02 - Les ouvriers de Renault et la guerre civile espagnole

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Les ouvriers de Renault et la guerre civile espagnole

Un mois après la résorption des grèves du printemps 1936, la question espagnole devient l'un des points centraux de l'action militante, syndicale et politique; à cause, bien entendu, des affinités entre régimes politiques de part et d'autres des Pyrénées, et du soutien de l'Allemagne et de l'Italie aux nationalistes; et aussi parce que la non-inter­vention arrêtée par le gouvernement (socialistes et radi­caux) alimentera dans les entreprises les premières dissen­sions marquées entre le P.C.F. et la S.F.I.O., et accentuera des clivages dans la C.G.T. réunifiée. La non-intervention va tendre à isoler le P.C.F. et la C.G.T. dans leur soutien à la République espagnole; l'aile gauche de la S.F.I.O. et l'extrême-gauche trotskyste, anarchiste, syndicaliste-révolu­tionnaire,' très dépourvues de moyens, ayant naturellement pris parti pour un soutien inconditionnel aux gauches espa­gnoles.

Aux usines Renault de Billancourt, le ralliement à la C.G.T. de la moftié des salariés, et au P.C.F. du quart, a entraîné la mise en place d'organisations ouvrières numériquement fortes et hiérarchiquement structurées; face à ces deux géants, les oppositions de droite et de gauche pèsent d'un faible poids (1). Généralement donnés en exemple de leur action, les ouvriers de Louis Renault accordent un assez large soutien aux républicains; la série d'éléments dont on dispose pour l'évoquer est lacunaire, mais il est mani­feste que la lutte menée à Billancourt renvoie à celle menée dans d'autres entreprises de pointe, tant à Paris qu'en pro­vince (2).

(1)

Boit à peu près 18 000 adhérents pour la (J.G.T. (la fédération des métaux y e8t à majorité eœ-uttitaire) et 7000 pour le P.O.F, dont le8 effectif8 déclineront moins vite que ceux du 8yndicat ; à droite du P.O.F., la B.F.I.O., avec 8ans doute plus d'un mil­lier de membre8, et les parti8 d'extrême-droite (P.P.F. et P.B.F.) ; à gauche, le P.O.I. et le P.O.l., trot8kY8te8, de8 anar­chiste8, de8 syndicaliste8-révolutionnaire8, tOU8 peu nombreux. Oette étude reprend des élément8 ·d'un mémoire de maîtrise, «Partis et syndicat8 aux usines Renault de Bi!!ancourt, juil­let 1936-juillet 1939 », Paris VIII, octobre 1975, dirigé par Mme M. Rébérioux et M. P. Fridenson.

(2)

Bur la lutte de8 ouvriers françai8, cf. le livre de J. Delperrie de Bayac : les «Brigades internationale8 », Paris 1968, fondé 8ur une 8érie d'interview8. «1!Jpopée d'E8pagne », recueil de récit8 et document8, édité par l'Amicale des Anciens Volontaires Français en E8pagne Républicaine (A.V.E.R.), Paris 1956.

P.

Broué et E. Trémime : «La Révolution et la Guerre d'E8­pagne», Paris 1961. D.W. Pike : «Le8 Français et la Guerre d'E8pagne », Paris 1975; une série d'interviews a également été menée en mars 1975 lors du déjeuner annuel de l'A.V.E.R.

1 -EN FRANCE

Les ouvriers des usines Renault face à la guerre civile

A) ASPECTS POLITIQUES

Le premier réflexe sera celui de l'action unitaire. "Staline, au nom du communisme international, doit être remercié» s'écrient les militants socialistes de Boulogne, généralement peu enclins à féliciter les dirigeants soviétiques (3) : durant quelques semaines, les gauches vont vivre une entente cordiale dans un soutien mesuré aux républicains. A Billan­court, les orateurs du P.C.F., de la C.G.T., de la S.F.I.O., du Secours Rouge, des Intellectuels antifascistes se succè­dent fraternellement à la tribune des meetings : en cette fin d'août 1936, avant le discours de Léon Blum, à Luna­Park (6 septembre) et le retrait de l'U.R.S.S. du Comité de Londres, les représentants des diverses organisations s'accordent pour approuver les collectes, demander l'ouver­ture des frontières, et pour s'opposer explicitement à une intervention française armée. Ils définissent une poli­tique mesurée et en accord avec le traité commercial, conclu par Laval, qui faisait de la France le partenaire exclusif de l'Espagne pour la vente du matériel militaire. Le 23 juillet, «L'Humanité» publie un communiqué du Secours Rouge : «Allez dans les ambassades ( ...J, organi­sez des démonstrations de sympathie (. . .), télégraphiez au gouvernement espagnol (...J, écrivez aux milices ou­vrières »; puis le 25, ce quotidien lance quand même un appel à la solidarité financière; et le 14 août, il demande que «le gouvernement espagnol puisse se ravitailler sans encourir aucune sanction» et précise le surlendemain qu'il s'agit «non d'une intervention, mais de commerce normal avec un gouvernement légitime ». Début août, au cours d'une réunion chez Renault, la C.G.T. avait freiné les pro­positions d'une partie de sa base qui réclamait que les fonds rassemblés dans l'usine soient investis dans un tank Renault, c'est-à-dire dans un soutien militaire ouvert. Ces ouvriers ralliaient un mouvement se dessinant dans la région parisienne : les métallos de Gnôme-et-Rhône, ceux de Hispano avaient voté l'envoi d'un avion, et ceux de Hotchkiss, de mitrailleuses.

Mais, à Billancourt, une tendance plus modérée s'imposera, représentée notamment par les dirigeants syndicaux qui, « sachant pertinemment que la paix ne s'acquiert point à la pointe des baïonnettes », se prononceront pour l'achat d'une voiture et d'un camion de sucre; les responsables, dont A.-Costes député du P.C.F. de Billancourt, proclament bien haut qu'ils « sont d'accord avec le gouvernement dont ils ne contestent pas la bonne foi» (4).

Début septembre, puis, de plus en plus dans les semaines qui suivent (surtout après la note du 7 octobre 1936), l'U.R.S.S. intervient en Espagne, et le P.C.F. radicalise son attitude; une manifestation est organisée le 4 septembre sur les mots d'ordre «des canons! des avions! cessez le blocus qui tue nos frères d'Espagne! » ; le même jour, les ouvriers de chez Hotchkiss cessent le travail durant une demi-heure. Le 22 septembre, «L'Humanité» mentionne «les actes magnifiques de solidarité de travailleurs de l'UR.S.S. », mais dément" les mensonges criminels (des fascistesJ» sur l'envoi d'armes soviétiques.

Le 7 septembre, les métallos parisiens se croisent les bras durant une heure, «pour le pain et pour l'Espagne» ; c'est la première grève organisée depuis le printemps, et aux usines Renault elle est très suivie. Mais elle accusera les premières oppositions entre les diverses tendances politi­ques dans l'entreprise : alors que «L'Humanité» déclare que la grève était totale, les ouvriers socialistes «protes­tent énergiquement contre une grève (qui estJ une attaque dirigée contre le gouvernement de Front populaire» et « Révolution prolétarienne» ajoutera qu'elle fut «antidémo­cratique puisque décidée sans consultation de la base» (5). Cependant, un réel soutien militaire susceptible de contre­carrer celUi de l'Allemagne et de l'Italie n'est pas revendi­qué par le P.C. et ne le sera jamais vraiment; d'autre part, ce mot d'ordre d'ouverture des frontières n'est pas avancé seul, il accompagne des revendications qui semblent plus préoccupantes comme l'augmentation des salaires ou la limitation des licenciements; est-ce parce qu'il faut, tant pour le P.C.F. que pour les ex-unitaires, préserver la spé­cificité syndicale? ou que le sort de la République espagnole n'est pas en lUi-même porteur de suffisamment d'inquié­tudes pour mobiliser les énergies dans une grève?

D'autres (op)positions se manifestent dans l'usine. Si les organisations de gauche tombent en fait d'accord sur la non-intervention armée, à l'extrême-gauche des voix s'élè­vent pour demander un soutien inconditionnel à ceux qui se battent contre les nationalistes : «c'est par l'action directe seule que vous sauverez nos camarades espagnols, et c'est à la base d'œuvrer dans ce sens» (6). Quant à la fraction d'extrême-droite qui s'exprime, le P.P.F. de Jacques Doriot, elle s'attache moins à soutenir la droite espagnole qu'à attaquer le P.C.F., puisque «ces affaires ne sont pas les nôtres» (7). Les « sans-opinion» ne semble guère nom­breux, au moins dans les premières semaines, compte-tenu des chiffres atteints par les collectes; et au sein de la gau­che, si les dissensions s'affichent, elles n'en restent pas moins, souvent, des différends tactiques entre les «som­mets », la base (en particulier socialiste) faisant la part belle à une intervention officieuse.

Les politiques sont donc différentes, qu'il s'agisse de pré­server la paix à tout prix comme le demande la S.F.I.O., ou de lutter activement contre le fascisme sans toutefois s'aventurer jusqu'à l'ingérence directe comme l'estime le P.C.F., ou de reconnaître dans la lutte du peuple espagnol une authentique lutte révolutionnaire, comme l'analyse l'ex­trême-gauche.

(3)

Tract imprimé, non daté (1936), Archives nationales 91 AQ 16. aZZu.sion certainement à la participation de l'U.R.B.B. au ComUé de Londres.

(4)

c.ompte rendu dactylographié, non daté, du meeting Qui se hent début août.. 30 pages.. A.N. 91 AQ 16.

(5)

R<;spectivement : «L'HumanUé» 8 septembre 1936, «le Popu­la,re» 10 septembre 1936, «Révolution prolétarienne» 25 septem­bre 1936 (organe national des syndicalistes-révolutionnaire8).

(6)

«L'In8urgé », journal ronéoté de la O.G.T.B.R., numéro non daté archives de M. Hatry. '

(7)

«Le Défenseur des métaZZos des u8ines Renault », décembre 1936,

A.N. 91 AQ 16.

B) ASPECTS PRATIQUES ET MATÉRIELS périodiquement réitérée; on voit que chez Renault, il est sou­

Seules organisations numériquement conséquentes à prôner un soutien au gouvernement légal d'Espagne, le P.C.F. et la C.G.T. prennent des initiatives aux formes et aux résul­tats divers.

1) Soutien matériel et moral :

Priorité est donnée au soutien matériel, aux collectes. A Billancourt, les premières listes apparaissent dès la seconde quinzaine de juillet, et les résultats sont mention­nés dans «Vie ouvrière» du 7 août 1936; par exemple, dans un atelier d'une centaine d'ouvriers, tous syndiqués, sauf deux, 87 versent «pour l'Espagne ". Ces collectes sont menées par les responsables syndicaux, mais aussi par ceux du P.C.F. : «animés par les paroles de Lénine qui a déclaré : toujours un pas en avant dans les masses, nous disons à notre tour, toujours un pas en avant dans la lutte, quoique petite cellule d'environ 160 membres, nous avons versé, du 1er janvier au 23 mars, 4289 F pour l'Espa­gne " (8). Dès juillet, la fédération des métaux a lancé le mot d'ordre «d'une heure de travail pour l'Espagne ", demande vent largement dépassé. Et pourtant, au mois d'août 1936, la direction a interdit la diffusion des listes de solidarité. La raison en est évidente : il faut contrecarrer l'omnipré­sence de la C.G.T., et le prétexte est bien choisi puisque les listes circulent pendant les heures de travail (certains délégués n'assurent qu'une dizaine d'heures de travail par mois). «La Vie ouvrière" explique que «ces collectes ne sortent pas du cadre syndical, l'aide apportée au pro­létariat espagnol étant le plus élémentaire réflexe de défense» (9), mais le syndicat ne déclenche aucun mouve­ment de protestation, même de principe, contre la déci­sion directoriale; naturellement, les listes circulent à nou­veau, mais plus espacées. Peut-être ce manque de réac­tion est-il la conséquence d'un relatif isolement des orga­nisations dans ce type d'interventions? C'est ce que laisserait supposer le rapport d'un mouchard de la direc­tion : «(après l'interdiction) le personnel, lassé de ces perpétuelles sollicitations est fort soulagé» (10); mais comment expliquer dans ce cas l'importance des sommes rassemblées dans l'usine? En tout état de cause, la réponse modérée de l'organisation syndicale à ces premières contre-

C. G.T. F. S.I.

Réponse aux Calomnies

COMPTE-RENDU FINANCIER DE LA DELEGATION EN ESPAGNE Pour mettre lin à certains bruits tendancieux qui circulent dans l'usine au sujet des dépenses de la

::~~~;!;~n~u~r;i~:xldnecsé~r:~il}~ûI~:ï~~~':ni~~~:s;=~ecu~i~re td~s l!e8se~ti:~n:y~dic~;:cr~~~teÙs:~o::aRi;~~~I~

commun'que le rapport financier contenu dans ce tract. Les reçus sont li. la disposition de tous les camarades BU J8, rue de Meudon, pour contrôler ce compte-rendu financier.

1° Contenu exact du reçu délivré par la Commission de Solidarité du Rassemblement populaire pour l'aide au Peuple Espagnol. Paris, lt-1 5 octobre 1936.

USINE RENAULT

1.

Automobiles, 3 .....•.. 85.790 »

2.

Accessoires voitures et assurances 605 50

3.

Chargement des camions .. 16.036 60

4.

Pharmacie-pour ambulance.. 3.600

5.

Essence. 650 1>

6.

408 ))

7.

725 45

6. - 326 80

II

9.

- 558

10.

Réparation ambulance moteur .. 50655

11. Envoi moteur de Paris à Perpigan 482 »

12.

75 Il

13.

Téléphone Perpignan à Paris 105

14.

Essence. 240

15.

Pneu et chambre à air .. 261

16.

Essence. 230

17.

RépllTation . 16 "

18.

Bougies .•.•. 46

19.

Essence ..... 136 50

TOTAL il J'E!pagne .. 110.802 40

2' REÇU DETAILLE. USINE RENAULT

3 voitures. Frais de route. 6 conducteurs. 3 pas· sagers. Les camarades furent 1 0 jours en rout!" pour aller de Paris à Valençia (Espagne) :

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Repas ct hôtel: 20 francs par jour: 20 Er. x 9 x 10= . . . . . . . . . . . 1.800

2.

Frais de voyage de retour, 7 cama· rades .••.•••••. , .•.•..••• ,. 1.365

2.

Frais de voyage de deux camarades rappelés à Pai.s: de Barcelone à Paris, 500 pesetas............. 1.000

3.

Passe·avant des camions: 3 à 75 fr. 225

4.

Frais en Espagne dc Cranaye et essence de Port.Bou à Barcelone. 1.200

5.

Sept passeports à 25 francs. . 175

TOTAL des frais de rOllte... 5.765»

Reste en caisse pour l'Espagne ...... 47.619 "

Frais eontrôlés jusqu'à ce jour pour l'aménnge. ment du local, 18, rue de Meudon, pf'rmanence de la section syndicale (C. C. T.) des Usines Renault: Loyer pour 1 an...... -1.000 " Réfection peinture . 2.600 Bancs et tables 2.502 " Linoléum. '" 835 » Electricité, 500 »

Menuiseri~ 'e't ~i~~b~;:~::::" ~g :.

TOTAL .. 11.21775

RENSEIGNEMENTS SUR L'UTILISATION DES COTISATIONS SYNDICALES

Comme dans les autres domainel, 1101 advenaires veulen! faire croire que l'argell! yrrsé pour le. cOliurions !yndicn!es elt employé 11 des 6ns obscuru. Auui, pour démolir leun argumelll~, noui leproduilonl dei nuaiu d'une couf~l~nc~ f~i!<, par n01le camarade Floch.:m, secré!nire de la C. G. T.

attaques patronales est significative de son attitude dans les mois et les années qui vont suivre la grande efferves­cence du printemps de 1936.

Deux millions de francs en un an, c'est, d'après « L'Huma­nité ", le chiffre de l'effort de guerre des métallos en août 1937. A la mi-décembre 1936, les services de la Pré­fecture de police estiment que les seules usines Renault y ont collaboré pour 140000 F (1l). Et cette somme est pro­bablement sous-estimée; dès le 18 décembre 1936, ce sont une ambulance et deux camions qui quittent Billan­court (soit du matériel Civil). Le convoi est acheminé sous la direction du secrétaire de la section syndicale (égaIe­ment membre de la section Renault du P.C.F.), Marceau­Vigny, accompagné de six autres personnes dont son épouse, « sous le vague prétexte de représenter les femmes de France" écrira «Syndicats" (12). L'organisation du voyage suscite tant de commentaires hostiles, à droite comme à gauche, que la délégation se voit obligée de ren­dre des comptes dans un tract qui montre qu'en deux mois ce sont au moins 164 000 F qui ont été collectés dans

l'usine (13).

Sans compter que des soutiens individuels s'organisent pour les camarades de travail partis combattre pour le Front de la Liberté et que les métallos s'efforcent de venir en aide aux réfugiés, plus particulièrement aux enfants qui

(8)

«Étincelle », 10 avril 1938; au 12 juin 1936, le salaire moyen d'un manœuvre est de 5 Flh ; O.S. : 6,25 Flh : O.P. 6.50 à 7 Flh.

(9)

« Vie ouvrière », 28 août 1936.

(10)

A.N. 91 AQ 16, compte rendu dactylographié, non daté d'une réunion syndicale du secteur Artillerie.

(11)

A.P.P. dossier 1665, rapport dactylographié du 15 décembre 1936 : ces services estiment à 2 315 000 F le8 sommes collectées .jus­qu'alors par sept organismes de la Seine : Secours Rouge, P.C.F., Ligue des droits de l'homme, fédération S.F.I.O. de la Seine, le Comité des intellectuels antifascistes, les journaux « Vendredi» et «La Lumière l>.

(12)

«Syndicats », 20 septembre 1938.

(13)

Tract «Réponses aux calomnies », ronéoté, non daté, archives de

M. Hatry; il a été dépensé 110802,40 F pour l'achat de deux véhicules, Renault, naturellement, et les divers frais d'achemine­ment, plus 5765 F pour les frais de voyage des convoyeurs. « L'Humanité» du 31 août 1936 estime à 112 425 F la souscrivtion des travailleuTs de Renault.

c. G. T. F. S. 1.

Aux Métallurgistes de chez Renault

Défendons le Peuple Espagnol

Après le mognifique Meeting du 18 pour te soutien du peuple Espagnol luttant pour la République et pour leurs libertés,

des collectes ont circulé en mosse dons l'usine, cela n'o pas plO à Messieurs de la direction Renoult puisqu'ils onl immédiatement réagis e-n convoquant les délégués pour leur dire que doré· navant aucune affiche ou tract con.::ernant 10 défense du peuple Espagnol ne sera permise dons l'usine.

Les Délégués pré\ents à cet entretien démontrèrent à Messieurs de la Direction que la collaboration qu'il nous pro­mettait n'était qu'une dém.Jgogie mois qu'cn réalité ils étaient et resteront les ennemis implacables de la dosse ouvriere qui travaille pour réaliser leurs bénéfices.

Penoult 0 prouvé d il rrouve en interdisant les collectes pour le peuple Espagnol quï pst lui-même le soutien de Fronco, de Mussolini et d'Hitler qui rêve de foire de notre beau poys un carnage songlant en voulant installer la dictature terroriste du fascisme.

Nous appelons les Troyailleurs à faire la plus gronde attention de ne prêter à aucune provocation et de ne rien foire sons avoir consulté leur responsable syndical.

Renforçons notre Comité encnre davantage et 10 meilleure réponse que l'on peut faire à Renoult c'est qu'avant la grêve l'organisation syndicale vivait illégalement et collectait de même à l'intérieur de l'usine, donc ce n'elt pal maintenant que Renault empêch~ra les ouvriers de souter.ir leurs frères Espagnols luttant pour ie bien-être, la paix, la liberté contre le fascisme.

Le Sureau de-la Comr":5~loft Exécutive Renault.

sont « adoptés» par des ateliers et accueillis dans les pro­priétés de la C.G.T. (14). Les sources ne portent, par contre, pas trace d'un soutien des organisations de Billancourt lors de l'afflux de réfugiés en 1939, à une époque où par­tis et syndicats sont désorganisés par la réaction patronale triomphante et mobilisent une partie de leurs énergies dans l'effort de défense nationale.

Le soutien matériel va de pair avec un soutien moral aux combattants espagnols. La plupart des meetings, des assemblées générales se tiennent sous la présidence d'hon­neur des «valeureux combattants» et de " l'héroïque peu­ple d'Espagne", selon des formules consacrées maintes fois relevées dans la presse, et, chaque fois que cela s'avère possible, des Espagnols en voyage en France par­ticipent à ces réunions, comme ·M. Nelken qui, femme­député aux Cortès et membre du P.C.E., préside en février 1938 une réunion-femmes à Billancourt. A l'issue de leurs assemblées générales, les métallos votent et publient des motions de soutien, semblables dans leur contenu durant toute la période : «les ouvriers des usines Renault se déclarent prêts à agir immédiatement et à mettre tout en œuvre pour appuyer les directives de la C.G.T. pour l'ouver­ture imméqiate de la frontière" (15).

La place que les journaux accordent à la question espa­gnole est variable et sélective. Dans la presse nationale, les communiqués signés par les ouvriers des usines Renault ont la portion congrue: de juillet 1936 à juillet 1939, il Y en a deux dans «L'Humanité », ni plus ni moins que dans «Le Populaire », le quotidien de la S.F.I.O., huit dans la «Vie ouvrière », hebdomadaires des ex-unitaires, pas un seul dans «Le Peuple », quotidien syndical de tendance confédérée. soit douze articles au total, sur six cents consa­crés aux usines Renault (16). Il parait hasardeux de commen­ter des chiffres aussi faibles; ce désintérêt n'est qu'appa­rent et s'explique peut-être par la volonté de préserver le rassemblement populaire : la S.F.I.O. et le P.C.F. main­tenant des positions relativement antinomiques sut la ques­tion espagnole, auraient tenté d'éviter des affrontements par presse et ouvriers interposés. Par contre, dans les publications destinées particulièrement à la base ouvrière, et souvent créées par elle, la place accordée à l'événement s'accroit (17) : dans les journaux de Billancourt, 10% des articles sont consacrés à l'Espagne; le plus souvent ils relatent minutieusement les collectes effectuées dans les ateliers; très peu de passages sont consacrés aux événe­ments eux-mêmes, à leur analyse : l'information sur la guerre civile doit être supposée connue par la lecture de la presse nationale.

Si l'information varie selon le support, il est un point com­mun aux différents organes : tous sont très discrets, pour ne pas dire silencieux, sur le départ, puis la vie des volon­taires partis combattre dans les «brigades internationa­les,,; et comme les témoignages oraux sont rares, les sources sont parcellaires (18).

2) Les volontaires des «brigades internationales»

Et d'abord, comment apprend-on, dans l'usine, la forma­tion des brigades? Il semble nécessaire de distinguer plu­sieurs étapes. Lorsqu'au tout début de la guerre les options du P.C.F. sont très proches de celles de la S.F.I.O., ceux qui manifestent leur désir de partir se battre se heurtent à un quasi-refus (19) ; à celà, diverses raisons: la plus sou­vent avancée reste celle de la non-immixtion dans les affai­res espagnoles, autrement dit, soutien matériel légal dans

138

le strict cadre des accords commerciaux. Les responsables arguent aussi des nécessités surgies de la «ruée» syndI­cale et politique qui suit les grèves du printemps : le man­que de cadres se fait nettement sentir, et les'organisations préfèrent ne pas voir s'expatrier les anciens militants capa­bles d'encadrer les nouveaux venus. Néanmoins, beaucoup partent en francs-tireurs, et parmi eux un ouvrier de Louis Renault, membre du P.C.F. et de la C.G.T., qui se battra longtemps dans les «brigades» (20).

Ce n'est que quelques semaines plus tard que P.C.F. et

C.G.T. feront circuler des listes d'engagement dans les réunions, des brochures contenant des photos de volon­taires, qu'ils organiseront, financeront les départs. Officiel­lement, tout est centralisé par le Secours Rouge qui orga­nise des départs groupés. Le plus fort convoi des ouvriers des usines Renault se rassemble à Ivry, le 18 ou 20 octo­bre 1936 (21). Les départs se poursuivent ensuite, éche­lonnés au fil des mois, se multipliant fin 1937, après l'appel du P.C.F. par la voix de Leblanc; ils persisteront jusqu'en avril 1938 au moins.

Combien sont-ils? En décembre 1936, les ouvriers du quai de Javel ont proposé la formation d'une colonne entière de métallurgistes, ce qui, malgré les bonnes volontés éviden­tes, relevait quasiment de l'utopie -ou d'un abus de voca­bulaire -, la colonne, ou brigade, étant la plus forte unité armée, soit plusieurs milliers d'hommes. Plus réaliste, l'idée d'une « compagnie Renault» (une centaine de combattants) ne sera pas, non, plus, menée à bien (22). En guise de compensation, la section Renault du Parti parrainera le bataillon « Commune de Paris ", dont l'histoire est conco­mitante de celles des « brigades internationales" (23) ; sans doute celui-ci, comme les principales unités francophones, compte-t-i1 nombre d'ouvriers des usines Renault : les

(14)

Of. par exemple «Vie ouvrière» du 13 octobre 1936; les œuvres sociales se développent considérablement à partir de 1936. gr{jce à l'afflux des cotisations syndicales dans les cai8se8 de8 organi­sation8 ; la C.G.T. acquiert notamment le8 chtJ.teaux de Vouzeron, Gou88ainville et Baillet.

(15)

«L'Humanité» 112 juin 1936.

(16)

Boit pour «L'Humanité» 188 article8, «Le Populaire» 145, pre8­que autant. «Vie ouvrière» 177, «Le Peuple» 89.

(17)

Pour de nombreux 8ujets, la vie de l'usine notamment, cette pre8se régionale remplace dorénavant la presse nationale.

(18)

Je n'ai pu rencontrer que deux survivant8 de8 usine8 Renault : un militant du P.O. (témoignage du 15 avril 1976) qui avait entièrement as8umé la partie con8acrée à la guerre civile e8plS­gnole dan8 le livre de R. Durand : «La lutte des travailleurs de chez Renault» ; Paris, si bien qu'il n'est pas dans cet article fait référence à cet ouvrage; et aus8i M. Gérard, commissaire politique de la 2e compagnie du 13" bataillon de la XIII-B.I. (témoignage du 5 octobre 1976).

(19)

L'exemple a été donné par le volontariat immédiat des sportifs venU8 concourir aux contre-Olympiades travaillistes de Barce­lone. Bur ce refus de8 re8ponso;ble8, tous le8 témoignages recueilli8 concordent.

(20)

Il 8'agit de P. R08li, cf. J. de Bayac, op. cit. page 43.

(21)

Oorrespondance échangée avec le vice-pré8ident de l'A.V.E.R. en 8eptembre 1975.

(22) «L'Humanité ». 4 décembre 1936 pour la formation de la colonne; le projet de formation d'une compa.qnie est lancé IOT8 de la pre­mière conférence du Rayon Renault du P.O.F. et relève donc du Parti, (<< Étincelle» 9 .janvier 1937) : sur l'exi8tence d'une compa­gnie entière, cf. note 21.

(23) Bur l'hi8toire militaire des brigades, ct. le livre de J. de Bayac : «Le bataillon Oommune de Pari8» e8t jusqu'au début de 1937, le Ile bat. de la XI" B.I. : puis, ainsi que d'autre8 unité8, il rejoindra la XIVe B.I. de langue française, dite «la Marseillaise », dont un des chef8 de 8ection est P. Rosli.

témoignages font état de plusieurs dizaines de départs, mais écartent l'hypothèse de plusieurs centaines. On trouve parmi eux des travailleurs étrangers : un groupe de Polonais arrive en Espagne dès le 28 août, un Algérien se bat devant Teruel, dans la XIVe brigade réorganisée, il y a

.au moins cinq Chinois de la colonie Renault et dont trois sont assistants d'un des médecins de la brigade (24).

Pourtant, quel que soit le nombre de ces départs, il reste insignifiant par rapport aux effectifs de l'usine; les archives de la direction de l'entreprise ne contiennent aucun rapport à ce sujet : les èngagements pour l'Espagne semblent se fondre dans la mobilité générale de la main-d'œuvre.

Si on ignore le nombre de ces ouvriers, on ne connaît pas plus leur qualification professionnelle; quoi qu'il en soit, la plupart sont très jeunes et célibataires, et d'ailleurs, le départ de volontaires mariés entraîne la réprobation des camarades de combat eux-mêmes. Ceux qui s'engagent du côté républicain défendent le Front populaire, et les adhé­rents ou sympathisants du P.C.F. n'ont pas l'exclusive; malgré le principe de la non-intervention, des ouvriers socialistes et sans-parti partent également (25). Quant à l'extrême-gauche, si il n'y a pas trace chez Renault du départ de ses militants, ce ne saurait être suffisant pour conclure à leur absence.

Il -EN ESPAGNE

Les ouvriers des usines Renault face à la guerre civile

1) La route vers l'Espagne

Sa décision arrêtée, le volontaire contacte les responsables syndicaux et/ou politiques de sa section, ou de l'usine, le plus souvent à l'issue d'une réunion. Au moment de quitter l'atelier, il arrive qu'il donne régulièrement ses «huit jours D ; mais les lendemains de paie surtout sont propices aux départs (26). Sans doute, certains ont-ils donné lieu à une cérémonie d'adieu puisque les sources témoignent que des ouvriers ont emporté le drapeau de leur atelier (27).

Après les premiers balbutiements et les engagements indi­viduels, les départs des diverses entreprises sont groupés; le voyage se fait en train jusqu'à Alès ou Béziers, à quel­ques dizaines, et les Pyrénées sont franchies à pied, de nuit. La frontière passée, les futurs combattants sont trans­portés en camion jusqu'à Figueras, où ils stationnent une ou deux semaines dans un camp d'entraînement. Depuis l'été 1936, les conditions d'accueil ont bien évolué (28).

2) Vie militaire et hostilités

Dans les premiers mois de la guerre, les volontaires sont incorporés dans une armée hétérogène, et souvent direc­tement envoyés au combat, par exemple à Majorque; les réveils sont difficiles pour ces enthousiastes qui n'ont par­fois pas la moindre notion du maniement d'armes : ils ont accompli leur service national en antimilitaristes lors de la période «classe contre classe" du P.C.F. (29). Mais, fin décembre 1936, le gouvernement espagnol déCide la sup­pression des milices. Les «brigades internationales", comme le reste de l'armée espagnole, sont restructurées, et en avril s'accomplit le regroupement linguistiqlJe des soldats étrangers. Pour les volontaires qui passent les Pyré­nées en 1937 et après, il y aura au moins huit jours d'ins­truction militaire et de maniement d'armes, souvent donnés par des officiers étrangers : en mars 1938 à Figueras, par exemple, un Soviétique enseigne le fonctionnement des armes à feu, un Mexicain donne des cours de topographie en français (30). Les ouvriers des usines Renault sont enga­gés dans divers bataillons, avant et après la réorganisa­tion : «Henri-Vuillemin", « Commune de Paris", «Vaillant­Couturier", et seront de toutes les grandes batailles où s'illustreront les « brigades internationales" : Teruel, Alfam­bra, Malaga, Pozoblanco, Brunete, l'Ebre ... (31).

3) Vie quotidienne et politique

On connaît la geste quotidienne des volontaires des bri­gades : pas de chaussures, mais des espadrilles -même en plein hiver -, pas de bagage, si ce n'est un sac de toile contenant pêle-mêle les affaires personnelles et les muni­tions, à l'épaule, de très vieux fusils maintenus par des ficelles; peu ou pas d'intendance : parfOis, quand du café arrive, il est utilisé pour refroidir les mitrailleuses (32).

Si ces mauvaises conditions matérielles ont frappé les esprits, les survivants se remémorent plus volontiers d'au­tres aspects de leur vie dans les brigades; d'abord, la dis­cipline, librement consentie : c'est l'avis des volontaires, pas exactement celui des chefs qui préfèrent l'expression de «consensus" entre les différents niveaux hiérarchi­ques; de plus, il n'y a pas dans les brigades d'élection des chefs comme dans certaines milices anarchistes : ils sont désignés selon leurs grades acquis avant ou pendant la guerre civile, ou à l'école militaire d'Albacète (33). Selon certains témoignages, il y aurait aussi eu des divergences entre combattants; l'animosité aurait été perceptible à plu­sieurs niveaux; entre le fantassin et l'aviateur : le pre­mier s'enorgueillit de son statut de soldat de l'armée espa­gnole, « avec les mêmes droits, les mêmes devoirs, la même solde" (34), et méprise quelque peu les membres des esca­drilles qui se battent pour de l'argent, mercenaires compa­rables, à la limite, à ceux du Tercio. Les clivages politiques constitueraient un autre type d'oppositions, notamment,

(24)

Respectivement J. de Ba:lJac, op. cit. 51; ibid, p. 136, bataillon «Henri Vuillemin» ; ibid, p. 260 ; et témoignage, 5 octobre 1976.

(25)

Témoignages, 15 avril 1976 et 5 octobre 1976.

(26)

Quand le contremaître est sympathisant, on s'autorise un aver­tissement Sibyllin : «Tu ne me verras pas demain, je pars... » (témoignage d'un chef de groupe socialiste de l'atelier MOdelage, 30 at'ril 1976); depuiS les conventions collectives Signées en juin 1936, un préavis de huit .iours est obligatoire tant du côté ouvrier que patronal.

(27)

«Étincelle », 6 février 1937; «Vie ouvrière ». 17 décembre 1937.

(28)

Témoignages, 12 avril 1976 et 5 octobre 1976.

(29)

Témoignages, déjeuner annuel de l'A.V.E.R., mars 1976.

(30)

TémOignage, 15 avril 1976.

(31)

Respectivement : «Étincelle », 10 avril 1937; témoignage. 15 avril 1976; tract ronéoté, non daté, «Aux secrétaires de cellules », A.N. 91 AQ 16; et correspondance, septembre 1975.

(32)

Il s'agit de mitrailleuses soviétiques de type «Maxim », témoi­qnaqe. 15 avril 1976.

(33)

Témoigna.qe d'un ancien commissaire politique Jean Chaintron dit Barthel, 26 mai 1976.

(34)

Témoignage, 15 avril 1976.

pour les membres du P.C. vls-a-vis des anarchistes de la C.N.T.-F.A.I. et des membres du P.O.U.M. Au contraire, pour d'autres, ce qui a précisément caractérisé la vie outre­Pyrénèes, serait l'abandon des querelles intestines (P.C'; S.F.I.O.fextrême-gauche) si coutumières de la vie en France : «nous étions tous camarades 1 » (35). De toute façon, la vie politique est fort différente selon les bataillons.

A la manière d'une partie des combattants espagnols qui proclament «milicianos, si 1 so/dades, nunca 1", cer­tains volontaires déclarent «so/dats, oui 1 communistes, non 1» (36). Au «Commune de Paris ", la vie du Parti ne ressemble guère à celle de France; même si dès leur arri­vée les militants et sympathisants du P.C.F. ont pris leur carte au P.C.E., il n'y a que très peu de réunions de mili­tants, et à l'écart du cantonnement, lors des événements importants (par exemple les «Treize Points» du gouverne­ment Negrin en avril 1938), pas d'agit-prop, de militan­tisme à proprement parler. Par contre, au poste comman­dement du 13e bataillon de la XIIIe B.I., les réunions de cellu­les ont lieu le plus souvent possible, et les discussions portent sur les questions militaires et sanitaires; cela dit, elles ne réunissent guère que dix à douze personnes. Et pourtant, le Parti reste omniprésent, ne serait-ce que par l'institution des commissaires politiques à tous les niveaux de la hiérarchie militaire (37).

L'événement international qui suscitera le plus d'hostilité parmi les volontaires est sans doute la signature des accords de Munich en septembre 1938, et on le conçoit aisément: c'est le pacte avec l'ennemi fasciste; de plus, une semaine auparavant, le gouvernement Daladier a fait rappeler quelques classes de réservistes et, parmi eux, des volontaires; certains officiers de réserve, passibles de sanctions importantes regagnent la France. Pour ceux des soldats qui ne répondent pas à l'appel, il y aura parfois des suites ju.diciaires, sauf, semble-t-il, poür les blessés soignés dans les hôpitaux espagnols (38).

Parmi ceux qui sont partis, un tiers ne rentrera pas (39). Pour les survivants, le Comité de Londres a, dès le 5 juil­let 1938, signé un accord pour le retrait progressif des étrangers engagés tant du côté nationaliste que républicain. Et, à la fin du mois d'octobre, Madrid fait ses adieux aux volontaires : discours, réceptions, défilé des soldats désar­més... Après une vérification aussi rigoureuse que possible des identités, les métallos regagnent la frontière. Ils éprou­vent des sentiments contradictoires, après les épreuves de ces deux ans, un profond sentiment d'échec se mêle au soulagement (40). A Paris, certains attendront l'ordre d'un nouveau et imminent départ, lorsque les troupes fran­quistes approcheront de la frontière pyrénéenne, début 1939; en fait, seuls les soldats n'ayant pu, pour des raisons politiques, retourner dans leur pays se joindront à ces combats d'arrière"garde.

4) En France

Fin octobre, les volontaires regagnent Paris, via Perpignan; le voyage est pour certains payé par la préfecture des Pyré­nées-Orientales. A leur arrivée, ils forment un petit cortège (200 personnes) qui, après avoir été chargé par la Garde, se regroupera pour se rendre à la salle des métallurgistes de la C.G.T.; là, divers responsables les attendent, pour un meeting en leur honneur. Derniers hommages. Tous les contrats de travail ont été rompus; les héros chôment en cette fin 1938, où il est particulièrement ardu de trouver du travail quand on a des antécédents militants. Les grèves réprimées de novembre ont sonné le glas des espérances de juin 1936, et plus particulièrement aux usines Renault où la réaction patronale amorcée en 1937 se parachève dans la violence : l'usine, occupée le 24 novembre, est éva­cuée par les gardes mobiles, des centaines d'arrestations sont opérées; près de trois cents ouvriers sont assignés en correctionnelle et une des plus lourdes peines -trois mois de prison ferme -est infligée à un ancien ouvrier de l'usine de retour d'Espagne (41). Dans toute la région pari­sienne, les listes noires circulent activement. Tel ancien de Renault, O.S., vit plusieurs semaines chez des cama­rades, puis se fait embaucher chez un marchand forain jusqu'à la déclaration de guerre; il ne retrouvera Billancourt que lorsque l'usine deviendra Régie Nationale.

* * *

Cette aide à l'Espagne fut l'acte militant-type qui a cristal­lisé le désir d'activité révélé, exacerbé, puis souvent refoulé lors des événements du printemps 1936; il est aussi parti­culièrement notable que cette lutte d'après-juin renoue avec l'internationalisme prolétarien, que la grande majorité des métallos (dont la position stratégique dans l'industrie fran­çaise aurait été de premier ordre en cas d'appui militaire de la France à l'Espagne) participe aux soutiens organisés, les uns, contribuant à la solidarité financière, les autres, s'engageant jusqu'au combat physique. Cependant, si à Billancourt, collectes et départs se poursuivent durant toute la guerre civile; leur intensité diminuera au fil des mois; il faut, pour justifier cette progressive indifférence, évoquer la durée du conflit espagnol qui émousse les meilleures volontés, d'autant plus que les espoirs de victoire des répu­blicains sont de plus en plus diffus; mais ne faut-il pas aussi la mettre en relation avec la politique adoptée par le P.C.F. durant les années trente? en ce qui concerne l'Espagne, le P.C.F., et c'est sa grande ambiguïté, ne se désolidarisera jamais vraiment de la politique du gouverne­ment de Front populaire, et sans doute son image de parti ouvrier en fut-elle altérée. Ainsi, dans une entreprise où son hégémonie s'exerce pleinement, l'histoire des luttes

reste donc, en grande partie, celle qu'il a voulue.

Sylvie SCHWEITZER

(35) et (36) Ibid.

(37)

A grade et responsabilité égale avec les chefs militaires, ils veillent sur les conditions de vies morales et matérielles, poli­tiques des troupes; le'ur existence révèle les similitudes entre l'organisation de l'armée espa.qnole et de l'armée rouge.

(38)

Témoignage, 15 avril 1976.

(39)

Un mort aux usines est signalé dans «Le Populaire» du 17 avril 1938; un tiers de morts parmi les volontaires françai8 est le chiffre le plus communément admis.

(40)

Témoignage, 15 avril 1976.

(41)

Pour port d'armes, cf. «Le Populaire ». 27 novembre 1938.