01 - Le Service du travail obligatoire (S.T.O.)

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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Le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.)

Dans la guerre qu'elle a engagée contre les puissances alliées, l'Allemagne de Hitler a un besoin sans cesse grandissant d'hommes, combattants et travailleurs.

Ses combattants, elle les recrute sur son propre territoire, chez ses satellites ou encore en formant des légions dans les pays soumis à sa loi. Ses travailleurs, elle les lève par la force notam­ment en Pologne et en U.R.S.S., ou avec la complicité de gouvernements de fait installés dans les pays occupés. La France qui se trouve dans cette dernière situation va subir les effets de la " loi nazie ".

U ne mobilisation civile

Dès le début de l'année 1941, quelques bureaux de recrute­ment de main-d'œuvre pour l'Allemagne sont installés en France. Dirigés par des Allemands, ils bénéficient de certaines facilités de la part de l'administration française. En même temps des prélèvements forcés sont opérés en Alsace-Lorraine et en zone interdite (1).

Ces mesures, dont de semblables sont appliquées dans les autres pays conquis, se révèlent cependant insuffisantes pour combler un déficit qui, après l'attaque contre l'U.R.S.S., ne fera que s'amplifier. A ce moment on estime qu'il manque à l'Allemagne 2 millions de personnes dont 500 000 pour l'indus­trie de l'armement.

C'est alors que les Allemands décident de procéder à une véri­table mobilisation civile.

Le 21 mars 1942, le gauleiter Sauckel (2) est nommé par Hitler " plénipotentiaire au recrutement et à l'emploi de la main­d'œuvré". Doté de pouvoirs étendus, son autorité s'étendra sur plus de la moitié de l'Europe. L'une de ses premières actions se portera sur la France.

Jusqu'alors le gouvernement de Vichy s'en était tenu à une politique d'attente malgré l'entrevue Hitler-Pétain du 24 octobre 1940 à Montoire, au cours de laquelle Pétain avait accepté " le principe de la collaboration ".

Or, le 16 avril 1942, Laval revient au pouvoir (3). Désormais ce sera avec lui que Sauckel définira les moyens à mettre en œuvre pour atteindre l'objectif qui lui est fixé : l'instauration du travail obligatoire dont l'un des aspects, et non le moindre, est la déportation de travailleurs français dans le Reich.

En mai 1942 Sauckel est à Paris. Au cours de réunions qu'il tient avec des ministres de Vichy, l'opération dite" relève des prisonniers" est définie. Laval l'annonce aux Français dans son discours du 23 juin : certains prisonniers pourront rentrer en France à la condition qu'ils soient remplacés, en Allemagne, par des ouvriers français. .

Malgré une intense propagande, les volontaires sont peu nom­breux et la " relève" apparaît rapidement comme un échec. C'est alors qu'intervient la loi du 4 septembre 1942 relative à " l'utilisation et à l'orientation de la main-d'œuvre".

Désormais sont assujettis" à tout travail que le gouvernement jugera utile dans l'intérêt supérieur de la nation" tous les hommes de plus de 18 ans et de moins de 50, et toutes les fem­mes célibataires âgées de plus de 20 ans et de moins de 35.

(1)

La zone interdite comprenait les départements du Nord et du Pas-de-Calais qui, selon les projets de Hitler, devaient être détachés de la France.

(2)

Fritz Sauckel (1894-1946). Membre du parti nazi depuis 1923. Gauleiter de Thuringe. Il fut le responsable des déportations de travailleurs des pays occupés vers l'Allemagne. Condamné â mort par le Tribunal de Nuremberg et exécuté.

(3)

Pierre Laval (1883-1945). Ministre d'État en 1940 puis Vice-président du Conseil du gouvernement de Vichy. Arrêté sur l'ordre de Pétain le 13 décembre 1940, il est libéré

après une intervention des Allemands. Condamné à mort lors de la Libération, il est

exécuté le 15 octobre 1945.

Les embauches, licenciements ou démissions sont interdits sauf accord de l'mspection du Travail, et des sanctions pénales sont prévues pour les contrevenants.

Une circulaire du 2 février 1943 prescrit un recensement général de tous les Français nés entre le le, janvier 1912 et le 1"' janvier 1921. Enfin, le 16 février, une loi institue" le service du travail obligatoire" (S.T.O.) pour " tout Français ou ressortissant français de sexe masculin, âgé de plus de 20 ans et résidant en France". Désormais l'appareil législatif est complet qui s'ajoute aux multiples pressions exercées sur les travailleurs.

~

aux Ou~I'.~I'S

partant pour rAllemagne

au titre de la «Relève»

Les trains conduisant des ouvriers en Allemagne. au titre de la t< Relève )t, sont partis mercredi 21 et jeudi 22 octobre 1942 de la gare du Nordet de la gare de l'Est. Etant donné que les préparatifs de départ devaient le faire très rapidement, certains ouvriers ont rencontré des difficultés pour être à la gare à l'heure convenue.

Ceux-ci devront .e présenter samedi 24 octobre 1942, entre 8 heures et 10 heures du matin, au bureau cie départ, 141, 143, boulevard Mortier (20· arr.) (métro: Porte des Lilas), en vue de leur achemine­ment immédiat.

Ceux qui "e se conformeraient pas ~ présent appel s'exposent aux sanctions dont ils ont eu con­"aissance.

DER KOMMANDANT VON CROSS-PARIS.

Fac-similé d'un appel aux ouvriers partant pour l'Allemagne au titre de la relève -L'Omvre du 23 octobre 1942.

Sauckel à Billancourt

En 1941, les occupants avaient classé les entreprises françaises en quatre catégories dont deux concernaient celles qui devaient contribuer plus spécialement à l'effort de guerre allemand : les entreprises Rüstung (placées sous contrôle allemand), les entreprises Betrieb (travaillant partiellement pour l'Allemagne). Renault ressortissait à la première catégo­rie. La direction, comme le personnel, pouvait donc penser que, en raison de ce classement, Billancourt échapperait aux prélèvements de main-d'œuvre. Cette opinion était confortée par la visite que Sauckel avait faite à Billancourt le 15 mai 1942.

Ce jour-là, en effet, il était venu se rendre compte sur place de l'état dans lequel se trouvait l'entreprise après le bombarde­ment du 3 mars 1942 (4). Il avait" tenu à dire toute son admi­ration pour l'effort exceptionnel qui avait été fourni [...J, il s'étonnait de les trouver en plein rendement [...Jet, en remer­ciement de cet effort, il avait annoncé à notre Directeur géné­ral (5) qu'il renonçait à pratiquer les prélèvements de person­nel pour lesquels il était venu" (6).

Or, le 21 septembre 1942, René de Peyrecave, au cours de la conférence des chefs de service, informait ces derniers que le gouvernement avait décidé que chaque usine aurait à fournir un certain contingent de volontaires pour le travail en Allemagne et que, pour Renault, ce contingent était fixé à trois cent dix personnes. " En conséquence, une affiche serait apposée dans l'usine dès le lendemain, la consigne étant de lais­ser chacun agir selon sa conscience" (7).

De fait, le personnel de l'usine prenait connaissance, le 23 sep­tembre, de l'avis nO 210 intitulé" Travail en Allemagne ". Curieux avis en vérité qui se bornait à reproduire les instruc­tions du gouvernement sur les modalités du volontariat avec ce commentaire: " Les instructions ci-dessus devaient être por­tées à la connaissance de la population par la voix de la presse avant que les industriels n'eussent à en informer leur person­nel. La Direction des usines ayant pris connaissance de ces ins­tructions dans le" Journal Officiel" du 20 septembre, parvenu à Paris aujourd'hui 23, est tenue d'en informer, sans plus attendre, le personnel".

Bien entendu, il était fait appel aux volontaires mais la menace suivait : " dans le cas où le volontariat ne permettrait pas de couvrir ces contingents, le gouvernement français [...J se réserve d'intervenir lui-même près des travailleurs français", et " pour que cette intervention se fasse avec la plus grande équité, tout en restant dans le cadre des vœux exprimés par les Autorités Allemandes, le gouvernement français donne l'ordre de procéder immédiatement à un recensement du personnel masculin et féminin de toutes les entreprises industrielles et commerciales, à la date du 15 septembre 1942 ".

Face aux exigences allemandes

310 volontaires sont donc exigés. Mais ce nombre n'allait pas tarder à être augmenté. Dès le 6 octobre il était porté à 1 027, le 28 du même mois 54 s'y ajoutaient puis, le 4 janvier 1943 : 700, le lendemain : 500, le 14 janvier : 487 et, enfin, le

(4)

Cf G. Hatry: " Le bombardement du 3 mars 1942 ". " De Renault Frères à Renault régie nationale ", nO 8, juin 1974.

(5)

René de Peyrecave. Mis en état d'arrestation pour collaboration le 23 septembre 1944 en même temps que Louis Renault, il sera libéré le 3 janvier 1945 puis relaxé le 30 avril 1949.

(6)

Archives S.H.U.R.. Lettre de Louis Renault au général Weigand . 10 février 1943.

(7)

Fernand Picard: " L'Épopée de Renault ", p. 166.

9 février: 1 800 ; soit au total 4 568 personnes. Seul le classe­ment de l'usine en S. Betrieb (8) devait mettre un terme aux prélèvements.

Quelle pouvait être l'attitude de la direction face à cette situa­tion ? Certes, le 21 septembre 1942, René de Peyrecave avait laissé chacun" libre d'agir selon sa conscience ". Mais cette liberté de conscience pouvait-elle exister?

Encourager le volontariat? C'était à terme appauvrir l'usine, peut-être la ruiner. La question s'était déjà posée, dans un contexte différent il est vrai, après le bombardement du 3 mars quand il s'agissait de savoir s'il fallait ou non reconstruire l'usine. René de Peyrecave avait alors répondu: " Si les usines Renault ne reprennent pas très rapidement leur activité, il est certain qu'elles se verront peu à peu dépossédées de leur per­sonnel et de leur matériel qui seraient mis à la disposition d'usi­nes plus actives" (9).

Dès lors, la politique de la direction devenait très claire : quoiqu'il arrive l'usine devait subsister. En cet automne 1942, les risques encourus par l'entreprise demeuraient les mêmes dans la mesure où le personnelle plus qualifié serait déporté en Allemagne.

Décourager le volontariat? C'était faire preuve de résistance à l'égard du pouvoir et des occupants. De cette résistance, la direction était incapable tant les intérêts et les options de ses composantes s'opposaient.

Quant à Louis Renault, chacun savait que son unique préoccu­pation, qui tournait à l'obsession, était de "faire tourner l'usine ". Dans le véritable plaidoyer qu'il adressait au général Weigand (ID) le ID février 1943, il rappelait que ses usines, il les avait" créées seul il y a 45 ans", qu'il" ne les a jamais quit­tées ", qu'il avait" porté leurs installations et leur capacité de production telles qu'elles ont pu faire travailler près de qua­rante mille hommes". Et il ajoutait: " Je ne vois personnelle­ment pas l'intérêt, pour la production générale de votre arme­ment, qu'il peut y avoir à déplacer les ouvriers qualifiés et entraînés à une cadence rapide que sont les ouvriers Renault, pour les transplanter du jour au lendemain en Allemagne et les disperser systématiquement dans les usines les plus diverses, dans des métiers ne correspondant pas aux leurs" (Il).

Du volontariat à la réquisition

L'avis du 23 septembre fut accueilli apparemment avec indifférence par le personnel. Une semaine plus tard, seuls 36 volontaires s'étaient manifestés. Cependant leur nombre s'accrut au cours des mois suivants pour atteindre 446 (407 hommes et 39 femmes), soit près de ID % de l'effectif total exigé par les occupants d'octobre 1942 à février 1943.

(8)

Les usines S. Betrieb (Speer : nom du ministre allemand de l'Armement) étaient protégés. donc exemptées des prélèvements de main-d'œuvre.

(9)

Archives S.H.U.R. -Conférence de René de Peyrecave du 13 avril 1942.

(10)

Inspecteur de la RüstungsinSpektion Frankreich.

(11)

Archives S.H.U.R. -Lettre de Louis Renault au général Weigand déjà citée.

AVIS N° 210

TRIVAll en AllEMAGNE

La DJr1Ktfon d •• Usine, a N~U du Gouvernement Français 1•• Instructions suivant•• ;

1 En.ppIM;.ti"" d. 1. loi d,," S.pt.mbre 1'i4J, lur ''',''ilil.tion d,l, m.in.d'Of""", .ue.... cOflgidi.....nt••u"unl ••Ii­lItiOll ft contr.t d. tt....a. n. lMu...,,1 ~ d,l" d.. Iq S.pl........ 1'142. étT. ope.... d.nl ..ott. fn....pti.. I.n. ",cco.d cM l'InlpKtton du Tr.uil;

2' U Gouy••n......nt Fr..n~.i. d • ., •• obteni., PAR LI VOLONTARIAT, 1. ,,"d.ction 'UI d.m.ncI•• d. mli... d·Of....,.. ",,'H. r.çu.. du Gou"........... AII,,,,.nd l, Gou",....m.nt F",n~.l••·,d••u, u... n .... "'u. fol. ,ou ...,son...1 d .. U........n '.p?,!."1 qua , .. tr...m.... , p....nt ""contr.td.tr,,,.it,,,",cl·An.m.qna,o"tr'b,,,,,nlil...lhede.p.i.onni.,,. A... "'""q" dii~ ."quil. 1. ~o""..".m."' F,.."ç.i. aiou'~ da". di.position. nou".II .. ,

AIa..~I.... d'un,nq.qame,l"olo"',i,.co"tinue... p.nd,"t'out.l.du••• d••o".,ontr.'d.tr...il."An.m.q"....:::~=:~d, so" ••t.i.. fr."~.i•. Ca dami· •• I.i ...... ".". pl' I·E"tr.p.i.. fr.n~.i... lU' lai r.ota. d. l.q...ll. l'o"".iI.

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bl PO'" l'hom,,,e m."é ..." tnfanl. ra' moil" ~ .. famma ., p.' moilii i l'.y.nt.d.oit d.,iq"40 pif lui ou

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P......mpie.po"'uncon....ld·""." !·o..",ie, q..;. q.gn. n.OOOf,,,,nco d.n.I·.n"•••co..I.......c."... 'n pl... d. son ..1.;•••1I.m.nd. "n. 10mme d. 11.0QOf••nco. f.actionn•• d.".I·.nn...I"..... C"mm' "..,,,,, .... p...q..p1I.. cid• .,u.;

Il La ~'" 1·.....9''''''" volont.... continu..... binéfici•• du ABoUtiO"' I.mit"". fr.n~.i....

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.t f.m,n'n d. tout.. 1..."tr.p"". ;nd".tr;.II•• ",1 commerci.I..., Ir 1. d",te du 15 Sepl.mb•• 1942.

C•••c.""",,"' ...,lul 1 .. m.mb.u du pa..on.. el '''po~d.nl ou. definotio"••u'unl.. : .IJau...lg.",d.mon.d.la.n•• bJ ..Iau.... filIa.d. "",in. de 21.",. cJ Famm" celib.t.i••• d. pl... d.lS .n•. d) Homm.. 0. plu. d~ 50 .nl.

• 1 Fammll m.,ie.... quel quo .oilleu. i",e.

fi Homme. Ou lemmo\ ;,01... 'y,"1 ou moins .. n enlonl • 1 ..., ch"9' gl P",a. de lemille .y.ntl enf.nh "I.u. ch.'qe.u moin•. hl Anci.~. p';'onn'... dIt g"'''''' .'1141'118.1 1'1)'1.J'I4O

Le. c•••pe"'''''' ~olemm.nl :au. d·incep.cité po .. , invel:d:t. pert; .. U •. d.".on!.'.. "91•• p.. l'ln.pectau. d" Tra".,1. le ..cen.emenl •••• ,;Iobli pou. ch.cunede.caloqO"e'luivenia. -P", ..oM.1 d. D"ection _'ngenieut<.moil.;oe,·lemploy.,. _P.of...ionn.l.qu.nné. e!d.".lel.ev.'lde'mélou•. bl don. tou. eulr .. m"i.... -Ou",i....peci.I,.....! d.n.I.I,.v~ilde. mit..... b) d.n.lou••uh.. mcti....

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I·A.m•• lic.

L'avis nO 210 du 23 septembre 1942.

Devant l'échec de cette première tentative d'appel au volonta riat et en application des instructions ministérielles, des liste de partants furent établies par le bureau d'embauche.

Convoqués devant une commission dirigée par un officier aIle mand, les ouvriers désignés étaient mis en demeure de signe un engagement de " départ volontaire " et un contrat de tra vail pour les usines Daimler-Benz, Fz'rmapatent (12) dl Renault. A la fin septembre, 121 engagements étaient ains conclus et, au 31 décembre, leur nombre atteignait 936

L'intervention de la direction de l'entreprise dans le recrute ment apparaissait, aux yeux du personnel, comme détermi nante. Aussi tenait-elle à persuader qu'elle n'agissait que sou la contrainte. Dans ses" avis" elle le notait explicitement sou une forme lapidaire : "la Direction a reçu des Autorité d'occupation l'ordre de ... " (13).

(12)

Entreprise allemande ayant signé un contrat avec une entreprise française (contrat d parrainage en quelque sorte). La Société des moteurs Renault pour l'aviatio

S.M.R.A. avait pour Firmapatent la société Argus de Berlin-Reinickendorf (C) Jacques Evrard: .. La déportation des travailleurs français daIls le III' Reich", p. 68;

(13)

Notamment les avis nO 210 et 286.

6

AVIS N° 213

Pour l'application des dispo­sitions prévues par l'avis n° 210, le Bureau d'Embauche (M. Loiseau) sera ouvert Samedi 26 Septembre de 8 h. 30 à 12 h.

BILLANCOURT, le 25 SEPTEMBRE 1942 LA DIRECTION.

L'avis nO 213 du 25 septembre 1942.

AVIS N° 219

Travail en Allemagne

BILlA.NCOUI'. '-15 OCTO&RE 1942

La Diredion des Usines a ~u du Secrétariat d'Etat

• la Produdion Industriene, la lettre suivante :

c Monsieur le Directeur.

« Au cours d'une réunion tenue le 21 Septembre 1942, ou c Secrétariat d'Etat à la Production Industrielle, sous la présidence c du Secrétaire Général à l'Industrie et ou Commerce Intérieur, il vous

a été notifié que les Autorités d'occupation avaient fixé à 310 le c nombre d'ouvriers de votre établissement, destinés à aller travailler « en Allemagne.

c J'ai l'honneur de vous foire connaître qu'après révision, par c ces mêmes Autorités, ce nombre a été fixé à 1.027.

c Veuillez agréer ..... ).

L'avis nO 219 avisant le personnel des nouvelles exigences allemandes (15 octobre 1942).

De même en ce qui concernait l'évolution des modes de prélè­vements. Si les affiches publiées en 1942 portaient pour titre " Travail en Allemagne ", celles de 1943 étaient intitulées " Réquisition de main-d'œuvre pour le travail en Allemagne ".

C'est donc à partir de janvier 1943 que le terme" réquisition " est couramment employé. Et, afin" que la responsabilité de la désignation des ouvriers qui doivent partir pour l'Allemagne ne puisse, du point de vue social, être imputée au Chef d'Entre­prise", un inspecteur du Travail est détaché au bureau d'embauche allemand installé hors de l'usine (14).

Requis, défaillants et réfractaires

Être désigné pour le travail en Allemagne ne signifiait pas nécessairement le départ outre-Rhin. Sans qu'il soit possible

(14) Archives R.N.U.R.. Avis nO 258 du 22 janvier 1943.

d'en preCIser l'importance, il est certain que de nombreux ouvriers, surtout des jeunes sans charges de famille, préférèrent quitter l'entreprise,

Par contre, on connaît beaucoup mieux (15) l'importance du mouvement " défaillants " et " réfractaires ". Les défaillants comprennent les ouvriers qui, ayant été convoqués au bureau d'embauche allemand, ont parfois signé leur contrat de travail mais ne se sont pas présentés au rendez-vous fixé pour le départ et ont quitté l'entreprise. Les réfractaires forment deux catégo­ries ; les uns ont disparu de l'usine et de leur domicile dès qu'ils' ont appris leur désignation; les autres, après un séjour en Allemagne, n'ont pas rejoint leur poste à l'issue d'une permis­sion qui leur avait été accordée.

Cependant, force est de constater que plus de 95 % des person­nes touchées par les différents prélèvements acceptèrent, bon gré mal gré, leur départ en Allemagne comme l'indique le tableau ci-après:

Catégorie Nombre %

Requis (*) 3890 95,69

Défaillants 33 0,81

Réfractaires 142 3,50

Total 4065 100,00

(*) y compris 177 réformés en Allemagne.

Comment expliquer ce phénomène? D'abord, semble-t-il, par le fait qu'il ne s'est pas agi d'un prélèvement massif et unique, mais de six mesures échelonnées dans le temps. Ensuite, en rai­son du mode de désignation dont le critère était les " charges de famille". Beaucoup d'hommes mariés pensaient que, le

AVIS 248

Nous avons délà porté à votre connaissance par vos Chefs de Service et de Dér,artement, que ceux d'entre vous qui rece­vaient à leur domIci e des convocations individuelles des Mairies ou des Autorités d'Occupation pour aller travailler en Allemagne,devaient Immédiatement en prévenir leur Chef de Département ou de Service.

Il peut se faire que pendant la période du 18 décembre au 4 lanvler des Ouvriers et Collaborateurs reçoivent ainsi une convocation.

Il sera nécessaire que ces personnes en Informent immé­diatement leur Chef de Département ou de Service. à défaut, la personne qui assurera la permanence au Service du Personnel, Bureau d'Embauche, quai de Billancourt.

BILLANCOURT, 1. 18 Décembre 1942.

LA DIRECTION.

Les personnes qui recevraient des convocations émanant d'organismes exté­rieurs à l'entreprise doivent en informer le bureau d'embauche, indique l'avis nO 248 du 18 décembre 1942.

(15) Les différents chiffres et statistiques ont été établis à partir du fichier S.T.O. du service du personnel de la R.N.U.R.

temps s'écoulant, ils pourraient échapper au départ. Or, si la catégorie sans charges de famille (célibataires, veufs, divorcés, séparés) devait fournir plus de 30 % (1 192 personnes) de l'effectif requis, les mariés avec ou sans enfants devaient être les plus touchés avec 2 698 personnes.

Certes des tracts circulaient clandestinement dans les ateliers invitant le personnel à refuser le départ. On pouvait y lire : " Opposez l'inertie et au besoin la violence aux ordres. Brisez vos machines. Incendiez les magasins. Arrêtez les directeurs et faites-en des otages" (16).

AVIS N-258

,

REQUISITION DE MAIN-D'ŒUVRE

POUR LE TRAVAIL EN ALLEMAGNE

Le • Janvier. à leur r60uverture, lei Usln.. ont NfU d. ~tl'0ccuptItI0a,. ronl,. ... fou....... 700 ouvriers pour le travail en Allem..n..

La 5 Janvier, peu .,.... communkatlon cl. ce prem.... chIffII. .............................................. ......-....

c. chiffre d. 500 ouvrl..... Le •• Janvier, un nouvel ordre d. r6quWtlon a '"........ avx UIIftet comportllftt UII ~.ntIUppNmentoire cie 417 otrnIen.

INSTRUCTIONS DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

l.Go...... r ...m.ntfr.II~.j•• p.rlettr.minjl....... du 12 Je'""-, ........ _f'N.tIdents do. Co",",. d'Orqoniwtion, difl",olo. in~nlCIl"" o:to.-,., ...... MI ••_,..... tion.ou.Pr.fltb,.u.Admillirtrotionl.loProductionl~"duTr....I,

IIpdci.. l.pooitiond.,inc!u'm.ltd....nt ... ont....riClluIIIIioft.

MINiSTfRf DE l .... PRODUCTION

INDU!>TRlfLlE

ET DE', COMMUNICATIONS

'"' b~ 0090 G

' ....RIS.I.12Jonvi.rl'l4l.

Le Min;,fT. Socr".'ro d·Et.t

".

ProduClion Indultrilne.1 Ou' Communi,elionl

a M......... 10, ''',id.nh

Ou O".,I.u.s R.sponsables

de Comit" dOrq"ni."lion

RÈGLES DE DÉSIGNATION

lorI ..... ~du"."...,cOflfint.... I~IM21... ~ ~...... w ... rit/M .................lrlnlf>Kl'eurduTr ..... ;.".itf....... ~ C.~."'portill"_il.._du P-.l..U..... perl·...""n·210 .. 2Js.p.

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... DIrKKon ..U.......II .......... ...m.':'1 op6r~ et pwt~.....

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Du" Travail en Allemagne" on passe à la réquisition, indique l'avis nO 258 du 11 février 1943.

département, ingénieurs ou agents de maîtrise prévenaient parfois les intéressés avant la remise de la convocation offi­cielle, leur permettant ainsi de prendre des dispositions éven­tuelles telles que congé, maladie ou fuite.

Les recruteurs, quant à eux, n'étaient pas avares de promesses: prime d'engagement, demi-salaire payé en France s'ajoutant au salaire réglé en Allemagne, permission après six mois de séjour, bénéfice maintenu des allocations familiales, sans compter les conditions matérielles (logement, nourriture abon­

dante, etc.).

En même temps les menaces de sanctions pleuvaient : " Les noms des hommes qui ne répondront pas à la convocation ou refuse­ront de partir devront être affichés dans cha­que service et dans chaque atelier; ces hom­mes seront passibles d'arrestation" (18).

Quelles sont les catégories professionnelles auxquelles appartenaient les reqUIs r 30,30 % sont des professionnels, 56,10 % des ouvriers spécialisés, 10,80 % des manœuvres et 3,30 % des techniciens. Cette dernière catégorie fut la moins atteinte et elle ne le fut qu'à la suite d'um visite à Billancourt du capitaine Von Borck, au cours de laquelle fut exigé If départ de 100 dessinateurs (19) .

Les départs massifs eurent lieu à cinq repri­ses: en octobre 1942 (497 personnes), en novembre (399), en janvier 1943 (1 011), en février (985) et en mars (729). La pluparl des requis se retrouvèrent dans l'une des usines de Daimler-Beru (Untertürkheim, Sindelfungen, Gaggenau, Mannheim), leU! affectation ayant été fixée dès leur départ. D'autres rejoignirent des centres de réparti· tion d'où ils partirent chez différent: employeurs.

Ces mots d'ordre irréalistes ne pouvaient être mobilisateurs. Quant aux incitations à quitter l'entreprise, seuls étaient en mesure de les entendre ceux qui avaient la possibilité de trou­ver refuge à la campagne car, en 1942 comme au début de 1943, il n'était pas encore question de rejoindre un maquis.

Face à la dissuasion diffusée par les journaux et tracts clandes­tins -mais ces derniers étaient-ils connus de la grande masse des ouvriers? -, une propagande officielle, qui se voulait per­suasive, était développée, cependant qu'à l'intérieur même de l'usine certains directeurs et agents de maîtrise n'hésitaient pas à prendre parti. Un directeur notamment, en toute occasion, clamait que " ceux qui refusaient de partir étaient des lâches parce qu'ils obligeaient d'autres plus chargés de famille à par­tir à leur place" (17). Notons cependant que des chefs de

Les Renault en Allemagne

Il n'est pas possible de faire une synthèse des aventures indivi· duelles des requis Renault. Mais nous voudrions, au travers dt quelques témoignages, dire comment certains d'entre em vécurent leur vie en Allemagne.

Roger Sorel (en Allemagne du 4 février 1943 au 19 mai 1945) • " La convocation que me remit mon contremaître, couranl janvier 1943, m'enjoignait de me présenter à un bureat d'embauche situé place de l'Église. Là, une dactylo des usine: Renault, sous prétexte de faciliter la frappe du contrat, m« demanda ma carte d'identité et s'empressa d'y apposer ur cachet allemand du service de la main-d'œuvre, afin que, dan: le cas où je ne serais pas parti, cela me désignerait aux autorité:

d'occupation.

(18) Archives R.N.U.R. : avis nO 286 du 11 février 1943.

(16) Fernand Picard, op. cit., p. 167. (19) René de Peyrecave, à la suite d'un voyage en Allemagne, fera lancer un appel à 1

(17) Ibidem, p. 184. solidarité pour la relève des dessinateurs.

6'

" À cette époque nous n'avions pas connaissance de l'existence des maquis et le bruit courait qu'en cas de défection la réquisi­tion serait reportée sur un autre membre de la famille. Nous n'avions guère le choix".

Le 4 février 1943, Roger Sorel se retrouve à la gare de l'Est à 9 heures. Un train spécial de requis est formé qui doit partir à 12 heures. Dès son arrivée il trouve un " Comité Renault" qui distribue aux requis de l'usine" une musette de toile bleue qui, outre les denrées qu'elle contient, nous permet de nous reconnaître ".

HfoUISITION de MAIN-d'ŒUVRE

pour le travail en Allemagne

La Direction a reçu des Autorités d'Occupation l'ordre de communiquer au Personnel les instructions suivantes:

l' Un no~'veau prélèvement de 1.800 hommes est imposé aux Usines. Ce prélèvement s'aioute aux prélèvements précédents qui ont déjà été portés à la connaissance du personnel, et dant l'exécution est en cours.

Le nouveau prélèvement de,t être composé de:

1.700 ouvriers

et 1,)0 techniciens, destinés à des bureaux de dessin. les effectifs fixés pour le départ doivent être atteints avant le 2 MARS 1943.

2" Les noms des hommes qui ne répondront pas à la convocation ou refuseront de partir devront être affichés dans chaque Service et dans chaque atelier; ces hommes seront passibles d'arrestation.

3" leurs salaires ne devront plus continuer à être payés aux réfractaires continuant à travailler dans l'usine.

4° De nouvelles désignations devront être faite. pour remplacer les défaillants, et cela jusqu'à ce que l'effectif prévu ait été atteint.

5° les remplaçants, une fois convoqués, seront soumis aux mêmes obligations et sanctions que les premiers convoqués.

n. /1""0..", f. 1. Il l ,", ,,, 1 1~,.,

De nouvelles exigences allemandes annoncées par l'avis nO 286 du Il février 1943.

Après un long voyage, il arrive à Berlin-Sud où les requis sont reçus par un représentant de l'usine, qui les dirige vers Finow­Mark à 50 kilomètres au nord-est de Berlin.

Le camp où il réside est situé à 800 mètres d'une usine de muni­tions. Il occupe la fonction de régleur sur machines automati­ques et, en outre, assure l'entretien du matériel. En 1943, la semaine de travail en cinq jours et demi est de cinquante-cinq heures; cette durée sera augmentée progressivement pour atteindre quatre-vingt-quatre heures (équipe de jour) ou

A"'• • -288

ATIESTATION D'EMPLOI AUX USINES RENAULT POUR LE RECENSEMENT EN COURS DANS LES MAIRIES

Tout ouvrier ou collaborateur des Usine., appelé pour itre rece., devra demander, à la Direction du Personnel, une atte.tatlon d'emploi aux Usines qu'il présentera à son bureau de recen.ement.

Au cas où, malgré cette attestation, Il recevrait une convocation de d6part pour l'Allemagne prov0nant d'un bureau autre que l'OffIce de Placement Allemand de l'Usine (Place de l'Eglise), Il devra Imm6dlatement .'adresser à la Dlredlon du 'er50nnel des Usines (Ouvriers ou Collaborateurs).

16 .~, 1943, LA DIRECTION.

Création des attestations d'emplois (avis nO 288 du 16 février 1943).

soixante-douze heures (équipe de nuit) en 1945. Il était rému­

néré 1,20 mark de l'heure (20) et, chaque mois, entre 1943 et

1944, il envoyait 50 marks à sa famille. Il devait payer un loyer

dans le camp, ainsi que la nourriture. Seules" la bière et les

allumettes étaient en vente libre; le pain et le tabac consti­

tuaient une monnaie d'échange ".

Et Roger Sorel précise :

" Le camp dans lequel je logeais était" franco-belge" ; il y

avait une centaine de personnes à raison de quatorze par

" chambre ". La nourriture était fournie par la cantine de

l'usine. Au début, elle était suffisante mais, par la suite, elle fut

fortement réduite.

" Chaque semaine j'allais au cinéma. Mais, dès mon arrivée,

j'avais été admis dans l'équipe de football des prisonniers de

guerre français. Ayant la possibilité de me déplacer dans un

rayon de 100 kilomètres, je fis quelques voyages à Berlin avant

les bombardements qui devaient anéantir la ville. Jusqu'au

OUVRIERS PARTANT POUR L'ALLEMAGNE

DISTRIBUTION DE "IN

Nous informons les ouvriers de nos usines partant pour l'Allemagne qu'à partir du MERCREDI 24 F~VRIER, à la demande du Comité Social, nous pourrons distribuer sur le quai de départ de la gare de l'Est, en plus de la musette garnie, une bouteille de vin contre remise d'une bouteille Saint-Galmier propre et en bon état.

Nos délégués se trouvent sur le quai de départ, près d'un chariot portant le panonceau "RENAULT", au delà du guichet de contrôle des Services allemands.

BILLANCOURT, le 22 Février 1943,

LA DIRECTION DES SERVICES SOCIAUX.

Pour les requis, une bouteille de vin à condition qu'ils fournissent une bou­teille saint-galmier propre et en bon état (avis nO 297 du 22 février 1943).

(20) La valeur du mark, fixée arbitrairement par les Allemands, était de 20 francs.

S.T.O. étagement des départs

1025 1000

1 i

l' r­

-1

975 T

1 J

950

t

-

925

t

900

875

850 ­

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650+--+--+--+-+--+-+--+--+-+-+-+-~+-~+-+-+-+-+-+-+-+-+­

625+--+--+--+--+-+--+--+--+--+--+-+-fl-+-;r+-+-+-+-+-+-+-+-+­

600+--+--+--+--+-+--+-+-+-+-+-~~+-;r+-+-+-+-+-+-+-+-+­575+--+--+--+--+-+-+-+-+-+-+-~H-+-~+-+-+-+-+-+-+--~-+ 550+--+--+--+--+-+--+-+-+-+-+-~H-+-~+-+-+-~~~~~-+ 525+--+--+--+--+--+--+--+--+-+-+--t4M-+-~+-+-+-+-+-+-+-+--+ 500+--+--+--+--+-+--+--+-~··"+-~H-+-~+-+-+-+-+-+-+-+-+­475+--+--+--+--+-+--+-+-+-~~~--t-tH--t--t+-t--tt--t--t--t--t--t--~ 450+--+--+--+-+--+--+--+--+-~,~\----t1H----t----t~----tt--t--t----t----t----+--~ 425+--+--+--+--+--+--+--+--+-~~~H-+-~+-+-+-+-+-+-+-+-+­

400+--+--+--+--+--+--+--+--+-!-'~3~.'.~----I--t~--tt----t--t--t--t--t--~

375+--+--+--+--+-+-+-+-+-1-~~+-+-~+-+-+-+-+-+-+-+--+ 350+--+--+--+-+--+-+--+--+-~~~+-+-~H-+-+-+-+-+-+-+-+­325+--+--+--+--+-+--+--+-~~-tr~+-+-,;H-+-+-+-+-+-+-+--+ 300+--+--+--+--+-+--+-+--t4H-~4f+-+-~H-+-~~+-+-+-+--+ 275+--+--+--+-+--+-+--+--~H-~~+-+-~H-+-+-+-+-+-+-+-+­

250+--+--+--+-+--+-+--+--~H-1+~+-+-~H-+-+-+-+-+-+-+-+­225+--+-+-+-+-+-+-+-~H--H~+-+-+-~+-+-+--r-r-r-r-r 200+--+--+--+--+-+--+-+--+!+-~~+-+-+-~+-~-+_+-+-+-+--+ 175+--+--+-+-+-+-+-+-~+--HHt+-+-+-ir+-+-+--r-r-r-r-r 150+--+--+--+--+--+--+--+--~+-~~+-+-+-~+-+-+-+-+-+-+-+­125+--+--+-+-+-+-+-+-~+-+-~+-+-+-~+-+-+--r-r-+---t---­100+--+-+-+-+-+-+-+-~+-+-~+-+-+-~~+-+--r-+-+-+-+

ASONDJ F M A M J JAS 0 N 0

1943

1

Les départs de requis en 1942 et 1943.

début de 1945 j'ai collaboré avec une troupe de théâtre, après cela n'a plus été possible en raison de l'augmentation des horai­res de travail. Je signale que, durant mon séjour, nous avons subi un bombardement par l'aviation russe qui ne fit aucune victime ".

Quant aux permIssIOns, " les premiers bénéficiaires furent désignés à cause de leur âge et de leur situation de famille en juillet 1943 mais, comme aucun d'entre eux ne revint, elles furent supprimées au début de 1944. Néanmoins j'ai eu droit à une permission de deux semaines que je dus prendre sur place ".

En ce qui concerne ses rapports avec les Allemands, Roger Sorel répond : " Ils étaient très tendus jusqu'à ce que les ouvriers allemands sachent que nous n'étions pas volontaires; par la suite, ils furent très cordiaux à part quelques francopho­bes irréductibles. La pratique de la langue allemande me per­mit d'entretenir de bonnes relations de travail aussi bien avec la maîtrise qu'avec mes collègues ouvriers. Je dois dire que les relations entre les Français et les femmes allemandes n'étaient interdites qu'aux prisonniers de guerre. Les travailleurs civils pouvaient fréquenter librement les Allemandes. Seules les fem­mes mariées à des soldats allemands étaient passibles de sanc­tions judiciaires, les travailleurs français s'en tirant avec une remontrance. En règle générale ces liaisons cessèrent à la fin de la guerre ".

Roger Sorel lisait les journaux allemands et quelques journaux français: " L'Écho de Nancy", " La Gerbe" et " Je suis par­tout". Cependant, les prisonniers français qui disposaient d'un poste de radio, avec lequel ils captaient Londres, le rensei­gnaient sur l'évolution de la situation militaire. La guerre, pour lui, c'étaient les blessés du front russe qui étaient soignés à l'hôpital de la ville et l'exode des populations de Prusse Orien­tale chassées par l'avance russe.

Puis vint le temps de la libération. " Devant l'avance des trou­pes russes, les S.S. ordonnèrent l'évacuation de tous les civils, Allemands compris. Le 21 avril 1945, nous quittons notre camp. Notre première intention est de nous cacher dans les bois en attendant l'arrivée des Russes. Mais les bruits d'une paix séparée entre Allemands et Américains nous incitent à tenter de rejoindre ces derniers. Nous partons vers l'ouest. Après avoir parcouru environ 200 kilomètres à pied, stimulés par le bruit des combats se déroulant derrière nous, nous fûmes rattrapés le 3 mai par les troupes russes. Le 9 mai nous pûmes franchir l'Elbe et rejoindre les Américains. Le 12, départ pour la France en wagons de marchandises. Arrivée le 17 à Maubeuge: centre d'accueil, contrôle militaire. Nos contrats non signés nous permettent la qualification de requis sur la carte de rapatrié. Le lendemain, départ en wagons de voya­geurs pour Paris où nous arrivons le 19. On se fait traiter de " sales boches " par la foule massée devant la gare de l'Est. Transférés jusqu'au Rex (cinéma) où nous devons passer la nuit. J'ai la surprise d'apprendre que l'usine Renault accompa­gne son personnel en voiture. Je débarque à 2 heures chez mes parents, heureux de les retrouver après 833 jours d'absence".

Paul Hédouin (en Allemagne du 14 janvier 1943 au 24 mai 1945).

C'est son pointeau d'atelier qui lui a remis la convocation pour le bureau d'embauche allemand. Trois jours plus tard, il se présente à la gare de l'Est où il retrouve un groupe Renault. Le voici en Allemagne : " À Landau, je fus désigné pour aller à Rastatt. Tous mes camarades d'atelier devaient aller à Stuttgart. Ne voulant pas rester seul, je les ai suivis. Arrivée à la gare de Stuttgart; personne n'avait mes papiers, et pour cause 1Alors, avec mes camarades je fus désigné pour aller tra­vailler chez Daimler-Benz à Stuttgart-Untertürkheim.

" À l'usine nous faisions une journée normale avec un arrêt casse-croûte de 20 minutes à 9 heures du matin. Arrêt à midi pour déjeuner à la cantine; la nourriture était, à peu de chose près, semblable à celle que nous avions à la cantine Renault. Nous touchions une carte de rationnement et nous donnions des tickets pour la cantine du midi.

" Employé comme soudeur à l'arc, mon salaire s'élevait au début à 80 pfennigs de l'heure puis par la suite à 1,20 mark, mais je n'ai que très rarement envoyé de l'argent à ma famille.

69

" Chez Daimler-Benz nous jouissions d'une très grande liberté, ce qui fait que nous allions souvent à Stuttgart et pouvions nous procurer ce dont nous avions besoin, soit avec notre carte pour ce qui était contingenté, soit avec notre argent pour ce qui était en vente libre.

"En arrivant j'étais logé dans le camp du Sangenhall à Untertürkheim ; c'était une ancienne salle de spectacle; les sièges avaient été remplacés à l'orchestre comme au balcon par des lits et des placards. Ensuite, l'usine s'est décentralisée suite aux bombardements ; je fus envoyé à Taillefingen, là nous logions dans des baraques en bois., Nous avions la liberté mais c'était un petit village et, à part la nourriture, nous ne pou­vions rien nous procurer. Il fallait aller au bourg le plus proche qui était à plusieurs kilomètres. Nous avions le droit de circuler dans tout le canton, mais pour aller à Stuttgart nous avions besoin d'un laissez-passer.

" Nous avons été bombardés à plusieurs reprises sans déplorer de victimes parmi nous.

" J'ai bénéficié d'une permission mais je suis revenu car je n'ai pas pu trouver de travail en France. Pourtant je me suis rendu à Nantes où étaient mes grands-parents mais, sans carte de ravitaillement, j'ai dû me résoudre à retourner en Allemagne.

" Quant à mes rapports avec les ouvriers allemands, ils étaient, dans l'ensemble, assez bons"

Libéré par une unité de tirailleurs marocains, Paul Hédouin va retrouver la France et sa famille. Après avoir médité sur son séjour, il pense, dit-il, " qu'il a été parmi les privilégiés" car il a connu d'autres travailleurs qui" étaient malheureux sans tickets, mangeant très mal et souvent maltraités"

Autres Organes des Mouvements de Résistance Unl~ 3'

LIBÉRATION

COMBAT

ORGANE DES MOUVEMENTS DE RÉSISTANCE UNIS

FRANC-TIREUR

Un seul chef: DE GAULLE; UDe seule 'lntte: POUR NOS LIBERTÉS

la Jeunesse française répond Merde

le Rassemblement du Peuple

l:J. ~rOLX gammée a d·abor~1 t!të le 1 Dt5 martyrs? Certe, il tn flillait. Ponr ..;ymbole de la Rèsi~t.Jnce. A MunÎCh ,'Homme. pour le ~londe, pour l'His· en 19211 les hommes d'Hill!:r étaient toire. Le Parti Commulliste et nous­

.:o~~t~e/kaElt~lT~O;~i~~1;si, nous sommes !~~:~~;:' n~~~L.S donnons lea meilleurs

les ennemis de la coll... boratioD, !mais nOlis sommes SUrtout les ellnemis du Fascisme. D'un Ilouveau Fascisme qui tenterait de Se lev.-r sur \'1 m",jnente délai­te aliemande,NOUS NE VOClONS PAS.

,.~ CinnaJ DE GA U LI.E ~sJ noire Chef. il n'csl p.lS ,wlr(' Fuhrtr.

Le Général DE GAULLE ne repré­sente pas un cesarismlJ naissant, une ambition personnelle. il est le garant de la LIHf.RTE natiunale et individuelle.

Les «rési..tantsll de la derniere heure aiment à nous considérer comme de braves jeunes g~ns qui n'auraient J'au­tre espoir que celui du mllrtyre.

Nais nous liommes dCi VOLONTAIRES nous ne sommes pas des imb~ciles. Nou~ somme" des jeunes que deux an· néeS Je combat 0111 muns. Nous avons beaucoul' al'pris, de Vichy et aussi. .. d'Alger. Nous lavons rt:connaltre les en­nemis de la Liberté quels qU'Ils soient.

le fascilIIe international, c'e..t la con lre-rivolution préventive. c'ut III Sainte Alliance des nanti.. territiés, la dt"rnière cartouche COlllre ce lassemblement po­pulaire qui déj~, dall~ le monde entier, allait détruire les privilèges d'ull. capi­talisme moribolld.

s"r"I~ page :1)

SABOTEZ LA CONSCRIPTION

des esclaves au service d'Hitler

La relève n'ayant pas donné les r,-,­sullat.. que le!'> Allemands cn attendaient, Hitler a I:XI!(t: de Vichy des mesures plus draconieunes.

Le mot de mobilisation, dans la bou­cbe de ceux qui c~pilulerent en Juin 1940 risquait J'indigner le reuple de France. Aussi l'a t·on rempla~é pu l'ex­pression atll!nuée: Il Service obligatoire du travail

Il.

Il ~'agil en fait de la JéportalÎon m4l!oo­sive de notre jeunesse, Non contenh de garder nos prisonniers et d'al racher nos OllvnC15. leurs foyu.les Allemand~ nous demandent tous J10S ieunes homo mes, sans exception.

Il ne s'agit pas, comme le I"isse t:U­tendre hypocritement le lute olficit:l. ude répartir équitllblement entre mus les Français les charges résultant .It'§ lJesoins de notre éCOllunllc n. 11 ~';:)ljt de livrer de nOU\'eaux bras 3 l'Alh:nu­gne. Bichelonut: qui a quelque rah.on d être inrormto, a préCIsé que les nlJu­velles ctrecrut:s>I seraient affectée.. .il IJ construction de fortlfic31ionsen l-'olo~ne.

En éch:lIIge de cetle conscriptioll (t'es. claves au ~er\'ict: d'Hitler, le ReIch offre de libérer quelques pril'ol'nie.... L':;lroce comédie de la relève continue, qui permettra l4U gouvernement de \'1­chy Je pr~st'nter comme un .acte .1,: ~énérel1!'e politIque l'un dt's Crln1t ~ Il ni lui ~era le plus difficilen:ent pardon lit'.

Con Ire cel' nou\'t'llts me~ures la jt-u­nesse française s'e~t d~Ja. en ecpr;', Jre,,~ée toule enlière,

L'exemple des ouvrier.. de Fr3nd~ .luit Jrmeurer const:1mment prc-s~nt J('\"'3ld ses ye'~x. Les ou\'(iel~ ont ft t,:'Ir.lé .Ie six 11101", par leur rêslilance. 1 app!1c:I­ti.,n de· mesllres de r~qu;slllOn. .1. Uf't'..

1

de France, imitez leur ~ell p'e, t ,'0; moi!! q'.le vous ponrr("7 ~:hl1't'r compte!!t double aujollrJ hui Cfir \'Allt'nul:ne t"'" pressee. car C;& Jêfa t<: t:!>t prochr

Manitestl!'z contre le .ervJce obit· gatoire du travail. ': 1ft' ,. ',t'" 1

Français, sabot.ez le re8eiJ~eIDeJH pour la déportation

" Sabotez la conscription des esclaves au service d'Hitler .. proclame le journal clandestin" Libération" du 1" mars 1943.

Pour André Veragen (en Allemagne de février 1943 à avril 1945), " l'ensemble des S.T.O. a pratiqué, en Allemagne, l'art de la résistance passive poussée jusqu'à la limite; plusieurs camarades ont été en prison quelques jours pour travail insuffi­sant. Les responsables allemands n'étaient pas tous dupes. Mais ils préféraient sans doute être assez "coulants", car quelque histoire avec leur direction au sujet des requis risquait de provoquer leur départ pour le front de l'Est "

Parmi les exemples de résistance que rappelle André Veragen : " une journée entière pour tracer un trait d'axe sur un plan, puis la journée complète du lendemain pour gommer ce trait ; disparition très rapide des Français au moment des alertes pen· dant les heures de travail et réapparition très tardive des mêmes après l'alerte avec "oubli" ou "perte" des plans emmenés" par précaution" à l'abri et " recherche" de ces plans, etc.

Les mal aimés

Les voici donc de retour à Billancourt, les S. T.O. Pas tous, car 62 d'entre eux ont trouvé la mort en Allemagne, sans compter les 34 décédés en France peu de temps après leur rapatriement.

Réintégrés dans leur atelier d'origine, ils retrouvent une usine différente de celle qu'ils ont quittée. Certes la grande vague de 1'" Épuration" (21) était passée et la guerre arrivait à son terme. Cependant, les semaines s'écoulant, un étrange silence ne tarda pas à peser sur eux.

Bien sûr leur sort ne pouvait en rien être comparé à celui des déportéS"·'Ou même de certains prisonniers de guerre. En Allemagne, leur préoccupation n'avait pas été de survivre mais tout simplement de vivre. Mais en quoi leur responsabilité per­sonnelle était-elle engagée? Ils avaient subi la contrainte, ne sachant ou ne pouvant s'y soustraire pour des raisons diverses. Les'travailleurs restés en France n'avaient-ils pas dû, eux aussi, travailler pour l'ennemi?

Nombre de contemporains préféraient oublier cet aspect de l'occupation allemande. Et les requis restèrent les mal aimés. Malgré les années ils le demeurent encore aujourd'hui.

Gilbert HATRY

(21) Une étude en préparation traitant de ce problème sera publiée dans un prochain

numéro de la Revue.

SOURCES

Archives de la R.N.U.R. (avis de la direction et fichier S.T.O.).

Archives de la S.H.U.R. (documents Louis Renault).

Témoignages de MM. Georges Braun, Charles Breugnon, Paul Hédouin, Robert Labalette, Emmanuel Loiseau, Roger Sorel, André Veragen.

BIBLIOGRAPHIE

D.-V. Aymé et M. Brilhac : " La Relève. La résistance des ouvriers français 1940-1943 " (publication clandestine).

Jacques Évrard : "La déportation des travailleurs français dans le Ille Reich" -Fayard.-1972.

Gilbert Hatry : " Louis Renault, patron absolu" -Éditions Lafourcade -1982.

Édouard Latour: " La Relève" -Beyrouth -septembre 1942.

Fernand Picard : " L'Épopée de Renault" -Albin Michel ­1976.

Jean-Pierre Vittori : "Eux, les S.T.O. " -Temps Actuels -1982.

Le Procès de Nuremberg -Accusation française -Le travail obligatoire -Exposé de Jacques-Bernard Herzog -Audiences des 18 et 19 janvier 1946.