La pièce Œdipe d'André Gide, parue dans Commerce en 1930 et dans La Nouvelle Revue Française en 1931, a été créée par Georges Pitoëff en tournée européenne en 1931 et au Théâtre de l’Avenue en 1932. Elle a attiré trois millions de spectateurs dans les mises en scène de Jean Vilar au Festival d’Avignon (1949) et au Théâtre Marigny (1958).
Le drame en trois actes s'inspire d'Œdipe roi de Sophocle. Le premier acte suit la quête d’Œdipe pour découvrir l’assassin du roi Laïus, ignorant qu'il est lui-même le meurtrier. Le deuxième acte présente une innovation de Gide avec des dialogues entre les enfants d'Œdipe, révélant leurs conflits et aspirations. Le troisième acte se conclut par la découverte de l’inceste et du parricide, suivie du suicide de Jocaste et de l’exil d’Œdipe.
Gide ajoute une dimension personnelle et contemporaine à la tragédie, explorant des thèmes comme l’orgueil, la connaissance, et l’aveuglement, avec des références autobiographiques. La pièce est également marquée par des allusions culturelles et une ironie sous-jacente.
Acte I
Dans l'Acte I d’Œdipe (adaptation de Gide), le protagoniste, Œdipe, se présente avec une grande confiance et fierté. Il décrit sa position de roi, conquérant du bonheur par ses propres efforts, et rejette toute idée de prédestination. Cependant, malgré son arrogance, il se montre conscient de sa place dans un cadre plus vaste, où il attribue parfois ses réussites à l'intervention divine. Le Chœur exprime sa préoccupation à propos de l'attitude d'Œdipe, suggérant qu'il serait plus sage de consulter le prêtre Tirésias, afin de mieux comprendre la crise qui touche Thèbes.
Œdipe apprend que la ville est frappée par la peste et décide de prendre des mesures pour y remédier. Il interroge son beau-frère Créon, qui revient d’un oracle et annonce que la colère des dieux ne se dissipera pas tant que le meurtrier de l’ancien roi Laïus, père d’Œdipe, ne sera pas puni. Œdipe s’engage alors dans une quête pour retrouver ce coupable, ignorant encore que cette recherche le mènera à sa propre chute.
Jocaste, sa femme et mère de ses enfants, essaie de le calmer, lui rappelant que le passé ne peut être changé. Tirésias, l'aveugle prophète, entre en scène et avertit Œdipe de la gravité de sa situation. Il lui conseille d'écouter les signes divins et de se repentir. Cependant, Œdipe refuse de se soumettre à ses prédictions, se considérant au-dessus de toute divination. Le Chœur observe avec inquiétude, conscient que le destin d’Œdipe est désormais inévitablement lié à un malheur annoncé.
Ainsi, cet acte introduit le dilemme du roi, entre son orgueil, son désir de justice et les avertissements prophétiques qui se multiplient autour de lui.
Acte II
Dans l'Acte II de l'adaptation d'Œdipe par Gide, nous assistons à une discussion complexe entre Œdipe et Créon, abordant des thèmes liés à la politique, à la famille, et à la destinée. Créon, représentant de la stabilité et de la tradition, souligne la nécessité d’un équilibre entre l'innovation et le respect des lois et coutumes établies. Il parle de son rôle protecteur envers sa famille, se préoccupant de la santé de Jocaste et des enfants d’Œdipe, tout en exprimant une certaine inquiétude concernant l’éducation des fils d’Œdipe.
Œdipe, de son côté, dévoile un passé complexe et tumultueux. Il raconte son expérience de fils adopté par Polybe, roi de Corinthe, et comment une prophétie annonçant qu'il tuerait son père l’a poussé à fuir, découvrant qu’il était en réalité un enfant abandonné. Il explique comment cette révélation a brisé son passé et l’a forcé à se construire sans référence familiale, un processus qu'il juge émancipateur et nécessaire à son développement personnel. Œdipe rejette les privilèges de la naissance et insiste sur l'importance d’une valeur personnelle, bien plus que d’un héritage.
Les tensions familiales sont également abordées à travers les relations entre les enfants d’Œdipe. Antigone et Polynice discutent de la foi et de la religion, tandis qu'Ismène et Étéocle parlent de leurs différences et des conflits familiaux qui surgissent même au sein d’une fratrie. Créon, écoutant attentivement, remarque que le bonheur d’Œdipe semble fragile, une idée qui se confirme à travers les échanges entre les membres de la famille.
Cet acte met en lumière les thèmes de la prédestination, de la recherche de soi, et des dilemmes familiaux dans un contexte où les liens de sang sont simultanément une source de fierté et de malheur. La tension entre la tradition et l’innovation, la destinée et la liberté individuelle, se trouve au cœur de cette confrontation.
Acte III
Dans cet acte III d'Œdipe de Gide, la tension monte au fur et à mesure qu'Œdipe et Jocaste se confrontent à la vérité de leur passé. Œdipe, déterminé à découvrir toute la vérité, pousse Jocaste à admettre que le meurtrier de Laïus, son mari, était en réalité lui-même, Œdipe, son fils. Cette révélation tragique déclenche une prise de conscience fulgurante chez Œdipe, qui se rend compte qu'il a accompli la prophétie du destin sans le savoir.
Jocaste, dans un état de choc, implore Œdipe de ne pas continuer à chercher cette vérité qui pourrait détruire leur bonheur, mais il est déterminé à savoir, préférant la vérité à l'illusion du bonheur. Il se souvient des événements et comprend que, même si son acte semblait être celui d'un héros, il était en fait la cause d'une tragédie plus grande : il a tué son père et épousé sa mère, accomplissant ainsi la prophétie des dieux.
Les échanges avec Tirésias, qui entre dans la scène à ce moment, montrent la déchéance d’Œdipe et la nécessité pour lui de se repentir pour son péché, mais aussi l'inexorabilité de son destin. Il est pris dans un piège divin où la souffrance devient un moyen de purification.
La scène se termine sur une note désespérée. Jocaste, incapable de faire face à la vérité, se suicide. Œdipe, désespéré, plonge dans l'obscurité de la honte et de la culpabilité, se voyant comme un homme déchu. Le chœur, qui commente ces événements, rappelle l'inéluctabilité du destin et de la justice divine. La situation des enfants d'Œdipe devient aussi plus complexe, marquée par la tragédie familiale qui se joue.