09 - On nous écrit

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Texte brut à usage technique. Utiliser de préférence l'article original illustré de la revue ci-dessus.

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On nous écrit

De Marcel CHANDESON

Je vous adresse quelques photos retrouvées. Il s'agit d'une réa­lisation originale de remorque camping sur 4 CV. La remor­que, fabriquée à partir d'éléments de 4 CV et d'un arrière de Juva, comporte un réchaud butane et une réserve d'eau. Cette réalisation était l'œuvre de Rédélé, concessionnaire Renault à Dieppe, en 1955.

De Roger GROS

Entré aux usines en 1939 à l'âge de 14 ans, j'ai fait mon apprentissage à l'atelier 379, au-dessus des moteurs d'avions à l'époque, avec le père Maillot comme nous l'appelions.

Après avoir passé mon C.A.P. de tourneur, je devenais en 1942 jeune ouvrier à l'atelier 121 sous la direction de MM. Daussy et Sabatier et je travaillais pour le compte du 153 en particulier. Je me s'ouviens avoir usiné cinq boîtiers de différentiel de la future 4 CV ; j'avais souvent la visite de M. Tricoche ou de ses adjoints, mais j'avais à l'époque 18 ou 19 ans et ne me permet­tais pas de prendre la parole devant ces messieurs.

Pendant ce même temps, je suivais les cours du soir à l'école, rue de la Ferme avec MM. Bézier, Metzmaier. .. et passais quelques soirées à faire de la géométrie descriptive avec notre directeur M. Gourdou que j'ai beaucoup estimé et grâce à qui je suis devenu dessinateur à l'atelier 95 oùj'ai connu tous ceux que j'ai trouvé cités dans vos livres et qui travaillaient pour Louis Renault, M. Helbert en particulier.

J'ai donc pendant deux années été le dessinateur de M. Remiot qui s'occupait à l'époque de l'entretien des forges et fonderies.

J'ai participé modestement à l'étude de l'aménagement des fonderies et me souviens qu'un certain Lenormand a beaucoup fait par lui-même (coulée des vilebrequins des chemises ...).

En 1947, je passais au bureau d'études service OE avec comme patron M. Tauveron puis, plus tard, Rival. J'étais dans un groupe de dessinateurs, encadré par l'ingénieur Rustain égale­ment cité dans vos livres et qui connaissait beaucoup d'histoires de M. Louis Renault. En particulier, il avait étudié, à sa demande, un billard pour l'avenue Foch, à bandes effaçables, c'est-à-dire qu'un groupe motoréducteur permettait de descen­dre de peut-être 1 cm l'ensemble des bandes (vous voyez le tableau).

1953, au moment de la décentralisation des services commer­ciaux et de la création des directions régionales, M. Remiot, alors directeur de l'après-vente, se souvenait de son petit dessi­nateur et me demandait de partir à Reims comme agent techni­que chargé de visiter les concessionnaires.

Depuis, vous voyez le chemin, j'ai monté les échelons du tech­nique au commercial pour acquérir depuis maintenant cinq ans une concessIOn.

C'est avec plaisir que je relate tous ces souvenirs en m'excusant encore de la présentation.

Ce que je souhaiterais, c'est de retrouver mes collègues appren­tis, je trouve anormal que notre amicale n'existe plus, à ma connaissance.

En particulier, pourriez-vous faire appel à tous ceux qui étaient apprentis pendant la guerre de 1939-1945, il doit bien en rester une cinquantaine au moins. Maurice Bourdiau qui est chef de fabrication à Flins, Ami qui doit être à l'ex-SAVIEM.

Nous avons tous des souvenirs et pourrions participer à des articles dans votre bulletin.

De Rodolphe ERNST-METZMAIER

A propos de l'article signé Roger Bussonnais : " Le point du Jour" qui a paru dans le bulletin de la Section d'Histoire des Usines Renault de décembre 1980, nO 21, il est bon de noter ce qui suit:

A partir du 7e paragraphe de la deuxième colonne de cet article, le char FT est appelé le char Estienne, ce qui est complètement faux. J'ai assisté personnellement à la première rencontre entre le colonne Estienne, M. Renault et M. Serre (directeur des étu­des) par un beau dimanche de 1916.

Le colonel (devenu général par la suite) exigeait qu'on étudie un char d'environ 25 tonnes, armé d'un canon et d'une ou plu­sieurs mitrailleuses. M. Renault fit observer que vu l'urgence qu'il y avait à mettre dans la bataille un char efficace, il était absolument impossible d'étudier, mettre au point et fabriquer le moteur assez puissant pour mouvoir un tel engin.

M. Renault proposa alors de se servir d'un moteur 18 HP fis­caux dont l'outillage existait et qu'on pouvait sortir en très grand nombre. Ceci limitait évidemment l'importance du char.

M. Renault fit alors un croquis très rapide d'un engin compor­tant un tireur et un conducteur et qu'on pouvait rapidement fabriquer en grande quantité.

Le colonel Estienne n'était pas convaincu, insista pour qu'on fit

l'étude d'un char plus important. On se sépara vers 7 heures du

SOIr.

M. Renault nous demanda de faire douze avant-projets rela­tifs : les dix premiers à un char lourd type Estienne, le onzième à un char léger à deux places 18 HP et le douzième à un camion à chenilles pour transporter le canon de 155 FilIoux (voir l'arti­cle " Quelques souvenirs " publié sous ma signature dans le nO 5 de décembre 1972 de" de Renault frères à Renault Régie Nationale ").

Par la suite, l'armée commanda à l'usine un certain nombre de camions à chenilles à moteur 110 HP d'aviation, qui ont donné de bons résultats. Sans nouvelles concernant les chars d'assaut,

M. Renault décida de fabriquer un char léger de 18 HP, dont il me confia l'étude, et de le présenter à l'armée. Après bien des hésitations, celle-ci finit par adopter le char FT de 18 HP dont il a été exécuté plusieurs milliers d'exemplaires. On sait quelle influence ont eu les chars sur l'issue de la guerre, ce qui leur a valu l'appellation de chars de la victoire.

S'il revient au général Estienne d'avoir fondé l'armée blindée, c'est à M. Renault qu'on doit la proposition et l'exécution du char FT qui mérite amplement l'appellation de char Renault et non char Estienne.

A ce sujet, on peut dire qu'il revient à M. Renault une part de gloire dans la victoire de 1918 au même titre qu'à un général d'armée qui, par une stratégie habile, aurait remporté la victoire.

Les paragraphes 8, 9, 10 et 11 de l'article de M. Bussonnais sont péjoratifs en ce qui concerne le char FT.

Il est bien évident que vu la rapidité avec laquelle a été étudié et fabriqué le char FT, il était fatal qu'il comportât certaines imperfections.

Les chaînes étaient bruyantes mais à cette époque on ne connaissait pas les chaînes silencieuses qu'on peut avoir aujourd'hui.

La vitesse était de 7 kilomètres à l'heure et non 5.

Évidemment, l'air à l'intérieur du char n'était pas très frais pendant le tir mais le ventilateur du moteur assurait assez vite son renouvellement et je n'ai jamais eu connaissance qu'il y eut mort d'homme par asphyxie.

Les premiers chars ont eu une poulie avant garnie bois (et non le barbotin).

Tout le monde sait comment le FT s'est comporté malgré les petites imperfections dues à la rapidité de l'étude, rapidité qui a permis de l'employer rapidement et avec succès alors qu'une étude trop longue aurait eu pour résultat de retarder et peut­être même empêcher le bon résultat final.

De Paul CRÉMONT à l'intention de P. LHOMMET

Vous n'auriez pas dû relever avec sévérité une soi-disant " contre-vérité" concernant Alger -Le Cap alors qu'il ne s'agissait que d'une confusion entre les deux raids que j'évo­quais dans cette chronique.

Je confirme que le film a bien été tourné au retour, mais au retour du raid du " Cap Nord au Cap de Bonne Espérance " et non après le " Rallye Alger-Le Cap" (votre rallye). Son auteur, Gilles Morance, me le confirmait encore tout der­nièrement.

Cela prouve qu'on ne peut à la fois battre un record et tourner un film valable. Comme il faut pourtant présenter au grand public un témoignage de l'exploit, il importe que les difficultés du raid soient" rendues" à loisir, avec tout le soin désirable par des opérateurs ayant vécu à l'aller les passages les plus dra­matiques. Cela ne s'appelle pas tricher, mon cher Lhommet, mais au contraire souligner le mérite des conducteurs engagés dans ces rallyes africains.

Quant à l'épisode du porteur noir tombé à l'eau parmi les cro­codiles, vous ne pouvez. prétendre que c'est une " contre­vérité" puisque vous n'y étiez pas. Pas plus que moi d'ail­leurs. Je sais seulement ce que pensaient et disaient à l'époque les confrères, assez scandalisés, de l'explorateur-conférencier qui, pour sa part, s'est bien gardé d'y faire allusion dans l'un quelconque de ses ouvrages.

Rappelez-moi au bon souvenir de votre ami Steigelmann avec qui j'ai passé de bons moments en Corse, à Monte-Carlo et ailleurs...

De Henri GILLET

Bien qu'ayant terminé ma carrière comme chef de bureau aux achats, je me suis toujours tenu pour un homme du rang. De

M. Renault, que dire que nous ne savons tous. Toutefois, je peux vous rapporter deux anecdotes à son sujet. Au lendemain du premier bombardement, je circulais dans une rue de l'usine, sans motif spécial sinon pour me rendre compte des destruc­tions, au moment où M. Renault et quelques chefs s'y trou­vaient. Le patron m'ayant aperçu, délégua aussitôt l'un d'eux Ge crois que c'était M. Roques) pour m'interpeller. Je prétex­tai une vérification de stocks d'agglomérants de fonderie et dis­parus rapidement. Une scène semblable se reproduisit après le bombardement de 1943 dans un escalier des grands bureaux où je contemplais par une fenêtre le panorama des ruines. Cette fois, c'est M. Serre qui se détacha pour connaître mon numéro de service. Je fis demi-tour sans répondre. Ainsi, alors que son usine était en grande partie détruite, M. Renault restait préoc­cupé de la discipline.

En plus de quarante ans d'usine, j'ai pu suivre quelques évolu­tions, particulièrement au point de vue du comportement avec le personnel. Quand je fus embauché début 1929, au lancement des pièces de rechange, nous étions dans une période relative­ment faste. On n'était pas bien méchant vis-à-vis des employés. Je travaillais au bureau central mais nous pointions à la place Nationale, c'est dire qu'il n'était pas impératifd'être en place à 8 h. J'étais même étonné de voir des collègues encore à 8 h 30 dans les vestiaires commentant les résultats sportifs de la veille. En 1930, j'étais responsable d'une petite annexe du B.C. à l'atelier des pièces de rechange. Sur une simple demande de ma part, on m'accordait libéralement des heures supplémentaires rétribuées.

Je crois que c'est en 1931 que les choses changèrent quand la crise mondiale se fit sentir. Quand M. Renault revint des États­Unis, il fut décidé d'abattre toutes les cloisons qui séparaient les services. Ainsi, chacun était visible. On fixa même une hauteur standard pour les meubles. Dans le même esprit, le personnel ne devait pas se lever ni quitter sa place. J'avais parmi mes employés une grande et forte femme décolorée qui ne pouvait passer inaperçue. Comme nous étions en face du bureau de

M. Grillot, elle était la cible de choix pour les observations des chefs sur la discipline.

Plus grave fut la décision prise au début des années 30 de passer à l'heure les employés au mois. Personnellement, je passais au travers mais j'en subis les retombées. La conjoncture ne s'amé­liorant pas, on priait les gens de rester chez eux le samedi matin, d'où perte sèche sur la paie. Bien entendu, le même tra­vail devait être assuré quand même. Si j'obtenais une déroga­tion pour une ou deux personnes, c'était une belle bagarre avec ceux qui ne venaient pas.

Il y avait aussi périodiquement les diminutions d'effectifs déci­dées en haut lieu. Je n'étais pas à mon aise quand il fallait dési­gner la victime à licencier.

Mon chef de l'époque avait progressivement changé d'attitude avec son personnel. Très cordial au début, il était devenu vexant dans ses observations suivant en cela l'ambiance géné­rale : " Si vous ne pouvez pas le faire, il suffit d'un coup de clairon sur la place Nationale pour vous remplacer". Avec le chômage qui s'étendait, c'était assez exact. Ou bien: " Il faut créer des difficultés aux gens pour les faire donner le maxi­mum ". " Il faut sanctionner les fautes plus que ça ne vaut".

On avait institué un service de " semaine " avec deux chefs de groupe ou de section, avec la charge, entre autres, de renvoyer chez eux ceux qui arrivaient en retard. Un jour, M. Mettas m'appelle dans son bureau" Écoutez ce bourdonnement, me dit-il. Faites-les taire, je vous en prie, faites-les taire! ".

Au fond, il y avait beaucoup de " cinéma" dans tout cela. On reconnaissait souvent vos mérites sans vous le dire. Néan­moins, jusqu'en 1936 il fallait s'accrocher pour tenir sa place.

Vous savez comment, emportés par l'ampleur du mouvement, beaucoup d'agents de maîtrise suivirent la grève. C'est pour les regrouper que fut créé le C.A.M.T.E.U.R.

Sur 36 et l'après 36, l'article signé Sylvie Schweitzer (nO 20 ­Juin 80) m'a paru très juste et équilibré. Il y eut effectivement une reprise en mains. Pourtant, dans les bureaux, on n'en revint pas tout à fait aux méthodes antérieures. On noyauta avec des éléments présumés favorables au patronat. L'action de la C.G.T. s'essouffla surtout quand les motivations de politique extérieure apparurent après Munich.

Le 1er septembre 1939, un collègue venant du M.P.R. nous annonça l'entrée des Allemands en Pologne. A midi, je quittais l'usine pour n'y revenir qu'à fin septembre 1940, ayant eu la chance de ne pas être prisonnier.

Mon retour fut assez amer car on m'expliqua qu'on devait me déclasser. J'atterris à l'atelier des pièces de rechange pour sui­vre des commandes qui avaient toutes les chances de ne pas être livrées. Nous travaillions trois jours par semaine, soit 24 heu­res. La paie était maigre même pour acheter des rutabagas.

En mai 1941, on me muta aux approvisionnements en me ren­dant mon ancienne classification. Pendant l'Occupation, je fus chargé de demander les attributions pour les produits chimi­ques à grand renfort d'états de stocks à 0, fausses déclarations assimilées bien entendu à un sabotage. Je ne me décerne pas pour autant un brevet de résistant. J'aurais quelques traits amusants à conter à ce sujet. Pour l'amidon de la blanchisserie de l'usine, il fallait s'adresser à l'organisme qui avait un contin­gent pour les cornettes des bonnes sœurs. Un jour, sur une dénonciation, les Allemands furent informés d'un stock clan­destin de caoutchouc dissimulé dans les carrières de Meudon. Le coup fut paré en expliquant que nous avions agi pour le plus grand bien des autorités occupantes.

Après l'interminable période de l'Occupation, mon travail de pourvoyeur de " tickets" de rationnement prenait fin. Je fus affecté aux achats proprement dits de caoutchouc et de produits chimiques. Des années sans histoire. Le pittoresque y perdit mais ma tranquilité et l'intérêt de ma tâche y gagnèrent.

Aujourd'hui, loin de l'entreprise, je reste heureux, j'allais dire fier, de la bonne santé de la Régie.

Me permettez-vous de reproduire ici quelques lignes écrites sur un carnet personnelle 10 mars 1942 : " Si nous pouvions tra­vailler en paix, je donnerais peu de temps pour revoir nos belles voitures quitter l'usine et prendre leur course sur nos chères routes de France ". Peu de temps ... ce fut quelques années, mÇiis quand je pris livraison de ma première 4 CV, j'avais ,gagné, nous avions gagné, nous tous les" Renault".

De Pierre BEZIER

Juste un mot pour vous signaler une très probable erreur: dans le nO 21 (Ile année, tome 4), page 65, la photographie en haut de page n'est pas celle d'un atelier de tôlerie, mais d'un atelier de forge des vilebrequins. L'Histoire c'est l'Histoire. La photo médiane, elle, est bien prise dans la tôlerie.