08 - Guerre au gaspillage

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GUERRE AU GASPILLAGE

Depuis de nombreux mois, les conver­sations, les journaux et les revues reviennent sur un même sujet : c la crise ». Voilà un mot qui sert d'excuse aux paresseux. Tous se plaignent, mais combien ont la volonté de s'arrêter au vrai remède : la guerre au Gaspillage.

C'est, évidemment, une solution in­grate dont l'application demande un effort réel et quotidien. C'est pourtant celle que nous avons toujours appli­quée. Elle a fait ses preuves : il y a 25 ans, les Usines RENAULT étaient abritées par une modeste serre; elles sont aujourd'hui les plus vastes d'Eu­rope.

Ce passé nous autorise à vous entre­tenir aujourd'hui du c Gaspillage », cette plaie qui ronge revenus, appoin­tements et salaires.

l'ennemi

Il est redoutable, car il s'insinue par­tout, à propos de chaque action. Il grandit, on s'y habitue; il submerge tout, il est trop tard : il est le maître.

Il se présente sous de nombreux dégui­sements : perte de matière, perte de temps, efforts inutiles, etc. Mais le personnage est toujours le même. Il n'est un profit pour personne, il est une ruine pour tous.

Il augmente le prix des objets sans en

accroître la valeur.

Il est comme un trou dans votre porte­

monnaie.

Il constitue une charge beaucoup plus lourde que vous ne l'imaginez : vous payez au Gaspillage un impôt plus lourd que celui que vous versez au fisc. Il se présente adroitement, par petites dépenses que vous appelez c insignifiantes », mais dont le total est

loin d'être négligeable.

C'est, en résumé, un personnage dan­

gereux, toujours à l'affût de votre por­

tefeuille et qu'il ne faut pas perdre de

vue. Ne vous habituez pas à sa pré­

sence : il fera péricliter votre affaire

sans que vous vous en doutiez et la

tuera.

Chassez-le dès maintenant.

Exterminez-le.

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Les armes

« Comment puis-je y parvenir? », dites­vous déjà. Cette question est le com­mencement de la sagesse, car, en vous la posant, vous reconnaissez la pré­sence de l'ennemi. Quelles que soient vos qualités et quelque soin que vous apportiez à la gestion de votre affaire, nous l'affirmons, VOUS GASPILLEZ. Tout le monde gaspille.

Nous vous avons dit combien cette question nous avait depuis toujours préoccupés. Vous nous permettrez donc, avec la seule pensée de vous prémunir contre ce fléau, de vous décrire les armes que nous avons employées contre lui.

Ces armes, vous pouvez les forger vous-mêmes

Il faut : 1° Analyser; 20 Vouloir; 30 Persévérer.

Analyser est difficile. Il faut un acte de volonté. Il faut, pendant quelque temps, se « mettre dans la peau» d'un étran­ger. Si vous n'y parvenez pas, priez une personne étrangère à votre affaire de faire un tour chez vous et de vous donner son opinion. Ne vous formalisez pas de sa franchise, mais remerciez-la, sans arrière-pensée, pour le service qu'elle vous rend. Puis, de nouveau seul, examinez votre affaire avec atten­tion. Alors vous verrez avec un œil neuf, et vous découvrirez des choses que vous ne voyiez plus depuis long­temps: les coins en désordre auxquels votre œil s'était fait, la lampe que vous laissiez allumée dans votre bureau et le robinet ouvert, et la machine tour­nant à vide dans votre atelier, etc.

Vous pourrez aussi calculer combien vous coûtent annuellement les retards de vos employés, leurs déplacements inutiles, les 5 minutes pendant les­quelles ils s'apprêtent avant leur sortie.

Vous pourrez ainsi collectionner tous les cas de Gaspillage. Puis, les mettant dans un ordre logique, ayez la volonté de les attaquer, l'un après l'autre. Divisez la difficulté, portez toutes vos forces sur un seul point, et n'abandonnez plus la lutte avant d'avoir obtenu ce que vous avez décidé d'obtenir.

Revenez-y cent fois, perseverez. Rien n'est plus dur, c'est vrai. Il faudra que vous combattiez contre votre propre nature et contre celle de vos employés.

Pas de capitulation, pas de lâcheté, ou vous êtes perdu. Votre personnel sen­tant que vous détendez votre volonté, ne fera pas l'effort nécessaire.

Enfin, pour vaincre, nous pensons qu'il faut éduquer le personnel et non le brimer. Expliquez-lui que le Gaspillage est, pour celui qui le tolère, un sui­cide; qu'il ne dise pas" c'est le patron qui paie », mais bien «le patron ne pourra plus nous payer ». Nous avons atteint, par cette méthode, des résultats surprenants.

La victoire

Si vous avez lutté avec méthode, en~

levant redoute par redoute, toutes les

positions du Gaspillage, vous pourrez

ressentir une grande fierté. Mais vous

ne devrez pas cesser la lutte, car l'en­

nemi, jamais entièrement abattu, se

relèvera et s'infiltrera de nouveau chez

vous. Persévérez. Sachez intéresser

votre personnel à la bonne marche de

votre affaire. Montrez-lui que la pre­

mière victime du gaspillage est le gas­

pilleur lui-même, faites de temps en

temps une petite exposition des cas de

gaspillage : outils cassés, machines

mal graissées, travail mal exécuté,

papier blanc jeté au panier, perte de

temps, etc. L'auteur n'a pas agi par

malveillance, mais par insouciance ou

ignorance.

Notre véritable sécurité réside dans la suppression du Gaspillage.

Tuez le Gaspillage, c'est le mot d'ordre de tous. C'est, dès aujourd'hui, le vôtre.

Renault Commercial -Avril 1932