Le préromantisme désigne une période de transition qui précède le romantisme en France, courant majeur du début du XIXe siècle. Ce mouvement, qui prend forme à la fin du XVIIIe siècle, est marqué par une rupture avec les normes classiques et un retour vers l’individualisme, l’émotion, la nature et le subjectivisme. Le préromantisme se développe dans un contexte de profonds changements sociaux, politiques et philosophiques en Europe, notamment la Révolution française et la montée des idéaux libéraux et révolutionnaires.
Le préromantisme émerge à la fin du XVIIIe siècle, une époque caractérisée par des bouleversements majeurs. La Révolution française (1789) transforme radicalement la société, les valeurs et les institutions. Les idées des Lumières influencent profondément la culture, mais la France commence à se désillusionner face aux excès des idéaux rationnels et de l’optimisme philosophique. Ce contexte politique, social et culturel marque une période de crise qui trouve son écho dans la littérature et les arts.
C’est dans ce climat de révolutions sociales et de réflexions profondes sur l’individu et la liberté que les premières figures du préromantisme prennent forme, cherchant à exprimer des sentiments plus personnels, plus émotionnels et plus profonds.
Le préromantisme est essentiellement un mouvement de réaction contre le classicisme et les règles strictes imposées par les siècles précédents. Il se caractérise par plusieurs traits qui annoncent les idées du romantisme à venir :
a) L'individualisme et l'expression des émotions
Le préromantisme valorise la subjectivité, l’individu et ses sentiments personnels. Les écrivains de cette époque explorent les troubles intérieurs, les passions et les désillusions. Ils se tournent vers une vision plus intime et moins idéalisée de l’existence humaine, marquée par la mélancolie, le désespoir et la quête de soi.
Les poètes et écrivains du préromantisme mettent en avant l’expression de l’âme et de la sensibilité humaine, en réponse à un monde de plus en plus agité par les bouleversements sociaux et politiques.
b) La nature, miroir de l'âme humaine
La nature occupe une place centrale dans le préromantisme. Cependant, contrairement à la vision classique de la nature comme un décor ordonné et rationnel, les préromantiques voient la nature comme un reflet de leurs émotions. Elle devient le miroir des tourments de l’âme humaine et sert de moyen d’évasion face aux troubles du monde. Le paysage devient le symbole des sentiments de l’individu, souvent associé à la solitude, au désespoir ou à la mélancolie.
c) La recherche du sublime et du merveilleux
Les écrivains et artistes préromantiques se tournent vers l’imagination et le mystère, souvent en réaction à la rationalité de l'époque des Lumières. Ils s’inspirent de l’irréel, du sublime, et de tout ce qui échappe à la logique et à la raison. L’idéal du sublime, qui mêle beauté et terreur, est une caractéristique du mouvement, annonçant ainsi la recherche du mouvement romantique vers des sentiments forts et contradictoires.
Le préromantisme est un phénomène qui se traduit d’abord par une évolution progressive dans l’écriture de plusieurs auteurs qui ne s’inscrivent pas encore pleinement dans le romantisme, mais dont les œuvres en portent les germes. Parmi les écrivains clés de ce mouvement, on peut citer :
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) : Philosophe et écrivain, Rousseau est l'une des figures les plus influentes du préromantisme. Dans ses œuvres majeures comme "Du Contrat social" et "Les Confessions", il explore des idées sur la liberté, l’individualisme, et l’importance des sentiments personnels. Son concept de la nature comme état originel de l’homme, libre de toute corruption sociale, a une influence déterminante sur le romantisme.
Alphonse de Lamartine (1790-1869) : Bien que son œuvre se situe à cheval entre le préromantisme et le romantisme, Lamartine incarne parfaitement l’exploration de l’âme humaine et des sentiments personnels. Dans des poèmes comme "Méditations poétiques", il exprime la mélancolie, la nature, et les questionnements existentiel avec une grande sensibilité.
François-René de Chateaubriand (1768-1848) : Chateaubriand est une figure centrale du préromantisme. Son œuvre "René" est l’un des premiers romans à montrer un héros tourmenté, solitaire et en quête de sens. Il place l’individu au centre de son œuvre, marqué par la souffrance, l’isolement et l’incompréhension du monde.
Germaine de Staël (1766-1817) : Écrivaine et philosophe, Germaine de Staël est une figure majeure du préromantisme. Dans son essai "De l'Allemagne", elle analyse la littérature allemande et ses liens avec le romantisme, tout en faisant l’éloge de l’individualisme et de l’émotion. Son œuvre marque une transition importante vers les idées romantiques.
En plus de la littérature, le préromantisme trouve un écho dans la peinture, la musique et le théâtre, où l’accent est mis sur l’expression des sentiments personnels et la représentation de la nature sous une forme plus émotionnelle.
La peinture : Les artistes préromantiques, influencés par des courants comme le rococo et le sublime, explorent des thèmes de la nature sauvage, des scènes de solitude et des paysages dramatiques, annonçant l'esthétique romantique. Des peintres comme Goya ou William Blake sont associés à cette période de transition.
La musique : Les compositeurs préromantiques, tels que Beethoven ou Schubert, commencent à s’éloigner de la rigueur classique pour se tourner vers une musique plus expressive et émotionnelle, préfigurant les grandes symphonies romantiques du XIXe siècle.
Le préromantisme, tout en étant un mouvement de transition, constitue une rupture décisive avec les valeurs classiques et rationalistes de l'Ancien Régime. Il place l’individu, l’émotion, et la subjectivité au centre de l’art et de la pensée. L’idéalisation de la nature et la recherche du sublime préparent le terrain pour l’émergence du romantisme au XIXe siècle, qui approfondira et amplifiera ces idées. Ainsi, le préromantisme est une étape fondamentale dans l’histoire de la littérature et des arts, annonçant une vision du monde plus intérieure, plus sensible et plus libre.