8e poème : Jésus console les filles d'israël
Avant qu'il ne monte une dernière fois sur la montagne,
Jésus lève le doigt et se tourne vers le peuple qui l'accompagne,
Quelques pauvres femmes en pleurs avec leurs enfants dans les bras.
Et nous, ne regardons pas seulement, écoutons Jésus car il est là.
Ce n'est pas un homme qui lève le doigt au milieu de cette pauvre enluminure,
C'est Dieu qui pour notre salut n'a pas souffert seulement en peinture.
Ainsi cet homme était le Dieu Tout-Puissant, il est donc vrai !
Il est un jour où Dieu a souffert cela pour nous, en effet !
Quel est-il donc, le danger dont nous avons été rachetés à un tel prix ?
Le salut de l'homme est-il si simple affaire que le Fils
Pour l'accomplir est obligé de s'arracher du sein du Père.
S'il va ainsi du Paradis, qu'est-ce donc que l'enfer ?
Que fera-t-on du bois mort, si l'on fait ainsi du bois vert ?
Introduction :
Le huitième poème de Chemin de la Croix de Paul Claudel, intitulé "Jésus console les filles d'Israël", représente un moment d’introspection profonde où Jésus, en pleine souffrance, se tourne vers les femmes de Jérusalem qui pleurent son sort. Claudel nous invite à une réflexion sur le sens de la souffrance divine et humaine, à travers un regard sur le sacrifice du Christ, qui devient le point de convergence entre le divin et l’humain. À travers cette scène, où Jésus prend la parole non pas pour se lamenter, mais pour apporter une dernière parole de consolation, Claudel explore la relation entre la souffrance et le salut, le divin et l’humain, ainsi que le sens ultime du sacrifice. Nous analyserons ce poème en trois axes : l'humanité du Christ face à la souffrance, le sens du sacrifice et la relation entre la souffrance divine et humaine.
1. L’humanité du Christ face à la souffrance : un acte de compassion
Dans ce poème, Jésus se tourne vers les femmes de Jérusalem qui pleurent son sort. Claudel met en lumière l’humanité de Jésus dans un moment de souffrance extrême. "Avant qu'il ne monte une dernière fois sur la montagne, / Jésus lève le doigt et se tourne vers le peuple qui l'accompagne." Cette image de Jésus levant le doigt pour s’adresser à ceux qui le suivent montre un Christ qui, bien qu’en pleine souffrance, se soucie des autres. Il n’est pas enfermé dans sa propre douleur, mais il se tourne vers ceux qui l’entourent. Les femmes, représentant le peuple, incarnent la compassion humaine, mais Jésus, tout en étant une victime de la violence humaine, leur offre une parole pleine de sagesse divine. Ce geste est celui d’un Christ profondément humain, mais aussi d’un Dieu qui se soucie des âmes humaines, même dans ses derniers moments.
2. Le sens du sacrifice : un prix inouï pour le salut
La réflexion centrale du poème tourne autour du sens du sacrifice que Jésus subit. Claudel met l'accent sur le prix inouï de ce sacrifice, qui dépasse l’entendement humain. "Quel est-il donc, le danger dont nous avons été rachetés à un tel prix ?" La question posée ici interroge le lecteur sur la nature du salut apporté par la souffrance du Christ. Le sacrifice de Jésus, dans ce contexte, apparaît non seulement comme un acte de souffrance personnelle, mais comme un acte rédempteur. "Il est un jour où Dieu a souffert cela pour nous, en effet!" Le Christ, Dieu incarné, choisit de souffrir pour sauver l’humanité, et cette souffrance a un sens profond, celui de la rédemption du genre humain. Claudel nous invite à réfléchir sur ce sacrifice qui n’est pas juste un acte symbolique, mais une action divine qui a pour but de racheter l’homme du péché. La question posée, "S'il va ainsi du Paradis, qu'est-ce donc que l'enfer ?", invite à une méditation sur la nature du salut : si le Christ descend jusqu’à la souffrance extrême pour sauver l'humanité, quelle est la gravité du péché et la portée de l’enfer ?
3. La souffrance divine et humaine : l’alliance des deux dans le Christ
Claudel insiste également sur la relation entre la souffrance divine et humaine, qui se manifestent dans l’acte du sacrifice du Christ. L’auteur souligne la coexistence de l’humanité et de la divinité de Jésus dans son acte de souffrance : "Ce n'est pas un homme qui lève le doigt... / C'est Dieu qui pour notre salut n'a pas souffert seulement en peinture." Cette phrase met en lumière la double nature de Jésus : à la fois pleinement homme, il ressent la souffrance physique et émotionnelle, mais il est aussi Dieu, capable de comprendre et de guider les autres dans leur souffrance. La souffrance de Jésus est donc à la fois humaine – il est victime de l’injustice et de la violence humaine – et divine, puisqu’il porte le fardeau du péché humain pour offrir le salut. Claudel pose la question de ce qu’est la souffrance divine : "Si l'on fait ainsi du bois vert ?" La souffrance de Jésus n’est pas seulement un événement humain, mais un acte divin qui transcende la simple douleur pour devenir un acte rédempteur.
Conclusion :
Dans "Jésus console les filles d'Israël", Claudel nous invite à réfléchir sur la nature profonde de la souffrance du Christ et sur son sacrifice ultime pour le salut de l’humanité. À travers l’image de Jésus qui console les femmes de Jérusalem, l’auteur révèle la profondeur de l’amour divin et de la compassion humaine. Le sacrifice du Christ est à la fois une souffrance divine et humaine, et son prix est infini, car il est celui du salut de tous les hommes. En se tournant vers les femmes, Jésus ne fait pas qu'expliquer sa souffrance, mais il incite à une réflexion sur le sens du sacrifice, du péché et du salut. Ce poème invite à comprendre que la souffrance de Jésus n’est pas en vain, mais qu’elle porte un sens rédempteur et transcendant.