les bouches d'égout : l'un rue des Peupliers, dont l'égout communique directement avec la Seine et qui est situé à la cote 29,65, soit 0,90 m au-dessous du quai, fut inondé dès le samedi matin 22 jan­vier, malgré la construction de che­minées provisoires en briques, éta­blies à la hâte à l'orifice des bouches d'égout, l'autre situé rue de la Petite Arche (la rue de la Petite Arche, au Point du Jour, n'appartient plus au ter­ritoire de Boulogne mais à celUi de Paris depuis la disparition des fortifi­cations) était également alimenté par les bouches d'égout, les eaux de re­foulement n'envahirent les propriétés voisines qu'à partir du dimanche soir. En tous les cas, en ces deux points, les eaux sont toujours restées infé­rieures de 0,26 à 0,30 m au niveau de la Seine; et les surfaces inondées étaient relativement peu importantes, bien que, cependant, aux abords de la rue des Peupliers où le sol naturel est en général inférieur au niveau de

la chaussée, de nombreuses maisons étaient déjà inaccessibles.

Dans la seconde phase les eaux arri­vèrent d'abord en torrent, en passant par dessus la chaussée pour remplir les points bas, c'est à cette phase que correspond l'envahissement de la route départementale nO 1, le 26 jan­vier.

L'Îlot submergé longeant le boulevard de Strasbourg (boulevard Jean-Jaurès, actuellement), côté des nOS impairs, doit l'envahissement des eaux en par­tie aux infiltrations, mais surtout à la rupture d'une canalisation particulière à l'égout qui se produisit dans la nuit du jeudi au vendredi.

le quai de Billancourt

Ëtabli à la cote 30,19, il a été submer­gé dans la nuit du mardi au mercredi, mais, avant cette date, une grande partie des terrains situés en arrière était déjà inondée par refoulement par les bouches d'égout.

Le point le plus bas de cette région (cote 29,00) situé à l'angle des rues Théodore et Gabrielle, qui au plus fort de la crue, eut 2,20 m de hauteur d'eau fut envahi dans la nuit du ven­dredi 21 au samedi 22 janvier, égaie­ment par refoulement des eaux par les bouches d'égout; puis viennent successivement la submersion dans les mêmes conditions de tous les points bas, si bien que, dès le lun­di 24, on peut dire que tout ce quar­tier de Boulogne était à peu près cou­

Dans un atelier dévasté.

vert par les eaux. Mais, il convient de remarquer ici que dans l'égout collec­teur, situé sous le quai, le niveau des eaux est toujours resté inférieur de 0,30 m à 0,35 m au niveau des eaux de la Seine. De plus, la surface inon­dée dans ces conditions étant relati­vement vaste, le débit des bouches d'égout étant insuffisant pour établir l'équilibre promptement, le niveau des eaux est resté dans cette région infé­rieur de plus de 0,40 m au niveau de la Seine jusqu'au moment de la -sub­mersion du quai.

A cette même phase correspond l'en­vahissement des eaux dans le quartier privé connu sous le nom de Hameau Fleuri. Ici, les eaux commencèrent à refluer sur la chaussée dès le jeudi soir 20 janvier, elles étaient refoulées par une canalisation récemment cons­truite dont le débit d'ailleurs insuffi­sant permit jusqu'au dernier moment de voir les eaux à un niveau très in­férieur à celui de la Seine (0,60 m ou 0,70 environ). Remarquons que cette canalisation étant privée, le service communal n'avait pas à prendre des mesures pour empêcher le refoule­ment des eaux d'égout, ces mesures, étant donné l'importance de l'inonda­tion eussent d'ailleurs été inutiles.

L'atelier de montage envahi par les eaux

(CI. R.N.U.R.).

Dans la seconde phase, les eaux pas­sant par dessus la chaussée du quai. se précipitèrent en torrent pendant la nuit dans toute la région comprise entre les ponts de Billancourt et de Sèvres; le niveau des eaux s'accrut ainsi en quelques instants de 0,40 m, s'étendant très rapidement sur des surfaces considérables, et provoquant ainsi, au milieu de la nuit l'affolement général.

C'est à cette seconde phase que cor­respond l'inondation de toute la partie située entre la rue du Hameau et la route nationale nO 10.

Les usines Renault ne pouvaient donc échapper à l'inondation. C'est ainsi que 3200 ouvriers se trouvèrent sans travail. Mais le courage dont fit preu­ve la population boulonnaise permit de surmonter rapidement les dégâts. La preuve en sont les chiffres suivants :

3 200 ouvriers en 1910, 3417 en 1911. 4706 voitures construites en 1909, 5100 en 1910 pour des chiffres d'af­

faires de 41 550461 f et 49234811 f.

Les bénéfices bruts de 1910 s'élèvent à 21918188 f. L'usine couvre une superficie de

m2

59970 en 1910. Le 8 décembre 1910, le personnel comprend 3226 membres dont : 3034 hommes (payés à l'heure), 161 femmes, 31 apprentis.

Il sera construit, pour cette même an­née 43 camions et 40 camionnettes.

Le quai de Boulogne

Bien qu'il existe rue de Sèvres et rue de la Plaine des points situés plus bas que le niveau du quai de Boulo­gne, l'inondation de cette partie du territoire de Boulogne ne commença qu'après la submersion du quai qui eut lieu le lundi soir 24 janvier vers 17 heures, ce fait tient à ce que le niveau de l'eau, dans l'égout collec­teur et dans les égouts affluents est toujours resté inférieur au niveau de la Seine.

Cependant, la rue Béranger dont le point le plus bas est à la cote 29,20 fut envahie par les eaux de refoule­ment d'égout dès le vendredi soir 21 janvier. Les suites de la submer­sion du quai de Boulogne directement par les eaux de la Seine furent les mêmes que pour les autres quais; pendant les premières heures, les eaux envahirent rapidement tout le territoire compris entre la Seine et la rue de Sèvres dont le sol est à un niveau inférieur ou égal à celui des quais. C'est à cette phase que cor­respond l'envahissement de la route de la Reine.

Le quai du 4-Septembre

Il a commencé à être submergé dans la nuit du 25 au 26 janvier, mais, avant cette date, des deux points bas de la rue de Buzenval et de l'Abreuvoir étaient envahis par les eaux de refou­lement des égouts, le premier vers le vendredi matin, le second vers le soir du même jour, et comme partout ailleurs, les cheminées provisoires construites à la hâte aux bouches d'égout n'avaient été d'aucune utilité devant la rapidité de la crue.

D'ailleurs, outre les deux points qui n'avaient pu être protégés, la rue du Port, qui communique directement avec la Seine, permettait l'inondation progressive de tous les terrains voi­sins de cette rue et les eaux s'éten­daient peu à peu dans toute la zone située entre le ,quai et la rue des Abondances.

Il n'y eut donc pas à proprement par­Ier deux phases d'inondation dans cette partie du territoire de Boulogne où les eaux se sont toujours nivelées avec celles de la Seine.

Dès le jeudi soir, 27 janvier, elles atteignaient le rond-point et commen­çaient à couvrir la grande rue.

Elles atteignirent la route de la Reine dans la nuit suivante et se relièrent ainsi par la rue de Sèvres aux eaux provenant du quai de Boulogne, lais­sant isolée la chaussée du pont et le pont de Saint-Cloud, un courant rela­tivement assez fort s'établissant par la rue de Sèvres, la chaussée du pont et la rue des Abondances entre les eaux amont et aval de la Seine.

A partir de l'instant où les eaux de la Seine passant par dessus la chaussée des différents quais vinrent inonder directement les terrains voisins, les hauteurs d'eau augmentèrent naturel­lement avec la crue et les surfaces envahies devinrent de plus en plus importantes.

Moyens de communication pendant la crue

En général, les premières mesures ont consisté dans la construction de passerelles provisoires, mais la rapi­dité de la crue était telle que ces pas­serelles devaient être bientôt rempla­cées par des bateaux.

Cependant, l'accès à ces bateaux exigeait la construction chaque jour reportée plus loin d'estacades avec passerelles d'accès plus ou moins longues.

Un bateau au moins était attaché à chaque rue.

Ce moyen qui ne permettait que le ra­vitaillement et le sauvetage des sinis­trés a suffit en général. Cependant, lorsque la route de la Reine (route départementale nO 2) a été envahie, il devint insuffisant pour assurer la circulation entre Saint-Cloud et Paris. On essaya d'abord le transport des intéressés par des voitures, mais, outre les difficultés et le peu de rendement de ce procédé, les proprié­taires élevèrent des réclamations jus­tifiées concernant la santé des che­vaux et Monsieur le Maire de Boulo­gne décida de faire construire une passerelle sur toute la partie mouillée de la route de la Reine. Celle-ci, qui eut plus de 200 m de longueur avec une voie pour la montée et une pour la descente, rendit les plus grands services et assura la circulation géné­rale des piétons entre Saint-Cloud et Boulogne pendant les derniers jours de la crue.

Rue du Port.

Les transports

Le chemin de fer

Les ouvrages du chemin de fer, pen­dant cette crue de 1910, n'ont pas subi de grands dommages. L'inonda­tion est survenue à une heure où l'achèvement du gros œuvre et la non installation de l'équipement élec­trique réduisaient le danger au ma­ximum.

Le métropolitain

Il n'existait pas à Boulogne, la ligne no 9 s'arrêtait à la Porte de Saint­Cloud et était seulement en cours de construction. Le métro comprenait 63 kilomètres de lignes ouvertes à la circulation, 19,4 kilomètres ont été inondés, mais contrairement aux lignes de chemin de fer qui aggravèrent la situation en plusieurs endroits, en permettant à l'eau de s'infiltrer plus avant, le métro fut un vaste drain en­travant l'ascension de la nappe sou­terraine et contribuant à la défense des immeubles riverains. Par endroit, il a emmagasiné les eaux reçues du dehors, sans accroître l'inondation des caves. Aucun reflux ne s'est mani­festé, l'inondation a permis de .consta­ter que le gros œuvre du souterrain offrait une stabilité irréprochable, seule l'étanchéité des ouvrages a ac­cusé des défaillances, surtout dans les locaux des stations. Au moment du maximum de l'inondation, le service des trains a dû être limité à 31,700 ki­lomètres.

Les tramways

L'interruption du fonctionnement de l'usine de Billancourt située 56, quai du Point-du-Jour, a eu une grosse influence sur le trafic. Elle est envahie par les eaux le 26 janvier entre 9 heu­res et 10 heures du matin. Le sol de sa chaufferie se trouve à la cote 30,70 à 0,53 mètres en contrebas du quai du Point-du-Jour qui la longe et cette usine comprend une salle des machi­nes qui se trouve à la cote 33,40, c'est-à-dire à 2,17 mètres au-dessus de ce niveau. Le sous-sol de cette salle se trouve au contraire à la cote 30,40 inférieure de 0,30 à celle de la chaufferie et de 0,83 par rap­port au quai du Point-du-Jour. L'eau nécessaire au fonctionnement est prise dans la Seine à l'aide d'une gale­rie d'eau dont le radier se trouve au­dessous de l'étiage. Les eaux chaudes, pluviales, etc., sont évacuées dans la Seine par une galerie spéciale placée en sous-sol comme la précédente.

Quai du Point-du-Jour.

Lorsque. les eaux sont arrivées au voi­sinage de la cote 30,40, la galerie d'ar­rivée d'eau a été au mieux obstruée, toutes les précautions furent prises pour préserver les locaux de l'inonda­tion. L'usine tourna normalement les 23, 24 et 25 janvier, mais, le 26, un barrage établi par les habitants à l'en­trée de la rue de Seine, qui limite à l'ouest le terrain de l'usine, céda brus­quement. L'eau se précipita, torren­tueuse, dans l'usine, renversa une par­tie des ouvrages de protection et en­vahit la chaufferie. En peu d'instants elle atteignit le niveau des grilles des foyers. L'usine arrêta entièrement, ce qui entraîna l'immobilisation de toutes les voitures à air comprimé qu'elle alimentait, ainsi que des voitures élec­triques de la ligne .. Louvre-Versailles». Il fallut attendre le 3 février dans l'après-midi pour voir partiellement fonctionner l'usine et dès le 4 au matin le service était normalement repris sur toutes les lignes à traction par air comprimé (Boulogne -Auteuil -Made­leine; la ligne Louvre -Saint-Cloud fonctionne jusqu'aux Tuileries).

Les tramways mécaniques des envi­rons de Paris, comme ceux de la Capi­tale, subissent des interruptions de service, notamment le 26 janvier, la rue de Saint-Cloud à Billancourt est inondée, la circulation est interrompue entre Auteuil et la place Nationale, et entre le pont de Billancourt et la place Voltaire (ligne Auteuil -Champ­de-Mars). La veille, la ligne Louvre­Saint-Cloud avait été déviée par le Trocadéro, la porte d'Auteuil et le rond-point de la Reine. Le passage quai du Louvre est si dangereux, qu'à 10 heures du soir on suspend le service.

La ligne Louvre -Versailles est arrêtée à hauteur de Passy le 27 janvier, c'est un service en navette fait par une locomotive et une remorque entre le pont de Grenelle et le pont de Sèvres. Elle reprend les 29 et 30 janvier avec deux trains Pierrey, entre le Point-du­Jour et le pont de Sèvres, et trois automotrices électriques avec du cou­rant pris à l'usine de tramways de Versailles.

Compagnie des eaux

Du 26 janvier au 16 février, la Compa­gnie Générale des Eaux arrête son service normal. L'alimentation en eau est assurée par 17 bornes-fontaines en eau d'Oise au lieu d'eau filtrée. L'eau n'était pas épurée. La fontaine du 146, avenue de la Reine offrait de l'eau provenant du canal de l'Ourcq. Quelques jours après le retrait des eaux, l'usine de Boulogne a été mise en service, mais les eaux n'étaient autres que celles de la Seine, polluées par toutes les déjections de Paris et particulièrement par les ordures mé­nagères jetées à la Seine au viaduc du Point-du-Jour et à la gare de Sèvres qui en effectuait habituellement l'expé­dition, mais devenue inaccessible.

L'éclairage

Le vendredi 28 janvier, le service de l'éclairage au gaz, concédé à la So­ciété d'éclairage, chauffage et force motrice (usine à Gennevilliers, inondée le 28 janvier), est interrompue pendant deux jours.

La reprise se fait grâce à l'alimenta­tion de quelques-unes des conduites maîtresses par la Société du gaz de Paris avec l'autorisation de M. le pré­fet de la Seine. Seule, la Compagnie Ouest-Lumière, située à Puteaux, con­tinue sa fourniture pendant la période la plus critique, sauf partiellement, où des lignes portent des transformateurs inondés.

Le gaz

Il est distribué par l'usine de Boulogne,

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109, rue de Sèvres (20000 par 24 heures). Cette usine étant appro­visionnée en houille directement par son port sur la Seine, voit ses sous­sols inondés et interrompt sa fourni­ture le 26 janvier. La cote atteint alors 33,63 mètres au pont de la Tournelle.

Communications téléphoniques

Le réseau parisien comporte au total 12 000 kilomètres de câbles. A Paris, 14 000 abonnés sont privés de télé­phone, 1 500 en banlieue où six bu­reaux de poste sont inondés.

Les bateaux

Sur les rives de la Seine appartenant au territoire de Boulogne, 32 bateaux stationnent pendant la crue. Les ma­rins, vaillamment, participent au sau­vetage des sinistrés et à l'approvi­sionnement par bateaux des habitants du quartier du Point-du-Jour. C'est le chef cantonnier, M. Monteron qui dresse la liste de leurs noms pour l'envoyer le 23 mars 1910 à M. le pré­fet de la Seine. (II s'agit de l'Inspec­tion de la Navigation commerciale et des Ports du IVe arrondissement : du viaduc d'Auteuil au pont de NeUilly ­Bureau : 25,.quai de Boulogne). Bou­logne octroit 76 francs à chacun d'en­tre eux, ils sont récompensés de leurs efforts par l'obtention de la médaille de bronze.

Quai du Point-du-Jour.

Le bilan

En ce qui concerne les Ponts et Chaussées, les ingénieurs sont heu­reux de constater les avantages du goudronnage, qui a préservé d'une fa­çon absolue la chaussée empierrée des quais et qui a permis, après le retrait des eaux, un balayage rapide et efficace.

Les talus du chemin de grande commu­nication no 1 (boulevard Jean-Jaurès) ont été fortement ravinés par les eaux et, en certains endroits, les trottoirs eux-mêmes ont été emportés partiel­lement.

Les chemins et rues de Boulogne qui ont été submergés n'ont pas trop souf­fert. Il faut quand même estimer appro­ximativement à trois ou quatre mille francs au minimum, le montant des ré­parations à effectuer.

Les propriétés communales n'ont, en général, subi aucun dommage grave. Les caves et sous-sols de l'hospice des vieillards (rue des Abondances) dans lesquels se trouvent les machines et les calorifères ont été envahis par les eaux d'infiltration, malgré les me­sUres prises. Il en a été de même du sous-sol de la mairie.

Le maire de Boulogne, M. Lagneau, adresse le 11 février 1910 une lettre à M. le sénateur, préfet de la Seine,

M. J. De Selves, dans laquelle il lui

indique que, pour Boulogne : 10 La surface inondée peut être ap­proximativement évaluée à 175,31 hec­tares;

20 Que le nombre de maisons sinis­trées, envahies par les eaux, s'élève à 1 000 environ;

30 Le nombre de personnes ayant quit­

té leur domicile est de 1 200 ;

40 Le nombre de personnes ayant ré­

intégré leur domicile est de 900;

50 Les personnes secourues par la

commune:

a) sinistrées :

logées : 500 (hospitalisées pour la plupart); nourries : 800; b) par suite de chômage : 5200.

Le 16 février, 440 déclarations de per­tes sont parvenues en mairie. Elles permettent d'estimer à 1 920 000 francs (toujours approximativement) le mon­tant des pertes mobilières, non com­prises les pertes subies par les gros industriels, qui, à cette date. n'ont pas encore déposé leurs déclarations, mais que, d'après enquêtes, on peut éva­luer à 1 500000 francs.

Dès le 26 février, le nombre des chô­meurs, résidant dans la commune est de 5000. La durée moyenne du chô­mage est de 19 jours. En tablant sur une moyenne de 6,50 francs par jour, la somme correspondant aux salaires perdus s'élève à 617500 francs.

Le 7 mars, la commune reçoit une pre­mière subvention de 94400 francs pour les chômeurs, parmi ceux-ci sont bien

Rue de Meudon.

entendu compris : les commerçants, les industriels ou cultivateurs qui, vi­vant au jour le jour du produit de leur métier, ont été empêchés de pourvoir par leur travail à leur subsistance et à celle de leur famille.

Le président de la République, M. A. Fallières fait connaître que, pour aider les sinistrés, la Banque de France prêtera 100 millions, sans intérêt, pen­dant 5 ans, dont 75 pour les commer­çants, industriels et artisans.

De son côté le Crédit foncier prête aux propriétaires d'immeubles qui ont souffert des inondations de janvier à février 1910, une somme de 25 millions, spécialement employée à la recons­truction ou à la réparation de leurs bâtiments. Cette somme, comme celle de la Banque de France, ne produira pas d'intérêts.

Les Grands Groupements de l'industrie de l'Automobile et du Cycle (8, place de la Concorde) constituent une com­mission qui distribue des secours en faisant appel aux chefs des usines d'automobiles et de cycles situées dans la Seine et Seine-et-Oise, pour lui signaler ceux de leurs ouvriers qui ont le plus souffert des inondations. ils votent les subventions suivantes :

10 Le Consortium des expositions de l'automobile et du cycle (1 el' verse­ment) .................. 25 000 F

20 L'Automobile club de France pour sa souscription spéciale . 10000 F Somme versée par la Chambre syn­dicale des constructeurs à l'A.C.F. ... . . . . . . . . . . . . . . . . . ... 2000 F

30 Chambre syndicale de l'automo­

bile ................... 2000 F

40 Chambre syndicale du cycle et de

l'automobile ............. 2000 F 50 Syndicat des fabricants de cycles ....................... 1000 F 60 Association générale automobile 1000 F

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Échos de la presse

Par la plume de M. Rob'ert Ducasble, conseiller du Commerce extérieur de la France, " La Vie Automobile", dans son édition du 19 mars 1910 laisse apparaître que, pour le mois de jan­vier, le chiffre des exportations pour ces industries a été de 8299000 francs contre 8753000 l'année précédente, Ce déficit de 454000 francs a pour cause les inondations dont ont été victimes les grandes maisons de construction telles que De Dion, Bra­sier, Renault, Mors, Bayard-Clément, etc., qui ont vu leurs usines complète­ment envahies par les eaux et n'ont pu assurer leurs services de livrai­sons, tant en France qu'à l'étranger. Certains carrossiers tels Rothschild, Vinet-Boulogne et Védrines ont égaIe­ment suspendu tout travail et chômé pendant toute la durée des inonda­tions.

Pour le mois de janvier 1910, les ven­tes à l'étranger se répartissent entre les différents pays de la façon sui­vante

Pays Milliers de francs Russie , , , , , , .. , , , , 101 Angleterre ", ........ " .. . 2155 Allemagne ......... , .. ' .. . 563 Belgique ,... ,." ... , ..... . 2271 Suisse ................... , 54 Italie ...... ,., ........... , 145 Espagne ........ , .. ", , .. , 136 Autriche -Hongrie ", .. "'" 23 États-Unis ............. , .. . 471 Brésil .................. ,. 93 République Argentine ..... . 649 Algérie ............... , .. . 777 Autres pays 861

TOTAL ...... . 8299

C'est encore" La Vie Automobile" du 29 janvier 1910 qui attire l'attention de ses lecteurs sur la situation particuliè­rement navrante des 12 000 ouvriers

de l'automobile qui se trouvent au

chômage. Il cite notamment Renault :

"fi est sans doute celui de nos constructeurs qui a le plus souffert du fléau. Plus de 600 châssis sont submergés : une partie importante de l'outillage subira également d'énormes dommages. Sans doute, l'usine est coutumière des tours de force et dès maintenant il est aisé de prévoir que les puissants établissements de Billan­court travailleront nuit et jour pendant la saison 1910".

G. Legrand écrivait dans "L'Auto" : "L'eau en furie est un fléau terrible, en face duquel l'homme demeure im­puissant : il lui est possible de cir­conscrire le désastre provoqué par le feu, mais endiguer les débordements d'un fleuve en courroux est malheu­reusement au-dessus de ses forces. L'eau qui assainit et purifie, devient l'élément de dévastation le plus ef­froyable qu'il soit possible de conce­voir lorsqu'elle dépasse les limites que lui a tracées la nature ou la main de l'homme. L'eau détruit alors tout ce qui tenterait de résister à son pas­sage : elle s'attaque à tout, et à son contact les métaux ouvrés sont rapide­ment détériorés. Aussi, est-ce une an­goissante perspective que celle qui s'offre à nos yeux, quand, déjà boule­versés à la pensée des misères qui s'abattent sur les travailleurs de l'auto­mobile par suite du chômage, nous songeons aux ravages occasionnés actuellement dans nos usines d'auto­mobiles par la Seine qui, se faufilant sourdement, impitoyable, insatiable de destruction, dans les soutes, dans les chaufferies, dans les salles de machi­neries, dans les délicats dispositifs producteurs d'énergie, dans les ate­liers où s'alignent les machines-outils, dans les magasins de pièces de re­change, les détériore et les met hors d'état de servir, surtout si sa présence se prolonge ".

Dans "La France Automobile et Aérienne", Maurice Chérié insiste « Le peuple parisien a fait preuve d'un dévouement inénarrable, et d'un em­pressement spontané à secourir les victimes, dont d'autre part le stoïcisme et même la vaillante humeur ont fait l'admiration de tous... L'automobile (était-il besoin de le dire) a été un précieux et rapide auxiliaire et c'est surtout grâce à elle que le sauvetage a pu être effectué de si irréprochable

Billancourt en 1910 Limites atteintes par les eaux lors de l'inondation.

façon que nulle vie humaine n'a été perdue par manque-de secours malgré l'étendue du désastre, qui se répan­dait sur toute la traversée du départe­ment... on pourra se faire une idée de l'envahissement de /'inondation et par suite des services rendus par nos au­tocanots, malgré des conditions par­ticulièrement difficiles, quand on saura que jusque dans le faubourg Saint­ Antoine, il y avait des bateaux auto­mobiles en pleine rue pour ravitailler les habitants, amener les médecins au chevet des patients et coopérer au transport des malades dans les hôpi­taux et même parfois au convoi des défunts vers la terre ferme pour les diriger vers leur sépulture ... ».

«Signalons encore la pittoresque et généreuse randonnée de la caravane automobile qui, suggérée par notre confrère «L'Auto» réunissait le jour même, une trentaine de véhicules alourdis sous la charge de produits de première nécessité, pain, lait, pom­mes de terre, etc., qui se dirigeaient vers la plaine de Gennevilliers, affa­mée au milieu des eaux pour y remplir des victuailles tant désirées, les ba­teaux venus à leur rencontre. En un mot, l'automobile a fait merveille, et sans bruit, sans forfanterie. L'élan est venu spontanément ayant souvent de­vancé la demande. Et, chose curieuse, tout a marché à la perfection, sans accident, j'oserai mêmè dire sans panne; comme si la matière elle-même avait voulu apporter sa quote-part de bonne action ».

« Omnia », dans son nO 214 du samedi

5 février 1910, raconte que : « Dans plusieurs usines l'eau est mon­tée jusqu'à deux mètres de hauteur, envahissant les chaufferies, noyant les dynamos de transmission et les ma­chines-outils, recouvrant parfois tota­lement, jusqu'en haut de la direction, les châssis en finition que la soudai­neté de /'inondation n'avait pas per­

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Le Pont de Saint-Cloud.

mis de lui dérober! Dans la plupart, les bureaux sont submergés, le mobi­lier détruit, les cloisons renversées. Le pavage en bois des ateliers et des cours s'est levé et s'est mis à flotter; le sol en ciment a éclaté.,_Dans toutes hélas, le personnel chôme maintenant, et la misère atteint près de 20 000 de nos ouvriers spécialistes! Les chefs de maisons se plaisent tous à recon­naitre l'énergie et le dévouement in­lassables dont le personnel a fait part devant le fléau. La plupart des conseils d'administration ont voté sur l'heure des sommes importantes pour venir en aide à leurs collaborateurs les plus éprouvés. Quelle sera la durée de la convalescence de notre industrie après une atteinte aussi cruelle? On estime généralement qu'il faudra deux mois à notre industrie pour reprendre sa vie normale, et que ses pertes attei­gnent une vingtaine de millions. Deux mois peuvent paraitre un délai énorme, mais le travail de réparation à effec­tuer est énorme lui-même. Toutes les machines-outils, dynamos, etc., devront être démontées, nettoyées, refaites parfois, remontées et essayées!»

On pourra, plus tard, lire dans le nO 216 d' « Omnia» :

«Pas le moindre découragement n'a frappé /'industrie automobile, tous les ateliers ont repris leur pleine activité aussitôt que l'accès des locaux a été possible, et les livraisons ne se res­sentiront pas de ce court chômage. Les usines ont repris leur physionomie habituelle, le nettoyage et la désinfec­tion, poussés avec ardeur par un per­sonnel directement intéressé à leur prompt achèvement, s'est accompli en un clin d'œil, et le désastre ne laisse déjà plus d'autre souvenir que celui de la solidarité de tous en face de la commune infortune... ».

En 1910, dans sa lettre du 9 février,

M. A. Briand, président du Conseil, ministre de l'Intérieur, demande au président de la République d'approu­ver un décret tendant à rechercher toutes mesures propres à prévenir le retour de pareils fléaux; une commis­sion est créée, sous la présidence de

M. Alfred Picard, membre de l'Aca­démie des sciences; elle est compo­sée de 43 membres et de 5 secrétai­res de commission; son but est de rechercher les causes des inondations récentes et de leur soudaineté, d'étu­dier et de proposer les moyens pro­pres à empêcher le retour de pareilles calamités ou tout au moins d'en dimi­nuer l'intensité.

Les effets de la crue amenèrent nom­bre de personnes à soumettre des idées susceptibles de combattre le sinistre, notamment la création de puits absorbants, de réservoirs, des reboisements, des dérivations de l'amont à l'aval de Paris; la création d'un « canal maritime ». Mais la Socié­té d'études de Paris-Port de mer, estime que l'exécution du canal mari­time, étudiée par M. Bouquet de La Grye, doit activer l'écoulement des eaux de la Marne, de la Seine et de l'Oise; des coupures supprimeraient les boucles de la Seine. Cette idée retient particulièrement l'attention de la Société d'études de Paris-Port de mer, la voie d'eau serait commerciale et se­rait reliée aux voies ferrées de l'Est et du P.L.M. et capable d'attirer vers Rouen et Le Havre le trafic de l'Eu­rope centrale.

L'opération serait fort coûteuse!

La Seine eut le bon goût d'attendre les conclusions de ces commissions avant de sortir à nouveau de son lit... en 1921.

En ce qui concerne plus particulière­ment Boulogne, des mesures efficaces furent prises, mais ce ne sera qu'en 1962 que nous verrons se terminer la magnifique station de pompage, entiè­rement automatique, construite près de la passerelle de l'Avre.

La première station, construite de 1932 à 1935, avenue Ëdouard-Vaillant, aux abords immédiats du pont de Sè­vres, comportait 7 pompes de 1 500 m3/heure et deux de 1 000 m3/heure, soit au total une puissance installée de 12500 m3/heure.

En 1942, lors du premier bombarde­ment aérien, la station fut endomma­gée, les bâtiments surtout ont souf­fert, mais le matériel put être réparé en 1942-1943. Au bombardement du 4 avril 1943, elle fut presque entière­ment détruite. On déCide alors de changer son emplacement, la proximi­té des usines Renault laissant craindre un nouveau bombardement.

Avec l'accord des autorités d'occupa­tion, le matériel que l'on a pu récupé­rer est transféré dans une station provisoire, située en bordure du quai du 4-Septembre, aux abords et en aval de la rue de l'Abreuvoir, dans la partie nord-ouest de l'agglomération.

Cette station a servi lors des crues de 1955, mais en atteignant le maxi­mum de sa capacité.

Notre belle station actuelle était de grande nécessité et met Boulogne à l'abri de toute nouvelle inondation.

De plus, il est décidé d'assurer la protection de Boulogne-Billancourt au niveau susceptible d'être atteint par une crue ayant les mêmes caractéris­tiques que celles de 1910, compte tenu de l'influence des mesures prises, en amont de Paris et dans la traversée de la Capitale.

Ce ne sera qu'en 1957 que la popula­tion riveraine de la Seine se verra tranquillisée, grâce aux travaux de dé­fense entrepris sur le cours de la Seine.

La construction de murettes s'étend sur une longueur d'environ 3600 mè­tres, avec des solutions de continuité dans les parties hautes des abords des ponts d'Issy, de Billancourt, de Sèvres et de Saint-Cloud, et au droit des entrées des ports, des escaliers de barges, etc.

Rue du Cours.

Ces dernières brèches sont munies de fers à U scellés sur des piliers pour permettre la mise en place des van­nages et sont caractérisés par des re­pères spéciaux correspondant à ceux des brèches, entreposés et classés méthodiquement dans le dépôt de la voierie publique de Boulogne-Billan­court. Le personnel de ce service peut effectuer l'obturation totale des brè­ches en moins d'une journée.

Ces murettes de protection sont donc construites en bordure des berges et des quais, depuis Paris (Point-du-Jour) jusqu'au pont de Saint-Cloud, la partie du territoire à caractère résidentiel et agreste s'étendant du pont de Saint-­Cloud au bois de Boulogne étant déjà dès avant la dernière guerre, protégée par une digue en terre.

Voici donc, comment en 1910, les Boulonnais se trouvèrent devant une situation dramatique. Quelques témoins de l'époque, qui habitent encore notre ville, racontent encore aujourd'hui leurs impressions du moment.

Les habitants de la rue de Bellevue se souviennent avoir vu un groupe d'hommes, en bateau, devant un im­meuble de cette rue, tenant un vérita­ble conciliabule. Dans cet immeuble, une jeune femme était sur le point de mettre au monde son enfant; la question était de savoir si on irait chercher un médecin en bateau ou si on évacuerait la future maman.

Les vagissements de l'enfant leur évita de chercher plus longuement. Il avait décidé de naître là, dans une maison de cette rue inondée. On alla, à la hâte chercher le médecin.

Certains docteurs de la ville de Bou­logne ont encore en mémoire diffé­rents faits du genre de celui-ci, qui, sur l'instant étaient des faits drama­tiques.

Les ingénieurs des Ponts et Chaussées qui ont bien voulu m'aider à faire cet article en sont sincèrement remerciés, ils ont bien voulu permettre la consul­tation de documents officiels qui ont servi de base au texte et qui font de celui-ci un document irréfutable. L'in­génieur en chef, M. Guyonnaud, a fait paraître un opuscule dans lequel on peut recueillir tout renseignement sur l'actuelle station de pompage.

Les chiffres cités, concernant les usi­nes Renault, sont extraits du livre de

M. Fridenson "Histoire des Usines Renault » dans lequel, de façon magis­trale, il est parlé de cette usine. Mal­heureusement, il n'existe pas à ma connaissance de documents parlant des industries boulonnaises de l'épo­que, dans leur ensemble.

Les secours distribués aux habitants ont dû être importants, mais distribués de façon parcellaire et difficiles à évaluer.

Les archives municipales possèdent surtout des affiches de l'époque, avi­sant la population des précautions à prendre en matière d'hygiène alimen­taire et d'utilisation de l'eau. Une liste des cantonniers qui ont servi avec héroïsme est également conservée, et les médailles qui leur ont été décer­nées, comme il a été dit précédem­ment, ont dû être bien méritées.

Carmen ALEXANDRE

Quai de Billancourt.