10 - Une inconnue: la NM

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UNE INCONNUE : LA NM

Chacun connait ou a entendu parler de la voiture des records et pense aussitôt: Nervasport 1932, mais qui se souvient de la N.M. ? En parlant 40 CV, quelle personne cite la N.M., et pour­quoi celle-ci plutôt qu'une autre? La raison en est simple.

Les fleurs des bouquets remis aux vainqueurs du rallye de Monte­Carlo 1971 se dessèchent lentement, déjà couvertes de poussière, dans la coupe sur laquelle le nom d'Alpine Renault est gravé. C'est la troisième fois que notre marque triomphe, la voie ayant été justement ouverte par cette N.M. aujourd'hui oubliée de tous.

Et pourtant, son palmarès pour les six premiers mois qui suivirent sa naissance, est éloquent: 1re au clas­sement général du rallye de Monte­Carlo de 1925; 4 records du monde battus le 11 mai 1925; record du monde des 24 heures les 3 et 4 juin 1925.

Carte d'identité de la N.M.

Voici la fiche d'identité d'une voiture de ce type présentée et réceptionnée au Service des Mines le 28 jan­vier 1925:

-moteur type 229 puis 234, de 6 cylindres en deux blocs de 110 d'alésage pour 160 mm de course, soit une cylindrée de 9,121 litres et une puissance selon la formule de l'administration, de 42 CV; 1

- vilebrequin reposant sur 7 paliers;

- culasse détachable;

- carburateur Renault double corps

(le premier brevet déposé pour un carburateur date de 1902) à 4 gicleurs fixes et débit d'air variable contrôlé par soupape mobile;

-allumage par magnéto à haute ten­sion, bougies démontables (brevet nO 342.792 et 793 du 2 mai 1904) et batteries dont la première application se fit sur cette voiture;

laNM

-carter moteur à ailettes, capacité 22 litres, muni d'un épurateur d'huile (dépôt le 5 novembre 1923 du brevet nO 572.668 sur un régénérateur d'huile) et d'un radiateur pouvant être isolé en période froide.

Le graissage du moteur se faisait par pompe envoyant l'huile sous pression jusqu'aux paliers du vilebrequin (forgé), à la sortie desquels elle était recueillie par des gouttières circu­laires, pour être envoyée, par force centrifuge et sans pression, jusqu'aux manetons de bielles.

La capacité du réservoir d'essence, situé à l'arrière du véhicule, était de 112 litres, l'alimentation se faisant par un exhausteur placé dans une nour­rice.

-embrayage à disque unique fonc­tionnant à sec (première applica­tion) ;

-boîte de vitesses à 3 vitesses avant et une marche arrière disposée à ravant du tube renfermant l'arbre à cardan -carter en alliage léger (la première application avait été effec­tuée sur une M.C. (40 CV) en 1923;

-couple conique 12 x 37 dents;

-direction par roue dentée et vis sans fin d'une démultiplication de 1 à

7;

-diamètre de braquage: 16 mètres;

-freinage sur les quatre roues à l'aide de tambours d'un diamètre de 420 mm, pour une largeur de seg­ments de 60 mm, par l'intermédiaire d'un servo-frein.

A ce sujet, il convient d'ouvrir une paranthèse car beaucoup de per­sonnes pensent encore que ce véhi­cule fut le premier à recevoir un servo-frein. Il n'en est rien.

Le premier brevet déposé par Louis Renault, intitulé «servo-moteur pour commande d'organes, tels que les freins dans les véhicules automo­biles », date du 8 octobre 1921 et porte le nO 542.112. La première voi­ture à avoir bénéficié de ce dispositif est donc la J.V. (34 CV) réceptionnée par les Mines le 11 avril 1922.

Huit autres véhicules avant la N.M. reçurent un servo-frein, amélioré au fil des mois.

Sur la N.M. était monté un servo-frein mécanique, empruntant son énergie à l'arbre de transmission au moyen d'un embrayage à friction, dont le brevet principal avait été déposé le 30 no­vembre 1923 (no 586.352) et per­fectionné par son additif du 11 dé­cembre 1923.

-pneumatiques Michelin 895 x 135 montés sur roues bois détachables à raies (brevet Renault na 449.658 du 21 octobre 1912) gonflés à 3 kilogs à l'avant et 3,5 kilogs à l'arrière.

-suspension avant: deux ressorts

latéraux 9 lames; -suspension arrière: deux ressorts cantilevers obliques 11 lames, un ressort transversal 5 lames et deux amortisseurs simples Hartford;

-carrosserie Weymann avec pare­brise en deux parties, balayé par un essuie-glace, placé en haut et à droite pour le conducteur;

-phares possédant 3 lampes: une lampe de 100 bougies, un feu de croi­sement de 50 bougies dit «monocle », une lanterne-veilleuse de 6 bougies.

Le rallye de Monte-ca::::J

Cette course fut instaurée en 1911 par la Société des bains de mer de Monaco, puis courut seulement en 1912 et 1924. En 1925 c'est François Repusseau, sur N.M. qui l'emporta. Le père de l'amortisseur Hartford, parti de Tunis triompha de tous les autres concurrents au classement général.

Pour rallier Monaco, une « prome­nade» de plus de 4.000 kilomètres, les concurrents durent traverser la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, embarquer à Tanger, aborder Gibraltar, être pointés à Madrid puis à Bayonne. Cette distance devait être courue à une moyenne comprise entre 15 et 30 kilomètres/heure et un parcours de montagne départageait les ex aequo à l'arrivée.

fonction du règlement alors en vigueur,

il bénéficiait, avec quelques autres, de

80 points d'avance sur ses adver­

saires du fait de l'éloignement du

point de ralliement.

Le classement général était ainsi

basé:

-distance parcourue: 1 point par

25 kilomètres;

-nombre de personnes transportées:

6 points par personne;

-moyenne horaire sur le parcours:

5 points par km/h avec un maxi de

150 points;

-régularité sur le circuit de mon­

tagne: 5 points par km/h d'écart

entre les moyennes réelle et théo­

rique.

Les quatre premières places furent

d'ailleurs prises par les concurrents

partis de Tunis:

2e: Mme Aertens sur Lancia.

3e: Lieutenant Lamarche sur F.N.

4e: M. Blanc sur De Dion-Bouton.

Cette première sortie officielle de la

N.M. se traduisit donc en fait par une entrée remarquée, mais d'autres suc­cès allaient ponctuer ses trois années d'existence.

Records mondiaux

Pour six heures, le 11 mai 1925, Garfield et Plessier se mettaient en piste à Monthléry afin de se mettre en jambes et tester la N.M. en vue d'attaquer, dans les semaines sui­vantes, le record du monde des 24 heures.

La première heure dévora 173,231 km et 500 km furent couverts en 2 h 56 mn 40 s 44/100, soit à la moyenne de 169,875 km/ho Au top de la 6e heure avec 157,566 km/h de moyenne, la N.M. et ses pilotes avaient parcouru 945,397 km. Durant ce simple échauffement quatre records du monde avaient été battus puisque, en passant, le record des 500 milles avait, lui aussi, vécu.

Toujours avec Garfield au volant et Plessier pour coéquipier, la N.M. replaçait ses roues sur l'anneau de ciment de Monthléry, le 3 juin 1925 à 19 heures mais pour 24 heures cette fois. Les premières heures furent identiques à celles du 11 mai et

En réalité, F. Repusseau ne coupa pas

la ligne d'arrivée le premier mais, en La NIvI victorieuse dans le rallye de Monte-Carlo 1925 (archives R,N,U,R,).

c'est ainsi qu'aux 1.500 kilomètres la voiture n'était en piste que depuis 9 h 34 mn 15 s 85/100 et donc à la moyenne de 156,715 km/ho A mi­temps, 1.891,352 km avaient vu le ventre du bolide passer à la moyenne de 157,612 km/ho A partir de 20 h 4 mn 36 s de marche à 156,250 km/h de moyenne, le record du monde des 24 heures était battu.

Cependant. la fatigue assaille les hommes; mais, malgré leurs membres rompus, les yeux piquants, la gorge irritée d'être sèche, ils continuent.

Bien que vaillante, la N.M. aussi est lasse, au fil des tours elle se plaint, regimbe, s'arrête, repart. Courage, volonté, endurance, font qu'à la fin de cette longue journée, à la moyenne de 141,031 km/h, 3.384,749 km de ciment sont couverts, ayant usé 100 pneus. Tous les records du monde existants ont été pulvérisés durant ce laps de temps. Et pourtant cette voi­ture était strictement de série comme le confirma l'examen qu'elle dû subir

Rien ne sert de courir, il faut partir àpoint,

Disait aux écoliers notre bon La Fontaine.

Mais Présent et Passé ne se ressemble point,

Le fabuliste est mort, son époque est lointaine.

Maître Lièvre, avant-hier, trouvant Dame Tortue

Se moqua de son air lourd et sans élégance;

Puis dressant vers le ciel une oreille velue:

«Commère, lui dit·iI, vous n'avez point je pense,

Pris au sérieux le match que nous fîmes jadis

Devant l'écrivaillon qui ne fut qu'un fumiste

Et qu'au fond de mon cœur de lièvre je maudis.

Du reste, ce n'était qu'un pauvre fabuliste.

Refaisons ce duel-tous deux, «à la loyale li.

après avoir été dûment plombée dès la fin de cette performance, par les soins de M. Séré de Rivière, commissaire délégué de l'A.C.F., et que pratiqua

M. Delpeyroux, ingénieur des essais au laboratoire de l'A.C.F.

Quelques petits détails seulement la

différenciaient du véhicule n° 58,

prélevé en chaîne:

-carter inférieur lisse, capacité

17 litres;

-taquets de commande de sou­

papes à guides;

-alimentation d'air par manche à

air, tournée vers l'avant;

-réservoir à combustible, capacité

200 litres, alimentation sous pression;

-ressort arrière six lames avec

amortisseurs doubles;

-roues métalliques Rudge Whit­

worth;

-carrosserie grand sport 4 places

(Lavocat et Marceau).

Pour mémoire, je terminerai en rap­

pelant que le 23 février 1926, car-

z

rossée en conduite intérieure mono­place, encore conduite par l'ingénieur Garfield, elle attaquait et s'appropriait le record mondial des 100 km en 32 mn 46 s 10/100 à la moyenne de 188,894 km/ho Quelques mois encore et le 9 juillet 1926, elle pulvérisait à nouveau le record des 24 heures, vrombissant 4.167,158 km à la moyenne de 173,649 km/ho

A titre indicatif et pour la petite his­toire depuis la 0 (1903) jusqu'à la ZS 1 (1934), 1.504 véhicules de la famille des 40 CV ont été fabriqués, la

N.M. pour sa part. groupant 239 uni­tés, compte tenu des deux prototypes réalisés en 1924.

C'est vraisemblablement cette sene prestigieuse de records qui inspira un versificateur inconnu qui transposa une des fables de La Fontaine que nous publions ci-contre.

Roger DESHUISSARD

Bibliographie Revues « Omnia» et « La vie automobile» Brevets Renault obtenus grâce à l'obligeance du service de la documentation et propriété industrie Ile

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LE LIEVRE ET LA TORTUE

Etes-vous bien décidée et sommes-nous d'accord?

Il faut une revanche àla fable banale

Et savoir qui de nous détiendra le record. li

La Tortue, souriant, accepta aussitôt,

Un frisson de plaisir grattait sa carapace;

Car, tout près de ces lieux, stationnait une auto;

Elle aurait bientôt fait de dévorer l'espace.

Chacun d'eux voulait vaincre coute que coute.

Le départ fut donné et le lièvrefilant"

Disparut aussitôt au tournant de la route.

La Tortue prit l'auto et se mit au volant.

Notre lièvre courait, suant àgrosses gouttes,

Lorsque le dépassant, une belle RENAULT

Portant au siège avant la Tortue, sans nul doute,

Dans un tourbillon fou arrivait au poteau.

MORALITE

Si vous ne voulez pas être Lièvre et penaud, Songez àla Tortue et prenez la RENAULT.

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