Résumé de Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud
Meursault, contre-enquête est le premier roman de l'écrivain algérien Kamel Daoud, publié en 2013 en Algérie. Il s'agit d'une réécriture de L'Étranger d'Albert Camus, vue cette fois à travers les yeux du frère de l'homme tué par Meursault, le personnage principal du roman de Camus. Le roman explore les thèmes de la mémoire, de l'identité, de la justice et des héritages postcoloniaux, tout en offrant une critique acerbe de la société algérienne contemporaine.
Le narrateur et son enquête
Le narrateur, Haroun, est le frère de Moussa, l’« Arabe » tué par Meursault dans L'Étranger. Cet homme, désormais âgé et marqué par la douleur du passé, raconte son histoire et celle de son frère, qui jusqu'alors n’avait pas de nom, un élément central du projet de Daoud. En donnant une identité à la victime anonyme de Camus, l'auteur critique l'absence de voix des personnages secondaires dans la littérature coloniale et postcoloniale. Haroun, qui vit toujours dans l'ombre de cet événement tragique, cherche à comprendre l'injustice de ce meurtre et à redonner une place à son frère dans l'histoire.
La réécriture de l'histoire
L'histoire se déroule plusieurs décennies après le meurtre, dans une Oran post-indépendance où Haroun, un vieil homme solitaire, revient sans cesse sur son passé et ses frustrations. Il cherche à comprendre ce qui s'est réellement passé ce jour-là et à donner un sens à la mort de son frère, survenue par un coup de soleil, un acte apparemment sans raison. Le roman interroge ainsi la banalité du mal et le poids du destin, tout en explorant l'impact du colonialisme et de la guerre d'Algérie sur la société contemporaine.
Les thèmes abordés
Daoud utilise cette réécriture pour questionner l’identité et la place de l’individu dans un monde dévasté par l’histoire. Haroun, en quête de rédemption et de sens, s’oppose au fatalisme ambiant et à la violence qui imprègnent sa société. À travers ses monologues dans un bar d'Oran, il exprime son désenchantement envers l'Algérie moderne, sa critique du religiosité omniprésente et de la politique. La question de l’héritage est omniprésente, à la fois dans le sens historique — comment l'Algérie post-coloniale a géré son passé — et dans le sens personnel — comment la famille et les relations humaines sont affectées par les tragédies passées.
Le style de Daoud
Le roman se distingue par son style narratif, qui emprunte à l’humour noir et à la réflexion philosophique. Haroun, tout en dévoilant son passé douloureux, adopte un ton ironique et parfois désabusé, tout en offrant une critique acerbe des idéologies religieuses et politiques. Ce faisant, Daoud parvient à créer un véritable dialogue avec L'Étranger de Camus, tout en en modifiant la perspective et en rendant hommage à cette œuvre, tout en la réinterprétant sous un angle postcolonial.
Réception et influence
Le roman a été largement salué par la critique et a remporté plusieurs prix, dont le prestigieux Prix Goncourt du premier roman en 2015. Il a également provoqué des controverses, notamment en raison de sa critique de l’islamisme et de la société algérienne contemporaine. Certains ont vu dans ce livre une dénonciation des travers de l'Algérie post-indépendance, un appel à un retour à l’humanisme et à la réconciliation avec un passé tragique.
En résumé, Meursault, contre-enquête est une œuvre complexe qui réinterprète L'Étranger en offrant un regard nouveau sur l'Algérie, l'identité et la mémoire historique. À travers ce roman, Kamel Daoud nous invite à réfléchir sur le poids des héritages, la violence de l’histoire et la quête incessante de justice et de sens dans un monde marqué par le passé.